La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

21/10/2022 | FRANCE | N°18/11973

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 13, 21 octobre 2022, 18/11973


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS







COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 13



ARRÊT DU 21 Octobre 2022



(n° , 2 pages)





Numéro d'inscription au répertoire général : S N° RG 18/11973 - N° Portalis 35L7-V-B7C-B6UAY



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 25 Septembre 2018 par le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de BOBIGNY RG n° 18-00906/B





APPELANT

Monsieur [O] [E]

[Adresse 2]

[Localité 4]
>représenté par Me Julien BOUZERAND, avocat au barreau de PARIS, toque : P0570





INTIMEE

CAISSE PRIMAIRE ASSURANCE MALADIE DE SEINE SAINT DENIS

[Adresse 1]

[Localité 3]

représentée par Me Flor...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 13

ARRÊT DU 21 Octobre 2022

(n° , 2 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S N° RG 18/11973 - N° Portalis 35L7-V-B7C-B6UAY

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 25 Septembre 2018 par le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de BOBIGNY RG n° 18-00906/B

APPELANT

Monsieur [O] [E]

[Adresse 2]

[Localité 4]

représenté par Me Julien BOUZERAND, avocat au barreau de PARIS, toque : P0570

INTIMEE

CAISSE PRIMAIRE ASSURANCE MALADIE DE SEINE SAINT DENIS

[Adresse 1]

[Localité 3]

représentée par Me Florence KATO, avocat au barreau de PARIS, toque : D1901

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 06 Septembre 2022, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Laurence LE QUELLEC, Présidente de chambre, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Laurence LE QUELLEC, Présidente de chambre

Madame Sophie BRINET, Présidente de chambre

Monsieur Gilles BUFFET, Conseiller

Greffier : Madame Alice BLOYET, lors des débats

ARRET :

- CONTRADICTOIRE

- prononcé

par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

-signé par Madame Laurence LE QUELLEC, Présidente de chambre et par Madame Alice BLOYET, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

La cour statue sur l'appel interjeté par M. [O] [E] d'un jugement rendu le 25 septembre 2018 par le tribunal des affaires de sécurité sociale de Bobigny dans un litige l'opposant à la caisse primaire d'assurance maladie de Seine Saint Denis (la caisse).

FAITS, PROCÉDURE, PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES :

Les faits de la cause ayant été rapportés par le tribunal dans son jugement au contenu duquel la cour entend se référer pour un plus ample exposé, il suffit de mentionner que M. [O] [E], salarié de la société [7] en qualité d'ouvrier, a indiqué avoir été victime d'un accident du travail qui serait survenu le 19 octobre 2017 ; que la déclaration d'accident du travail établie par l'employeur le 24 octobre 2017 faisait mention d'un accident en date du 20 octobre 2017, à 14H00 et mentionnait que « le compagnon aurait ressenti une douleur à l'épaule droite. En l'absence de témoin, de signalement à sa hiérarchie sous 24H00 et de constatation médicale le jour même, nous contestons le caractère professionnel des symptômes ressentis. L'heure déclarée est nulle et non avenue. Réserves motivées », que l'accident décrit par la victime, a été connu le 23 octobre 2017 à 09H23 par l'employeur ; que le certificat médical initial établi le 20 octobre 2017 fait état des constatations suivantes « douleur épaule droit » et prescrit un arrêt de travail jusqu'au 27 octobre 2017 ; qu'après mesure d'instruction, par décision du 22 janvier 2018, la caisse a refusé de prendre en charge l'accident déclaré ; que M. [E] a contesté cette décision devant la commission de recours amiable, puis sur la base d'une décision implicite de rejet a saisi le 5 mai 2018, le tribunal des affaires de sécurité sociale de Bobigny de la contestation.

Par jugement du 25 septembre 2018, le tribunal a :

- déclaré l'action de M. [E] recevable ;

- déclaré l'action de M. [E] mal fondée ;

- débouté M. [E] de sa demande de reconnaissance de l'accident déclaré par la société à la date du 20 octobre 2017 au titre de la législation sur les risques professionnels.

Pour statuer ainsi la tribunal a retenu l'absence d'éléments objectifs susceptibles de corroborer de manière univoque la version des circonstances temporelles et matérielles de l'accident présentée par M. [E], et plus particulièrement l'identification de la date de l'accident allégué qui n'est pas constante.

M. [E] a le 24 octobre 2018 interjeté appel de ce jugement qui lui avait été notifié le 2 octobre 2018.

Par ses conclusions écrites déposées par son avocat qui les a soutenues oralement à l'audience, M. [E] demande à la cour, par voie d'infirmation du jugement déféré, de :

- constater l'accident du travail du 19 octobre 2017 ;

- ordonner la revalorisation du montant des indemnités journalières au titre de l'accident du travail depuis le 19 octobre 2017 ;

- condamner la caisse à lui verser la différence entre les indemnités journalières perçues au titre de la maladie et celle au titre de l'accident du travail ;

- condamner la caisse à lui verser la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.

Il fait valoir en substance que :

- l'accident est survenu le 19 octobre 2017, date qui est indiquée dans la déclaration d'accident du travail qui mentionne que l'accident a été inscrit sur le registre des accidents bénins, par le témoin, M. [I] et sur le procès verbal de constat par huissier retranscrivant un enregistrement de l'appel téléphonique de M. [P] au [8] ;

- l'existence de la lésion, à savoir une douleur vive à l'épaule droite irradiant le bras jusqu'aux doigts, qui est avérée, est corroborée par l'attestation de M. [I], par l'enregistrement de l'appel téléphonique au [8] et par le certificat médical initial ;

- la blessure à l'épaule survenue en utilisant une scie pour couper des barres de fer sur le chantier dans lequel il travaille pour le compte de son employeur durant ses heures de travail constitue un accident du travail ; le lien entre le travail et le fait accidentel est rapporté par l'enregistrement de l'appel téléphonique au [8] et l'attestation du témoin,

- la lésion est apparue le 19 octobre 2017 aux temps et lieu du travail de sorte qu'il bénéficie de la présomption d'imputabilité.

Par ses conclusions écrites déposées à l'audience par son conseil qui les a soutenues oralement, la caisse demande à la cour de :

- débouter M. [E] de toutes ses demandes,

- condamner M. [E] aux entiers dépens.

Elle réplique en substance que :

- M. [E] ne rapporte pas la preuve d'un fait accidentel aux temps et lieu du travail, pas plus qu'il ne justifie de présomptions graves, précises et concordantes ;

- l'identification de la date de survenance de l'accident n'est pas constante ; M. [E] affirme qu'il aurait été victime d'un accident aux temps et lieu du travail le 19 octobre 2017, toutefois la déclaration d'accident du travail fait état d'un accident survenu le 20 octobre 2017, l'employeur dans son questionnaire précise que l'accident serait survenu en date du 18 octobre 2017, dans le questionnaire adressé à l'assuré, M. [E] indique que l'accident serait survenu le 17 octobre 2017 et aurait été déclaré à son employeur le 18 octobre 2017 ; il est impossible de savoir à quelle date est précisément survenu l'accident , quatre dates différentes ayant été évoquées ;

- en conséquence, M. [E] ne pouvait se prévaloir de la présomption d'imputabilité ;

- il existe également une difficulté quant à l'existence d'un témoin ; la déclaration d'accident du travail ne mentionne aucun témoin, pas plus que les questionnaires renseignés par l'employeur ainsi que par l'assuré ; le témoignage de M. [I] tardif et peu circonstancié ne permet pas d'attester de la matérialité du fait accidentel invoqué ;

- en outre M. [E] ne rapporte pas la preuve du lien direct et exclusif entre les lésions inscrites au certificat médical initial et le fait accidentel évoqué ; le certificat médical initial a été établi au titre d'un accident du 18 octobre 2017 ; l'employeur précise également dans son questionnaire que le 25 octobre 2017, M. [E] a été présenté à la médecine du travail et a refusé qu'il soit procédé à un examen clinique ;

- face à ces incohérences et à la carence probatoire de l'assuré, c'est à bon droit qu''elle a notifié une décision de refus de prise en charge de l'accident déclaré.

SUR CE :

Il résulte de l'article L.411-1 du code de la sécurité sociale que constitue un accident du travail un événement ou une série d'événements survenus à des dates certaines par le fait ou à l'occasion du travail, dont il est résulté, une lésion corporelle.

Il appartient à celui qui déclare avoir été victime d'un accident du travail d'établir autrement que par ses simples affirmations les circonstances exactes de l'accident et son caractère professionnel.

S'agissant de la preuve d'un fait juridique, cette preuve est libre et peut donc être rapportée par tous moyens, notamment par des présomptions graves, précises et concordantes, au sens de l'article 1382 du code civil (dans sa rédaction issue de l'ordonnance du 10 février 2016).

En l'espèce, M. [E] déclare avoir été victime au temps et au lieu du travail d'une douleur à l'épaule droite le 19 octobre 2017, en coupant des barres de fer avec une scie sur un chantier pour le compte de son employeur, douleur qui sera médicalement établie par certificat médical initial en date du 20 octobre 2017 constatant une « douleur épaule droit » et avoir avisé son responsable de chantier le jour même de l'accident ; il lui appartient donc de prouver, d'une part la réalité lesdites lésions, d'autre part la matérialité de l'événement dont il se prévaut, et enfin la circonstance que l'accident a eu lieu au temps et au lieu du travail, ou que les lésions résultent de son activité professionnelle; plus particulièrement, il ne suffit pas à l'assuré d'établir que l'accident dont il se prévaut est possible, mais il lui appartient d'établir de façon certaine chacun des éléments dont il doit rapporter la preuve, l'incertitude affectant l'un quelconque de ces éléments suffisant à le faire échouer dans sa demande.

La déclaration d'accident du travail établie le 24 octobre 2017 par l'employeur (pièce n°4 de M. [E]) mentionne un accident du « 20 octobre 2017 à 14H00 » « le compagnon aurait ressenti une douleur à l'épaule droite. En l'absence de témoin, de signalement à sa hiérarchie sous 24H00 et de constatation médicale le jour même, nous contestons le caractère professionnel des symptômes ressentis. L'heure déclarée est nulle et non avenue. Réserves motivées », accident connu par l'employeur le « 23 octobre 2017 à 09H23 ». (pièce n° 4 des productions de l'appelant et n°1 des productions de la caisse).

La feuille d'accident du travail mentionne un accident du 18 octobre 2017 (pièce n°2 de M. [E]), de même que le certificat médical initial (pièce n°5 de ses productions et pièce n° 2 des productions de la caisse).

Dans le questionnaire renseigné par l'employeur en date du 10 janvier 2018, ce dernier indique que l'accident est survenu le 18 octobre 2017 en faisant mention d'une erreur de date sur la déclaration (pièce n°4 de la caisse). Il précise avoir été informé de l'accident le 23 octobre 2017 soit plus de 24H00 après les faits.

M. [E] indique avoir été influencé par la date du 18 octobre 2017 retenue par erreur par son employeur dans la feuille accident du travail, et avoir continé à indiquer cette date dans les différents arrêts de travail sous peine de se voir priver de toute indemnité journalière.

Force est de constater pourtant qu'il indique la date du 17 octobre 2017 dans le questionnaire du 1er décembre 2017 adressé à la caisse, mentionnant avoir déclaré l'accident le 18 octobre 2017 (pièce n°3 de la caisse).

La date du 19 octobre 2017 transparait dans le procès-verbal de constat d'huissier de l'appel téléphonique au [8] (pièce n°8 de M. [E]) et l'attestation de M. [I] (pièce n°9 de ses productions).

M. [E] produit ainsi une fiche d'information de l'AP-HP et le procès-verbal de constat d'huissier d'un appel au [8] réalisé à partir du fichier audio enregistré par le service d'urgence en date du 20 octobre 2017 (pièces n°7 et 8 de M. [E]). Dans la retranscription de l'appel au [8] par le responsable du chantier, il est notamment indiqué : « j'suis responsable d'un chantier [Adresse 5] à [Localité 6] et j'ai un...compagnon qui a une douleur au...au bras en fait euh...bah...il a trop forcé hier et du coup là, ce matin il...il a une douleur au bras ».

S'il est avéré qu'un responsable de M. [E] a appelé le [8] le matin du 20 octobre 2017, force est de relever que cette personne n'est pas identifiée et qu'il n'est pas précisé si le responsable de M. [E] a été le témoin direct de la douleur qui serait survenue la veille ou s'il se contente de rapporter les propos de la victime.

Dans ses écritures ainsi que dans son questionnaire (pièce n°3 de la caisse), M. [E] identifie M. [P] comme étant l'auteur de l'appel et le désigne explicitement comme étant la première personne avisée, et non pas un témoin des faits. M. [E] ne cite aucun témoin dans son questionnaire.

Par suite, la retranscription de l'appel au [8] ne saurait constituer une preuve de la date certaine de l'accident dès lors qu'il n'est pas établi que M. [P] ait été témoin des faits invoqués.

Par ailleurs M. [E] produit les attestations des 8 mai 2018 et 25 octobre 2018 (pièce n°9 de M. [E]) de M. [I], lequel mentionne un accident du 19 octobre 2017 et indique que la victime en a informé M. [P] le jour même et qu'ils ont convenu de faire la déclaration d'accident du travail le lendemain.

Toutefois en l'absence de témoin déclaré par M. [E] dans le questionnaire adressé à la caisse, le témoignage de M. [I] établi tardivement n'emporte pas la conviction de l'existence d'un accident survenu le 19 octobre 2017.

Enfin la mention dans la déclaration d'accident du travail de l'inscription au registre d'accident du travail bénins le 19 octobre 2017 n'est pas suffisante pour établir l'existence d'un accident à cette date, au regard des différentes dates évoquées par M. [E].

Ainsi, il ne résulte pas des productions de M. [E], même prises dans leur ensemble, et des éléments d'enquête de la caisse la preuve de la survenance le 19 octobre 2017 de l'événement traumatique au temps et au lieu du travail que M. [E] invoque comme étant à l'origine de sa lésion douloureuse de l'épaule droite qui sera médicalement constatée le 20 octobre 2017, avec une date d'accident du travail du 18 octobre 2017.

Dans ces conditions, la preuve de la matérialité d'un événement traumatique et donc d'un accident le 19 octobre 2017 subi par M. [E] au temps et au lieu du travail ou à l'occasion du travail n'est pas rapportée.

Il y a donc lieu de confirmer le jugement ayant débouté M. [E] de sa demande de reconnaissance du caractère professionnel de l'accident.

Succombant à son recours, tenu comme tel aux dépens d'appel, M. [E] sera débouté de sa demande formée au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS :

LA COUR,

DÉCLARE l'appel recevable ;

CONFIRME le jugement déféré en toutes ses dispositions ;

DÉBOUTE M. [O] [E] de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE M. [O] [E] aux dépens d'appel.

La greffière,La présidente,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 13
Numéro d'arrêt : 18/11973
Date de la décision : 21/10/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-10-21;18.11973 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award