RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 6 - Chambre 13
ARRÊT DU 21 Octobre 2022
(n° , 4 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : S N° RG 18/12067 - N° Portalis 35L7-V-B7C-B6USB
Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 18 Septembre 2018 par le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de BOBIGNY RG n° 18-00647
APPELANTE
CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE SEINE SAINT DENIS
[Adresse 1]
[Localité 3]
représentée par Me Florence KATO, avocat au barreau de PARIS, toque : D1901
INTIMEE
SA [5]
[Adresse 2]
[Localité 4]
représentée par Me Bruno LASSERI, avocat au barreau de PARIS, toque : D1946 substitué par Me Alix ABEHSERA, avocat au barreau de PARIS, toque : D1946
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 12 Septembre 2022, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Sophie BRINET, Présidente de chambre, chargée du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Sophie BRINET, Présidente de chambre
Monsieur Raoul CARBONARO, Président de chambre
Monsieur Gilles REVELLES, Conseiller
Greffier : Madame Alice BLOYET, lors des débats
ARRET :
- CONTRADICTOIRE
- prononcé
par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
-signé par Madame Sophie BRINET, Présidente de chambre et par Madame Alice BLOYET, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
La cour statue sur l'appel interjeté par la caisse primaire d'assurance maladie de Seine Saint Denis (la caisse) d'un jugement rendu le 18 septembre 2018 par le tribunal des affaires de sécurité sociale de Bobigny dans un litige l'opposant à la société [5].
FAITS, PROCÉDURE, PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
Les circonstances de la cause ayant été correctement rapportées par le tribunal dans son jugement au contenu duquel la cour entend se référer pour un plus ample exposé, il suffit de rappeler que la caisse, le 21 juin 2016, a pris en charge d'emblée au titre de la législation professionnelle l'accident concernant M. [M] [F], salarié de la société en qualité d'agent d'escale, survenu le 30 mai 2016 et déclaré le 1er juin 2016 par l'employeur qui avait émis des réserves ; que la société, après une vaine contestation en inopposabilité devant la commission de recours amiable, le 5 avril 2018, a porté le litige devant le tribunal des affaires de sécurité sociale de Bobigny lequel par jugement du 18 septembre 2018 a :
- déclaré recevable et bien fondé le recours formé par la société,
- déclaré inopposable à la société la décision rendue par la caisse prenant en charge, au titre de la législation sur les risques professionnels, l'accident dont a été victime M. [M] [F] le 30 mai 2016,
- débouté les parties de leurs demandes plus amples et contraires.
Le jugement lui ayant été notifié le 27 septembre 2018, la caisse en a interjeté appel le 26 octobre 2018.
Par conclusions écrites soutenues oralement à l'audience par son avocat, la caisse demande à la cour de :
- infirmer le jugement en toutes ses dispositions
En conséquence,
- dire opposable à la société la décision de prise en charge de l'accident subi par M. [M] [F] le 30 mai 2016,
- débouter la société de l'ensemble de ses demandes,
- condamner la société en tous les dépens.
La caisse fait valoir en substance que les observations formulées par la société ne constituaient pas des réserves motivées et que par conséquent elle n'avait aucune obligation de diligenter des mesures d'instruction et n'était tenue d'aucune obligation d'information à l'égard de la société ; que la matérialité de l'accident est établie et que la société n'apporte aucune preuve de l'existence d'une cause étrangère au travail qui détruirait la présomption d'imputabilité s'attachant aux lésions survenues au temps et au lieu du travail.
Par conclusions écrites soutenues oralement à l'audience par son avocat, la société demande à la cour de :
- confirmer le jugement en ce qu'il a déclaré inopposable à son égard la décision de prise en charge au titre de la législation professionnelle de l'accident déclaré par M. [M] [F] le 30 mai 2016.
La société fait valoir en substance que contestant la matérialité de l'accident, elle a émis des réserves motivées face auxquelles la caisse se devait d'instruire le dossier ; que ne sont démontrés ni la réalité de la survenance d'un fait accidentel au temps et au lieu du travail le 30 mai 2016 ni le lien de causalité direct et certain entre les lésions alléguées et un fait accidentel.
En application du deuxième alinéa de l'article 446-2 et de l'article 455 du code procédure civile, il est renvoyé aux conclusions des parties déposées le 12 septembre 2022 pour l'exposé des moyens développés et soutenus à l'audience.
SUR CE, LA COUR
1. Sur l'opposabilité de la prise en charge de l'accident du travail
L'article R.441-11 du code de sécurité sociale applicable dispose qu' « en cas de réserves motivées de la part de l'employeur ou si elle l'estime nécessaire, la caisse envoie avant décision à l'employeur et à la victime un questionnaire portant sur les circonstances ou la cause de l'accident ou de la maladie ou procède à une enquête auprès des intéressés (...) ».
Les réserves visées par ce texte s'entendent de la contestation du caractère professionnel de l'accident par l'employeur, et doivent porter sur les circonstances de temps et de lieu de celui-ci ou sur l'existence d'une cause totalement étrangère au travail. Elles doivent apporter des éléments ou indices de nature à mettre en doute la réalité de l'accident survenu et l'imputabilité des lésions au travail.
En l'espèce, la société a établi et transmis le jour de la déclaration d'accident du travail, à savoir le 1er juin 2016, un courrier mentionnant :
« Nous, société [5], émettons expressément toute réserve concernant la matérialité de l'accident de Mr [F].
Le 28 mai dernier, M [F], salarié en qualité d'Agent Escale Avion à l'aéroport de [6] a déclaré qu'une valise serait tombée sur son genou.
Au vue de cette déclaration de notre salarié, nous avons rédigé une déclaration d'accident du travail sur laquelle nous souhaitons vous faire part de nos réserves.
En effet, Mr [F] a été victime de 14 accidents du travail depuis son entrée dans la compagnie en avril 2000 pour 609 jours d'arrêt de travail.
Par ailleurs, il est actuellement en sanction disciplinaire pour une absence de 19 jours non justifiée.
De plus, M. [F] ne présentait pas de lésions corporelles visibles au moment où il a quitté son service.
Compte tenu de ces éléments, nous avons des réserves sur le lien entre les lésions décrites et l'activité professionnelle, aussi, dans le cadre de votre procédure d'instruction et en application de la réglementation en vigueur, nous vous serions reconnaissants de bien vouloir diligenter votre enquête (...) »
Au cas particulier, la cour constate que le courrier de l'employeur remet en cause la matérialité de l'accident du travail au motif d'une cause totalement étrangère au travail, résultant de l'attitude du salarié et de l'absence de lésion corporelle visible. Ce doute quant à l'existence d'une lésion corporelle est corroboré par le certificat médical rédigé le jour des faits qui indique à la rubrique « Constatations détaillées (siège, nature des lésions ou de la maladie professionnelle, séquelles fonctionnelles) » uniquement : « choc sus rotalien genou gauche ». Les réserves de l'employeur étaient donc motivées au sens de l'article R. 441-11 du code de la sécurité sociale et la caisse était tenue d'adresser un questionnaire sur les circonstances ou la cause de l'accident ou de procéder à une enquête auprès des intéressés.
C'est donc par de pertinents motifs, adoptés par la cour que le premier juge a décidé de déclarer inopposable à la société [5] la prise en charge au titre de la législation sur les risques professionnels des faits survenus le 30 mai 2016 à M. [M] [F].
La décision du premier juge doit être confirmée.
2. Sur les dépens
La caisse primaire d'assurance maladie de Seine-Saint-Denis, succombante en cette instance, devra en supporter les dépens engagés depuis le 1er janvier 2019.
PAR CES MOTIFS :
La cour,
Confirme le jugement du tribunal des affaires de sécurité sociale de Bobigny du 18 septembre 2018,
Y ajoutant,
Condamne la caisse primaire d'assurance maladie de Seine-Saint-Denis aux dépens de la procédure d'appel engagés depuis le 1er janvier 2019.
La greffière,La présidente,