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21/10/2022 | FRANCE | N°18/12931

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 13, 21 octobre 2022, 18/12931


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS







COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 13



ARRÊT DU 21 Octobre 2022



(n° , 5 pages)





Numéro d'inscription au répertoire général : S N° RG 18/12931 - N° Portalis 35L7-V-B7C-B6X5B



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 20 Juillet 2018 par le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de PARIS RG n° 17-00398





APPELANTE

CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE LA SEINE SAINT DENIS

[

Adresse 1]

[Adresse 1]

représentée par Me Florence KATO, avocat au barreau de PARIS, toque : D1901





INTIMEE

Société CLINIQUE [3]

[Adresse 2]

[Adresse 2]

représentée par Me Percy...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 13

ARRÊT DU 21 Octobre 2022

(n° , 5 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S N° RG 18/12931 - N° Portalis 35L7-V-B7C-B6X5B

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 20 Juillet 2018 par le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de PARIS RG n° 17-00398

APPELANTE

CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE LA SEINE SAINT DENIS

[Adresse 1]

[Adresse 1]

représentée par Me Florence KATO, avocat au barreau de PARIS, toque : D1901

INTIMEE

Société CLINIQUE [3]

[Adresse 2]

[Adresse 2]

représentée par Me Percy COAGUILA PITA, avocat au barreau de VAL-DE-MARNE, toque : 36 substituée par Me Frédérique BELLET, avocat au barreau de PARIS, toque : C0881

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 06 Septembre 2022, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Laurence LE QUELLEC, Présidente de chambre, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Laurence LE QUELLEC, Présidente de chambre

Madame Sophie BRINET, Présidente de chambre

Monsieur Gilles BUFFET, Conseiller

Greffier : Madame Alice BLOYET, lors des débats

ARRET :

- CONTRADICTOIRE

- prononcé

par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

-signé par Madame Laurence LE QUELLEC, Présidente de chambre et par Madame Alice BLOYET, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

La cour statue sur l'appel interjeté par la caisse primaire d'assurance maladie de la Seine Saint Denis (la caisse) d'un jugement rendu le 20 juillet 2018 par le tribunal des affaires de sécurité sociale de Paris dans un litige l'opposant à la société Clinique [3] (la société).

FAITS, PROCÉDURE, PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES :

M. [N] [E], salarié de la société en qualité de brancardier, a déclaré avoir été victime d'un accident le 1er avril 2016, la déclaration d'accident du travail établie par la société le jour même, faisant mention d'un accident 'en brancardant un patient' et de ce que la société émettait des doutes quant à la réalité des faits allégués par le salarié. Le certificat médical initial établi le 1er avril 2016, faisait état d'un 'lumbago' et prescrivait un arrêt de travail jusqu'au 04 avril 2016.

Le 30 mai 2016, la caisse a informé la société du recours à un délai complémentaire d'instruction.

Le 6 juillet 2016, la caisse a informé la société de ce que l'instruction du dossier était terminée et que 'préalablement à la prise de décision sur le caractère professionnel de l'accident qui interviendra le 25 juillet 2016, vous avez la possibilité de venir consulter les pièces constitutives du dossier'.

Le 25 juillet 2016, la caisse a notifié la décision de reconnaissance du caractère professionnel de l'accident du 1er avril 2016.

Après avoir saisi en vain la commission de recours amiable, le 23 décembre 2016, la société a formé un recours devant le tribunal des affaires de sécurité sociale de Paris, tendant à contester l'opposabilité à son égard de la décision de la caisse de reconnaissance du caractère professionnel de l'accident survenu le 1er avril 2016 à M. [E].

Par jugement en date du 20 juillet 2018, le tribunal a :

- déclaré que la décision prise le 25 juillet 2016 par la caisse de prendre en charge l'accident du travail dont a été victime M. [N] [E] le 1er avril 2016 au titre de la législation sur les risques professionnels est inopposable à la société ;

- rejeté le surplus des demandes des parties.

Pour statuer ainsi le tribunal a retenu que la caisse a réceptionné le premier certificat médical de prolongation d'arrêt de travail le 8 avril 2016, si bien qu'elle disposait d'un délai de trente jours, expirant le 9 mai 2016 pour statuer sur le caractère professionnel de l'accident ; qu'en informant la société le 30 mai 2016 de la nécessité d'un délai complémentaire d'instruction ne pouvant excéder deux mois, elle n'a pas satisfait à ses obligations résultant des dispositions des articles R.441-10 et R.441-14 du code de la sécurité sociale, et n'a pas respecté le principe du contradictoire.

La caisse a le 13 novembre 2018 interjeté appel de ce jugement qui lui avait été notifié à une date non déterminée au vu des éléments du dossier.

Par ses conclusions écrites soutenues oralement, déposées et complétées à l'audience par son conseil, la caisse demande à la cour, par voie d'infirmation du jugement déféré, de :

- déclarer opposable à la Clinique [3] la décision de prise en charge de l'accident survenu à M. [E] ;

- déclaré opposable à la Clinique [3] les soins et arrêts de travail prescrits à M. [E] jusqu'à la date de consolidation ;

En tout état de cause,

- condamner la Clinique [3] aux entiers dépens.

A l'audience, le conseil de la caisse demande par ailleurs la condamnation de la Clinique [3] à lui payer la somme de 1 200 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Elle fait valoir en substance que :

- elle a réceptionné le certificat médical initial le 3 mai 2016 ce dont il résulte que le délai pour notifier un recours à un délai d'instruction complémentaire expirait le 4 juin 2016 par application de l'article R.441-10 du code de la sécurité sociale ; la société ayant accusé réception du courrier le 6 juin 2016 qui était un lundi, le courrier a nécessairement été posté avant l'expiration du délai d'instruction ;

- en toute hypothèse, selon une jurisprudence constante de la Cour de cassation, le non-respect par la caisse du délai d'instruction n'est pas de nature à entraîner l'inopposabilité de la décision de prise en charge à l'égard de l'employeur ; c'est à tort que le tribunal a retenu l'inopposabilité de la décision de prise en charge au seul motif que la caisse n'a pas respecté les délais ;

- il ressort de la déclaration d'accident du travail que l'employeur a constaté l'accident le jour même de sa survenue ; il ne peut contester que M. [E] était bien aux temps et lieu du travail au moment de l'accident ; c'est ce qui ressort du questionnaire de l'employeur ; la lésion médicalement constatée est cohérente avec le mécanisme accidentel décrit par M. [E] dans le questionnaire qui lui a été adressé ; compte tenu de l'ensemble des présomptions graves, précises et concordantes, c'est à bon droit qu'elle a décidé de prendre en charge l'accident au titre de législation professionnelle ; pour renverser la présomption, il appartient à l'employeur de rapporter la preuve que les lésions trouvent leur origine dans une cause totalement étrangère ou dans un état pathologique antérieur, or la société n'a versé aucun élément en ce sens ;

- toutes les conséquences de l'accident du travail bénéficient de la présomption d'imputabilité jusqu'à la guérison ou la consolidation du salarié ; la caisse justifie avoir enregistré des arrêts de travail à compter du 1er avril 2016 jusqu'à la date de consolidation fixée au 31 octobre 2016 faisant état d'une continuité de symptômes et de soins ; sauf à inverser la charge de la preuve, ce n'est pas à la caisse de prouver que les soins et arrêts de travail prise en charge sont exclusivement imputables à l'accident du travail et l'employeur n'a fait état d'aucune cause totalement étrangère au travail, ni d'aucun état pathologique antérieur qui serait en lien exclusif avec les soins et arrêts de travail prescrits à M. [E].

Par ses conclusions écrites soutenues oralement et déposées à l'audience par son conseil, la société demande à la cour, de :

- déclarer la caisse mal fondée en son appel ;

- confirmer le jugement entrepris;

Vu les dispositions de l'article R.441-10 et suivants du code de la sécurité sociale,

- juger que la caisse disposait d'un délai d'instruction de 30 jours expirant le 2 mai 2016 ;

- juger que la caisse n'a pas informé la société de la clôture d'instruction et de la possibilité de consulter les pièces du dossier, préalablement à sa reconnaissance du 2 mai 2016 du caractère professionnel de l'accident de M. [E] ;

En conséquence,

- juger que la décision de prise en charge de l'accident du travail déclaré par M. [E] au titre de la législation sur les risques professionnels, est inopposable à la société ;

En tout état de cause,

- juger qu'en s'abstenant de justifier des éléments fondant sa décision de prise en charge dès la phase amiable, la caisse a nécessairement contraint la société de saisir la juridiction judiciaire ;

En conséquence,

- condamner la caisse à 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.

La société réplique en substance que :

- elle n'a été invitée à consulter les pièces du dossier qu'après la reconnaissance du caractère professionnel de l'accident déclaré par M. [E] ; elle a établi le 1er avril 2016 une déclaration d'accident du travail ; M. [E] a consulté un médecin le 1er avril et il lui a été prescrit un premier arrêt de travail de trois jours ; la caisse disposait donc d'un délai d'instruction de 30 jours expirant le 2 mai 2016 ; en l'absence de prolongation de l'instruction pendant ce délai, le caractère professionnel de l'accident de M. [E] a été reconnu le 2 mai 2016 conformément aux dispositions des articles R.441-10 et suivants du code de la sécurité sociale ; dès lors, la prolongation de l'instruction du 30 mai 2016 et l'information donnée par la caisse le 6 juillet 2016 sur la possibilité pour l'employeur de consulter les pièces du dossier avant le 25 juillet 2016 étaient factices, la caisse ne pouvant revenir sur la reconnaissance du 2 mai du caractère professionnel de l'accident de M. [E] ; préalablement à cette reconnaissance du 2 mai 2016 du caractère professionnel de l'accident, la caisse n'a pas informé la société de la clôture d'instruction et de la possibilité de consulter les pièces du dossier, en violation du principe du contradictoire ; au constat du non-respect par la caisse des dispositions de l'article R.441-10 et de l'article R.441-14 du code de la sécurité sociale, le jugement doit être confirmé.

SUR CE :

En vertu des dispositions des articles R. 441-10 et R. 441-14 du code de la sécurité sociale, dans leur rédaction issue du décret 2009-938 du 29 juillet 2009, applicable au litige, le caractère implicite de la décision de la caisse primaire d'assurance maladie de reconnaître le caractère professionnel d'un accident, faute de décision expresse dans le délai de trente jours, ne rend pas par lui-même cette décision inopposable à l'employeur, alors que l'inobservation du délai dans la limite duquel doit statuer la caisse n'est sanctionnée, faute de notification de la prolongation du délai d'instruction, que par la reconnaissance du caractère professionnel de l'accident dont seule la victime peut se prévaloir.

Il résulte des pièces du dossier de la caisse (pièces n° 1,2,3 de ses productions) que la caisse a réceptionné la déclaration d'accident du travail le 4 avril 2016, puis le certificat médical initial le 5 avril 2016. Le délai pour notifier un recours à une instruction complémentaire expirait le 6 avril 2016. Il importe peu que la caisse ait notifié à la société le recours au délai complémentaire d'instruction par courrier du 30 mai 2016, réceptionné le 6 juin 2016, dès lors que contrairement à ce que la société invoque la seule conséquence du non-respect du délai d'instruction visé à l'article R.441-10 du code de la sécurité sociale est la prise en charge implicite de l'accident au bénéfice de l'assuré, dont seul ce dernier peut se prévaloir et non la société qui ne peut utilement invoquer le non respect des délais par la caisse, dès lors que le caractère implicite de la décision de la caisse primaire d'assurance maladie de reconnaître le caractère professionnel d'un accident, faute de décision expresse dans le délai de trente jours, ne rend pas par lui-même cette décision inopposable à l'employeur.

Il résulte de la pièce n°5 des productions de la caisse, que cette dernière a informé l'employeur par lettre du 6 juillet 2016, de la possibilité de consulter les pièces du dossier avant le 25 juillet 2016, date à laquelle la décision sur la prise en charge de l'accident devait intervenir. Par lettre du 25 juillet 2016, la caisse a notifié à la société la décision de reconnaissance du caractère professionnel de l'accident.

Par suite, la société ne saurait se prévaloir du non respect des dispositions de l'article R.441-10 et R.441-14 du code de la sécurité sociale, alors que la caisse établit qu'elle a respecté le principe du contradictoire à l'égard de la société.

La société n'invoque aucun moyen d'inopposabilité tenant à la matérialité de l'accident qui n'est pas discutée et qui est établie par la caisse par des présomptions, graves précises et concordantes ainsi qu'il résulte de la déclaration d'accident du travail qui mentionne que l'accident est survenu le 1er avril 2016 à 16 h 10, puis a été porté à la connaissance de l'employeur à 16 h 20, des constatations médicales effectuées par certificat médical initial daté du même jour , lesquelles sont en concordance avec les déclarations de l'assuré telles que résultant du questionnaire renseigné par ses soins .

La présomption du caractère professionnel de l'accident survenu au temps et au lieu du travail s'applique et n'est pas renversée par l'employeur.

Par suite, il convient par infirmation du jugement de déclarer opposable à la société la décision de prise en charge de l'accident survenu à M. [E] le 1er avril 2016.

La présomption d'imputabilité au travail des lésions apparues à la suite d'un accident, dès lors qu'un arrêt de travail a été initialement prescrit ou que le certificat médical initial est assorti d'un arrêt de travail, s'étend à toute la durée d'incapacité de travail précédant soit la guérison complète, soit la consolidation de l'état de la victime, et il appartient à l'employeur qui conteste cette présomption d'apporter la preuve contraire.

En l'espèce, la caisse produit le certificat médical initial en date du 1er avril 2016 qui prescrit un arrêt de travail jusqu'au 04 avril 2016, (pièce n° 2 des ses productions). Elle produit par ailleurs l'ensemble des certificats médicaux de prolongation d'arrêt de travail, ininterrompue, pour la période du 4 avril 2016 au 31 octobre 2016 date de reprise du travail (pièces n° 8 à 23 des productions de la caisse).

La caisse bénéficie ainsi de la présomption d'imputabilité de l'ensemble des soins et arrêts de travail prescrits à M. [E] laquelle n'est pas combattue par la société.

Il convient en conséquence de déclarer opposable à la société l'ensemble des soins et arrêts de travail prescrits à M. [E] jusqu'au 31 octobre 2016.

Succombant au recours de la caisse, comme telle tenue aux dépens, la société sera déboutée de sa demande au titre des frais irrépétibles et sera condamnée à payer à la caisse la somme de 1 200 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS :

LA COUR,

DÉCLARE l'appel recevable ;

INFIRME le jugement déféré en toutes ses dispositions ;

Statuant à nouveau,

DÉCLARE opposable à la société Clinique [3] la décision de la caisse primaire d'assurance maladie de Seine-Saint-Denis de prise en charge de l'accident survenu à M. [E] le 1er avril 2016 ;

DÉCLARE opposable à la société Clinique [3] l'ensemble des soins et arrêts de travail prescrits à M. [E] jusqu'au 31 octobre 2016 ;

DÉBOUTE la société Clinique [3] de sa demande au titre des frais irrépétibles ;

CONDAMNE la société Clinique [3] à payer à la caisse primaire d'assurance maladie de Seine-Saint-Denis la somme de 1 200 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE la société Clinique [3] aux dépens d'appel.

La greffière,La présidente,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 13
Numéro d'arrêt : 18/12931
Date de la décision : 21/10/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-10-21;18.12931 ?
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