Copies exécutoiresRÉPUBLIQUE FRANÇAISE
délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 5 - Chambre 10
ARRET DU 07 NOVEMBRE 2022
(n° , 7 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/00632 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CC4YH
Décision déférée à la Cour : Jugement du 14 Décembre 2020 -TJ de PARIS - RG n° 18/03982
APPELANT
Monsieur [P] [Z]
né le [Date naissance 2] 1940 à [Localité 9]
Domicilié [Adresse 3]
[Localité 4]
Représenté par Me Bruno REGNIER de la SCP SCP REGNIER - BEQUET - MOISAN, avocat au barreau de PARIS, toque : L0050, Me Florence LOTY- PORZIER de la SELARL NICOLAI-LOTY-SALAUN, avocat au barreau de PARIS
INTIME
LE DIRECTEUR RÉGIONAL DES FINANCES PUBLIQUES D'ILE DE FRANCE Le Directeur Régional des Finances Publiques d'Ile de France et du département de [Localité 11] qui élit domicile
en ses bureaux du Pôle Fiscal Parisien
[Adresse 1]
situés [Adresse 1])
Représenté par Me Guillaume MIGAUD de la SELARL ABM DROIT ET CONSEIL AVOCATS E.BOCCALINI & MIGAUD, avocat au barreau de VAL-DE-MARNE, toque : PC430
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 22 Septembre 2022, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Edouard LOOS, Président, chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Monsieur Edouard LOOS, Président
Madame Christine SIMON ROSSENTHAL, Présidente
Madame Sylvie CASTERMANS, Conseillère
Greffier, lors des débats : Mme Sylvie MOLLÉ
ARRÊT :
- contradictoire
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Edouard LOOS, Président et par Sylvie MOLLÉ, Greffier présent lors du prononcé.
FAITS ET PROCEDURE
Le procureur de la République du tribunal de grande instance de Nice, en exécution d'une demande d'entraide judiciaire faite par les autorités suisses, a fait procéder le 20 janvier 2009 à une perquisition au domicile de M. [L] [H], qui était soupçonné d'avoir soustrait à son ancien employeur, la banque suisse HSBC Private Bank, divers fichiers informatiques, d'où ressortaient les noms de détenteurs de comptes de cet établissement.
Le 9 juillet 2009, le procureur de la République du tribunal de grande instance de Nice a transmis à l'administration fiscale les fichiers recueillis sur perquisition, en application de l'article L.101 du livre des procédures fiscales, qui lui ont été remis aux termes de deux procès-verbaux des 2 septembre 2009 et 12 janvier 2010.
Après exploitation de ces fichiers, l'administration fiscale a adressé le 3 février 2014 à M. [P] [Z] ainsi qu'à son épouse, [S] [D] épouse [Z], une demande d'information et de justification sur l'origine et les modalités d'acquisition d'avoirs qu'ils auraient détenus, par l'intermédiaire d'une société Micross INC sise à Panama, sur des comptes non déclarés [XXXXXXXXXX05], [XXXXXXXXXX06], [XXXXXXXXXX07], [XXXXXXXXXX08], laissant apparaître une somme de 7.716.131 dollars américains en décembre 2005 et 8.445.948 dollars américains en 2006.
M. [Z] ayant indiqué par lettre du 17 février 2014 n'avoir aucune connaissance de ces comptes, a reçu, le 6 novembre 2015, de l'administration fiscale une proposition de rectification de ses déclarations des revenus n°2042 souscrites au titre des années 2005 à 2007, portant sur un montant de 3.818 .816 euros, considérant le montant le plus important de ces avoirs, soit la somme de 8.445.948 dollars américains convertis au taux applicable au 2 janvier 2007, comme un patrimoine acquis à titre gratuit et le soumettant, par conséquent, aux droits d'enregistrement au taux de 60% par application des dispositions des articles 755 du code général des impôts et du tableau III de l'article 777 de ce code.
A la suite des observations présentées par M. [Z], l'administration fiscale a confirmé par lettre du 22 décembre 2015 les rectifications envisagées. Les droits de mutation à titre gratuit ont été mis en recouvrement le 8 août 2016.
M. [Z] a contesté le rappel de ces droits d'enregistrement par une réclamation du 20 septembre 2016. Cette contestation a fait l'objet d'une décision de rejet du service en date du 2 février 2018.
Par acte d'huissier de justice en date du 30 mars 2018, M. [P] [Z] a fait assigner devant le tribunal judiciaire de Paris la direction générale des finances publiques.
* * *
Vu le jugement prononcé le 14 décembre 2020, le tribunal judiciaire de Paris a statué comme suit :
- Déboute M. [P] [Z] de l'ensemble de ses demandes ;
- Condamne M. [P] [Z] aux entiers dépens.
Vu l'appel déclaré le 4 janvier 2021 par M. [P] [Z] ,
Vu les dernières conclusions signifiées le 7 septembre 2022 par M. [P] [Z],
Vu les dernières conclusions signifiées le 1er juillet 2021 par le directeur régional des finances publiques d'Ile-de-France et du département de [Localité 11] ,
Monsieur [P] [Z] demande à la cour de :
Vu les articles 755, 1649a, 1649aa, 1649ab du code général des impôts, les articles L 23c, L 1000aa de la loi du 6 décembre 2013, L 101, L 181oaa du livre des procédures fiscales, et l'article 2222 du code civil,
- Réformer le jugement entrepris en toutes ses dispositions.
- Juger que l'administration n'a pas valablement rapporté la preuve de l'existence des avoirs sur la base desquels se trouve assis le rehaussement mis à la charge de Monsieur [P] [Z].
Subsidiairement,
- Juger que le fait générateur d'une imposition ne peut être que la détention d'avoirs réels ou prétendus et non l'absence de réponse à une question posée par l'administration fiscale, fût-ce au visa de l'article 23c du code des procédures fiscales.
- Juger qu'à supposer qu'une telle absence de réponse puisse constituer le fait générateur d'une imposition, cette circonstance ne pourrait s'appliquer qu'à des situations non encore prescrites lors du questionnaire adressé au contribuable au visa dudit article 23c du code des procédures fiscales.
- Juger qu'aucun des éléments versés aux débats par l'administration ne permettant de constater l'existence d'un fait générateur postérieur au 31 décembre 2016, l'appelant doit bénéficier de la prescription de l'article 755 du code général des impôts, tel que rédigé antérieurement à la loi du 31 décembre 2012 portant de six à dix ans le droit de reprise de l'administration.
- Constater que l'article 23c du code des procédures fiscales est une règle de procédure permettant seulement à l'administration de procéder par taxation d'office et non contradictoire sur la base de documents qu'elle détient.
- Juger en conséquence que les documents tombés en sa possession faisant état de prétendus avoir antérieurs au 1er janvier 2007, il lui appartenait de constater la prescription de son droit de reprise de six années.
- Constater l'acquisition de la prescription.
- En toute hypothèse, prononcer le dégrèvement total des impositions mises à sa charge.
- Ordonner la restitution de toutes les sommes déjà perçues par l'administration sur saisie de ses droits à retraite.
- Condamner la Direction générale des finances publiques et du département de [Localité 11] en tous les dépens.
Le directeur régional des finances publiques d'Ile-de-France et du département de [Localité 11] demande à la cour de tatuer comme suit :
- Dire et juger Monsieur [P] [Z] mal fondé en son appel du jugement rendu le 14 décembre 2020 par le tribunal judiciaire de Paris ;
- Débouter Monsieur [P] [Z] de toutes ses demandes, fins et conclusions ;
Statuant à nouveau :
- Confirmer le jugement du tribunal judiciaire de Paris du 14 décembre 2020.
Y faisant droit,
- Condamner Monsieur [P] [Z] à payer la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.
SUR CE, LA COUR
a) Sur les griefs relatifs à l'origine illicite des fichiers servant de support au redressement et à leur falsification ultérieure
M. [Z] soutient à titre principal que la totalité des documents volés par M. [H] est entrée en possession de l'administration dès le mois de décembre de décembre 2008 et que ces documents lui sont parvenus de manière délictueuse avant leur prétendue régularisation dans le cadre de la procédure diligentée par le parquet de Nice.
Il soutient également que les fichiers détenus par l'administration ont été modifiés.
Selon l'administration fiscale, les informations figurant dans le fichier HSBC sont parfaitement licites et n'ont subi aucune transformation.
Ceci étant exposé , il est établi que les extraits des données informatiques utilisées par l'administration fiscale dans le cadre de la procédure de taxation d'office contre M. [Z] ont été dérobées par M. [H], ancien informaticien salarié de la filiale suisse de la banque HSBC. Ces pièces ont été obtenues par la perquisition légalement effectuée au domicile de M. [H] à [Localité 10] le 20 janvier 2009 dans le cadre de l'exécution d'une commission rogatoire internationale délivrée à l'initiative des autorités judiciaires helvétiques et ont fait l'objet d'une communication régulière à l'administration fiscale les 9 juillet 2009, 2 septembre 2009 et 12 janvier 2010, conformément aux dispositions des articles L 101 et L 135 du livre des procédures fiscales.
Ainsi, dès lors que ces documents ont été régulièrement communiqués à l'administration fiscale dans le cadre de son droit de communication prévue par le livre des procédures fiscales par le ministère public qui lui-même les a appréhendés dans le cadre d'une procédure pénale régulière et qu'elle sont été soumises au débat contradictoire entre les parties, ils ne peuvent pas être écartés au seul motif de leur origine.
Le Conseil Constitutionnel a relevé dans sa décision n° 2013-679 du 4 décembre 2013 « que les documents, pièces ou informations portés à la connaissance des administrations fiscale ou douanière, dans le cadre des procédures de contrôle, ne peuventêtre écartés au seul motif de leur origine et doivent avoir été régulièrement portés à la connaissance des administrations fiscale ou douanière ».
Il n'est d'autre part pas établi que l'administration fiscale aurait confectionné les pièces litigieuses ni participé directement ou indirectement à la leur production, le rapprochement et le décryptage des données informatiques ne pouvant s'analyser comme une confection d'éléments de preuve par une autorité publique. Ces données ne peuvent donc pas constituer des preuves illicites.
L'article L10-OAA du livre des procédures fiscales dispose que:
' Dans le cadre des procédures prévues au présent titre, à l'exception de celles mentionnées
aux articles L.16B et L.38 ne peuvent être écartés au seul motif de leur origine les documents, pièces ou informations que l'administration utilise et qui sont régulièrement
portés à sa connaissance soit dans les conditions prévues au chapitre II du présent titre ou
aux article L. 114 et L.114 A soit en application des droits de communication qui lui sont
dévolus par d'autres textes, soit en application des dispositions relatives à l'assistance administrative par les autorités compétentes des Etats étrangers.
Le simple rappel de ces dispositions dans la proposition de rectification adressée à M. [Z] le 6 novembre 2015 est insusceptible d'emporter une quelconque irrégularité puisque l'administration fiscale ne s'en prévaut pas pour s'opposer à une demande tendant à déclarer illicites les preuves obtenues en 2009.
Le jugement déféré doit ainsi être confirmé en ce qu'il a déclaré licite l'origine des fichiers ayant servi de support au redressement dont M. [Z] a fait l'objet et en ce qu'il a écarté le grief relatif à la falsification.
b) Sur le grief relatif à l'application rétroactive des sanctions prévues par les articles L 23C du livre des procédures fiscales et 755 du code général des impôts.
M. [Z] expose que le principe de non rétroactivité des peines posé par les articles 8 et 9 de la déclaration de 1789 et par l'article 7, paragraphe 1 de la convention de sauvegarde de droits de l'homme et des libertés fondamentales s'oppose à l'application de mesures répressives du fait d'agissements allégués antérieurs à l'entrée en vigueur de la loi.
L'administration fiscale s'y oppose .
Ceci étant exposé les dispostions invoquées par M. [Z] n'ont pas la nature de sanctions répressives et ne sont pas soumises au principe de non rétroactivité de la loi pénale. Elles sont destinées à permettre l'établissement de l'assiette de l'impôt .
Le fait générateur résulte de l'absence de réponse du contribuable aux demandes formulées sur le fondement de l'article L23C du livre des procédures fiscales. Les dispositions prévues aux articles L 23C du livre des procédures fiscales et 755 du code général des impôts résultent de la loi du 29 décembre 2012 et ont été prises dans un but de lutte contre la fraude fiscale .
M. [Z] a fait l'objet d'une demande d'informations et de justifications sur des avoirs détenus ou utilisés à l'étranger non déclarés en application de l'article L 23 C du livre des procédures fiscales en vigueur depuis le 1er janvier 2013.
Le grief d'application de loi rétroactive doit être rejetée.
c) Sur le grief relatif à la prescription du droit de reprise.
Au soutien de la fin de non recevoir relative à la prescription du droit de reprise, M. [Z] soulève les moyens repris dans le dispositif de ses dernières conclusions dont le contenu a été ci dessus rappelé .
L'administration fiscale s'y oppose.
Ceci étant exposé, l'article L23C du livre des procédures fiscales dans sa version en vigueur depuis le 1 er janvier 2013 comporte les dispositions suivantes :
'Lorsque l'obligation prévue au deuxième alinéa de l'article 1649 A ou à l'article 1649AA du code général des impôts n'a pas été respectée au moins une fois au titre des dix années précédentes, l'administration peut demander, indépendamment d'une procédure d'examen de situation fiscale personnelle, à la personne physique soumise à cette obligation de fournir dans un délai de soixante jours toutes informations ou justifications sur l'origine et les modalités d'acquisition des avoirs figurant sur le compte ou le contrat d'assurance-vie.
Lorsque la personne a répondu de façon insuffisante aux demandes d'informations ou de justifications, l'administration lui adresse une mise en demeure d'avoir à compléter sa réponse dans un délai de trente jours, en précisant les compléments de réponse qu'elle souhaite.'
L'article 755 du code général des impôts dans sa version en vigueur depuis le 7 juin 2013 est ainsi rédigé :
'Les avoirs figurant sur un compte ou un contrat d'assurance-vie étranger et dont l'origine et les modalités d'acquisition n'ont pas été justifiées dans le cadre de la procédure prévue à l'article L.23 C du livre des procédures fiscales sont réputés constituer, jusqu'à preuve contraire, un patrimoine acquis à titre gratuit assujetti, à la date d'expiration des délais prévus au même article L. 23 C, aux droits de mutation à titre gratuit au taux le plus élevé mentionné du tableau III de l'article 777.
Ces droits sont calculés sur la valeur la plus élevée connue de l'administration des avoirs figurant sur le compte ou le contrat d'assurance-vie au cours des dix années précédant l'envoi de la demande d'informations ou de justifications prévue à l'article L. 23 C du livre des procédures fiscales, diminuée de la valeur des avoirs dont l'origine et les modalités d'acquisition ont été justifiées.'
Dans la présente espèce l'administration fiscale a présenté le 3 février 2014 aux époux [Z] une demande d'information et de justification sur des avoirs détenus ou utilisés à l'étranger et non déclarés pour les années 2005 à 2007 incluses dans les 10 années précédant la demande conformément au délai prévu à l'article l'article L23C du livre des procédures fiscales dont le contenu a été ci dessus rappelé.
La réponse des époux [Z] du 17 février 2014 comportant une dénégation totale n'a pas donné lieu à une demande de complément d'informations.
Le point de départ de la prescription se situe ainsi au 4 avril 2014 soit 60 jours après la demande d'informations.
Contrairement à ce que soutient M. [Z], aucune prescription ne porte sur la période 2005/2006 .
Le jugement déféré doit ainsi être confirmé en toutes ses dispositions.
d) Sur l'article 700 du code procédure civile
Une indemnité doit être allouée à l'appelant sur ce fondement .
PAR CES MOTIFS
CONFIRME le jugement déféré;
CONDAMNE M. [P] [Z] à verser au directeur régional des finances publiques d'Ile-de-France et du département de [Localité 11] la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code procédure civile;
REJETTE toutes autres demandes ;
CONDAMNE M. [P] [Z] aux dépens.
LE GREFFIER LE PRESIDENT
S.MOLLÉ E.LOOS