REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 5 - Chambre 10
ARRÊT DU 7 NOVEMBRE 2022
(n° , 17 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/18857 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CESNZ
Sur renvoi après un arrêt de la Cour de Cassation de Paris- du 23 juin 2021, de la chambre commerciale de la Cour de cassation emportant cassation d'un arrêt rendu par la Cour d'appel de Paris du 12 novembre 2018 d'un jugement rendu le 26 février 2013 par le tribunal d'instance du 11ème arrondissement de Paris.
APPELANTES
S.A.S. VESTEL FRANCE
Ayant son siége social
[Adresse 3]
[Adresse 3]
[Localité 8]
Prise en la personne de son représentant légal
Représentée par Me Fabien FOUCAULT de la SCP HARVING AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : P0111
S.A. TIER PORT SERVICES
Ayant son siége social
[Adresse 2]
[Adresse 2]
[Localité 1]
Prise en la personne de son représentant légal
Représentée par Me Fabien FOUCAULT de la SCP HARVING AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : P0111
S.A.S. WORMS SERVICES MARITIMES
Ayant son siége social
[Adresse 5]
[Localité 6]
N° SIRET : 342 43 5 6 82
Prise en la personne de son représentant légal
Représentée par Me Fabien FOUCAULT de la SCP HARVING AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : P0111
INTIME
ADMINISTRATION DES DOUANES ET DROITS INDIRECTS
Direction Nationale du Renseignement et des Enquêtes Douanières,
[Adresse 4]
[Localité 9]
Représenté par Me Bruno REGNIER de la SCP SCP REGNIER - BEQUET - MOISAN, avocat au barreau de PARIS, toque : L0050
Représenté par Me Dan HAZAN de la SELARL ASTORIA - CABINET D'AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : G0258
INTERVENANTE FORCEE
Société DHL GLOBAL FORWARDING
Ayant son siége social
[Adresse 10]
[Adresse 10]
[Localité 7]
Représentée par Me Stéphane LE ROY de l'AARPI GODIN ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : R259
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 05 Septembre 2022, en audience publique, devant la Cour composée de :
Madame Brigitte BRUN-LALLEMAND, Première Présidente de chambre
Monsieur Jacques LE VAILLANT, Conseiller
Madame Nadège BOSSARD, Conseillère
qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l'audience par Monsieur Jacques LE VAILLANT dans les conditions prévues par l'article 804 du code de procédure civile.
Greffier, lors des débats : Madame Sylvie MOLLÉ
ARRÊT :
- contradictoire
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Brigitte BRUN-LALLEMAND, Première Présidente de chambre et par Sylvie MOLLÉ, Greffier présent lors du prononcé.
FAITS ET PROCÉDURE
La société Vestel France, filiale à 99,8 % de la société Vestel Dis Ticaret (Vestel Foreign Trade) localisée en Turquie, a acheté auprès de cette dernière des appareils récepteurs de télévision équipés de tubes cathodiques. Les déclarations d'importation indiquaient que les produits étaient d'origine turque. En raison d'un certificat de libre circulation entre l'Union européenne et la Turquie, ces produits étaient exemptés de droits de douane.
A la suite d'un contrôle initié à partir de 2002, visant à vérifier l'exactitude des mentions d'origine, et d'une mission communautaire organisée en Turquie, sous l'égide de l'Office de lutte anti-fraude (OLAF), il est apparu qu'une partie des téléviseurs étaient équipés de tubes cathodiques d'origines chinoise ou coréenne et que ces téléviseurs avaient été exportés vers plusieurs pays membres de l'Union européenne, dont la France au profit de la société Vestel France. Il a été considéré que les téléviseurs fabriqués par la société Vestel en Turquie incorporant des tubes cathodiques d'origine chinoise ou coréenne, avaient cette origine et devaient être soumis aux droits anti-dumping.
Par procès-verbal du 25 avril 2007, modifié par un procès-verbal du 4 mai 2007, deux infractions ont été notifiées par l'administration des douanes à la société Vestel France pour les importations qu'elle a réalisées en 2000 et 2001 pour fausse déclaration d'origine sur les importations d'appareils récepteurs de télévision, prévue par l'article 426-4° du code des douanes, et contrebande de marchandises fortement taxées pour une partie des appareils, prévue par l'article 417 du code des douanes, éludant un montant de droits anti-dumping et de taxes de 14 535 583 euros.
Un avis de mise en recouvrement (AMR) a été émis le 24 mai 2007 pour ce montant.
L'infraction de fausse déclaration d'origine sur les importations d'appareils récepteurs de télévision a également été notifiée aux commissionnaires agréés en douane intervenus dans les opérations de dédouanement soit les sociétés Tier port services (la société TPS) et Worms services maritimes (la société Worms) selon procès-verbaux respectivement des 31 juillet 2007 et 1er août 2007 ainsi qu'à la société Exel Freight venant aux droits de la société MSAS Global Logistics, selon procès-verbal du 31 juillet 2007 et la société Europa SCA Express (la société Europa), selon procès-verbal du 1er août 2007.
Un AMR a été émis à l'encontre de chacune de ces quatre sociétés, le 13 août 2007 pour des montants de :
- 2 628 310 euros à la société Worms,
- 5 834 446 euros à la société TPS,
- 4 155 155 euros à la société Exel Freight,
- 818 739 euros à la société Europa.
Par décision du 4 août 2008, l'administration des douanes a rejeté les contestations des AMR des sociétés Vestel France, Worms et TPS des 22 juin, 14 et 16 août 2007.
Le 6 octobre 2008, elle a également rejeté leurs demandes de non recouvrement et de remise de droits fondées sur les articles 220§2b et 239 du code des douanes communautaire formées le 14 mars 2008.
Le 24 avril 2012, l'administration des douanes a rejeté les contestations des AMR des sociétés Exel et Europa du 10 août 2010.
Le 25 septembre 2008, les sociétés Vestel France, TPS et Worms ont assigné l'administration des douanes devant le tribunal d'instance du 11ème arrondissement de Paris.
Le 1er décembre 2008, une assignation devant le tribunal d'instance du 11ème arrondissement de Paris a été délivrée à l'administration des douanes aux fins d'annulation de la décision du 6 octobre 2008.
Par actes du 25 juin 2012, les sociétés Exel et Europa ont fait assigner l'administration des douanes à titre principal en annulation des AMR qui leur ont été notifiés le 13 août 2007.
Le tribunal d'instance du 11ème arrondissement de Paris a sursis à statuer dans l'attente de la décision de la cour d'appel sur le recours formé à l'encontre des opérations de visite et de saisies.
Par ordonnance du 5 octobre 2010, le délégataire du premier président de la cour d'appel de Paris a déclaré irrecevables la société Vestel France et son dirigeant, M. [F], en leurs demandes au motif que « le législateur n'a pas ouvert la voie de l'appel contre les opérations litigieuses datées de 2001 et 2002 qui sont bien antérieures à la date limite fixée par l'article 164 de la loi n°2008-776 du 4 août 2008 ».
Le 13 décembre 2011, la Cour de cassation a rejeté le pourvoi.
Le sursis à statuer était également ordonné dans l'attente de la décision de la Cour de cassation sur la transmission d'une question prioritaire de constitutionnalité soulevée par la société Vestel France et M. [F] portant sur l'article 164 de la loi n°2008-776 du 4 août 2008.
Le 13 mai 2011, la Cour de cassation a renvoyé la question au Conseil constitutionnel qui, par décision du 8 juillet 2011, a déclaré la disposition conforme à la Constitution.
Par jugement en date du 26 février 2013, le tribunal d'instance du 11ème arrondissement de Paris a statué comme suit :
- Ordonne la jonction des procédures n°11.12-641, 11.12-642 et 11.08-2845 à la procédure n°11.08-2096,
- Constate la prescription de la créance à l'égard des sociétés Europa Sca Express et Exel Freight et annule en conséquence les AMR du 13 août 2007 pris en ce qui les concerne pour les montants respectifs de 4 155 155 euros et 818 739 euros,
- Déclare régulière l'enquête de l'Olaf et de la douane française, hormis la saisie des pièces cotées A 18 à A 20 dans le procès-verbal du 14 mai 2002 et cotées G 1 à G 5 dans le même procès-verbal, s'agissant de correspondances d'avocat couvertes par le secret professionnel, qui sera annulée,
- Dit que la nullité de ces saisies n'entraîne pas la nullité de l'ensemble de la procédure d'enquête,
- Dit que seront cancellées les mentions relatives à ces documents figurant sur le procès-verbal du 14 mai 2002 (folio 6), ainsi que celles figurant sur le procès-verbal du 25 avril 2007, soit les paragraphes suivants : « la télécopie du cabinet [P] et [L]... au questionnaire de la commission » (folio 15) et « Enfin, le document sous forme de memento...cela n'avait pas fait débat au sein de la société » (folio 15 et 16),
- Dit que sont par ailleurs respectées les dispositions des articles 217-1 et 221 du code des douanes communautaire et les droits de la défense,
- Confirme sur le fond l'application des mesures anti-dumping prises par le règlement n°2632/70 du 23 décembre 1970 et le règlement n°2454/93 du 2 juillet 1993, ainsi que le taux des droits fixé à 44,6% pour les téléviseurs originaires de Chine,
- Confirme les avis de mise en recouvrement émis le 24 mai 2007 à l'encontre de la société Vestel France pour un montant de 14 535 583 euros, et émis les 13 août 2007 à l'encontre des sociétés Worms services maritimes et Tier port services pour les montants respectifs de 2 628 310 euros et 5 834 446 euros,
- Rejette l'ensemble des autres demandes et l'application des articles 220-2-b et 239 du code des douanes communautaire,
- Condamne in solidum les sociétés Vestel France, Tier port services et Worms services maritimes à régler à l'administration des douanes la somme de 10 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- Condamne l'administration des douanes à régler aux sociétés Europa Sca Express et Exel Freight la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Les sociétés Vestel France, Tier port services et Worms services maritimes ont interjeté appel du jugement.
Par arrêt du 12 novembre 2018, la cour d'appel de Paris a :
- confirmé le jugement déféré en toutes ses dispositions ;
- Y ajoutant, a déclaré irrecevables les demandes de nullité du règlement anti-dumping et de question préjudicielle ;
- rejeté l'exception de prescription ;
- débouté la société Vestel France de ses demandes visant à voir poser à la CJUE des questions préjudicielles.
Par arrêt du 23 juin 2021, la chambre commerciale de la Cour de cassation a cassé et annulé l'arrêt d'appel, sauf en ce qu'il a déclaré régulières l'enquête menée par l'Olaf et la visite domiciliaire réalisée dans les locaux de la société Vestel France.
Par déclaration du 3 novembre 2021, les sociétés Vestel France, Tier port services et Worms services maritimes ont saisi la cour d'appel de renvoi.
Par dernières conclusions notifiées par voie électronique le 23 août 2022, les sociétés Vestel France, Tier port services et Worms services maritimes demandent à la cour de :
'- Juger que les sociétés sont recevables et bien fondées en leur appel ;
- Infirmer le jugement du tribunal d'instance du 11ème arrondissement de Paris du 26 février 2013;
1. Sur la nullité pour violation des droits de la défense
- Juger qu'avant les notifications d'infraction du 25 avril 2007 à l'encontre de Vestel France, du 31 juillet 2007 à l'encontre de la société Worms Services Maritimes et du 1er août 2007 à l'encontre de la société Tier Port Services, l'administration n'a pas permis aux sociétés de faire valoir utilement leurs observations et cela en violation des principes du contradictoire et des droits de la défense,
En conséquence :
- Juger que les procès-verbaux des 25 avril 2007, 4 mai 2007, 31 juillet 2007 et 1er août 2007 sont nuls et de nul effet et n'ont pas d'effet interruptif,
- Annuler les AMR et la décision de rejet,
- Prononcer le dégrèvement des droits et taxes mis en recouvrement
2. Sur la nullité de la communication des droits
- Juger que faute d'avoir précédé la communication du montant des droits réalisée par les procès-verbaux de notifications d'infraction, par la prise en compte dudit montant, les autorités douanières françaises n'ont pas respecté les articles 217 et 221 du code des douanes communautaire et la jurisprudence.
En conséquence :
- Juger que les procès-verbaux des 25 avril 2007, 4 mai 2007, 31 juillet 2007 et 1er août 2007 sont nuls et de nul effet et n'ont pas d'effet interruptif ;
- Juger que la communication des droits par ces procès-verbaux n'est pas régulière ainsi qu'en conséquence la mise en recouvrement
- Constater la nullité des trois AMR et prononcer la décharge des droits et taxes mis en recouvrement.
3. Sur la prescription
- Sur le fondement des articles 221 du code des douanes communautaire, juger que les opérations de 2000 et 2001 notifiées en 2007 l'ont été au-delà de trois ans et sont donc prescrites
En conséquence :
-Prononcer la décharge des droits et taxes mis en recouvrement.
Avant dire droit,
- Poser à la Cour de justice de l'Union européenne la question préjudicielle suivante :
« 1. Une interprétation correcte de l'article 221-3 du code des douanes communautaire permet-elle à un Etat membre d'agir en recouvrement des droits de douane contre une personne plus de trois ans après la date de la naissance de la dette douanière, en se fondant sur des actes d'interruption autres que la communication des droits ' »
4. Sur le fond
4.1 Juger que les sociétés ont parfaitement déclaré les importations.
- Juger qu'en application de l'accord d'association d'Ankara du 12 septembre 1963, les sociétés n'ont commis aucune fausse déclaration sur l'origine puisque celle-ci est inopérante dans le cadre de la libre circulation entre la Turquie et l'UE et les dispositions antidumping prises par l'Union européenne sont donc inapplicables aux produits circulant librement entre la Turquie et l'Union européenne.
- Juger qu'appliquer des droits antidumping serait contraire au principe de non-discrimination prévu dans l'accord d'union douanière
4.2. Juger que les certificats ATR sous couvert desquels les importations ont été réalisées en France n'ayant pas fait l'objet d'une invalidation de la part des autorités turques, la douane française ne peut solliciter le paiement de droits antidumping
4.3. Juger que le règlement n°710/95 du 27 mars 1995, modifié par le règlement n°2584/98 du 27 novembre 1998, est invalide dans la mesure où des sociétés à l'origine de la plainte antidumping et des demandes de réexamen ont été parties à une entente dont l'objet consistait notamment à :
- fixer les prix des tubes cathodiques qui déterminent celui des téléviseurs,
- et à limiter leur production,
dans le même temps où elles fournissaient des éléments de prix de leurs téléviseurs et des éléments sur le préjudice subi par l'industrie communautaire, qui ont permis de déterminer l'existence de dumping et de préjudice pour aboutir à la fixation des droits antidumping.
4.4. En application de l'article 9 paragraphe 4 du Règlement (CE) n°384/96 du Conseil du 22 décembre 1995, des principes généraux du droit communautaire de proportionnalité et d'effectivité qui interdisent que des droits soient réclamés lorsqu'ils ne sont pas dus ou qu'ils ne sont pas proportionnés à l'objectif poursuivi :
- Juger que les droits antidumping généraux de 15,1% pour les TVCs d'origine Corée et 44,6% pour ceux d'origine Chine prévus par le Règlement n°710/95 du 27 mars 1995 modifié par le Règlement n°2584/98 du 27 novembre 1998 ne sont pas applicables aux TVCs exportés de Turquie par Vestel puisque la Commission a elle-même considéré que les TVCs exportés de Turquie ne causaient aucun préjudice ;
- Juger que les droits mis en recouvrement sur les TVCs considérés comme originaires de Chine doivent être limités au taux de 24,5% et en conséquence prononcer la décharge des droits notifiés à hauteur de 6.480.178 euros.
En conséquence,
- Annuler la décision du 4 août 2008 et les avis de mise en recouvrement,
- Prononcer la décharge intégrale ou subsidiairement partielle de la dette douanière mise en recouvrement.
Avant dire droit,
- Poser à la Cour de justice de l'Union européenne les questions préjudicielles suivantes :
« 1) Le règlement n°710/95 du 27 mars 1995, modifié par le règlement n°2584/98 du 27 novembre 1998, est-il contraire au principe de non-discrimination prévu dans l'accord d'union douanière entre l'Union européenne et la Turquie du 12 septembre 1963 et la décision n°1/95'
2) Le règlement N°710/95 du 27 mars 1995, modifié par le règlement N°2584/98 du 27 novembre 1998, est-il valide dans la mesure où des sociétés à l'origine de la plainte antidumping et des demandes de réexamen ont été parties à une entente dont l'objet consistait notamment à :
- fixer les prix des tubes cathodiques qui déterminent ceux des téléviseurs,
- et à limiter leur production,
dans le même temps où elles fournissaient des éléments de prix de leurs téléviseurs et des éléments sur le préjudice subi par l'industrie communautaire, qui ont permis de déterminer l'existence de dumping et de préjudice pour aboutir à la fixation des droits antidumping '
3) Le règlement n°710/95 du 27 mars 1995, modifié par le règlement n°2584/98 du 27 novembre 1998, doit-il être écarté dans le cadre du présent litige en ce qu'il est contraire aux principes de proportionnalité et d'effectivité du droit communautaire en ce qu'il imposerait des droits antidumping à des TVCs fabriqués en Turquie alors que ces Règlements n'imposent aucun droit antidumping sur les TVCs exportés de Turquie par Vestel ' »
5. Subsidiairement, sur le fondement de l'article 220-2-b du code des douanes communautaires,
- Juger que l'erreur commise par la Commission européenne, les autorités turques et les autorités françaises n'était pas raisonnablement décelable pour les sociétés Vestel France, Tier Port Services et Worms Services Maritimes qui ont agi de bonne foi et ont observé toutes les dispositions prévues par la réglementation en vigueur en ce qui concerne la déclaration en douane.
- Juger que les sociétés Vestel France, Tier Port Services et Worms Services Maritimes sont fondées à solliciter le non recouvrement a posteriori des droits notifiés pour un montant de 14.535.583 euros.
En conséquence,
- Annuler la décision du 4 août 2008 et les avis de mise en recouvrement,
- Prononcer le non recouvrement a posteriori de la dette douanière mise en recouvrement
Avant dire droit,
- Poser à la cour de justice de l'Union européenne la question préjudicielle suivante :
« La décision REM 02/08 de la Commission européenne que l'administration des douanes française veut appliquer à la présente procédure est-elle invalide en ce qu'elle n'a pas admis le non recouvrement ou la remise des droits antidumping ' »
6. Très subsidiairement, sur le fondement de l'article 239 du code des douanes communautaires,
- Juger que l'absence de notification au comité mixte, la modification de la pratique communautaire et les manquements graves de la Commission à son devoir de contrôle et de surveillance sont chacun une situation particulière au sens de l'article 239 du Code des douanes communautaire.
- Juger que les sociétés Vestel France, Tier Port Services et Worms Services Maritimes n'ont commis aucune man'uvre ni négligence manifeste.
- Juger que les sociétés Vestel France, Tier Port Services et Worms Services Maritimes sont fondées à solliciter la remise des droits notifiés pour un montant de 14.535.583 euros.
En conséquence,
- Annuler la décision du 4 août 2008 et les avis de mise en recouvrement,
- Prononcer la remise de la dette douanière mise en recouvrement
Avant dire droit, poser à la cour de justice de l'Union européenne la question préjudicielle suivante :
« Les décisions REM 02/08 et REM 03/05 de la commission européenne que l'administration des douanes française veut appliquer à la présente procédure sont-elles invalides en ce qu'elles n'ont pas admis le non recouvrement ou la remise des droits antidumping ' »
- Condamner l'administration des douanes à verser à chacune des sociétés la somme de 20 000 euros au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.'
Par dernières conclusions notifiées par voie électronique le 20 avril 2022, l'administration des douanes et des droits indirects demande à la cour de :
'Vu le Règlement n°2632/70 du 23 décembre 1970 ;
Vu le Règlement n°2454/93 du 2 juillet 1993 ;
Vu les articles 213, 220-2 b et 239 du Code des douanes communautaire ;
Vu les articles 338, 354, 417, 426 4° du Code des douanes ;
Vu l'article 700 du Code de procédure civile ;
- Prendre acte de la clôture pour insuffisance d'actif de la société Europa SCA Express ;
- Confirmer le jugement rendu par le tribunal d'instance du 11ème arrondissement de Paris en date du 26 février 2013 en ce qu'il a :
Dit que sont par ailleurs respectées les dispositions des articles 217-1 et 221 du Code des douanes communautaire et les droits de la défense ;
Confirmé sur le fond l'application des mesures antidumping prises par le règlement n°2632/70 du 23 décembre 1970 et le règlement n°2454/93 du 2 juillet 1993, ainsi que le taux de droits fixé à 44,6% pour les téléviseurs originaires de Chine ;
Confirmé les avis de mise en recouvrement émis le 24 mai 2007 à l'encontre de la société Vestel France pour un montant de 14.535.583 euros, et émis les 13 août 2007 à l'encontre des sociétés Worms Services Maritimes et Tier Port Services pour les montants respectifs de 2.628.310 euros et 5.834.446 euros ;
Rejeté l'ensemble des autres demandes et l'application des articles 220-2-b et 239 du Code des douanes communautaire ;
Infirmer le jugement rendu le 26 février 2013 par le tribunal d'instance du 11ème arrondissement de Paris en ce qu'il a :
Constaté la prescription de la créance à l'égard de la société Exel Freight ;
Annulé en conséquence l'AMR du 13 août 2007 pris à son encontre pour un montant de 4.155.155 euros ;
Statuant à nouveau :
- Juger que la créance de l'administration des douanes à l'égard de la société Exel Freight devenue DHL Global Forwarding n'est pas prescrite ;
- Juger bien fondé l'avis de mise en recouvrement du 13 août 2007 pour un montant de 4.155.155 euros émis à l'encontre de la société Exel Freight, devenue DHL Global Forwarding;
En tout état de cause :
- Rejeter l'intégralité des demandes des sociétés Vestel, Worms Services Maritimes, Tier Port Services et Exel Freight devenue DHL Global Forwarding ;
- Condamner solidairement ces quatre sociétés à verser à l'administration des douanes une somme de 15 000 euros en vertu des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile à hauteur d'appel.'
Par dernières conclusions notifiées par voie électronique le 30 juillet 2022, la société DHL Global Forwarding venant aux droits de la société Exel Freight, demande à la cour de :
'- Recevoir la société DHL Global Forwarding venant aux droits de la société Exel Freight, dans ses conclusions en appel ;
Avant dire droit
Vu l'article 267 du Traité sur le Fonctionnement de l'Union Européenne Renvoyer la cause et les parties devant la Cour de Justice de l'Union Européenne ;
Poser à la CJUE la question préjudicielle suivante :
Les articles 213 et 221 du code des douanes communautaire lus en combinaison avec l'article 3 § 1 du règlement n° 2988/95 du 18 décembre 1995 doivent-ils être interprétés en ce sens qu'ils s'opposent à une pratique judiciaire nationale consacrée par une jurisprudence constante, laquelle permet aux autorités douanières d'imputer l'effet interruptif de procès-verbaux, dressés antérieurement à l'encontre de l'importateur, à son commissionnaire en douane ayant dédouané en « représentation indirecte », alors même qu'aucun « acte d'instruction ou de poursuite » au sens de l'article 3 § 1 dudit règlement n'a été porté à la connaissance du commissionnaire déclarant au cours du délai sectoriel de trois ans prévu par l'article 221 courant à compter de chaque déclaration '
- Constater l'absence de toute procédure contradictoire préalablement à la notification de redressement dont a fait l'objet la société DHL Global Forwarding ;
- En conséquence, annuler l'avis de mise en recouvrement du 13 août 2007 ;
- Constater que l'administration des douanes n'apporte pas la preuve d'une prise en compte de la créance qu'elle revendique à l'encontre de la Société Exel Freight devenue DHL Global Forwarding ;
- En conséquence, annuler l'avis de mise en recouvrement du 13 août 2007 pour violation du principe du contradictoire et des règles relatives à la prise en compte et la notification d'une dette douanière ;
- Subsidiairement, constater que la créance, objet de l'avis de mise en recouvrement, est prescrite en application du règlement CE 2988/95 et de l'article 221 du code des douanes communautaire et confirmer le jugement entrepris ;
- Subsidiairement et sur le fond, dire que la créance revendiquée par les douanes est infondée faute que l'administration ne produise aucune pièce qui pourrait être discutée contradictoirement et qui apporterait la preuve de cette créance ;
- Très subsidiairement, faire droit à la demande de remise de droits formée par la société DHL Global Forwarding en application des articles 236 et 220 § 2 b) du code des douanes communautaire ;
En toute hypothèse
- Confirmer le jugement entrepris en tant qu'il concernait la société Exel Freight
- En cas de réformation de la décision entreprise, condamner la société Vestel France à relever et garantir la société Exel Freight de toute somme que pourrait revendiquer l'administration des douanes au titre des droits et taxes exigibles ;
Reconventionnellement,
- Condamner l'administration des douanes à payer à la société DHL Global Forwarding la somme de 15 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- Dire n'y avoir lieu à condamnation aux dépens.'
MOTIVATION
1.- Sur la nullité des notifications d'infractions pour cause de violation des droits de la défense
Enoncé des moyens
Les sociétés Vestel France, Worms et TPS font valoir que le respect des droits de la défense constitue un principe général du droit qui trouve à s'appliquer dès lors que l'administration des douanes envisage de prendre à l'encontre d'une personne morale ou physique un acte qui lui fait grief, tel que le procès-verbal de notification d'infraction douanière, de sorte que le destinataire de cet acte doit être mis en mesure de faire valoir ses observations avant que celle-ci ne soit prise.
Elles soutiennent qu'en l'espèce la notification des infractions a eu lieu par procès-verbaux sans qu'elles aient été en mesure de présenter utilement des observations préalables, l'administration des douanes ne les ayant pas prévenues préalablement du redressement envisagé, de son fondement juridique, de ses motifs et de son montant. Elles font valoir que les douanes se fondent sur un rapport de l'Olaf et sur certaines de ses annexes pour motiver leur notification d'infractions douanières qui ne leur ont pas été communiqués avant que la notification d'infractions ne soit faite par procès-verbaux des 25 avril, 31 juillet et 1er août 2007, de sorte que cette notification est irrégulière, la violation des droits de la défense étant consommée dès la notification d'infractions effectuée dans ces conditions. Elles soulignent, qu'en dépit de leur demande, l'administration des douanes n'a pas procédé à la communication de l'intégralité du rapport de l'Olaf et de ses annexes.
En réponse à l'administration des douanes, les sociétés Vestel France, Worms et TPS font valoir que la cassation de l'arrêt de la cour d'appel de Paris est totale sur la question du respect des droits de la défense et concerne donc toutes les parties incriminées, bien que la Cour de cassation ne vise que les sociétés TPS et Worms au paragraphe n°20 de son arrêt du 23 juin 2021.
La société DHL Global Forwarding (France), venant aux droits de la société Exel Freight, soutient également que l'administration des douanes ne l'a pas mise en mesure de faire valoir ses observations avant de notifier le procès-verbal de notification d'infractions du 31 juillet 2007, faute de lui avoir adressé préalablement un document décrivant le redressement envisagé et les pièces le justifiant. Elle insiste sur le fait que ces pièces, notamment le rapport de l'Olaf, ne lui ont jamais été communiquées, malgré les demandes expresses de son avocat. Elle conclut qu'un redressement portant sur plus de quatre millions d'euros de droits et taxes lui a été notifié plus de six ans après la souscription des déclarations d'importation pour la société Vestel France et ce à la suite d'une enquête ayant débuté à son insu plus de cinq ans auparavant et dont elle n'avait jamais été informée, aucun des actes d'enquête diligentés par l'administration douanière n'ayant jamais été porté à sa connaissance.
En réponse, l'administration des douanes conteste la portée que les sociétés Vestel France, Worms, TPS et DHL Global Forwarding entendent donner à l'arrêt prononcé par la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation le 23 juin 2021 en faisant valoir que la cassation n'a été prononcée qu'en raison d'une absence de réponse aux moyens des sociétés Worms et TPS tirés de la violation du principe du contradictoire mais non pour absence de réponse aux moyens de la société Vestel, dont la Cour a examiné les griefs de façon distincte sans ensuite la viser dans le motif de cassation.
L'administration des douanes répond que les droits de la défense ont été respectés à l'égard tant de la société Vestel France que des commissionnaires en douane Worms, TPS et Exel Freight (DHL).
Elle souligne en premier lieu que les dispositions des articles 67 A et suivants du code des douanes qui instituent une procédure contradictoire imposant notamment que soit adressé au redevable un document préalable intitulé 'avis de résultat d'enquête', ne sont entrées en vigueur qu'à compter du 1er janvier 2010 et ne sont donc pas applicables en l'espèce.
L'administration des douanes fait valoir en second lieu que les redevables ont pu en tout état de cause présenter leurs observations avant la délivrance de l'avis de mise en recouvrement, les circonstances de l'espèce devant être appréciées in concreto pour déterminer si les droits de la défense ont été respectés dans la procédure de notification d'infractions douanières.
Concernant la société Vestel France, l'administration des douanes souligne que les opérations d'enquête se sont déroulées de 2002 à 2007 et que son dirigeant, M. [F], a été entendu à trois reprises, que les enquêteurs se sont déplacés à sept reprises dans les locaux de la société Vestel France qui a pu communiquer divers documents utiles au contrôle douanier et formuler d'éventuelles observations, ce qu'elle n'a pas fait. Elle expose que l'infraction a été notifiée à M. [F] le 25 avril 2007 et que la remise du procès-verbal est intervenue le même jour. Elle fait valoir que les documents ayant servi à l'enquête de l'Olaf ont été communiqués par la société de droit turc Vestel Dis Ticaret et que les éléments du rapport de l'Olaf concernant la société Vestel seulement ont été communiqués à la société Vestel France dans le respect du secret des affaires. Elle souligne également que M. [F] a été spécifiquement entendu sur les fichiers tirés du rapport de l'Olaf dès le 22 juin 2004.
Concernant les sociétés Worms, TPS et Exel Freight (DHL), l'administration des douanes fait valoir que les droits de la défense ont été également respectés puisque les dirigeants de ces sociétés ont été convoqués avant la rédaction des procès-verbaux de notification d'infraction en date des 31 juillet et 1er août 2007, que l'objet du contrôle leur a ainsi été préalablement indiqué et qu'ils ont été en mesure de présenter leurs observations mais ont choisi de ne pas le faire, directement ou par l'intermédiaire de leurs conseils, et de ne pas répondre à la convocation qu'ils ont reçue. Plus spécifiquement, pour la société Exel Freight (DHL), l'administration des douanes ajoute que le procès-verbal de notification d'infraction spécifiait la possibilité pour le redevable de saisir la commission de conciliation et d'expertise douanière (CCED), faculté que la société Exel Freight n'a pas souhaité exercer.
Réponse de la cour
L'arrêt prononcé par la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation le 23 juin 2021 casse l'arrêt de la cour d'appel de Paris du 12 novembre 2018 sur le moyen de cassation tiré de la nullité de la procédure de notification d'infractions douanières pour manque de base légale, la cour s'étant déterminée 'sans rechercher, comme elle y était invitée, si les sociétés TPS et WSM [Worms] avaient pu faire valoir utilement leurs observations préalablement à la notification des infractions douanières qui leur étaient imputées.'
La cassation sur la déclaration de régularité de la procédure de notification d'infractions douanières est totale. Aucune distinction n'est donc opérée entre la décision de la cour d'appel de Paris dans son arrêt du 12 novembre 2018 sur la régularité de la procédure douanière prise à l'égard de la société Vestel France et celle prise à l'égard des commissionnaires en douane poursuivis par l'administration douanière.
Le motif de cassation est au demeurant général puisqu'il reproche à la cour d'appel de ne pas avoir caractérisé le respect du droit d'être entendu avant la notification des infractions douanières. Or, cette critique est applicable à l'ensemble des parties auxquelles des infractions douanières ont été notifiées en l'espèce, y compris la société Vestel France. En effet, l'arrêt d'appel écarte l'atteinte aux droits de la défense pour cette dernière au motif qu'un délai de près de trente jours s'était écoulé entre la remise du procès-verbal de notification d'infractions et la notification de l'avis de mise en recouvrement, de sorte qu'elle a situé l'exercice des droits de la défense à un stade postérieur de la procédure douanière à celui visé par la Cour de cassation dans son motif de cassation.
Par suite, la cour de renvoi est bien saisie de la demande d'annulation des avis de mise en recouvrement pour cause d'atteinte aux droits de la défense lors de la procédure douanière pour l'ensemble des parties à l'instance.
La Cour de justice de l'Union européenne rappelle que les droits fondamentaux font partie intégrante des principes généraux du droit de l'Union dont elle assure le respect (CJCE 18 décembre 2008, aff. C-349/07, Sopopré, paragraphe n°33).
Selon une jurisprudence constante de la Cour de justice de l'Union européenne (visée dans l'arrêt: CJCE 29 juin 1994, n°C-135/92, Fiskano, paragraphe n°39), le respect des droits de la défense dans toute procédure ouverte à l'encontre d'une personne et susceptible d'aboutir à un acte faisant grief à celle-ci constitue un principe fondamental de droit communautaire et doit être assuré, même en l'absence de toute réglementation concernant la procédure en cause. Ce principe exige que toute personne à l'encontre de laquelle une décision faisant grief peut être prise soit mise en mesure de faire connaître utilement son point de vue au sujet des éléments retenus à sa charge pour fonder la décision litigieuse (CJCE, 24 octobre 1996, n° C-32/95 P, Lirestal (paragraphe n°42).
La Cour de justice de l'Union européenne précise que le respect des droits de la défense implique, afin que l'on puisse considérer que le bénéficiaire de ces droits a été mis en mesure de faire connaître son point de vue utilement, que l'administration prenne connaissance, avec toute l'attention requise, des observations de la personne ou de l'entreprise concernée (CJCE 18 décembre 2008, n° C-349/07, Sopopré et CJUE 3 juillet 2014, n°C-129/13 [T]).
En l'espèce, il est constant qu'il n'existait pas, à la date de l'enquête aux fins de constatation d'infractions douanières, de réglementation nationale définissant une procédure préalable à la prise de décision de l'administration de douanes, les articles 67 A et suivants du code des douanes, qui régissent cette procédure, n'ayant été introduits dans le code des douanes que par la loi de finances rectificative n°2009-1674 du 30 décembre 2009.
Toutefois, l'administration des douanes poursuivait en l'espèce l'application de la réglementation communautaire relative aux droits anti-dumping, dont la perception doit abonder le budget de l'Union européenne.
Les principes fondamentaux de droit communautaire, dont le principe du respect des droits de la défense, gouvernaient donc la procédure de constatation et de notification d'infractions douanières mise en oeuvre à l'encontre des sociétés Vestel France, Worms, TPS et Exel Freight (DHL).
L'acte faisant grief correspond en droit public français à un acte qui a un impact sur la situation juridique d'une personne. En matière de procédure douanière, il s'agit du procès-verbal de notification d'infraction, qui contient également notification d'une dette douanière, et non l'avis de mise en recouvrement qui constitue un titre exécutoire destiné à permettre le recouvrement d'une dette douanière précédemment constatée.
Il convient donc de déterminer en l'espèce si les sociétés Vestel France, Worms, TPS et Exel Freight (DHL) ont pu faire valoir utilement leurs observations préalablement à la notification des infractions douanières qui leur étaient imputées les 25 avril, 31 juillet et 1er août 2007.
Au vu des pièces communiquées par les parties, il est établi qu'aucune de ces quatre sociétés n'a été destinataire, avant que le procès-verbal de notification d'infractions ne soit établi, d'un document de synthèse émanant de l'administration de douanes indiquant le fondement textuel des poursuites, la nature exacte des infractions douanières formant l'objet des poursuites, les motifs des poursuites et les pièces qui les soutiennent, ainsi que l'origine de ces pièces, la nature et le montant des droits de douane constatés.
Concernant les sociétés Worms, TPS et Exel Freight (DHL), selon les termes des procès-verbaux de notification d'infractions des 31 juillet et 1er août 2007, le premier acte de la procédure douanière a consisté en l'envoi d'une convocation en vue d'assister à la rédaction du procès-verbal de notification d'infractions douanières par lettre recommandés avec demande d'avis de réception du 4 juillet 2007.
Cette lettre de convocation précise qu'un contrôle a été opéré par la direction nationale du renseignement et des enquêtes douanières sur des opérations d'importation effectuées par la société Vestel France au cours des années 2000 et 2001 et qu'elle est adressée au commissionnaire en douanes en raison des déclarations d'importation afférentes à ces opérations qu'il a déposé en son nom mais pour le compte de la société Vestel France. Une liste des déclarations d'importation concernées par ces opérations d'importation est jointe à la convocation (pièce n°9 de la société DHL Global Forwarding).
Il en résulte que ces seules indications fournies par la lettre de convocation ne permettent pas au commissionnaire en douane d'identifier la nature de l'infraction douanière poursuivie, de connaître les faits qui lui sont reprochés, comme à son commettant, la société Vestel France, et d'avoir connaissance des pièces qui fondent les poursuites. La simple identification des déclarations d'importation litigieuse est insuffisante pour permettre aux sociétés Worms, TPS et Exel Freight (DHL) de connaître ce qui leur reproché et de présenter dès lors utilement des observations avant qu'il ne soit procédé à leur égard à la notification par procès-verbal d'une ou plusieurs infractions douanières.
Le fait que les dirigeants des sociétés Worms, TPS et Exel Freight aient choisi de ne pas répondre à cette convocation est indifférent dès lors que l'absence de communication préalable des éléments de droit et de fait retenus à l'encontre de ces commissionnaires en douane les a privés de la faculté de présenter utilement leur point de vue avant l'établissement d'un procès-verbal de notification d'infractions, comme elle a privé l'administration des douanes de toute possibilité de prendre utilement en compte les éventuelles observations des commissionnaires en douane avant de procéder à la notification d'infractions douanières.
Il convient en outre de relever qu'il ne résulte pas des mentions des procès-verbaux des 31 juillet et 1er août 2007 que l'ensemble des pièces qui y sont visés, notamment les procès-verbaux de l'enquête conduite à l'égard de la société Vestel France et les annexes au rapport de visite de l'OLAF du 2 mai 2003 ait été joint à la notification du procès-verbal faite par lettre recommandée avec demande d'avis de réception aux sociétés Worms, TPS et Exel Freight. Le conseil mandaté par cette dernière a expressément indiqué au contraire qu'aucune de ces pièces n'avait été remise à sa cliente avec la notification du procès-verbal du 31 juillet 2007 et en a demandé communication par lettre du 3 août 2007 (pièce n° 2 de la société DHL Global Forwarding). Il n'est pas établi que cette demande ait été satisfaite avant que la dette de droits anti-dumping et de taxes sur la valeur ajoutée ne soit mise en recouvrement à l'encontre de la société Exel Freight suivant AMR du 13 août 2007. Il en est de même pour les sociétés Worms et TPS, le fait que leur Conseil était également celui de la société Vestel France à la date de notification du procès-verbal d'infractions n'étant pas de nature à exonérer l'administration douanière de son obligation de communication des pièces de la procédure spécifiquement conduite à leur encontre.
Il en résulte que la procédure de notification d'infractions douanières mise en oeuvre à l'encontre des sociétés Worms, TPS et Exel Freight (DHL) est irrégulière pour cause d'atteinte aux droits de la défense. Elle ne peut donc fonder la mise en recouvrement de droits de douane et de taxes à leur encontre.
Concernant la société Vestel France, bien que l'enquête douanière ait débuté par la visite domiciliaire ayant fait l'objet d'un procès-verbal de constat du 14 mai 2002, le procès-verbal de notification d'infractions dressé le 25 avril 2007 en présence de M. [C] [F], dirigeant de la société Vestel France, et de son avocat constitue le premier acte de synthèse de la procédure et le seul acte exposant les fondements textuels des poursuites, les faits incriminés, les pièces qui les soutiennent, les conclusions des investigations menées par les agents de la DNRED et les éléments retenus à charge de la société Vestel France.
Ce procès-verbal du 25 avril 2007 énumère l'ensemble des procès-verbaux de constat dressés par l'administration des douanes depuis le 14 mai 2002. A l'exception du procès-verbal n°283 du 4 juillet 2002, qui correspond à une audition de M. [F] et qui n'est pas produit en l'espèce, tous les procès-verbaux énumérés correspondent à des actes d'enquête non contradictoire à savoir des demandes de communication de documents et des saisies de pièces et documents.
Le procès-verbal de constat n°6 du 22 juin 2004, qui porte sur une demande de communication de documents et retranscrit également une audition de M. [F] sur des pièces de la procédure, précise que ce dernier a alors été informé qu'une enquête communautaire s'était déroulée en Turquie dans les locaux des sociétés Vestel Elektronik Sanayi ve Tiscaret AS et Vestel Foreign Trade Co du 29 avril au 2 mai 2003 et qu'elle avait permis d'établir que des tubes cathodiques montés dans les téléviseurs exportés vers les pays de l'Union européenne étaient d'origine chinoise ou coréenne et que cela concernait un nombre déterminé de téléviseurs importés par la société Vestel France. Toutefois, les éléments et conclusions de l'enquête de l'OLAF visés dans ce procès-verbal de constat du 22 juin 2004 n'ont pas été pas remis à la société Vestel France en annexe à la copie du procès-verbal (pièce n°8 de l'administration des douanes).
Il ressort du procès-verbal de notification d'infractions du 25 avril 2007 que le rapport de visite de l'OLAF dans les locaux des sociétés Vestel Elektronik Sanayi ve Tiscaret AS et Vestel Foreign Trade Co du 2 mai 2003 et certaines de ses annexes sont joints à ce procès-verbal de notification.
Il n'est pas établi que ce rapport de visite corresponde au rapport final de l'Olaf du 25 mai 2004 qui n'a été que partiellement communiqué à la société Vestel France après l'émission de l'avis de mise en recouvrement du 24 mai 2007 (pièce n°19 de la société Vestel France).
Le procès-verbal de notification d'infractions indique cependant que seules les données issues de l'enquête de l'Olaf sont utilisées par l'administration des douanes pour caractériser l'importation par la société Vestel France de téléviseurs sous une fausse déclaration d'origine ainsi que la contrebande de marchandises fortement taxées, aux fins d'éluder des droits anti-dumping et des taxes sur la valeur ajoutée.
Il est en effet indiqué en page 11 du procès-verbal ce qui suit :
'Par courrier du 27/08/2003, la société Vestel France transmettait finalement une disquette reprenant un fichier informatique excel intitulé 'liste TV Vestel Olaf C-4 2000-2001 France' (cf document saisi sous la cote V5 par PVC n°6 du 22 juin 2004). La comparaison avec les fichiers validés lors de la mission Olaf et sur épreuve avec les déclarations d'importation fait apparaître que les données reprises sur ce fichier ne sont pas exhaustives. Par conséquent, ces données n'ont pas été utilisées lors du contrôle. Seules les données validées lors de l'enquête de l'Olaf chez les sociétés Vestel en Turquie (cf annexe VESTELA/5 du présent PVC) ont été prises en compte.
C'est donc à partir des données reprises dans les fichiers validés par les enquêteurs de l'Olaf (cf fichiers excel dénommées 'Vestel Olaf C4 2000 02052003", 'Vestel Olaf C4 2001 02052003", 'Vestel Olaf C4 2002 02052003") qui reprennent le nom du client européen, le nom du destinataire réel, de l'Etat membre de destination, le numéro de facture de vente et le numéro de conteneur, qu'il a été constaté après enquête que la société Vestel France a dédouané des téléviseurs équipés de tubes cathodiques chinois ou coréens en France mais également en Belgique. (...)' (pièce n°1 de la société Vestel France).
Il en résulte que les faits retenus par l'administration des douanes pour fonder les infractions notifiées à la société Vestel France sont établis au vu de pièces techniques, résultant elles-mêmes d'une exploitation et d'une synthèse opérées à l'issue d'une enquête menée par les services de l'Olaf dans les locaux d'une société tierce, en Turquie, qui n'ont pas été communiquées à la société Vestel France avant que le procès-verbal de notification d'infractions ne soit établi de sorte que cette dernière n'a pas été en mesure de les discuter utilement, après avoir disposé d'un temps raisonnable pour procéder à leur examen et à leur analyse.
L'incapacité de la société Vestel France à faire valoir quelques observations que ce soit sur ces pièces et les éléments à charge qui en étaient tirés par l'administration des douanes ressort au demeurant de la seule déclaration effectuée le 25 avril 2007 par son dirigeant à savoir : 'Nous émettons toutes réserves quant à la teneur de la présente' (page 19 du procès-verbal du 25 avril 2007).
L'administration des douanes, à qui il incombait de respecter les droits de la défense, ne peut valablement soutenir que la société Vestel France avait accès aux informations recueillies par les services de l'Olaf au motif qu'elle est une filiale de la société Vestel Dis Ticaret (Vestel Foreign Trade Co) alors qu'il ne peut être déduit de ces seuls liens capitalistiques un libre accès de la filiale française aux données personnelles de la société de droit turc Vestel Dis Ticaret.
L'absence de communication préalable par l'administration des douanes à la société Vestel France des éléments retenus à son encontre est d'autant plus dommageable pour cette dernière que les conclusions des investigations menées par la DNRED contiennent une appréciation de la connaissance des faits incriminés par la société Vestel France, sur laquelle cette dernière n'a pas été en mesure de faire valoir ses observations avant que l'administration des douanes ne procède à la notification des infractions douanières.
Par suite, la procédure de notification d'infractions douanières mise en oeuvre à l'encontre de la société Vestel France est irrégulière pour cause d'atteinte aux droits de la défense. Elle ne peut donc fonder la mise en recouvrement de droits de douane et de taxes sur la valeur ajoutée à son encontre.
En conséquence, le jugement déféré sera infirmé en toutes ses dispositions soumises à la cour afférentes aux sociétés Vestel France, Worms et TPS et réformé en ce qu'il a annulé l'avis de mise en recouvrement émis à l'encontre de la société Exel Freight en statuant sur la prescription de la créance douanière à l'égard de cette dernière avant de statuer sur la demande d'annulation de l'avis de mise en recouvrement pour cause de violation des droits de la défense qu'elle avait soulevée à titre principal. A l'égard de la société Exel Freight, le jugement déféré sera confirmé en sa disposition relative à l'article 700 du code de procédure civile.
Statuant à nouveau, il convient de déclarer irrégulières les procédures de notification d'infractions douanières mises en oeuvre par la DNRED à l'encontre des sociétés Vestel France, Worms, TPS et Exel Freight et d'annuler les avis de mise en recouvrement suivants:
- n°610/2007/036 délivré le 24 mai 2007 à l'encontre de la société Vestel France pour la somme totale de 14 535 583,00 euros,
- n°610/2007/093 délivré le 13 août 2007 à l'encontre de la société Exel Freight pour la somme totale de 4 155 155,00 euros,
- n°610/2007/094 délivré le 13 août 2007 à l'encontre de la société Tier port services pour la somme totale de 5 834 446,00 euros,
- n°610/2007/096 délivré le 13 août 2007 à l'encontre de la société Worms services maritimes pour la somme totale de 2 628 310,00 euros.
Les sociétés Vestel France, Worms et TPS seront déboutées de leur demande d'annulation des procès-verbaux de notification d'infractions des 25 avril, 4 mai, 31 juillet et 1er août 2007 dès lors que la violation des droits de la défense n'est pas une cause de nullité des procès-verbaux de douane prévue à l'article 338 1° du code des douanes.
2.- Sur les frais du procès
Il n'y a pas lieu à condamnation aux dépens en application des dispositions de l'article 367 du code des douanes.
Partie perdante au procès, l'administration des douanes sera déboutée de sa demande formée au titre de l'article 700 du code de procédure civile et sera condamnée à payer à chacune des sociétés Vestel France, Worms, TPS et DHL Global Forwarding la somme de 3 000 euros à titre d'indemnité de procédure en considération des frais de justice que ces dernières ont dû exposer au cours des instances d'appel afin d'assurer la défense de leurs intérêts.
PAR CES MOTIFS
la cour,
INFIRME le jugement déféré en ses dispositions soumises à la cour relatives à la société par actions simplifiée Vestel France, à la société anonyme Tier port services et à la société par actions simplifiée Worms services maritimes,
RÉFORME le jugement déféré en ce qu'il a prononcé l'annulation de l'avis de mise en recouvrement n°610/2007/093 délivré le 13 août 2007 à l'encontre de la société par actions simplifiée Exel Freight, à laquelle succède la société par actions simplifiée DHL global forwarding (France), sur le fondement de la fin de non recevoir soulevée à titre subsidiaire tirée de la prescription de la créance douanière et le confirme en ce qu'il a condamné l'administration des douanes à payer une indemnité de procédure à la société Exel Freight sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
Statuant à nouveau,
DÉCLARE irrégulières pour cause de violation des droits de la défense les procédures de notification d'infractions douanières mises en oeuvre par la direction nationale du renseignement et des enquêtes douanières à l'encontre de la société par actions simplifiée Vestel France, la société anonyme Tier port services, la société par actions simplifiée Worms services maritimes et la société par actions simplifiée Exel Freight,
ANNULE les avis de mise en recouvrement suivants :
- n°610/2007/036 délivré le 24 mai 2007 à l'encontre de la société par actions simplifiée Vestel France pour la somme totale de 14 535 583,00 euros,
- n°610/2007/093 délivré le 13 août 2007 à l'encontre de la société par actions simplifiée Exel Freight pour la somme totale de 4 155 155,00 euros,
- n°610/2007/094 délivré le 13 août 2007 à l'encontre de la société anonyme Tier port services pour la somme totale de 5 834 446,00 euros,
- n°610/2007/096 délivré le 13 août 2007 à l'encontre de la société par actions simplifiée Worms services maritimes pour la somme totale de 2 628 310,00 euros,
DÉBOUTE la société par actions simplifiée Vestel France, la société anonyme Tier port services et la société par actions simplifiée Worms services maritimes de leur demande d'annulation des procès-verbaux de notification d'infractions des 25 avril, 4 mai, 31 juillet et 1er août 2007,
DIT qu'il appartiendra à l'administration des douanes et des droits indirects de procéder à la notification du dégrèvement total des droits de douanes et taxes mis en recouvrement par les avis de mise en recouvrement annulés des 24 mai et 13 août 2007,
Y ajoutant,
DIT n'y avoir lieu à dépens,
DÉBOUTE l'administration des douanes et droits indirects de sa demande formée au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
CONDAMNE l'administration des douanes et droits indirects à payer la somme de 3 000 euros à chacune des sociétés Vestel France, Tier port services, Worms services maritimes et DHL Global Forwarding (France) en application de l'article 700 du code de procédure civile,
LE GREFFIER, LA PRÉSIDENTE,
S.MOLLÉ B.BRUN LALLEMAND