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09/11/2022 | FRANCE | N°18/02957

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 6, 09 novembre 2022, 18/02957


Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 6



ARRET DU 09 NOVEMBRE 2022



(n°2022/ , 9 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 18/02957 - N° Portalis 35L7-V-B7C-B5ER6



Décision déférée à la Cour : Jugement du 25 Janvier 2018 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS - RG n° F 17/01987





APPELANTE



SELAFA MJA prise en la personne de Me [R] [F] [

M] ès qualité de mandataire liquidateur de la Société BOOKS

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représenté par Me Michèle CORRE, avocat au barreau de PARIS, toque : P0171





INTI...

Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 6

ARRET DU 09 NOVEMBRE 2022

(n°2022/ , 9 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 18/02957 - N° Portalis 35L7-V-B7C-B5ER6

Décision déférée à la Cour : Jugement du 25 Janvier 2018 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS - RG n° F 17/01987

APPELANTE

SELAFA MJA prise en la personne de Me [R] [F] [M] ès qualité de mandataire liquidateur de la Société BOOKS

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représenté par Me Michèle CORRE, avocat au barreau de PARIS, toque : P0171

INTIMÉES

Madame [N] [H]

[Adresse 3]

[Localité 7]

Représentée par Me Vianney FERAUD, avocat au barreau de PARIS, toque : C1456

Association UNÉDIC DÉLÉGATION AGS CGEA IDF OUEST

[Adresse 2]

[Localité 5]

Représentée par Me Sabine SAINT SANS, avocat au barreau de PARIS, toque : P0426

PARTIE INTERVENANTE

Organisme POLE EMPLOI

[Adresse 8]

[Localité 6]

Représenté par Me Véronique DAGONET, avocat au barreau de VAL-DE-MARNE, toque : PC 3

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 26 septembre 2022, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Monsieur Stéphane THERME conseiller chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Christine DA LUZ, Présidente de chambre

Madame Nadège BOSSARD, Conseillère

Monsieur Stéphane THERME, Conseiller

Greffier : Madame Julie CORFMAT, lors des débats

ARRÊT :

- contradictoire,

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile,

- signé par Madame Christine DA LUZ, Présidente de chambre et par Madame Julie CORFMAT, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

RAPPEL DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE :

Mme [H] a été embauchée par la société Book à compter du 1er septembre 2008, en qualité de rédactrice en chef.

La société Books a pour activité l'édition du magazine Books.

Au motif d'une baisse importante de son chiffre d'affaires, la société Books a notamment envisagé la suppression du poste de rédacteur en chef occupé par Mme [H].

Mme [H] a été convoquée à un entretien préalable à son éventuel licenciement, pour le 4 janvier 2017.

Par courrier du 23 janvier 2017, la société Book a notifié à Mme [H] son licenciement pour motif économique. Mme [H] a accepté le contrat de sécurisation professionnelle le 24 janvier 2017.

Mme [H] a saisi le conseil de prud'hommes de Paris le 16 mars 2017 aux fins de contester le licenciement.

Par jugement du 25 janvier 2018, le conseil de prud'hommes a :

Condamné la société Book à verser à Mme [H] les sommes suivantes :

-12 235,08 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis

-1 223,51 euros au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés sur préavis

- 40 000 euros a titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

-1 000 euros au titre de 1'article 700 du code de procédure civile.

Ordonné le remboursement à Pôle Emploi par la société Book des allocations chômage versées à Mme [H] dans la limite de trois mois.

Débouté Mme [H] du surplus de ses demandes.

Débouté la société Book de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile et l'a condamnée aux dépens.

La société Books a formé appel par acte du 13 février 2018.

Le 29 septembre 2020, la société Book a été placée en redressement judiciaire par le tribunal de commerce de Paris ; la procédure a été convertie en liquidation judiciaire le 27 octobre 2020.

Par conclusions déposées au greffe et notifiées le 16 février 2021, auxquelles la cour fait expressément référence, la société MJA en la personne de Maître [M], en qualité de liquidateur de la société Books, demande à la cour de :

Infirmer le jugement du conseil de prud'hommes en ce qu'il a :

-Jugé que le licenciement pour motif économique de Mme [H] était dénué de cause réelle et sérieuse ;

-Jugé que la société Book comptait plus de 10 salariés au moment du licenciement de Mme [H] et appliqué les dispositions de l'article L.1235-3 du code du travail ;

-Condamné la société Book à verser à Mme [H] les sommes suivantes :

.12 235,08 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis ;

.1 223,51 euros au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés sur préavis ;

Ces sommes avec adjonction des intérêts au taux légal à compter de la date de réception par la partie défenderesse de la convocation devant le bureau de conciliation, le 27 mars 2017.

Rappelé qu'en vertu de l'article R.1454-28 du code du travail, ces condamnations sont exécutoires de droit à titre provisoire, dans la limite maximum de neuf mois de salaire calculés sur la moyenne des trois derniers mois de salaires.

Fixé la moyenne des trois derniers mois de salaire à la somme de 6 117,54 euros.

. 40 000 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, cette somme avec intérêts au taux légal à compter du jour du prononcé du jugement ;

.1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

- Ordonné le remboursement à Pôle Emploi par la société Book des allocations chômage versées à Mme [H] dans la limite de trois mois.

-Débouté la société Book de sa demande de voir condamner Mme [H] à lui verser la somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Statuant à nouveau

- Dire et juger que le licenciement pour motif économique de Mme [H] repose sur une cause réelle et sérieuse ;

- Dire et juger que la société Book a respecté ses obligations en matière d'ordre des licenciements ;

Par conséquent

- Débouter Mme [H] de l'intégralité de ses demandes ;

- Débouter Pôle Emploi de l'intégralité de ses demandes ;

- Condamner Mme [H] à verser la somme de 2 500 euros à Maître [M], es qualités de mandataire liquidateur de la société Book au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Par conclusions déposées au greffe et notifiées le 24 juin 2022, auxquelles la cour fait expressément référence, Mme [H] demande à la cour de :

A titre principal,

- Confirmer le jugement rendu le 25 janvier 2018 par le conseil de prud'hommes de Paris en ce qu'il a jugé sans cause réelle et sérieuse le licenciement de Mme [H] par la société Book ;

- Confirmer également ce jugement en ce qu'il a condamné la société Book à verser à Mme [H] la somme de 12 235,08 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis ainsi qu'à celle de 1 223,51 euros au titre des congés payés y afférents ;

- Fixer ces sommes au passif de la société Book ,

- Infirmer le jugement en ce qu'il a fixé le montant de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse due par la société Book à Mme [H] à 40 000 euros et, statuant à nouveau, fixer cette indemnité au passif de la société Book à hauteur de 61 175,40 euros ;

Subsidiairement,

- Dire que la société Book n'a pas respecté les critères d'ordre des licenciements et fixer au passif de la société Book la somme de 61 175,40 euros à titre de dommages-intérêts au profit de Mme [H].

En tout état de cause,

- Condamner, en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, la société Book à payer à Mme [H] la somme de 3 500 euros en plus de l'indemnité allouée sur ce fondement en première instance ;

- Dire que les condamnations prononcées seront assorties des intérêts au taux légal depuis la saisine du conseil de prud'hommes ;

- Condamner la société Book aux entiers dépens ;

- Fixer ces sommes au passif de la société Book ;

- Juger l'UNEDIC délégation AGS IDF Ouest tenue de garantir le paiement des créances de Mme [H], dans les limites de ses obligations légales.

Par conclusions notifiées par le réseau privé virtuel le16 février 2021, auxquelles la cour fait expressément référence, l'AGS demande à la cour de :

Dire et juger que l'AGS CGEA IDF Ouest est recevable et bien fondée en ses demandes, prétentions, fins et conclusions ;

Débouter Mme [H] de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions ;

Infirer le jugement du 25 janvier 2018 rendu par le conseil de Prud'hommes de Paris en ce qu'il a :

- condamné la société Book à verser à Mme [H] :

. la somme de 12 235,08 euros bruts à titre d'indemnité compensatrice de préavis, ainsi que 1 223,51 euros au titre de l'indemnité de congés payés y afférents ;

. la somme de 40 000 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

Ces sommes avec adjonction des intérêts au taux légal à compter de la date de réception par

la partie défenderesse de la convocation devant le bureau de conciliation le 27 mars 2017 ;

. la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- rappelé que ces sommes étaient exécutoires de droit à titre provisoire, dans la limite maximum de 9 mois de salaires calculés sur la moyenne des trois derniers mois de salaires.

- Ordonné le remboursement à Pôle Emploi par la société Book des allocations chômage versées à Mme [H] dans la limite de trois mois ;

- Débouté la société Book de sa demande de voir condamner Mme [H] à lui verser la somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Et statuant de nouveau, il est demandé à la cour d'appel de :

A titre principal :

Débouter Mme [H] de l'ensemble de ses demandes ;

Dire et juger que l'article L.1235-4 du code du travail ne trouve pas à s'appliquer à l'espèce ;

A titre subsidiaire :

Réduire à plus justes proportions les demandes de Mme [H],

Sur la garantie de l'AGS :

Juger que s'il y a lieu à fixation, celle-ci ne pourra intervenir que dans les limites de la garantie légale ;

Juger que s'il y a lieu à fixation, conformément aux dispositions de l'article L.3253-20 du code du travail, la garantie de l'AGS n'est due qu'à défaut de fonds disponibles permettant le règlement des créances par l'employeur et sous réserve qu'un relevé de créances soit transmis par le mandataire judiciaire ;

Juger qu'en tout état de cause la garantie de l'AGS ne pourra excéder, toutes créances avancées pour le compte du salarié, le plafond des cotisations maximum au régime d'assurance chômage, en vertu des dispositions des articles L. 3253-17 et D. 3253-5 du code du travail ;

Juger qu'en tout état de cause, la garantie prévue aux dispositions de l'article L.3253-6 du code du travail ne peut concerner que les seules sommes dues en exécution ou pour cause de rupture du contrat de travail au sens dudit article L. 3253-8 du code du travail, les astreintes, dommages et intérêts mettant en 'uvre la responsabilité de droit commun de l'employeur, le remboursement à Pôle Emploi des allocations chômages versées en vertu de l'article L.1235-4 du code du travail ou de l'article 700 du code de procédure civile étant ainsi exclus de la garantie ;

Statuer ce que de droit quant aux frais d'instance sans qu'ils puissent être mis à la charge de l'UNÉDIC AGS.

Par conclusions notifiées par le réseau privé virtuel le 28 avril 2020, auxquelles la cour fait expressément référence, Pôle Emploi demande à la cour de :

Dire et juger Pôle Emploi recevable et bien fondée en sa demande,

-Confirmer le jugement entrepris en ce qu'il qualifie le licenciement de dépourvu de cause réelle et sérieuse,

-Condamner la société Book à lui verser la somme de 11 770,52 euros en remboursement des allocations chômage versées au salarié,

-Condamner la société Book à lui verser la somme de 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

-Condamner la société aux entiers dépens.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 28 juin 2022.

MOTIFS

Sur l'effectif de l'entreprise

La société Book indique que l'effectif de l'entreprise était inférieur à onze salariés faisant notamment valoir l'accord du 7 novembre 2008 relatif aux journalistes rémunérés à la pige qui prévoit en son article 8, pour la détermination du seuil de l'effectif, une prise en compte au prorata de la masse des pigistes au regard du salaire moyen du personnel à temps complet.

Mme [H] fait valoir que cette disposition a été annulée.

Par arrêt du 24 mars 2011 la cour d'appel de Paris a confirmé le jugement du 3 novembre 2009 du tribunal de grande instance de Paris qui a annulé l'article de cet accord. L'appelante soutient que l'annulation n'a été prononcée qu'au motif que l'accord édictait une distinction entre les pigistes détenteurs de la carte professionnelle et les pigistes non détenteurs de la carte professionnelle et non en son principe. L'article 8 a été annulé en son intégralité, sans que la portée de la décision soit limitée à cette seule distinction.

Il n'en demeure pas moins que la prise en compte des pigistes dans le calcul de l'effectif se fait au prorata de leur temps de présence dans l'entreprise, par comparaison du revenu perçu pour les piges accomplies avec le revenu moyen du personnel titulaire de l'entreprise.

L'appelante produit l'organigramme, le registre du personnel, le tableau récapitulatif des salaires versés aux journalistes permanents et aux pigistes ainsi que les fiches de paie correspondantes.

L'effectif de l'entreprise comportait sept titulaires au cours de l'année 2016, parmi lesquelles une personne a quitté l'entreprise en octobre et une autre le 31 décembre 2016, pour un salaire annuel moyen de 45 051 euros. Les treize pigistes accomplissaient des activités ponctuelles, aucun d'entre eux n'est intervenu sur la totalité mais sur seulement quelques mois, pour cinq d'entre eux à une seule reprise et pour deux autres à deux reprises. Le montant total annuel de la rémunération des pigistes a été de 49 097 euros, c'est à dire qu'au prorata les pigistes ne correspondaient pas à deux emplois à temps plein sur l'année.

Il résulte de ces éléments que l'effectif de la société Book devant être pris en compte est inférieur à onze salariés.

Sur le licenciement pour motif économique

L'article L.1233-3 du code du travail, en sa version applicable à la date du licenciement, dispose que : 'Constitue un licenciement pour motif économique le licenciement effectué par un employeur pour un ou plusieurs motifs non inhérents à la personne du salarié résultant d'une suppression ou transformation d'emploi ou d'une modification, refusée par le salarié, d'un élément essentiel du contrat de travail, consécutives notamment :

1° A des difficultés économiques caractérisées soit par l'évolution significative d'au moins un indicateur économique tel qu'une baisse des commandes ou du chiffre d'affaires, des pertes d'exploitation ou une dégradation de la trésorerie ou de l'excédent brut d'exploitation, soit par tout autre élément de nature à justifier de ces difficultés.

Une baisse significative des commandes ou du chiffre d'affaires est constituée dès lors que la durée de cette baisse est, en comparaison avec la même période de l'année précédente, au moins égale à :

a) Un trimestre pour une entreprise de moins de onze salariés ;

b) Deux trimestres consécutifs pour une entreprise d'au moins onze salariés et de moins de cinquante salariés ;

c) Trois trimestres consécutifs pour une entreprise d'au moins cinquante salariés et de moins de trois cents salariés ;

d) Quatre trimestres consécutifs pour une entreprise de trois cents salariés et plus ;

2° A des mutations technologiques ;

3° A une réorganisation de l'entreprise nécessaire à la sauvegarde de sa compétitivité ;

4° A la cessation d'activité de l'entreprise.

La matérialité de la suppression, de la transformation d'emploi ou de la modification d'un élément essentiel du contrat de travail s'apprécie au niveau de l'entreprise.

Les dispositions du présent chapitre sont applicables à toute rupture du contrat de travail à l'exclusion de la rupture conventionnelle visée aux articles L. 1237-11 et suivants, résultant de l'une des causes énoncées au présent article.'

L'article L. 1233-4 du code du travail dispose que 'Le licenciement pour motif économique d'un salarié ne peut intervenir que lorsque tous les efforts de formation et d'adaptation ont été réalisés et que le reclassement de l'intéressé ne peut être opéré sur les emplois disponibles, situés sur le territoire national dans l'entreprise ou les autres entreprises du groupe dont l'entreprise fait partie.

Le reclassement du salarié s'effectue sur un emploi relevant de la même catégorie que celui qu'il occupe ou sur un emploi équivalent assorti d'une rémunération équivalente. A défaut, et sous réserve de l'accord exprès du salarié, le reclassement s'effectue sur un emploi d'une catégorie inférieure.

Les offres de reclassement proposées au salarié sont écrites et précises.'

L'appelante établit que le chiffre d'affaires de la société Book a diminué de 35% au cours de l'année 2016 et qu'il avait déjà diminué l'année précédente ; le résultat d'exploitation a été négatif deux années de suite.

La liquidation de la société Book démontre ainsi l'existence de difficultés économiques qui justifiaient la suppression d'emplois.

L'appelante explique qu'un reclassement a été proposé à Mme [H] au poste de rédacteur en chef adjoint, avec une baisse de sa rémunération. Elle produit plusieurs attestations de salariés qui déclarent que Mme [H] avait annoncé depuis longtemps qu'elle n'accepterait pas de diminution de sa rémunération, qu'elle déclarait avoir un autre projet professionnel et souhaitait être licenciée.

L'AGS s'en remet aux conclusions de la liquidation de la société Book.

Dans un mail du 9 décembre 2016 Mme [H] indique au directeur : '[B] vient d'annoncer à toute le monde son licenciement. M'autorises-tu à l'officialiser aussi ' Je te confirme dès maintenant que j'opte pour l'option licenciement économique...' Ce message explicite confirme le contenu des attestations produites, mais ne démontre pas l'existence d'une proposition de reclassement qui aurait été faite à la salariée dont la suppression du poste a été envisagée, proposition qui doit être écrite et précise.

Une autre personne a ensuite été recrutée dans l'entreprise au poste de rédacteur en chef adjoint.

Il en résulte que la société Book a manqué à son obligation de reclassement et que le licenciement est sans cause réelle et sérieuse.

Le jugement sera confirmé de ce chef.

Sur les conséquences financières

L'appelante et l'AGS font valoir que Mme [H] ayant accepté le contrat de sécurisation professionnelle et la cause économique du licenciement étant constituée, l'employeur ne peut être tenu au paiement de l'indemnité compensatrice de préavis et des congés payés afférents.

En l'absence de licenciement pour motif économique fondé sur une cause réelle et sérieuse, le contrat de sécurisation professionnelle devenant sans cause, l'employeur est tenu à l'obligation du préavis et des congés payés afférents, sauf à tenir compte des sommes déjà versées à ce titre en vertu dudit contrat.

Le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse. Il a été prononcé le 23 janvier 2017, Mme [H] a accepté le contrat de sécurisation professionnelle le 24 janvier et le reçu pour solde de tout compte a été établi le 26 janvier. Aucune somme n'a été versée à Mme [H] au titre de l'indemnité compensatrice de préavis et des congés payés afférents.

En l'absence de contestation concernant les montants alloués en première instance, qui correspondent aux éléments produits, ils seront retenus. Le jugement sera cependant infirmé de ce chef, en ce que les créances seront fixées au passif de la liquidation.

L'entreprise avait un effectif inférieur à onze salariés. L'article L. 1235-5 du code du travail, en sa version applicable à l'instance, prévoit que les dispositions de l'article L.1235-3 ne sont pas applicables à l'instance et que le salarié peut prétendre, en cas de licenciement abusif, à une indemnité correspondant au préjudice subi.

Mme [H] a perçu les prestations du contrat de sécurisation professionnelle, puis les indemnités versées par Pôle Emploi. Elle justifie d'une seule démarche de recherche d'emploi, par un mail du 30 juin 2017 dans lequel elle indique également qu'elle vient d'effectuer un important travail de traduction, pour lequel elle ne produit pas de justificatif.

Faute pour l'intimée de justifier d'un préjudice plus important, l'indemnité pour licenciement abusif à la charge de la société Book doit être fixée au passif de la liquidation à hauteur de 10 000 euros.

Le jugement sera infirmé de ce chef.

Sur le remboursement à Pôle Emploi

Si le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse, compte tenu du nombre habituel de salariés dans l'entreprise, inférieur à onze, les dispositions de l'article L. 1235-4 du code du travail ne sont pas applicables.

Il n'y a pas lieu de faire droit à la demande formée par Pôle Emploi. Le jugement du conseil de prud'hommes sera infirmé de ce chef.

Sur les intérêts

Conformément aux dispositions des articles 1231-6 et 1231-7 du code civil, les créances salariales exigibles au moment de l'introduction de l'instance prud'homale sont assorties d'intérêts au taux légal à compter de la réception par la société de la convocation à comparaître devant le bureau de conciliation du conseil de prud'hommes, soit le 27 mars 2017.

En application de l'article L622-28 du code de commerce le jugement du tribunal de commerce qui a prononcé l'ouverture de la procédure collective a arrêté le cours des intérêts légaux.

Dès lors les intérêts légaux qui ont pu courir jusqu'à la date de l'ouverture de la procédure collective s'arrêtent à cette date et les intérêts légaux dont le point de départ ne pouvait courir qu'à partir du prononcé de la décision ne sont pas dus.

Les intérêts légaux des créances salariales sont ainsi dus entre le 27 mars 2017 et le 29 septembre 2020. La créance d'intérêts sera fixée au passif de la liquidation.

Sur la garantie de l'AGS :

En application des dispositions des articles L3253-6, L3253-8 et D3253-5 et suivants du code du travail dans leur version alors en vigueur, l'AGS est tenue de garantir 'les sommes dues aux salariés à la date du jugement d'ouverture de toute procédure de redressement ou de liquidation judiciaire'.

L'AGS ne conteste pas le principe de sa garantie et la doit dans ces termes, dans la limite des plafonds prévus par les articles L.3253-17 et D.3253-5 du code du travail.

Sur les dépens et frais irrépétibles

Le sort réservé aux demandes justifie que chaque partie supporte les dépens qu'elle a exposés, le liquidateur es-qualités, et qu'aucune somme ne soit alloué sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour,

INFIRME le jugement du conseil de prud'hommes, sauf en ce qu'il a jugé le licenciement sans cause réelle et sérieuse,

Statuant à nouveau sur les chefs infirmés,

FIXE les créances suivantes de Mme [H] au passif de la liquidation de la société Book :

- les sommes de 12 235,08 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis et de 1 223,51 euros au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés sur préavis,

- la somme de 10 000 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- la créance d'intérêts au taux légal sur les créances salariales entre le 27 mars 2017 et le 29 septembre 2020,

DÉBOUTE Pôle Emploi de sa demande,

DIT que le présent arrêt sera opposable à l'association Unedic délégation AGS CGEA d'Ile de France Ouest dans la limite du plafond légal,

DIT que l'association Unedic délégation AGS CGEA d'Ile de France Ouest ne devra faire l'avance de la somme représentant les créances garanties que sur présentation d'un relevé du mandataire judiciaire et justification par celui-ci de l'absence de fonds disponibles entre ses mains pour procéder à son paiement,

LAISSE à chaque partie la charge des dépens qu'elle a exposés,

DÉBOUTE les parties de leurs demandes au titre des frais irrépétibles.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 6
Numéro d'arrêt : 18/02957
Date de la décision : 09/11/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-11-09;18.02957 ?
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