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15/11/2022 | FRANCE | N°19/12424

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 11, 15 novembre 2022, 19/12424


Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS







COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 11



ARRET DU 15 NOVEMBRE 2022



(n° , 7 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 19/12424 - N° Portalis 35L7-V-B7D-CBE52



Décision déférée à la Cour : Jugement du 19 Novembre 2019 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de CRETEIL - RG n° 17/01493



APPELANTE



SAS MANDAE

[Adresse 2]

[Localité 3]



Représentée par Me Jean-Philippe DESANLIS, avocat au barreau de PARIS, toque : C2130



INTIMEE



Madame [I] [J]

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représentée par Me Bernardine TYL-GAILLA...

Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 11

ARRET DU 15 NOVEMBRE 2022

(n° , 7 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 19/12424 - N° Portalis 35L7-V-B7D-CBE52

Décision déférée à la Cour : Jugement du 19 Novembre 2019 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de CRETEIL - RG n° 17/01493

APPELANTE

SAS MANDAE

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représentée par Me Jean-Philippe DESANLIS, avocat au barreau de PARIS, toque : C2130

INTIMEE

Madame [I] [J]

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représentée par Me Bernardine TYL-GAILLARD, avocat au barreau de PARIS, toque : P0462

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 13 Octobre 2022, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Isabelle LECOQ-CARON, Présidente de chambre, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :

Madame Isabelle LECOQ-CARON, Présidente de chambre,

Madame Anne HARTMANN, Présidente de chambre,

Madame Catherine VALANTIN, Conseillère,

Greffier, lors des débats : Madame Manon FONDRIESCHI

ARRET :

- contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Isabelle LECOQ-CARON Présidente de chambre, et par Madame Manon FONDRIESCHI, Greffière présente lors du prononcé.

EXPOSE DU LITIGE

Mme [I] [J] a été engagée le 3 novembre 2014 par l'Unité Mutualiste par contrat à durée indéterminée en qualité de téléconseiller en application de la convention collective de la Mutualité. Son contrat de travail a été transféré à la SAS Mandae.

Par courrier en date du 13 septembre 2017, la société Mandae l'a convoquée à entretien préalable avec mise à pied à titre conservatoire, fixé le 22 septembre 2017 avant de licencier Mme [J] pour faute grave par courrier du 27 septembre 2017.

Contestant la légitimité de son licenciement et réclamant diverses indemnités, outre des rappels de salaire pour mise à pied conservatoire, Mme [J] a saisi le 25 octobre 2017 le conseil de prud'hommes de Créteil, qui, par jugement du 19 novembre 2019, auquel la cour se réfère pour l'exposé de la procédure antérieure et des prétentions initiales des parties a statué comme suit :

- Requalifie la rupture du contrat de travail de Mme [I] [J] en licenciement sans cause réelle ni sérieuse.

- Condamne la SAS MANDAE à payer à Mme [I] [J] (dont la moyenne des douze derniers mois de salaire brut est de 2166,55 €) :

4.333,10€ au titre de l'indemnité compensatrice de préavis et 433,31 € au titre des congés payés afférents au préavis,

686,71 € au titre de rappel de salaire pour mise à pied conservatoire et 68,67 € au titre des congés payés afférents,

3.159,55 € au titre de l'indemnité légale de licenciement,

6.499,65 € au titre de f indemnité sans cause réelle et sérieuse,

1300€ (mille trois cents euros) au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

- Déboute la SAS MANDAE de sa demande d'article 700 du code de procédure civile.

Par déclaration du 19 décembre 2019, la société Mandae a interjeté appel du jugement rendu par le conseil de prud'hommes, notifié par lettre recommandée avec accusé de réception le 21 novembre 2019.

Dans ses dernières conclusions adressées au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 19 mars 2020, la société Mandae demande à la cour de :

- Recevoir la SAS MANDAE en son appel et l'y déclarant bien fondé,

-Infirmer le jugement déféré en ce qu'il a :

Requalifié la rupture du contrat de travail de Mme [I] [J] en licenciement sans cause réelle et sérieuse,

Condamné la société MANDAE aux sommes suivantes :

4.333,10 € au titre de l'indemnité compensatrice de préavis et 433,31 € au titre des congés payés afférents au préavis,

686,71 € au titre de rappel de salaire pour mise à pied conservatoire et 68,67 € au titre des congés payés afférents,

3.159,55 € au titre de l'indemnité légale de licenciement,

6.499,65 € au titre de f indemnité sans cause réelle et sérieuse,

1300€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Aux entiers dépens

Débouté la Société MANDAE de l'ensemble de ses demandes.

Statuant à nouveau de :

- Dire et juger le licenciement pour faute grave de Mme [J] fondé,

En conséquence,

- Débouter Mme [J] de l'ensemble de ses demandes et prétentions ;

A titre reconventionnel,

- Condamner Mme [J] au paiement d'une indemnité de 1.800 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens.

Dans ses dernières conclusions adressées au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 8 juin 2020, Mme [J] demande à la cour de':

- Confirmer le jugement dont appel en ce qu'il a requalifié la rupture du contrat de travail de Mme [I] [J] en licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

- Confirmer le jugement dont appel en ce qu'il a condamné la société MANDAE à lui payer les sommes suivantes :

4.333,10€ au titre de l'indemnité compensatrice de préavis et 433,31 € au titre des congés payés afférents au préavis,

686,71 € au titre de rappel de salaire pour mise à pied conservatoire et 68,67 € au titre des congés payés afférents,

3.159,55 € au titre de l'indemnité légale de licenciement,

- L'infirmer seulement en ce qui concerne le quantum des condamnations à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

Statuant à nouveau,

- Condamner la société MANDAE à payer à Mme [J] la somme de :

A titre principal, 13.000 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

A titre subsidiaire, 8.666 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- Condamner la société MANDAE à payer à Mme [J] la somme de 2.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- La condamner aux entiers dépens.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 3 novembre 2021 et l'affaire a été fixée à l'audience du 13 octobre 2022.

Pour un plus ample exposé des faits, des prétentions et des moyens des parties, la cour se réfère à leurs conclusions écrites conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la faute

Pour infirmation de la décision entreprise, la société Mandae soutient en substance que les faits antérieurs au 13 juillet 2017 ne sont pas prescrits car elle en a eu connaissance précisément seulement qu'à partir du 21 août 2017 et que les premiers éléments ont été découverts le 26 juillet 2017 : que les griefs sont établis.

Mme [J] réplique qu'une partie des griefs est prescrite ; que la société procédait régulièrement à des écoutes téléphoniques de ses appels selon une libre fréquence et donc il ne pouvait lui être reproché des appels antérieurs au 13 juillet 2017 ; que son bureau était situé à proximité de son superviseur, ce dernier pouvait donc la surveiller facilement et avait donc connaissance des faits depuis avril 2017.

La faute grave est celle qui résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié qui constitue une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise même pendant la durée du préavis.

L'employeur qui invoque la faute grave pour licencier doit en rapporter la preuve.

Il est constant que le juge a le pouvoir de requalifier la gravité de la faute reprochée au salarié en restituant aux faits leur exacte qualification juridique conformément à l'article'12 du code de procédure civile ; qu'en conséquence, si le juge ne peut ajouter d'autres faits à ceux invoqués par l'employeur dans la lettre de licenciement, lorsque celui-ci intervient pour motif disciplinaire, il doit rechercher si ces faits, à défaut de caractériser une faute grave, comme le prétend l'employeur, ne constituent pas néanmoins une cause réelle et sérieuse de licenciement.

En application de l'article L.1332-4 du code du travail, aucun fait fautif ne peut donner lieu à lui seul à l'engagement de poursuites disciplinaires au-delà d'un délai de deux mois à compter du jour où l'employeur en a eu connaissance, à moins que ce fait ait donné lieu dans le même délai à l'exercice de poursuites pénales.

Il est constant que ce n'est pas la date des faits qui constitue le point de départ du délai mais celle de la connaissance par l'employeur des faits reprochés. Cette connaissance par l'employeur s'entend d'une 'connaissance exacte de la réalité, de la nature et de l'ampleur des faits'. Cette connaissance peut dépendre de la réalisation de vérifications auxquelles l'employeur doit procéder pour s'assurer de la réalité, de la nature et de l'ampleur des faits reprochés.

En l'espèce, la lettre de licenciement qui circonscrit les limites du litige est ainsi rédigée :

' Nous faisons suite par la présente à l'entretien préalable que vous avez eu le 22 septembre 2017 en présence de Madame [K] [O], Responsable du service juridique et social de la DRH Groupe et de M. [U] [H] Responsable du Centre de Relation Clients. Vous étiez assistée de Mme [R] [M], membre du comité d'entreprise et déléguée du personnel.

Au cours de cet entretien, nous vous avons exposé les griefs retenus à votre encontre et avons recueilli vos explications.

Ces griefs se rapportent aux faits suivants :

Le 26 juillet 2017, en voulant étudier les causes de réitération des appels, un de vos superviseurs a constaté une fréquence anormalement élevée de rappels sur votre poste.

Rappelons que le système de la plate-forme téléphonique est élaboré de telle façon que l'appelant retombe généralement sur le téléconseiller ayant précédemment décroché son appel.

En poursuivant ses recherches, ce superviseur a également constaté que ces appels n'étaient pas tracés en GRC. Pour rappel, les appels sont tracés en GRC pendant la communication, dès que vous confirmez à l'adhérent la compréhension du motif de son appel.

Nous avons alors procédé à l'écoute de l'ensemble des enregistrements isicom pour cette journée.

C'est ainsi que nous nous sommes aperçu de la non prise en charge de certains de vos appels.

Forts de ce constat, vos supérieurs hiérarchiques, ont procédé à l'écoute de l'ensemble des appels que vous avez réceptionnés pour la période du 2ème trimestre 2017 (mois d'avril, mai et juin). Nous constatons que vous avez mis en attente, sur l'ensemble de cette période, un grand nombre d'appel et ce, sans motif apparent. Régulièrement, vous décroche: ces appels et les faites basculer vers l'attente musicale sans en informer vos interlocuteurs. Nous avons également pu constater qu'un nombre excessif d'appels n'a reçu aucune réponse de votre part, alors que vous étiez disponible à ce moment là et à votre poste de travail.

Ainsi :

- Pour le mois d'avril 2017, pour la journée du 5 avril, vous avez mis 27 appels en attente musicale sans traitement préalable, 20 le 10 avril 2017, 29 le 13 avril, 27 le 14 avril, 29 le 19 avril ou encore 36 le 24 avril.

- Au mois de mai, pour la journée du 3 mai, vous n'avez pas décroché à 10 appels et avez mis 21 appels en attente musicale, 19 le 5 mai, 37 le 9 mai, 34 le 11 mai ou encore 26 le 23 mai .

- Enfin, concernant le mois de juin, pour la journée du 6 juin, vous avez mis en attente musicale 32 appels, 27 le 8 juin, 32 le 12 juin, 26 les 28 et 29 juin. Le 30 juin vous n'avez pas décroché à 11 appels.

Vous réitérez ce même comportement en ce début de 3ème trimestre. En effet, nous avons pu constater que pour la journée du 25 juillet 2017, vous avez reçu 53 appels dont 5 non décrochés et 12 ont été mis en attente musicale. Seuls 36 appels ont été traités en réalité. De même pour la journée du 26 juillet 2017, vous avez reçu 63 appels dont 10 non décrochés et 17 ont été mis en attente en musicale. Sur les 53 appels décrochés, vous n'en avez traités que 36.

Comme rappelé par le mode opératoire mis à votre disposition, la mise en attente musicale doit être courte et utilisée à bon escient.

En votre qualité de téléconseiller votre mission consiste à répondre aux appels de nos adhérents et y apporter une réponse de qualité. De plus, en tant qu'acteur de la relation client, vous devez participer au développement de la mutuelle en fidélisant le portefeuille clients par votre disponibilité et la qualité du traitement de leurs demandes. Vous êtes le premier interlocuteur de l'adhérent, vous représentez donc l'image de l'entreprise.

Vos agissements génèrent le mécontentement et l'insatisfaction des adhérents. Ne parvenant pas à vous joindre, ils sont dans l'obligation de patienter sans que vous ayez expliqué au préalable la raison de cette attente, comme prévu par le mode opératoire relatif à la relation client. Ce comportement inadmissible nuit gravement à l'image et à la réputation de notre mutuelle.

D'autre part, comme prévu par votre contrat de travail, vous bénéficiez d'une rémunération variable sous réserve de l'atteinte des objectifs fixés par votre hiérarchie. Cette rémunération est subordonnée à divers indicateurs dont la productivité ou le taux d'appel décroché.

A ce titre, vous avez perçu pour le 2nd trimestre, la somme de 476 euros dont 136 euros au titre de votre productivité horaire. Or, la mise en attente récurrente des appels entrants produit un effet décroissant sur votre durée moyenne de communication et, in fine, fait accroître votre productivité.

De plus, bien que vous n'avez pas perçu de prime sur la base du taux de décrochés moyen, vos agissements conduisent les adhérents à réitérer leurs appels. Cela a pour conséquence d'augmenter le volume d'appel et donc, altère les résultats individuels et collectifs obtenus.

Votre rendement enregistré ne révèle en aucun cas votre mérite professionnel et votre performance effective. Vous avez donc été rétribuée sur la base de critères fausses.

Lors de l'entretien, pour votre défense, vous avez expliqué avoir agi ainsi pour ne pas vous mettre en back-office.

Les explications recueillies auprès de vous n'ont donc pas permis de modifier notre appréciation des faits.

En conséquence, compte tenu de la gravité et de la répétition des faits et agissements qui vous sont reprochés, votre maintien dans l'entreprise s'avère impossible, même pendant le préavis. Nous vous informons donc que nous sommes contraints de vous licencier pour faute grave, sans préavis ni indemnité.

La date de première présentation de cette lettre par les services postaux marquera la date de fin de votre contrat de travail.

Le licenciement prend donc effet immédiatement à la date de présentation de la présente lettre par les services postaux et vous sortirez des effectifs le soir-même, sans indemnité de préavis ni de licenciement.

La période non travaillée de mise à pied conservatoire ayant débuté le 1er septembre ne sera pas rémunérée.

Au terme de votre contrat de travail, il vous sera adressé votre solde de tout compte, votre certificat de travail et l'attestation pôle emploi.

Enfin, à réception du présent courrier, le cas échéant, vous êtes prié de nous restituer par tout moyen le matériel et tout document appartenant à l'entreprise.'

La société Mandae qui prétend avoir découvert l'ensemble des griefs le 26 juillet 2017, produit à cet effet le rapport en date du 21août 2017 révélant que c'est en voulant étudier les causes des réitérations d'appels pour cette journée du 26 juillet 2017 que M. [L], superviseur du CRC de Bordeaux a constaté que ces appels avaient été principalement réceptionné par Mme [P], ; qu'en 'investigant davantage' il a constaté que les appels concernés n'étaient pas tracés par l'outil de gestion de la relation clients (GRC) ; que M. [L] a alors procédé à l'écoute de l'ensemble des enregistrements isicom pour la journée du 26 juillet 2017 et constaté l'absence de prise en charge de ces appels ; qu'il a également constaté que Mme [J] ne traçait pas tous les appels en GRC ; qu'il a alors demandé à Mme [D] de procéder à l'écoute de l'ensemble des appels réceptionnés par Mme [J] pour la période du 2ème trimestre 2017 (avril, mai et juin 2017).

Il en résulte que la société Mandae avait les moyens à sa disposition de contrôler l'activité de sa salariée via l'outil de gestion de la relation clients, l'enregistrement 'isicom' des appels ainsi que le travail du superviseur de telle sorte que, eu égard à la date de la convocation à l'entretien préalable du 13 septembre 2017, seuls les faits établis à compter du 13 juillet 2017 peuvent être retenus, la société ne pouvant en tout état de cause opposer à sa salariée l'absence de superviseur sur site et une supervision à distance, pour soutenir qu'elle ne pouvait avoir connaissance des faits et de leur ampleur qu'en août 2017.

Force est de constater que la société ne produit aucun élément sur l'activité de Mme [J] à compter du 13 juillet 2017, les seuls éléments versés aux débats concernent les appels reçus en avril, mai et juin 2017.

En conséquence, aucun grief à compter du 13 septembre 2017 n'est établi à l'encontre de Mme [J]. C'est donc à juste titre que les premiers juges ont retenu que le licenciement de Mme [J] était dépourvu de cause réelle et sérieuse.

Sur les conséquences financières

Mme [J] est en droit de percevoir un rappel de salaire correspondant à la période de mise à pied, les congés payés afférents, l'indemnité compensatrice de préavis correspondant aux salaires qu'elle aurait du percevoir durant le délai de congé de deux mois, les congés payés afférents et l'indemnité légale de licenciement dont il convient de confirmer les montants tels que fixés par le conseil de prud'hommes et non discutés dans leur quantum en cause d'appel.

Sur la demande d'indemnité au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse, la salariée conteste l'application du barème prévu par l'article L.1235.3 du code du travail motifs pris que seule la juridiction prud'homale est à même de juger d'une indemnisation appropriée conforme à l'article 24 de la Charte des droits sociaux et à l'article 10 de la convention de l'OIT.

Aux termes de l'article 6 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, la loi doit être la même pour tous, soit qu'elle protège, soit qu'elle punisse.

Les stipulations de l'article 10 de la Convention n° 158 de l'Organisation internationale du travail, qui créent des droits dont les particuliers peuvent se prévaloir à l'encontre d'autres particuliers et qui, eu égard à l'intention exprimée des parties et à l'économie générale de la convention, ainsi qu'à son contenu et à ses termes, n'ont pas pour objet exclusif de régir les relations entre Etats et ne requièrent l'intervention d'aucun acte complémentaire, sont d'effet direct en droit interne.

Les dispositions des articles L. 1235-3, L. 1235-3-1 et L. 1235-4 du code du travail, dans leur rédaction issue de l'ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017, qui permettent raisonnablement l'indemnisation de la perte injustifiée de l'emploi et assurent le caractère dissuasif des sommes mises à la charge de l'employeur, sont de nature à permettre le versement d'une indemnité adéquate ou une réparation considérée comme appropriée au sens de l'article 10 de la Convention n° 158 de l'Organisation internationale du travail.

Il en résulte que les dispositions de l'article L. 1235-3 du code du travail sont compatibles avec les stipulations de l'article 10 de la Convention précitée.

Les dispositions de la Charte sociale européenne selon lesquelles les Etats contractants ont entendu reconnaître des principes et des objectifs poursuivis par tous les moyens utiles, dont la mise en 'uvre nécessite qu'ils prennent des actes complémentaires d'application et dont ils ont réservé le contrôle au seul système spécifique visé par la partie IV, ne sont pas d'effet direct en droit interne dans un litige entre particuliers.

L'invocation de son article 24 ne peut dès lors pas conduire à écarter l'application des dispositions de l'article L. 1235-3 du code du travail, dans leur rédaction issue de l'ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017.

En application de cet article L.1235-3 du code du travail dans sa version issue de l'ordonnance n°2017-1387 du 22 septembre 2017, si le licenciement d'un salarié survient pour une cause qui n'est pas réelle et sérieuse, le juge peut proposer la réintégration du salarié dans l'entreprise, avec maintien de ses avantages acquis. Si l'une ou l'autre des parties refuse cette réintégration, le juge octroie au salarié une indemnité à la charge de l'employeur, dont le montant, eu égard à l'ancienneté de la salariée, est compris entre 3 mois et 4 mois de salaire.

Au jour du licenciement, Mme [J], âgée de 28 ans, avait une ancienneté de trois ans. Elle justifie avoir perçu les indemnités de chômage à compter de la fin de son contrat de travail le 28 septembre 2017 et avoir été engagée par contrat à durée indéterminée à compter du 1er octobre 2019 par la société GRDF en qualité d'agent statutaire stagiaire pour occuper un emploi de conseillère client. En conséquence, c'est à juste titre que les premiers juges lui ont alloué une indemnité de 6.499,65 euros en réparation du préjudice subi. La décision sera confirmée de ce chef.

Sur les frais irrépétibles

La société Mandae sera condamnée aux entiers dépens et devra verser à Mme [J] la somme de 2.500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire et mis à disposition au greffe,

CONFIRME le jugement déféré ;

Y ajoutant,

CONDAMNE la SAS Mandae aux entiers dépens ;

CONDAMNE la SAS Mandae à verser à Mme [I] [J] la somme de 2.500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

La greffière, La présidente.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 11
Numéro d'arrêt : 19/12424
Date de la décision : 15/11/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-11-15;19.12424 ?
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