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23/11/2022 | FRANCE | N°17/17181

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 4 - chambre 2, 23 novembre 2022, 17/17181


REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS







COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 4 - Chambre 2



ARRET DU 23 NOVEMBRE 2022



(n° , 12 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 17/17181 - N° Portalis 35L7-V-B7B-B4CAM



Décision déférée à la Cour : Jugement du 21 Juin 2017 -Tribunal de Grande Instance de Bobigny RG n° 14/09840





APPELANTE



Société EUREKA

SAS immatriculée au RCS de Paris sous le numéro 401 949 375

[

Adresse 12]

[Localité 9]



Représentée par Me Edouard VITRY du PARTNERSHIPS ADDLESHAW GODDARD (Europe) LLP, avocat au barreau de PARIS, toque : D0541







INTIMES



Monsieur [W] [D]

[Adresse...

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 4 - Chambre 2

ARRET DU 23 NOVEMBRE 2022

(n° , 12 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 17/17181 - N° Portalis 35L7-V-B7B-B4CAM

Décision déférée à la Cour : Jugement du 21 Juin 2017 -Tribunal de Grande Instance de Bobigny RG n° 14/09840

APPELANTE

Société EUREKA

SAS immatriculée au RCS de Paris sous le numéro 401 949 375

[Adresse 12]

[Localité 9]

Représentée par Me Edouard VITRY du PARTNERSHIPS ADDLESHAW GODDARD (Europe) LLP, avocat au barreau de PARIS, toque : D0541

INTIMES

Monsieur [W] [D]

[Adresse 7]

[Localité 10]

Représenté par Me Arnaud GUYONNET de la SCP AFG, avocat au barreau de PARIS, toque : L0044

Ayant pour avocat plaidant : Me Fabienne L'HERMINIER, avocat au barreau de PARIS, toque : D0410

Société LOTCENT

[Adresse 6]

[Localité 8]

N° SIRET : 442 885 893 00010

Représentée par Me Saliha HARIR, avocat au barreau de PARIS, toque : C1240

Société LE SAPHIR

SARL immatriculée au RCS de Bobigny sous le numéro 445 332 224

[Adresse 11]

[Localité 13]

Représentée par Me Thibaud VIDAL de l'ARRPI VIDAL AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : B0056

SYNDICAT DES COPROPRIÉTAIRES DU [Adresse 1] À [Localité 13] représenté par son syndic, la société LOT CENT, SARL immatriculée au RCS de Paris sous le numéro 442 885 893

C/O Société LOTCENT

[Adresse 6]

[Localité 8]

NON COMPARANTE

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 28 Septembre 2022, en audience publique, devant la Cour composée de :

Madame Muriel PAGE, Conseillère

Mme Nathalie BRET, Conseillère

Mme Natacha PINOY, Conseillère

qui en ont délibéré

Greffier, lors des débats : Mme Dominique CARMENT

ARRET :

- REPUTE CONTRADICTOIRE

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Mme Muriel PAGE, Conseillère, et par Dominique CARMENT, Greffière présente lors du prononcé.

* * * * * * * * * * * *

FAITS & PROCÉDURE

Mme [F] [G] veuve [L] a hérité d'ensembles immobiliers voisins :

- l'ensemble immobilier sis [Adresse 11], cadastré H218,

dans lequel un fonds de commerce était exploité au rez-de-chaussée dans un magasin à usage d'épicerie, salle de billard et buvette,

- l'ensemble immobilier sis [Adresse 1], cadastré H[Cadastre 3] et H[Cadastre 4].

Les parcelles H[Cadastre 4] et H[Cadastre 5] sont issus de la division de la parcelle H[Cadastre 2].

Par acte notarié du 26 avril 1983, l'immeuble du [Adresse 11] a fait l'objet d'un règlement de copropriété avec état descriptif de division.

Les lots numéro 3, 4 et 35 dans le bâtiment A et 81 dans le bâtiment B y sont ainsi désignés :

- le lot numéro 3 :

'Au rez-de-chaussée :

Sur la [Adresse 14], portes face à gauche de l'entrée principale de l'immeuble, un local commercial comprenant :

deux boutiques dont une avec escalier intérieur privatif d'accès au sous-sol (lot numéro 35), et deux débarras.

Lot indissociable du lot numéro 81

(bâtiment B)',

- le lot numéro 4 :

'Au rez-de-chaussée :

Sur la cour, 1ère porte à gauche dans celle-ci, un local à usage commercial comprenant :

cuisine et deux réserves dont l'une avec escalier intérieur privatif d'accès au 1er étage (lot numéro 7) et l'autre avec placard',

- le lot numéro 35 :

'Au sous-sol :

deux caves avec escalier intérieur privatif d'accès au rez-de-chaussée (le lot numéro 3).

Ce lot bénéficie d'une servitude de passage pour permettre son accès sur l'unité foncière cadastrée section H numéros [Cadastre 3] et [Cadastre 4], pour une contenance totale de 9 ares 76 centiares, appartenant à Mme [L] comparante. Etant précisé que ce droit de passage doit s'exercer de la façon la plus directe et la moins contraignante pour le fonds servant en tenant compte de la disposition naturelle des lieux',

- le lot numéro 81 :

'Au rez-de-chaussée :

Sur la cour, avec accès par le lot numéro 3 (bâtiment A), un local à usage commercial comprenant :

boutique, dégagement et cabinet de toilettes avec water-closet.

Lot indissociable du lot numéro 3 (bâtiment A)'.

Le fonds de commerce, qui sera renommé 'vins-restaurant' 'Bar Castilla', correspond aux lots suivants :

- les lots 3, 4, 81 composant le local commercial,

- le lot 35 constitué d'une cave,

- les lots 7 et 91.

Par acte sous seing privé du 2 mai 1986, M. et Mme [M], propriétaires du fonds de commerce 'vins-restaurant' au [Adresse 11], l'ont vendu à M. [A] [N] [J].

Par acte sous seing privé des 4 novembre et 4 décembre 1996, Mme [F] [G], propriétaire des murs, a donné à bail à M. [A] [N] [J], les lots dans lesquels est exploité le fonds de commerce 'vins-restaurant'.

Par deux actes sous seing privé en date du 18 janvier 2003, M. [A] [N] [J] a vendu à la société à responsabilité limitée Le Saphir :

- le fonds de commerce de 'vins-restaurant',

- le droit au bail des lots dans lesquels est exploité le fonds de commerce de 'vins-restaurant'.

Par acte notarié du 22 mai 2003, les sociétés JPM, JML et Eureka ont acquis le terrain voisin sis [Adresse 1], sur lequel était édifié un bâtiment d'habitation.

Par acte notarié du 27 octobre 2003, l'immeuble du [Adresse 1] a fait l'objet d'un règlement de copropriété avec état descriptif de division, mentionnant un bâtiment A et deux bâtiments à construire B et C.

Par acte notarié du 17 mars 2004, Mme [F] [G] veuve [L] a vendu à M. [W] [D] les lots dans lesquels est exploité le fonds de commerce de 'vins-restaurant', donné à bail à la société Le Saphir.

Le 23 novembre 2004, la société Le Saphir, estimant que le mur, élevé dans le cadre des travaux de construction en cours sur le fonds voisin, condamnait la descente par emprise sur la cour dont disposait les locaux commerciaux objet du bail, a fait établir un constat d'huissier aux termes duquel 'De l'autre côté de cette dernière porte (permettant d'accéder à une porte métallique communiquant avec l'extérieur), depuis la voie publique, je constate qu'un mur de parpaings de couleur brique est en cours d'érection, condamnant l'accès à la cave sus-décrite'.

Par acte du 3 janvier 2006, les sociétés JPM, JML et Eureka ont vendu à M. [U] [Y] et Mme [C] [I] épouse [Y] le lot 22 du bâtiment B du [Adresse 1], composé d'un appartement en triplex, dont la désignation précise :

'D'autre part, la partie du lot desservie par une porte extérieure à l'extrémité droite sur la façade rue, appartient au lot numéro 22, mais est grevée d'une servitude de passage au profit du commerce de droite en regardant la façade (mitoyen au lot vendu). Cette partie a donc été séparée par les vendeurs du reste du lot par un mur.

Observation étant ici faite que le vendeur s'engage à poser une porte dès l'obtention du permis modificatif'.

Par acte sous seing privé en date du 3 mars 2006, M. [W] [D] a consenti à la société Le Saphir le renouvellement du bail commercial pour une durée de neuf années et un loyer annuel de 12.000 € HT portant sur les lots dans lesquels est exploité le fonds de commerce de 'vins-restaurant'.

Par actes du 22 mars 2011, estimant que la construction du bâtiment B du [Adresse 1] jouxtait ses locaux au [Adresse 11] et avait condamné sa servitude d'accès à la cave par l'extérieur, la société Le Saphir a assigné en référé expertise M. [D] et le syndicat des copropriétaires du [Adresse 1].

Par ordonnance en date du 11 mai 2011, le juge des réferés du tribunal de grande instance de Bobigny a ordonné une expertise et a désigné Mme [H] [V].

Son rapport daté du 8 avril 2013 a été déposé.

Par actes d'huissier du 17 juin 2014, 1er juillet 2014, et 7 juillet 2014, la société Le Saphir a assigné M. [D], le syndicat des copropriétaires du [Adresse 1], représenté par son syndic la société Cabinet Parisien d'Administration de Biens (CPAB), la société CTP, la société JPC Rénovation et la société Eureka, devant le tribunal de grande instance de Bobigny aux fins de les voir condamner, sur le fondement des articles 544, 1382, 1719 et suivants du code civil, comme il suit :

- dire que ses demandes sont recevables et bien fondées ;

- condamner in solidum M. [D], le syndicat des copropriétaires, la société CTP, la société à responsabilité limitée JPC Rénovation et la société Eureka à rétablir la servitude d'accès à la cave par l'extérieur ;

- assortir cette condamnation d'une astreinte de 100 € par jour de retard passé le délai d'un mois à compter de la signification de la décision à intervenir ;

- condamner in solidum les mêmes parties à lui payer une indemnité de 4.268 € au titre du préjudice souffert entre 2004 et 2014 ;

- condamner in solidum, la société CTP, la société JPC Rénovation et la société Eureka à lui payer la somme de 5.000 € au titre de leurs résistances abusives et le non-respect de leur engagement de rétablissement de la servitude ;

- condamner in solidum les cinq défendeurs à lui payer la somme de 5.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- les condamner sous la même solidarité aux entiers dépens dont le coût de l'expertise judiciaire d'un montant de 4.281 € ;

- ordonner l'exécution provisoire de la décision à intervenir.

La société Cabinet Parisien d'Administration de Biens (CPAB), syndic du syndicat des copropriétaires, a été remplacée par la société Lotcent.

Par jugement contradictoire du 21 juin 2017, le tribunal de grande instance de Bobigny a :

- dit irrecevable l'action engagée par la société Le Saphir à l'encontre de la société CTP et de la société JPC Rénovation,

- dit recevable l'action engagée par la société Le Saphir à l'encontre de la société Eureka,

- constaté l'existence d'une servitude d'accès extérieur à la cave (lot n° 35), qui a été incluse dans le lot de copropriété n° 22 pour les locaux qui ont été loués par la société Le Saphir auprès de M. [D], sis [Adresse 11] à [Localité 13],

- constaté que la servitude d'accès extérieur à la cave a été définitivement empêchée des suites de la construction d'un ensemble immobilier sis [Adresse 1], jouxtant ses locaux, construit par la société Eureka dans le cadre d'une société en participation avec les sociétés JPM et JML,

- débouté la société Eureka de sa demande de fin de non-recevoir tirée de la prescription de l'action engagée par la société Le Saphir,

- dit qu'en l'état de la servitude d'accès empêchée par la construction de l'immeuble voisin, un manquement caractérisant un trouble anormal du voisinage, qui excède les inconvénients normaux du voisinage est imputable à la société Eureka et au syndicat des copropriétaires,

- dit qu'un manquement contractuel caractérisé est imputable à M. [D] tenant l'obligation de jouissance paisible des lieux loués qui lui incombe,

- homologué le rapport d'expertise judiciaire déposé par Mme [V],

- condamné in solidum la société Eureka, le syndicat des copropriétaires et M. [D] à rétablir la servitude d'accès à la cave par l'extérieur du lot n° 35 sis [Adresse 11]), au bénéfice de la société Le Saphir, conformément au descriptif des travaux énoncés dans le devis du 15 mars 2012 de la société JPC Rénovation,

- dit que cette condamnation aux fins de rétablissement de la servitude d'accès sera assortie d'une astreinte de 100 € par jour de retard à compter du terme du délai d'un mois à compter du lendemain de la signification de la décision à intervenir,

- condamné in solidum la société Eureka, le syndicat des copropriétaires et M. [D] à payer à la société Le Saphir la somme de 4.268 € au titre du préjudice de jouissance pour la période de 2004 à 2014,

- condamné la société Eureka à payer à la société Le Saphir la somme de 2.000 € au titre de la résistance abusive caractérisée,

- condamné in solidum la société Eureka, le syndicat des copropriétaires et M. [D] à payer les dépens, en ce compris les frais d'expertise,

- débouté la société Eureka, le syndicat des copropriétaires et M. [D] de leur demande au titre des dépens,

- condamné in solidum la société Eureka, le syndicat des copropriétaires et M. [D] à payer à la société Le Saphir la somme de 2.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- débouté la société Eureka, le syndicat des copropriétaires et M. [D] de leur demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- dit que la société Eureka et le syndicat des copropriétaires seront tenus de payer à M. [D] toutes les sommes auxquelles il pourrait être condamné,

- ordonné l'exécution provisoire.

La société Eureka a relevé appel de ce jugement par déclaration remise au greffe le 7 septembre 2017, à l'encontre de M. [D], la société Le Saphir et le syndicat des copropriétaires du [Adresse 1], représenté par son syndic la société CPAB.

La société CTP et la société JPC Renovation ne sont pas parties en appel.

Le syndicat des copropriétaires n'a pas constitué avocat.

Le 8 novembre 2017, la société Lotcent est intervenue volontairement à la procédure. Elle n'a pas communiqué de conclusions.

La procédure devant la cour a été clôturée le 18 mai 2022.

PRÉTENTIONS DES PARTIES

Vu les conclusions du 15 septembre 2021 par lesquelles la société Eureka, appelante, invite la cour, au visa de la loi du 17 juin 2008, des articles 703, 706, 1383, 1383-1, 1719, 1871, 1872-1, 2224, 2241 du code civil et 122 et 700 du code de procédure civile, à :

- la déclarer recevable et bien fondée en son appel,

y faisant droit,

- rejeter l'ensemble des fins et prétentions de la société Le Saphir, de M. [D] ainsi que du syndicat des copropriétaires, les juger toutes irrecevables et non fondées, les en débouter,

- infirmer la décision déférée en ce qu'elle a :

dit recevable l'action engagée par la société Le Saphir à son encontre,

constaté l'existence d'une servitude d'accès extérieur à la cave (lot n° 35), qui a été incluse dans le lot de copropriété n° 22 pour les locaux qui ont été loués par la société Le Saphir auprès de M. [D], sis [Adresse 11],

constaté que la servitude d'accès extérieur à la cave a été définitivement empêchée des suites de la construction d'un ensemble immobilier sis [Adresse 1], jouxtant ses locaux, construit par elle dans le cadre d'une société en participation avec les sociétés JPM et JML,

l'a débouté de sa demande de fin de non-recevoir tirée de la prescription de l'action engagée par la société Le Saphir,

dit qu'en l'état de la servitude d'accès empêchée par la construction de l'immeuble voisin, un manquement caractérisant un trouble anormal du voisinage, qui excède les inconvénients normaux du voisinage lui est imputable,

l'a condamnée in solidum avec le syndicat des copropriétaires et M. [D] à rétablir la servitude d'accès à la cave par l'extérieur du lot n° 35 sis [Adresse 11]), au bénéfice de la société Le Saphir, conformément au descriptif des travaux énoncés dans le devis du 15 mars 2012 de la société J. P.C. Rénovation,

dit que cette condamnation aux fins de rétablissement de la servitude d'accès sera assortie d'une astreinte de 100 € par jour de retard à compter du terme du délai d'un mois à compter du lendemain de la signification de la décision à intervenir,

l'a condamnée in solidum avec le syndicat des copropriétaires et M. [D] à payer à la société Le Saphir la somme de 4.268 € au titre du préjudice de jouissance pour la période de 2004 à 2014,

l'a condamnée in solidum avec la société Le Saphir à payer la somme de 2.000 € au titre de la résistance abusive caractérisée,

l'a condamnée in solidum avec le syndicat des copropriétaires et M. [D] à payer les dépens, en ce compris les frais d'expertise,

l'a déboutée de sa demande au titre des dépens,

l'a condamnée in solidum avec le syndicat des copropriétaires et M. [D] à payer à la société Le Saphir la somme de 2.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

l'a déboutée de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

dit qu'elle sera tenue de payer, avec le syndicat des copropriétaires, à M. [D] toutes les sommes auxquelles il pourrait être condamné,

- la confirmer pour le surplus,

en conséquence, à titre principal,

- juger que l'action de la société Le Saphir à son encontre est prescrite,

- constater le caractère infondé des condamnations prononcées à son encontre,

à titre subsidiaire,

- juger que la servitude litigieuse est éteinte du fait de la disparition de son objet et de son non-usage par la société Le Saphir,

- faire injonction à la société Le Saphir de restituer au syndicat des copropriétaires, dans les huit jours à compter de la signification de l'arrêt à intervenir, les clés d'accès au local du lot 22 de l'immeuble du [Adresse 1] à [Localité 13],

- juger que la société Le Saphir n'a subi aucun trouble anormal de voisinage, pas plus qu'un trouble de jouissance,

- juger qu'elle n'a pas commis de résistance abusive,

- constater qu'elle n'a pas engagé sa responsabilité à l'égard de la société Le Saphir en l'espèce,

- constater le caractère infondé des condamnations prononcées à son encontre,

à titre très subsidiaire, si par extraordinaire le jugement entrepris venait à être confirmé par la cour,

- juger qu'elle ne pourra être condamnée qu'à hauteur de sa participation au sein de la société en participation C.T.P.,

en tout état de cause,

- condamner la société Le Saphir à lui payer la somme de 15.000 € chacune au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens de première instance et d'appel, en ce compris les frais d'expertise, dont distraction au profit de Maître Edouard Vitry conformément à l'article 699 du code de procédure civile ;

Vu les conclusions du 28 février 2018 par lesquelles M. [D], intimé, demande à la cour, au visa de l'article 1382 du code civil, de :

- constater le rétablissement de la servitude de passage effectué par la société Eureka,

- confirmer le jugement,

- condamner la partie succombante à lui payer la somme de 10.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile et en les dépens comprenant les frais d'expertise ;

Vu les conclusions du 2 mars 2018 par lesquelles la société Le Saphir, intimée, demande à la cour, au visa des articles 544, 1382, 1719 et suivants du code civil, de :

- confirmer le jugement,

en conséquence,

- condamner in solidum M. [D], le syndicat des copropriétaires et la société Eureka à rétablir la servitude d'accès à la cave par l'extérieur,

- assortir cette condamnation d'une astreinte de 100 € par jour de retard passé le délai d'un mois à compter de la signification de la décision à intervenir,

- condamner in solidum M. [D], le syndicat des copropriétaires et la société Eureka à lui payer une indemnité de 4.268 € au titre du préjudice souffert entre 2004 et 2014,

- condamner la société Eureka à lui payer la somme de 5.000 € au titre de leurs résistances abusives et le non-respect de leur engagement de rétablissement de la servitude,

- condamner in solidum M. [D], le syndicat des copropriétaires et la société Eureka, à lui payer la somme de 10.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- les condamner sous la même solidarité aux dépens dont le coût de l'expertise judiciaire d'un montant de 4.281 € ;

La société Lotcent n'a pas conclu ;

Le syndicat des copropriétaires du [Adresse 1], représenté par la société CPAB, n'a pas constitué avocat ; la société Le Saphir ne justifie pas lui avoir fait signifier ses conclusions ;

SUR CE,

La société Eureka a fait signifier la déclaration d'appel au syndicat des copropriétaires du [Adresse 1] selon un procès-verbal d'huissier du 2 novembre 2017 remis à personne morale ; il sera statué par arrêt réputé contradictoire ;

La cour se réfère, pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des moyens échangés et des prétentions des parties, à la décision déférée et aux dernières conclusions échangées en appel ;

En application de l'article 954 alinéa 2 du code de procédure civile, la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif des conclusions ;

Au préalable, il convient de préciser que le jugement n'est pas contesté en ce qu'il a dit irrecevable l'action engagée par la société Le Saphir à l'encontre de la société CTP et de la société JPC Rénovation et dit recevable l'action engagée par la société Le Saphir à l'encontre de la société Eureka ;

Sur l'irrecevabilité des demandes en appel de la société Le Saphir à l'encontre du syndicat des copropriétaires du [Adresse 1]

Aux termes de l'article 472 du code de procédure civile, 'Si le défendeur ne comparaît pas, il est néanmoins statué sur le fond. Le juge ne fait droit à la demande que dans la mesure où il l'estime régulière, recevable et bien fondée' ;

En l'espèce, la société Le Saphir ne justifie pas avoir fait signifier ses conclusions au syndicat des copropriétaires du [Adresse 1] qui n'a pas constitué avocat ;

En conséquence, il y a lieu de déclarer irrecevable la demande en appel de la société le Saphir de condamner le syndicat des copropriétaires du [Adresse 1] à lui payer la somme de 10.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Sur la fin de non-recevoir soulevée par la société Eureka relative à l'irrecevabilité des demandes de la société Le Saphir à son encontre

La société Eureka soulève l'irrecevabilité des demandes de la société Le Saphir à son encontre ; elle estime que l'action de la société Le Saphir à son encontre est prescrite, sur le fondement de l'article 2224 du code civil, au motif que la société Le Saphir a eu connaissance de l'édification du mur devant l'accès extérieur à sa cave aux alentours du 23 novembre 2004 et que son action à l'encontre de la société Eureka sur le fondement de la théorie des troubles anormaux de voisinage s'est éteinte le 20 juin 2013 ; la société Eureka précise que sa propre intervention volontaire à la mesure d'expertise n'a pas interrompu la prescription ;

La société Le Saphir oppose que la prescription ne peut être opposée car l'action en référé date du 23 mars 2011, la demande d'expertise devant le juge des référés équivaut à une citation en justice et l'intervention volontaire de la société en participation est du 9 août 2012 ;

Aux termes de l'article 2270-1 ancien du code civil, 'Les actions en responsabilité civile extra contractuelle se prescrivent par dix ans à compter de la manifestation du dommage ou de son aggravation';

Aux termes de l'article 2224 du code civil, dans sa version applicable à compter du 19 juin 2008, 'Les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer' ;

Aux termes de l'article 26 II de la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008 portant réforme de la prescription en matière civile, les dispositions de cette loi qui réduisent la durée de la prescription s'appliquent aux prescriptions à compter du jour de l'entrée en vigueur de la loi, sans que la durée totale puisse excéder la durée prévue par la loi antérieure ;

Aux termes de l'article 2241 du code civil : ' La demande en justice, même en référé, interrompt le délai de prescription ainsi que le délai de forclusion ...' ;

Pour interrompre la prescription ainsi que les délais pour agir, une citation en justice, même en référé, un commandement ou une saisie doivent être signifiés à celui qu'on veut empêcher de prescrire ;

En l'espèce, le délai de 10 ans prévu par l'ancien article 2270-l du code civil, applicable à l'action fondée sur la théorie des troubles de voisinage, a commencé à courir à compter de la date de la manifestation du dommage, soit à compter du 23 novembre 2004, date à laquelle la société Le Saphir a constaté que le mur élevé dans le cadre des travaux de construction en cours sur le fonds voisin du [Adresse 1] condamnait une sortie du local, objet du bail ;

Le délai de 5 ans du nouvel article 2224 s'est substitué à l'ancien délai le 19 juin 2008, date d'entrée en vigueur de la loi du 17 juin 2008 ; le délai de prescription est donc arrivé à expiration le 20 juin 2013 à 0 heure ;

Par acte du 22 mars 2011, la société Le Saphir a assigné en référé expertise M. [W] [D] et le syndicat des copropriétaires du [Adresse 1] (pièce C Le Saphir) ; la société Le Saphir n'a pas assigné la société Eureka et cette assignation n'a donc pas interrompu la prescription ;

L'ordonnance de référé du 11 mai 2011 qui a ordonné l'expertise judiciaire oppose la société Le Saphir à M. [D] et le syndicat des copropriétaires du [Adresse 1] (pièce B Le Saphir) ;

Il ressort du rapport d'expertise judiciaire (pièce A1 Le Saphir) que c'est au cours des opérations d'expertise que la société en participation CTP, constituée de plusieurs sociétés dont la société Eureka, est intervenue volontairement par un dire du 9 août 2012 ;

Or la seule intervention volontaire de la société Eureka au cours des opérations d'expertise le 9 août 2012 n'a pas interrompu la prescription, en l'absence de justification d'une demande de la société Le Saphir à l'encontre de la société Eureka au cours de cette expertise ;

Ce n'est que par un acte d'huissier du 7 juillet 2014, soit postérieurement à l'échéance du délai de prescription du 20 juin 2013 que la société Le Saphir a assigné la société Eureka, devant le tribunal de grande instance de Bobigny ;

En conséquence, le jugement est infirmé en ce qu'il a débouté la société Eureka de sa demande de fin de non-recevoir tirée de la prescription de l'action engagée par la société Le Saphir ;

Il y a donc lieu de déclarer irrecevables les demandes de la société Le Saphir à l'encontre de la société Eureka ;

Il convient alors d'infirmer le jugement :

- en ce qu'il a dit qu'en l'état de la servitude d'accès empêchée par la construction de l'immeuble voisin, un manquement caractérisant un trouble anormal du voisinage, qui excède les inconvénients normaux du voisinage est imputable à la société Eureka,

- en ce qu'il a condamné la société Eureka à :

- rétablir la servitude d'accès à la cave par l'extérieur du lot n° 35 sis [Adresse 11]), au bénéfice de la société Le Saphir, conformément au descriptif des travaux énoncés dans le devis du 15 mars 2012 de la société JPC Rénovation,

- payer à la société Le Saphir la somme de 4.268 € au titre du préjudice de jouissance pour la période de 2004 à 2014,

- payer à la société Le Saphir la somme de 2.000 € au titre de la résistance abusive caractérisée,

- payer à M. [D] toutes les sommes auxquelles il pourrait être condamné ;

Et il convient de débouter M. [D] de sa demande de dire que la société Eureka sera tenue de lui payer toutes les sommes auxquelles il pourrait être condamné ;

Sur les dispositions du jugement à l'égard de M. [D] et du syndicat des copropriétaires du [Adresse 1]

Le syndicat des copropriétaires du [Adresse 1] n'ayant pas constitué avocat, et la société Le Saphir et M. [D] sollicitant la confirmation du jugement, le jugement est donc confirmé en ce qu'il a :

- constaté l'existence d'une servitude d'accès extérieur à la cave (lot n° 35), qui a été incluse dans le lot de copropriété n° 22 pour les locaux qui ont été loués par la société Le Saphir auprès de M. [D], sis [Adresse 11] à [Localité 13],

- constaté que la servitude d'accès extérieur à la cave a été définitivement empêchée des suites de la construction d'un ensemble immobilier sis [Adresse 1], jouxtant ses locaux, construit par la société Eureka dans le cadre d'une société en participation avec les sociétés JPM et JML,

- dit qu'en l'état de la servitude d'accès empêchée par la construction de l'immeuble voisin, un manquement caractérisant un trouble anormal du voisinage, qui excède les inconvénients normaux du voisinage est imputable au syndicat des copropriétaires,

- dit qu'un manquement contractuel caractérisé est imputable à M. [D] tenant l'obligation de jouissance paisible des lieux loués qui lui incombe,

- homologué le rapport d'expertise judiciaire déposé par Mme [V],

- condamné in solidum le syndicat des copropriétaires et M. [D] à rétablir la servitude d'accès à la cave par l'extérieur du lot n° 35 sis [Adresse 11]), au bénéfice de la société Le Saphir, conformément au descriptif des travaux énoncés dans le devis du 15 mars 2012 de la société J.P.C. Rénovation,

- dit que cette condamnation aux fins de rétablissement de la servitude d'accès sera assortie d'une astreinte de 100 € par jour de retard à compter du terme du délai d'un mois à compter du lendemain de la signification de la décision à intervenir,

- condamné in solidum le syndicat des copropriétaires et M. [D] à payer à la société Le Saphir la somme de 4.268 € au titre du préjudice de jouissance pour la période de 2004 à 2014 ;

Sur la demande en appel de M. [D] de constater le rétablissement de la servitude de passage effectué par la société Eureka

M. [D] précise dans ses conclusions qu'à la suite du jugement du 21 juin 2017, la société Eureka a rétabli la servitude de passage ;

Nonobstant le fait que M. [D] sollicite la confirmation du jugement, il convient de préciser que quelque soit la réalité de ce rétablissement postérieur au jugement, l'exécution du jugement sur ce point ne saurait entraîner sa réformation puisque la décision du tribunal était justifiée et le reste devant la cour pour les motifs exposés plus haut ;

Sur les dépens et l'application de l'article 700 du code de procédure civile

Le sens du présent arrêt conduit à infirmer le jugement en ce qu'il a :

- condamné la société Eureka à payer les dépens, en ce compris les frais d'expertise,

- condamné la société Eureka à payer à la société Le Saphir la somme de 2.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- débouté la société Eureka de sa demande au titre de l'article 700 du cpc ;

Le jugement est confirmé en ce qu'il a :

- condamné in solidum le syndicat des copropriétaires et M. [D] à payer les dépens, en ce compris les frais d'expertise,

- condamné in solidum le syndicat des copropriétaires et M. [D] à payer à la société Le Saphir la somme de 2.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

La société Le Saphir partie perdante en appel, doit être condamnée aux dépens d'appel, ainsi qu'à payer à la société Eureka la somme de 4.000 € par application de l'article 700 du code de procédure civile en cause de première instance et d'appel ;

Le sens du présent arrêt conduit à rejeter la demande par application de l'article 700 du code de procédure civile formulée par la société Le Saphir et M. [D] ;

PAR CES MOTIFS

LA COUR

Statuant par mise à disposition au greffe, par arrêt réputé contradictoire,

Déclare irrecevable la demande en appel de la société le Saphir de condamner le syndicat des copropriétaires du [Adresse 1] à lui payer la somme de 10.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Infirme le jugement excepté en ce qu'il a :

- dit irrecevable l'action engagée par la société Le Saphir à l'encontre de la société CTP et de la société JPC Rénovation,

- dit recevable l'action engagée par la société Le Saphir à l'encontre de la société Eureka,

- constaté l'existence d'une servitude d'accès extérieur à la cave (lot n° 35), qui a été incluse dans le lot de copropriété n° 22 pour les locaux qui ont été loués par la société Le Saphir auprès de M. [D], sis [Adresse 11] à [Localité 13],

- constaté que la servitude d'accès extérieur à la cave a été définitivement empêchée des suites de la construction d'un ensemble immobilier sis [Adresse 1], jouxtant ses locaux, construit par la société Eureka dans le cadre d'une société en participation avec les sociétés JPM et JML,

- dit qu'en l'état de la servitude d'accès empêchée par la construction de l'immeuble voisin, un manquement caractérisant un trouble anormal du voisinage, qui excède les inconvénients normaux du voisinage est imputable au syndicat des copropriétaires,

- dit qu'un manquement contractuel caractérisé est imputable à M. [D] tenant l'obligation de jouissance paisible des lieux loués qui lui incombe,

- homologué le rapport d'expertise judiciaire déposé par Mme [V],

- condamné in solidum le syndicat des copropriétaires et M. [D] à rétablir la servitude d'accès à la cave par l'extérieur du lot n° 35 sis [Adresse 11]), au bénéfice de la société Le Saphir, conformément au descriptif des travaux énoncés dans le devis du 15 mars 2012 de la société J.P.C. Rénovation,

- dit que cette condamnation aux fins de rétablissement de la servitude d'accès sera assortie d'une astreinte de 100 € par jour de retard à compter du terme du délai d'un mois à compter du lendemain de la signification de la décision à intervenir,

- condamné in solidum le syndicat des copropriétaires et M. [D] à payer à la société Le Saphir la somme de 4.268 € au titre du préjudice de jouissance pour la période de 2004 à 2014,

- condamné in solidum le syndicat des copropriétaires et M. [D] à payer les dépens, en ce compris les frais d'expertise,

- débouté le syndicat des copropriétaires et M. [D] de leur demande au titre des dépens,

- condamné in solidum le syndicat des copropriétaires et M. [D] à payer à la société Le Saphir la somme de 2.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- débouté le syndicat des copropriétaires et M. [D] de leur demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- dit que le syndicat des copropriétaires sera tenu de payer à M. [D] toutes les sommes auxquelles il pourrait être condamné,

- ordonné l'exécution provisoire ;

Statuant sur les chefs réformés et y ajoutant,

Déclare irrecevables les demandes de la société Le Saphir à l'encontre de la société Eureka ;

Déboute M. [D] de sa demande de dire que la société Eureka sera tenue de lui payer toutes les sommes auxquelles il pourrait être condamné ;

Condamne la société Le Saphir aux dépens d'appel qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile, ainsi qu'à payer à la société Eureka la somme de 4.000 € par application de l'article 700 du même code en cause d'appel ;

Rejette toute autre demande.

LA GREFFIERE LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 4 - chambre 2
Numéro d'arrêt : 17/17181
Date de la décision : 23/11/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-11-23;17.17181 ?
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