RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 4 - Chambre 10
ARRÊT DU 24 NOVEMBRE 2022
(n° , 6 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 19/01192 - N° Portalis 35L7-V-B7D-B7DXI
Décision déférée à la Cour : Jugement du 11 Janvier 2019 -Tribunal de Grande Instance de CRÉTEIL - RG n° 16/09408
APPELANTE
Madame [T] [I]
née le 12 Janvier 1980 à [Localité 6] (Syrie)
[Adresse 3]
[Localité 4]
(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 751010022021028629 du 03/08/2021 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de PARIS)
Représentée par Me Laurent SIDOBRE, avocat au barreau de PARIS, toque : D0514
INTIMÉE
POLE EMPLOI
Etablissement public administratif dont le n° SIREN est [N° SIREN/SIRET 1] représentée par sa Directrice régionale, domiciliée ès-qualité audit siège
[Adresse 2]
[Localité 5]
Représentée par Me Julie GIRY de la SELARL RBG AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : K0042
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 04 Octobre 2022, en audience publique, devant la Cour composée de :
Madame Florence PAPIN, Présidente
Madame Valérie MORLET, Conseillère
Monsieur Laurent NAJEM, Conseiller
qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l'audience par Madame Florence PAPIN, Présidente dans les conditions prévues par l'article 804 du code de procédure civile.
Greffier, lors des débats : Madame Dorothée RABITA
ARRÊT :
- contradictoire
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Florence PAPIN, Présidente et par Ekaterina RAZMAKHNINA, greffier présent lors de la mise à disposition.
***
Mme [T] [I] a exercé son activité de vendeuse de marchés financiers au sein de la Société [7] du 29 juin 2009 jusqu'au terme de son préavis de licenciement, le 24 octobre 2010.
Inscrite en qualité de demandeuse d'emploi auprès de l'institution [8] le 25 octobre 2010, elle a reçu notification d'ouverture de droits au titre de l'allocation d'aide au retour à l'emploi (ARE) d'un montant journalier net de 179,73 €, à compter du 14 novembre 2010, pour la durée maximale de 656 jours calendaires.
Mme [I] a été en arrêt maladie du 14 au 23 décembre 2011, puis du 8 mars au 7 août 2012.
Elle a également été embauchée comme salariée au sein de l'Autorité des marchés financiers (AMF) aux termes d'un contrat de travail à durée indéterminée en date du 3 septembre 2012. Cette activité a pris fin le 3 décembre 2012 suite à la rupture de la période d'essai par l'employeur.
Reprochant à [8] d'avoir suspendu le versement de ses allocations de chômage durant la période de sa reprise d'activité et de ses arrêts de travail, mais également d'avoir effectué des prélèvements sociaux sur les allocations de chômage qu'elle percevait, Mme [I] l'a donc mis en demeure d'avoir à l'indemniser au titre de l'ARE pour la période considérée et à lui restituer la somme de 17 420 € au titre du trop-versé de cotisations sociales indues, par courriers recommandés du 5 novembre 2014 et du 20 juillet 2016.
Par déclaration au greffe en date du 17 juin 2015, Mme [I] a saisi le tribunal des affaires de la sécurité sociale de Paris d'une demande formée à l'encontre du [8] pour le versement d'indemnités dues au cours de la période du mois de décembre 2011 à décembre 2012, et le versement de l'allocation d'aide à la garde d'enfants pour parents isolés (AGEPI), outre l'allocation de dommages et intérêts pour le préjudice subi.
[8] a soulevé l'incompétence de la juridiction saisie.
Par jugement du 21 juin 2016, le tribunal des affaires de la sécurité sociale de Paris s'est déclaré incompétent, et a renvoyé l'affaire devant le tribunal de grande instance de Créteil estimant que le litige relevait de sa compétence.
Le 11 janvier 2019, le tribunal de grande instance de Créteil a :
Déclaré Mme [T] [I] irrecevable en sa demande en paiement des cotisations CSG-CRDS par l'effet de la prescription acquise le 23 juin 2016, avec une demande en justice signifiée le 31 mai 2017 après cette date ;
Débouté Mme [T] [I] de l'intégralité de ses demandes ;
Dit n'y avoir lieu à indemnité de procédure sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ;
Condamné Mme [T] [I], qui succombe à l'instance, aux dépens exposés par [8] conformément à la loi relative à l'aide juridictionnelle ;
Débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.
Mme [I] a interjeté appel du jugement le 17 janvier 2019.
Par ses dernières conclusions, notifiées par voie électronique le 14 juin 2022, Mme [I] demande à la cour de :
- Dire et juger qu'elle est recevable et bien fondée en son appel ;
- Infirmer le jugement rendu par le tribunal de grande instance de Créteil en ce qu'il a déclaré que les demandes de Madame [I] en paiement des cotisations CSG et CRDS étaient irrecevables car prescrites ;
- Infirmer le jugement rendu par le tribunal de grande instance de Créteil en ce qu'il a débouté Madame [I] de l'intégralité de ses demandes ;
- Infirmer le jugement rendu par le tribunal de grande instance de Créteil en ce qu'il a condamné Madame [I] aux dépens de première instance ;
- Dire et juger que les périodes d'arrêts de travail entraînent une simple suspension du versement des allocations chômage, dont le versement doit être repris par la suite, et non leur suppression pure et simple ;
- Dire et juger que la période d'essai rompue à l'initiative de l'employeur entraîne une simple suspension du versement des allocations chômage, dont le versement doit être repris par la suite, et non leur suppression pure et simple ;
En conséquence :
- Condamner le [8] à verser à Madame [I], en deniers ou quittance, le solde des 656 jours d'allocations chômage qui lui ont été ouverts par lettre du [8] du 23 juin 2014 au titre des périodes d'emploi antérieures au 14 novembre 2010 ;
- Condamner le [8] à lui rembourser les cotisations CSG et CRDS prélevées à tort à hauteur de 17 420 €, en deniers ou quittance ;
- Condamner le [8] à verser à Madame [I] la somme de 17 082 € à titre de dommages-intérêts ;
- Condamner le [8] à verser à Me Laurent Sidobre la somme de 2 000 € au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ;
- Condamner le [8] aux entiers dépens ;
- Débouter [8] de toutes ses demandes, fins et conclusions.
Madame [I] soutient que les droits qui étaient ouverts pendant les périodes de suspension de son contrat de travail pour arrêt maladie ont été simplement interrompus, et qu'elle devait être prise en charge par l'assurance chômage au terme de ses arrêts de travail.
Elle demande à la cour de condamner [8] à lui verser, en deniers ou quittance, les allocations chômages auxquelles elle pouvait prétendre pour une durée équivalente à la période de suspension du fait de ses arrêts de travail pour la période précitée.
Elle rajoute qu'elle pouvait continuer à percevoir - à compter du 4 décembre 2012 - les allocations chômage (y compris au titre de la période d'emploi travaillée et cotisée entre le 3 septembre et le 3 décembre 2012), sa perte d'emploi étant involontaire. Or, [8] n'a pas tenu compte de cette période additionnelle de 3 mois travaillés.
Elle soutient en conclusion que l'intimé allègue mais ne rapporte pas la preuve du paiement des 656 jours d'ARE.
Elle sollicite aussi la condamnation du [8] à lui rembourser les cotisations CSG/CRDS prélevées à tort.
Elle fait valoir avoir effectué des démarches pour obtenir le remboursement des sommes prélevées en juillet 2015, qu'en lui demandant ses avis d'imposition, [8] reconnaissait sa demande ce qui interrompait la prescription, puis qu'elle a saisi le TASS de Créteil qui s'est déclaré incompétent matériellement et que la saisine d'une juridiction incompétente est également interruptive de prescription. En conséquent, elle soutient que son action n'est pas prescrite.
Par ses dernières conclusions, notifiées par voie électronique le 5 juillet 2022, [8] demande à la cour de :
Confirmer le jugement querellé en toutes ses dispositions,
Y ajoutant,
Débouter Madame [I] de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions,
Condamner Madame [I] à verser à [8] la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile relativement aux frais de l'appel,
Condamner Madame [I] aux entiers dépens de l'appel..
[8] fait valoir que l'action de Madame [I] au titre du remboursement de la CSG/CRDS est prescrite et sollicite le rejet de ses demandes soutenant qu'elle a bien perçu la totalité de ses droits au titre de l'allocation de retour d'emploi.
MOTIFS
1-Sur la demande de versement d'un solde d'allocations chômage :
Madame [I] demande à la Cour la condamnation de [8] à lui verser le solde des 656 jours d'ARE qui lui ont été ouverts à compter 14 novembre 2010 (soit environ 21 mois).
L'Article 25 §1 er de la convention d'assurance chômage du 6 mai 2011 dispose :
«L'allocation d'aide au retour à l'emploi n'est pas due lorsque l'allocataire :
a)retrouve une activité professionnelle salariée ou non, exercée en France ou à l'étranger, sous réserve de l'application des dispositions des articles 28 à 32,
c) est pris ou est susceptible d'être pris en charge par la sécurité sociale au titre des prestations en espèces. »
L'article 28 dudit règlement précédemment cité, permet au salarié privé d'emploi d'être indemnisé lorsqu'il « exerce une activité occasionnelle ou réduite dont l'intensité mensuelle
n'excède pas 110 heures ».
Le 25/10/2010, Madame [I] s'inscrivait comme demandeur d'emploi.
Elle a bénéficié d'une ouverture de droits au titre de l'allocation d'Aide au Retour à l'Emploi (ARE), d'un montant journalier net de 179,73 euros à partir du 14 novembre 2010 pour une durée maximale de 656 jours calendaires.
Madame [I] ne conteste pas avoir été en arrêt maladie et susceptible à cet égard d'être prise en charge par la CPAM entre le 14 et le 23 décembre 2011 puis du 8 mars 2012 au 7 août 2012.
Dès lors durant cette période, elle ne pouvait prétendre à l'ARE.
Il résulte des pièces que Madame [I] a été salariée à temps complet, soit pour une durée mensuelle de travail supérieure à 110 heures, au sein de l'Autorité des marchés financiers du 3 septembre 2012 au 3 décembre 2012 ; pendant cette période, elle ne pouvait prétendre à l'ARE.
Au mois de décembre 2012, ayant travaillé moins de 110 heures, elle a bien reçu une allocation ARE pour une durée de 24 jours sur ce mois à compter du 8 décembre.
Comme justifié en pièce 2 par [8] , son indemnisation a donc repris pour la période du 8 décembre 2012 au 18 mai 2013, s'agissant du reliquat de droits auxquels elle avait droit, soit une durée restante de 162 jours.
Dès lors, elle a bien été intégralement remplie de ses droits consentis par courrier du 23 juin 2014 pour une durée de 656 jours calendaires.
Madame [I] soutient que la période travaillée du 2 octobre au 2 décembre 2012 auprès de l'AMF aurait dû être comptabilisée lors du rechargement de ses droits.
Cependant aux termes de l'article 3 du règlement général annexé à la Convention du 6 mai 2011, « Les salariés privés d'emploi doivent justifier d'une période d'affiliation correspondant à des périodes d'emploi accomplies dans une ou plusieurs entreprises entrant
dans le champ d'application du régime d'assurance chômage.
Pour les salariés âgés de moins de 50 ans à la date de la fin de leur contrat de travail, la période d'affiliation doit être au moins égale à 122 jours, ou 610 heures de travail, au cours des 28 mois qui précèdent la fin du contrat de travail (terme du préavis). »
Mme [I] totalisait 92 jours de travail pour la période d'emploi auprès de l'AMF, de sorte que cette période d'affiliation était insuffisante pour lui accorder de nouveaux droits à l'ARE.
2-Sur la demande de remboursement des prélèvements sociaux sur les allocations perçues:
Madame [I] sollicite le remboursement de la somme de 17.420 euros au titre des cotisations CSG/CRDS prélevées sur ces allocations entre 2010 et 2013, dans la mesure où elle n'était pas imposable sur le revenu au titre de 2013.
L'article L 5422-4 du code du travail dispose : « l'action en paiement est précédée du dépôt de la demande en paiement. Elle se prescrit par deux ans à compter de la notification de la décision ».
La dernière ouverture de droits a été notifiée à la demanderesse le 23 juin 2014.
Ce courrier précisait bien que « Le montant journalier net de votre allocation tient compte de la déduction des cotisations sociales obligatoires qui seront détaillées sur votre
avis de paiement. Ne sont pas assujettis à la contribution sociale généralisée (CSG) et à la contribution pour le remboursement de la dette sociale (CRDS) les allocataires non imposables (sous certaines conditions de revenus, conformément au barème annuel établi par les services fiscaux). Si tel est le cas, votre dernier avis d'imposition doit être joint à votre demande d'exonération à formuler par courrier auprès de [8] ».
Ainsi que l'a relevé le premier juge, Madame [I] était donc informée de ce que l'ARE dont elle bénéficiait était soumise à la CSG et à la CRDS mais également qu'elle pouvait en être exonérée, sous réserve d'avoir à justifier de sa situation fiscale.
Cette décision du 23 juin 2014 a fait courir le délai de deux ans, lequel expirait par voie de conséquence le 23 juin 2016.
Les démarches qu'elle a effectuées auprès de [8] pour obtenir le remboursement des sommes prélevées ne datent pas de juillet 2015 mais d'août 2016 comme cela résulte du tampon apposé par cette organisme sur la lettre produite par l'appelante soit au-delà du délai de 2 ans.
Il résulte des pièces produites que l'action en remboursement de Madame [I] au titre des cotisations CSG/ CRDS a été formulée pour la première fois dans ses conclusions communiquées le 31 mai 2017 devant le tribunal de grande instance de Créteil, aucune demande n'ayant été formée par elle à ce titre dans sa requête aux fins de saisine du TASS du 17 juin 2015.
Dès lors, sa demande de remboursement des prélèvements sociaux sur les allocations perçues est prescrite et la décision déférée confirmée de ce chef.
Sur la demande de dommage-intérêts de Madame [I] :
Madame [I], déboutée de ses demandes principales, est par conséquent également déboutée de sa demande accessoire de dommages et intérêts. La décision est également confirmée de ce chef.
Sur les dépens, la demande au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 de Madame [I] et au titre de l'article 700 du code de procédure civile de [8] :
La décision déférée est confirmée en ce qui concerne les dépens et l'article 700 du code de procédure civile.
Madame [I], qui succombe, est condamnée aux dépens d'appel qui seront pris en charge au titre de l'aide juridictionnelle dont elle bénéficie et déboutée de sa demande au titre des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 .
Il n'y a pas lieu de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au profit de [8].
PAR CES MOTIFS
Confirme la décision entreprise,
Y ajoutant
Dit que Madame [I] est condamnée aux dépens d'appel qui seront pris en charge au titre de l'aide juridictionnelle dont elle bénéficie,
Déboute [8] de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
Déboute les parties de toutes demandes plus amples ou contraires,
LE GREFFIER LA PRÉSIDENTE