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30/11/2022 | FRANCE | N°19/06045

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 4, 30 novembre 2022, 19/06045


Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 4



ARRET DU 30 NOVEMBRE 2022



(n° , 8 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 19/06045 - N° Portalis 35L7-V-B7D-B77G5



Décision déférée à la Cour : Jugement du 10 Avril 2019 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BOBIGNY - RG n° 16/02496



APPELANT



Monsieur [P] [Y]

chez Monsieur [Z] [O]

[Adresse 1]
r>[Localité 3]

Représenté par Me Frédéric DURIF JONSSON, avocat au barreau de PARIS



INTIMEE



SA ALTRAN TECHNOLOGIES prise en la personne de son représentant légal domicili...

Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 4

ARRET DU 30 NOVEMBRE 2022

(n° , 8 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 19/06045 - N° Portalis 35L7-V-B7D-B77G5

Décision déférée à la Cour : Jugement du 10 Avril 2019 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BOBIGNY - RG n° 16/02496

APPELANT

Monsieur [P] [Y]

chez Monsieur [Z] [O]

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représenté par Me Frédéric DURIF JONSSON, avocat au barreau de PARIS

INTIMEE

SA ALTRAN TECHNOLOGIES prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au dit siège

[Adresse 4]

[Localité 2]

Représentée par Me Brigitte PELLETIER, avocat au barreau de PARIS, toque : L0104

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 04 Octobre 2022, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Jean-François DE CHANVILLE, président, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :

Monsieur Jean-François DE CHANVILLE, président

Madame Anne-Ga'l BLANC, conseillère

Madame Florence MARQUES, conseillère

Greffier, lors des débats : Mme Victoria RENARD

ARRET :

- contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Jean-François DE CHANVILLE, Président de chambre et par Victoria RENARD, Greffière, présente lors de la mise à disposition.

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS :

Par contrat à durée indéterminée du 1er mars 2010, M. [P] [Y] a été engagé en qualité de consultant en systèmes d'information par la société DATACEP aux droits de laquelle vient désormais la SA Altran technologies qui emploie plus de 10 salariés et applique la convention collective dite SYNTEC.

La rémunération contractuelle annuelle brute initiale de M. [Y] était de 32.000 euros sur 12 mois, prime de vacances incluse.

Son contrat de travail intégrait une clause de non-concurrence.

Le 29 octobre 2015, M. [Y] s'est vu notifier son licenciement pour faute simple au motif qu'il aurait omis de déclarer ses congés selon la procédure de l'entreprise, serait parti avant leur acceptation, puis aurait été absent de manière injustifiée la semaine suivante et aurait eu un comportement irrespectueux et injurieux envers sa hiérarchie.

Par requête du 9 juin 2016, contestant son licenciement, réclamant des rappels de salaire pour heures supplémentaires et une indemnité pour nullité de la clause de non-concurrence, M. [Y] a saisi le conseil de prud'hommes de Bobigny.

Par jugement du 10 avril 2019, le conseil a rejeté l'ensemble des demandes du salarié, considérant que le licenciement reposait bien sur une cause réelle et sérieuse, que les heures supplémentaires non rémunérées n'étaient pas démontrées et que, si la clause de non-concurrence était nulle faute de prévoir une contrepartie financière, il n'y avait pas de préjudice.

Le 13 mai suivant, le salarié a fait appel de cette décision qui lui avait été notifiée le 16 précédent.

Par conclusions remises par le réseau privé virtuel des avocats le 6 février 2022, il demande à la cour de confirmer le jugement en ce qu'il annule la clause de non-concurrence dans le corps de la motivation, de le compléter en ce sens mais de l'infirmer pour le surplus et, statuant à nouveau et y ajoutant, de :

- condamner la société Altran technologies à lui payer 12.322,31 euros brut de rappel d'heures supplémentaires et 1.232,23 euros brut de congés payés afférents ;

- juger que son licenciement disciplinaire est dépourvu de cause réelle et sérieuse ;

- condamner la société Altran technologies à lui payer 40.000 euros de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

- condamner la société Altran technologies à lui payer 23.637 euros d'indemnité forfaitaire pour travail dissimulé ;

- condamner la société Altran technologies à lui payer 630,45 euros bruts de rappel de salaire correspondant à la période de prolongation des congés payés et 63,04 euros bruts de congés payés afférents ;

- condamner la société Altran technologies à lui payer 10.000 euros d'indemnité pour nullité de la clause de non-concurrence ;

- dire que les sommes dues au titre des rappels de salaire porteront intérêts au taux légal à compter de la date d'échéance du salaire avec capitalisation annuelle ;

- dire que les autres condamnations porteront intérêt au taux légal à compter de la saisine avec capitalisation annuelle ;

- dire que les condamnations s'entendent nettes de CSG et de CRDS ;

- condamner la société Altran technologies à lui payer 4.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens.

Par conclusions remises à la cour via le réseau privé virtuel des avocats le 2 février 2022, la société Altran technologies demande à la cour de déclarer irrecevables comme prescrites les demandes de rappel de salaire sur les heures supplémentaires et congés payés afférents pour la période antérieure à janvier 2013, de confirmer le jugement pour le surplus, de débouter M. [Y] de l'intégralité de ses demandes et, y ajoutant de condamner M. [Y] à lui payer 4.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

En application de l'article 455 du code de procédure civile, pour l'exposé des moyens des parties, il est renvoyé aux conclusions des parties.

MOTIFS DE LA DÉCISION :

1 : Sur les rappels d'heures supplémentaires

1.1 : Sur la prescription

La loi n° 2013-504 du 14 juin 2013 a modifié l'article L.3245-1 du code du travail en réduisant la prescription de l'action en paiement des salaires de cinq à trois ans. Selon l'article 21 V de la loi, les dispositions réduisant à trois ans le délai de prescription de l'action en paiement des salaires s'appliquent aux prescriptions en cours sans que la durée totale de la prescription puisse excéder la durée prévue par la loi antérieure, soit cinq ans.

Au cas présent, l'instance a été introduite le 9 juin 2016 en sorte que la prescription triennale prévue pas les dispositions susmentionnées n'était pas encore acquise et que le salarié peut prétendre au paiement de l'ensemble des sommes de nature salariale échues à compter du 9 juin 2011.

Dès lors, le salarié ne sollicitant pas les sommes échues antérieurement, il convient de rejeter la fin de non-recevoir tendant à voir déclarer irrecevables comme prescrites les demandes de rappel de salaire sur les heures supplémentaires et congés payés afférents pour la période antérieure à janvier 2013.

Le jugement sera complété en ce sens.

1.2 : Sur le seuil de déclenchement des heures supplémentaires

Il ressort des articles L. 3122-9 et L. 3122-10 du code du travail dans leurs rédactions applicables au litige qu'un accord d'entreprise fixant comme seuil de déclenchement des heures supplémentaires, un plafond supérieur à 1.607 heures de travail par an est inopposable au salarié.

Dès lors, au cas présent, si l'alinéa 2 de l'article 2 du chapitre II de l'accord du 22 juin 1999 relatif à la durée du travail applicable au sein de la société Altran technologies, fixe l'horaire annuel normal à 1.610 heures pour un salarié à temps plein, ce plafond conventionnel supérieur au plafond légal n'est pas opposable au salarié.

Il convient donc de retenir, comme le fait le salarié dans ses calculs, un seuil de déclenchement des heures supplémentaires à hauteur de 1.607 heures annuelles soit 35 heures hebdomadaires et sur l'ensemble de la période visée par la demande.

1.3 : Sur la preuve des heures accomplies au-delà de la durée légale

Aux termes de l'article L. 3171-2, alinéa 1er, du code du travail, lorsque tous les salariés occupés dans un service ou un atelier ne travaillent pas selon le même horaire collectif, l'employeur établit les documents nécessaires au décompte de la durée de travail, des repos compensateurs acquis et de leur prise effective, pour chacun des salariés concernés.

Selon l'article L. 3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, l'employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. Si le décompte des heures de travail accomplies par chaque salarié est assuré par un système d'enregistrement automatique, celui-ci doit être fiable et infalsifiable.

Il résulte de ces dispositions, qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l'ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées. Après analyse des pièces produites par l'une et l'autre des parties, dans l'hypothèse où il retient l'existence d'heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l'importance de celles-ci et fixe les créances salariales s'y rapportant.

Au cas présent, si le salarié ne verse pas aux débats de tableau précisant au quotidien ses horaires de travail, il communique en revanche une capture d'écran du logiciel de gestion des ressources humaines de la société qui mentionne un horaire de travail hebdomadaire de 38h30 le concernant ainsi que plusieurs attestations qui font état, pour l'ensemble des personnels de son service, d'une amplitude horaire quotidienne de 8h30 selon les horaires suivants de 7h à 15h30, de 9h à 17h30 ou de 10h30 à 19h00 avec une heure de pause voire parfois 30 minutes.

Ce faisant, le salarié produit des éléments suffisamment précis sur les heures supplémentaires non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies pour permettre à son employeur d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments.

Cependant, ce dernier, qui se contente de critiquer les éléments de preuve produits par le salarié, ne verse pas aux débats les documents nécessaires au décompte de la durée de travail, des repos compensateurs acquis et de leur prise effective qu'il a pourtant la charge d'établir.

Il convient donc de retenir que des heures supplémentaires ont été effectuées, étant souligné que l'employeur.

Au regard de l'amplitude horaire susmentionnée, du temps de pause à déduire, il convient en revanche de retenir un volume hebdomadaire de travail de 37,5 heures et non de 38,5 heures, soit deux heures supplémentaires et demie par semaine étant rappelé que la cour, dans l'hypothèse où elle retient l'existence d'heures supplémentaires, évalue souverainement, sans être tenue de préciser le détail de son calcul, l'importance de celles-ci et fixe les créances salariales s'y rapportant et que l'employeur ne démontre aucunement ni que les heures supplémentaires précédemment payées correspondent, non à des heures supplémentaires exceptionnelles comme le soutient le salarié, mais aux heures habituellement travaillées dont le paiement est désormais réclamé ni que, précédemment à 2013, le salarié était affecté sur un site sur lequel il travaillait moins.

Compte tenu de ce qui précède, pour l'année 2011 (6 mois travaillés), il, convient de retenir que 57,31 heures supplémentaires non rémunérées ont été effectuées. Pour 2012, 2013, 2014 et 2015 (années pleines), il convient de retenir que 114,62 heures annuelles ont été effectuées. Pour 2016 (un mois de préavis travaillé), il sera considéré que 9,55 heures supplémentaires ont été accomplies. Le total des heures ainsi accomplies ouvre droit à un rappel total de salaire de 11.851,97 euros, soit après déduction des 34 jours de réduction du temps de travail représentant un total de 238 heures au taux horaire moyen de 17,98 euros, un solde de 7.572,73 euros, outre 757,27 euros au titre de congés payés afférents.

L'employeur sera donc condamné au paiement de cette somme et le jugement sera infirmé en ce qu'il rejette la demande à ce titre.

2 : Sur le licenciement pour cause réelle et sérieuse

L'article L.1231-1 du code du travail dispose que le contrat à durée indéterminée peut être rompu à l'initiative de l'employeur ou du salarié. Aux termes de l'article L.1232-1 du même code, le licenciement par l'employeur pour motif personnel est justifié par une cause réelle et sérieuse. Selon l'article L.1235-1 du code du travail, en cas de litige relatif au licenciement, le juge, à qui il appartient d'apprécier la régularité de la procédure et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l'employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties, au besoin après toutes mesures d'instruction qu'il estime utiles ; si un doute subsiste, il profite au salarié.

En l'espèce, la lettre de rupture du 29 octobre 2015, fixe les limites du litige.

Elle est rédigée ainsi :

' Le 11 septembre dernier, votre manager vous adresse un courriel concernant vos congés de la semaine suivante. En effet, ce dernier n'était pas informé de cette absence. Vous avez déposé cette demande dans notre outil de gestion des temps le 10 septembre pour un départ le 14 septembre d'une durée de 7 jours. Aussi votre manager vous demande de bien vouloir l'avertir au préalable de vos absences. Or, le 23 septembre, jour de votre retour, vous n'avez pas repris le travail. Le 24 septembre, votre manager vous adresse de nouveau un courriel pour que vous régularisiez votre situation. Après plusieurs messages sur votre messagerie de téléphone, votre manager réussi à communiquer avec vous le 29 septembre, à votre retour d'absence. Par deux fois, vous n'avez pas respecté nos règles de demande d'absence pour congés comme défini dans notre accord d'entreprise dit « Accord Passerelle ». Si votre manager a accepté la prise de vos congés du 14 au 22 septembre, en revanche, il n'est pas acceptable que vous reproduisiez le même manquement la semaine suivante. Aussi, nous vous avons informé que vous étiez en absence injustifiée et non rémunérée.

Cette absence injustifiée est le premier grief que nous vous avons reproché.

Lorsque votre manager a finalement réussi à reprendre contact avec vous le 29 septembre dernier, vous avez au cours d'une conversation téléphonique tenu des propos insultants et manifestement irrespectueux vis-à-vis de votre manager hiérarchique. Ainsi vous avez explicitement insulté votre manager en lui disant tout d'abord que c'était « un manager de mes fesses » puis pour conclure la conversation et raccrocher sèchement, vous avez dit « je t'emmerde ».

Ces insultes caractérisent le second grief que nous vous avons reproché.'

Concernant le premier grief, il est établi que le salarié, n'a pas respecté la procédure dite 'passerelle' prévue au sein de l'entreprise et notamment les modalités et délais pour former sa demande et le niveau de validation de celle-ci. Cependant alors que ce dernier démontre par la production de deux certificats médicaux évoquant une hospitalisation pour un paludisme grave qu'il a dû se rendre auprès de son père en Afrique, hospitalisé du 10 au 16 septembre 2015 puis du 20 au 25 suivant pour une rechute, qu'il a prévenu son responsable opérationnel par mail le 7 septembre de sa première absence, puis le 22 par SMS de la prolongation de celle-ci, information qui a été ensuite retransmise à son responsable hiérarchique, ce manquement formel ne saurait, dans ce contexte d'urgence et de nécessité, constituer une cause de licenciement et ce même si le salarié avait été précédemment alerté lors de son entretien d'évaluation d'avril 2014 sur la nécessité d'être plus vigilant dans la prise des congés et des RTT.

Concernant le second grief, le salarié reconnaît que le ton est monté lors d'un échange avec sa responsable à propos de ses congés dans un contexte où celle-ci faisait preuve d'un formalisme excessif alors qu'il était dans une situation familiale difficile. Il conteste en revanche les propos injurieux qui lui sont reprochés. Alors qu'il produit des attestations de collègues présents lors de l'altercation qui affirment n'avoir pas entendu les propos incriminés, le seul fait que M. [Y] n'ait pas contesté par retour de mail les accusations de sa supérieure sur ce point n'établissent pas la réalité de l'emploi des termes litigieux. Ce grief n'est donc pas établi.

Au regard de ce qui précède, le second grief n'étant pas établi et le premier n'étant pas de nature à justifier le licenciement, celui-ci est dépourvu de cause réelle et sérieuse.

Dans sa version applicable au litige, l'article L.1235-3 du code du travail dispose que, si le licenciement d'un salarié survient pour une cause qui n'est pas réelle et sérieuse, le juge octroie une indemnité au salarié, à la charge de l'employeur, qui ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois.

Au cas présent, compte tenu de l'âge du salarié au jour de son licenciement, de son ancienneté, de ses difficultés avérées de retour à l'emploi et de la perte de ressources en résultant, une somme de 25.000 euros lui sera accordée à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse. Cette condamnation est ordonnée brute des éventuelles sommes dues au titre de la CSG et de la CRDS qu'il appartiendra à l'employeur de calculer, le cas échéant.

Le jugement sera donc infirmé en ce qu'il juge le licenciement fondé sur une cause réelle et sérieuse et rejette la demande de dommages et intérêts à ce titre.

3 : Sur les dommages et intérêts pour nullité de la clause de non-concurrence

Une clause de non-concurrence n'est licite que si elle est indispensable à la protection des intérêts légitimes de l'entreprise, limitée dans le temps et dans l'espace, qu'elle tient compte des spécificités de l'emploi du salarié et comporte l'obligation pour l'employeur de verser au salarié une contrepartie financière. En l'absence de contrepartie financière, la clause de non concurrence est nulle et le salarié est fondé à demander son indemnisation au regard du préjudice subi.

En l'espèce, la clause de non-concurrence ne prévoit pas de contrepartie financière. Elle est donc nulle. Le jugement qui n'a pas expressément statué de ce chef aux termes de son dispositif sera complété en ce sens.

Cependant, une clause de non-concurrence illicite ne cause pas nécessairement un préjudice.

Au cas présent, concernant son préjudice, le salarié fait valoir que son embauche a été refusée par un autre employeur car la clause de non-concurrence n'avait pas été levée. Néanmoins, les éléments communiqués ne permettent aucunement d'établir la réalité de sa candidature, de son refus et a fortiori du lien de causalité entre celui-ci et la clause litigieuse.

Aucun autre préjudice n'étant démontré ni même allégué et notamment aucune perte de chance de trouver un autre emploi du fait du respect de cette clause, le jugement sera confirmé en ce qu'il rejette la demande de dommages et intérêts pour nullité de la clause de non-concurrence.

4 : Sur le travail dissimulé

L'article L.8221-5 du code du travail dispose qu'est réputé travail dissimulé par dissimulation d'emploi salarié le fait pour tout employeur :

1° Soit de se soustraire intentionnellement à l'accomplissement de la formalité prévue à l'article L. 1221-10, relatif à la déclaration préalable à l'embauche ;

2° Soit de se soustraire intentionnellement à la délivrance d'un bulletin de paie ou d'un document équivalent défini par voie réglementaire, ou de mentionner sur le bulletin de paie ou le document équivalent un nombre d'heures de travail inférieur à celui réellement accompli, si cette mention ne résulte pas d'une convention ou d'un accord collectif d'aménagement du temps de travail conclu en application du titre II du livre Ier de la troisième partie ;

3° Soit de se soustraire intentionnellement aux déclarations relatives aux salaires ou aux cotisations sociales assises sur ceux-ci auprès des organismes de recouvrement des contributions et cotisations sociales ou de l'administration fiscale en vertu des dispositions légales.

L'article 8223-1 du code du travail dispose quant à lui que, en cas de rupture de la relation de travail, le salarié auquel un employeur a eu recours dans les conditions de l'article L. 8221-3 ou en commettant les faits prévus à l'article L. 8221-5 a droit à une indemnité forfaitaire égale à six mois de salaire.

En l'espèce, la preuve de la matérialité du non-paiement des heures supplémentaires est apportée. En revanche, le caractère intentionnel de la dissimulation n'est pas établi. Dès lors, la demande de condamnation au titre du travail dissimulé sera rejetée.

Le jugement sera complété en ce sens.

5 : Sur le rappel de salaire pour les congés payés

Dans la mesure où le salarié avait loyalement prévenu son employeur en amont de la prolongation exceptionnelle de ses congés du 23 au 29 septembre 2015 compte tenu d'une difficulté familiale majeure et où il n'est pas allégué ni démontré que celui-ci n'avait plus de droits à congés, le paiement des congés payés correspondant à ces journées non travaillées ne pouvait être légitimement retenu.

Dès lors, il convient de condamner la société Altran technologies à payer 630,45 euros brut de ce chef. S'agissant de la rémunération de congés annuels et non d'un temps de travail effectif, la demande au titre des congés payés afférents devra en revanche être rejetée.

Le jugement sera complété en ce sens.

6 : Sur les intérêts et leur capitalisation

Conformément aux dispositions 1153 à 1155 devenus 1231 à 1231-7 du code civil, les intérêts au taux légal courent sur les créances salariales à compter de la date de signature de l'accusé de réception de la convocation de l'employeur devant le bureau de conciliation et sur le présent arrêt pour le surplus. Les intérêts dus pour une année entière seront capitalisés.

7 : Sur les demandes accessoires

La décision de première instance sera infirmée sur les dépens.

Partie perdante, la société Altran technologies supportera les dépens de première instance et d'appel ainsi qu'une somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS :

La cour :

- Rejette la fin de non-recevoir tirée de la prescription des demandes de rappels de salaire pour la période antérieure à janvier 2013 ;

- Infirme le jugement du conseil de prud'hommes de Bobigny du 10 avril 2019 en toutes ses dispositions sauf en ce qu'il rejette la demande de dommages et intérêts pour nullité de la clause de non-concurrence ;

- Condamne la SA Altran technologies à payer à M. [P] [Y] la somme de 7.572,73 euros brut à titre d'heures supplémentaires outre 757,27 euros brut de congés payés afférents ;

- Juge le licenciement de M. [P] [Y] du 29 octobre 2015 dépourvu de cause réelle et sérieuse ;

- Condamne la SA Altran technologies à payer à M. [P] [Y] la somme de 25.000 euros de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse brut des éventuelles CSG et CRDS ;

- Annule la clause de non-concurrence figurant à l'article 5 du contrat de travail de M. [P] [Y] ;

- Rejette la demande d'indemnité forfaitaire pour travail dissimulé ;

- Condamne la SA Altran technologies à payer à M. [P] [Y] la somme de 630,45 euros brut au titre des congés payés dus pour la période allant du 23 au 29 septembre 2015 ;

- Rejette la demande au titre des congés payés afférents à cette somme ;

- Rappelle que les intérêts au taux légal courent sur les créances salariales à compter du 13 juin 2016 et du présent arrêt pour le surplus ;

- Ordonne la capitalisation des intérêts échus pour une année ;

- Condamne la SA Altran technologies à payer à M. [P] [Y] la somme de 3.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Condamne la SA Altran technologies aux dépens de la première instance comme de l'appel.

LA GREFFIÈRE LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 4
Numéro d'arrêt : 19/06045
Date de la décision : 30/11/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-11-30;19.06045 ?
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