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30/11/2022 | FRANCE | N°19/09247

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 9, 30 novembre 2022, 19/09247


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 6 - Chambre 9



ARRÊT DU 30 NOVEMBRE 2022

(n° , 2 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 19/09247 - N° Portalis 35L7-V-B7D-CASAG



Décision déférée à la Cour : Jugement du 31 Juillet 2019 - Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BOBIGNY - RG n° F16/01531





APPELANTE



Madame [W] [X]

[Adresse 2]

[Adresse 2]

[Adresse 2]



Représentée par Me Maël MONFORT, avocat au barreau de PARIS, toque : B0109







INTIMÉE



SASU DANONE PRODUITS FRAIS FRANCE

[Adresse 1]

[Adresse 1]



Représentée par Me Pascale BARON, avocat a...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 9

ARRÊT DU 30 NOVEMBRE 2022

(n° , 2 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 19/09247 - N° Portalis 35L7-V-B7D-CASAG

Décision déférée à la Cour : Jugement du 31 Juillet 2019 - Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BOBIGNY - RG n° F16/01531

APPELANTE

Madame [W] [X]

[Adresse 2]

[Adresse 2]

[Adresse 2]

Représentée par Me Maël MONFORT, avocat au barreau de PARIS, toque : B0109

INTIMÉE

SASU DANONE PRODUITS FRAIS FRANCE

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Représentée par Me Pascale BARON, avocat au barreau de PARIS, toque : G0739

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 28 Septembre 2022, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant M. Philippe MICHEL, président, chargé du rapport, et M. Fabrice MORILLO, conseiller.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

M. Philippe MICHEL, président de chambre

Mme Valérie BLANCHET, conseillère

M. Fabrice MORILLO, conseiller

Greffier : Mme Pauline BOULIN, lors des débats

ARRÊT :

- contradictoire

- mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.

- signé par Monsieur Philippe MICHEL, président et par Madame Pauline BOULIN, greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

RAPPEL DES FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Le groupe Danone a mis en place un régime de retraite supplémentaire à prestations définies, dit 'Urbaine', qui assure aux salariés entrés dans l'entreprise avant le 31 décembre 1969 un complément de retraite leur garantissant une pension représentant 70 % de la rémunération brute perçue au cours de l'année ayant précédé la retraite ou la pré-retraite.

Mme [W] [X] a été engagée par la société Danone le 25 novembre 1969.

Le 9 décembre 2006, elle a accepté de partir en préretraite dans le cadre d'un dispositif dénommé CATS sous l'engagement du maintien de l'avantage 'Urbaine'.

Mme [X] a demandé la liquidation de ses droits au régime général le 1er avril 2009 à l'âge de 60 ans, et a demandé la liquidation de sa retraite Urbaine le 1er avril 2014, à l'âge de 65 ans.

Estimant que sa pension de retraite supplémentaire n'a pas été correctement calculée car étant dix fois inférieure à la projection validée par l'employeur qui lui avait été faite avant son départ en préretraite, Mme [X] a saisi le conseil de prud'hommes de Bobigny le 13 avril 2016 afin qu'il fixe le montant de la rente due au titre du régime de retraite Urbaine conformément aux engagements pris par la société Danone produits frais France et qu'il condamne cette dernière à lui régler le montant de la rente réellement due pour le passé et pour l'avenir.

La société Danone produits frais France a conclu au débouté de Mme [X] et à la condamnation de cette dernière à lui verser la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Par jugement du 31 juillet 2019, le Conseil de prud'hommes de Bobigny a débouté Mme [X] de l'ensemble de ses demandes, a débouté la société de la sienne et a condamné la salariée aux dépens.

Le 12 septembre 2019, Mme [X] interjeté appel du jugement qui lui a été notifié le 4 septembre 2019.

Dans ses dernières conclusions transmises le 23 avril 2020 par voie électronique, Mme [X] demande à la cour de :

- Infirmer en toutes ses dispositions le jugement entrepris,

Et, statuant à nouveau,

- Dire que la société Danone produits frais France a incorrectement calculé le montant de la rente annuelle qui lui est due au titre du régime de retraite supplémentaire Urbaine,

A titre principal,

- Fixer son salaire de référence à la somme de 60 894,40 euros,

- Dire que le montant annuel de la pension de retraite supplémentaire qui lui est due s'établit à 20 212,73 euros depuis le 1er avril 2014, soit 5 053,18 euros par trimestre,

- Condamner la société Danone produits frais France à lui verser :

° 5 053,18 euros par trimestre échu depuis le 1er avril 2014, sous déduction des sommes déjà effectivement versées et avant indexation légale,

° pour l'avenir 20 212,73 euros par an en principal, avant indexation légale,

- A défaut, dire que le montant annuel de la pension de retraite supplémentaire qui lui est due s'établit à 17 416,46 euros depuis le 1er avril 2014, soit 4 354,12 euros par trimestre,

- Condamner la société Danone produits frais France à lui verser :

° 4 354,12 euros par trimestre échu depuis le 1er avril 2014, sous déduction des sommes déjà effectivement versées et avant indexation légale,

° pour l'avenir, 17 416,46 euros par an en principal, avant indexation légale,

En toute hypothèse,

- Fixer son salaire de référence à la somme de 43 561,57 euros,

en conséquence,

- Dire que le montant annuel de la pension de retraite supplémentaire qui lui est due s'établit à 5 723,53 euros depuis le 1er avril 2014, soit 1 430,88 euros par trimestre,

- Condamner la société Danone produits frais France à lui verser :

° 1 430,88 euros par trimestre échu depuis le 1er avril 2014, sous déduction des sommes déjà effectivement versées et avant indexation légale,

° pour l'avenir 5 723,53 euros par an en principal, avant indexation légale,

° A défaut, dire que le montant annuel de la pension de retraite supplémentaire qui lui est due s'établit à 3 723,18 euros depuis le 1er avril 2014, soit 930,80 euros par trimestre,

- Condamner la société Danone produits frais France à lui verser :

° 930,80 euros par trimestre échu depuis le 1er avril 2014, sous déduction des sommes déjà effectivement versées et avant indexation légale,

° pour l'avenir 3 723,18 euros en principal, avant indexation légale,

A titre subsidiaire,

- Dire que le montant annuel de la pension de retraite supplémentaire qui lui est due s'établit à 5 091,99 euros depuis le 1er avril 2014, soit 1 273 euros par trimestre,

- Condamner la société Danone produits frais France à lui verser :

° 1 273 euros par trimestre échu depuis le 1er avril 2014, sous déduction des sommes déjà effectivement versées et avant indexation légale,

° pour l'avenir 5 091,99 euros par an en principal, avant indexation légale,

A défaut, dire que le montant annuel de la pension de retraite supplémentaire qui lui est due s'établit à 3 126,34 euros depuis le 1er avril 2014, soit 781,59 euros par trimestre,

- Condamner la société Danone produits frais France à lui verser :

° 781,59 euros par trimestre échu depuis le 1er avril 2014, sous déduction des sommes déjà effectivement versées et avant indexation légale,

° pour l'avenir 3 126,34 euros par an en principal, avant indexation légale,

En tout état de cause,

- Condamner la société Danone produits frais France à lui verser la somme de 100 000 euros en réparation du préjudice qu'elle subit du chef de l'application effective de la retraite chapeau non conforme aux prévisions qui lui ont été remises,

- Condamner la société Danone produits frais France à lui verser la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile

- Assortir l'ensemble des condamnations de l'intérêt au taux légal à compter de la demande avec capitalisation des intérêts.

Dans ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 22 juin 2020, la société Danone produits frais France demande à la cour, avant toute défense au fond, de prononcer l'irrecevabilité de la demande de dommages et intérêts de Mme [X] comme étant nouvelle en cause d'appel, de confirmer le jugement entrepris, de rejeter l'ensemble des demandes de Mme [X], et de condamner cette dernière à lui verser la somme de 6 000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens avec intérêt au taux légal à compter du prononcé de l'arrêt à intervenir.

L'instruction a été clôturée le 28 juin 2022 et l'affaire fixée à l'audience du 28 septembre 2022.

MOTIFS

Sur la recevabilité de la demande en dommages et intérêts

Selon l'article 564 du code de procédure civile, à peine d'irrecevabilité relevée d'office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n'est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l'intervention d'un tiers ou de la survenance de la révélation d'un fait

L'article 565 du même code précise que les prétentions ne sont pas nouvelles dès lors qu'elles tendent aux mêmes fins que celles soumises au premier juge même si leur fondement juridique est différent.

La société Danone produits frais France soulève l'irrecevabilité de la demande en dommages-intérêts présentée par Mme [X] au motif que celle-ci est nouvelle en cause d'appel puisqu'elle n'a pas été formée devant les premiers juges et qu'elle est distincte des demandes initiales portant sur le montant de la rente au titre du régime de retraite Urbaine.

Mais, comme justement relevé par Mme [X], sa demande en dommages-intérêts constitue l'accessoire de son action en contestation du montant de la rente qui lui est actuellement servie et en paiement de la pension qu'elle estime lui être réellement due, de sorte qu'elle ne peut pas être considérée comme nouvelle au sens de l'article 564 rappelé ci-dessus.

En conséquence, la demande en dommages-intérêts de Mme [X], formée pour la première fois en cause d'appel, sera déclarée recevable.

Sur le montant de la rente devant être servie au titre de la retraite supplémentaire Urbaine

Le règlement du régime de retraite supplémentaire prévoit les dispositions suivantes :

'Article 7 - MONTANT DES PRESTATIONS

Le montant des prestations servies au titre du présent régime facultatif de retraite supplémentaire est destiné à assurer à ses bénéficiaires à l'âge de 65 ans, pour 30 ans de service effectués dans les sociétés adhérentes et les sociétés Gervais ou Danone, une retraite totale et globale égale à 70 % de la rémunération de base définie à l'article 5 de ce règlement, compte tenu évidemment des diverses autres prestations dont chaque intéressé peut bénéficier au titre tant de la sécurité sociale que de tous autres régimes de retraite obligatoire ou facultatif auxquels les sociétés adhérentes ont pu ou peuvent cotiser. Il ne sera donc pas tenu compte des prestations servies au titre d'un régime de retraite concernant des années d'activité hors de ces sociétés ainsi que des majorations et prestations spéciales ayant un caractère personnel pour l'intéressé quelqu'en soit l'origine.'

'Article 5 - BASE DE CALCUL DES PRESTATIONS

Les prestations accordées au titre du présent régime de retraite supplémentaire sont déterminées sauf application des dispositions des articles six et 18, en fonction de la rémunération fiscalement imposable perçue par l'intéressé au cours de l'année ayant précédé sa mise à la retraite ou son décès.'

En sa dernière page; le règlement apporte les précisions suivantes concernant l'article 5 :

' Afin de n'apporter aucune modification à ce qui a été fait jusqu'à présent, il est précisé que les prestations sont calculées en fonction de la rémunération brute perçue par l'intéressé au cours de l'année ayant précédé sa mise à la retraite ou son décès et non pas, comme le dit le nouveau libellé, en fonction de la rémunération fiscalement imposable.'

'Article 19 - DÉMISSION, LICENCIEMENT

(...)

Ses droits [du collaborateur] sont calculés et arrêtés à la date de son départ.

Par exception à ces dispositions, en cas de licenciement à partir de l'âge de 60 ans, les prestations auxquelles les bénéficiaires ou leurs ayants droit peuvent prétendre, sont appréciées à l'âge de 65 ans comme si la carrière avait été continuée normalement jusqu'à cet âge, à la condition toutefois qu'il n'ait pas occupé un autre emploi.'

Le litige entre les parties porte sur la rémunération de référence (1), les conditions de revalorisation de la rémunération de référence (2) et les pensions à déduire (3).

1) Sur la rémunération de référence

Les parties s'accordent pour dire que le calcul de la rémunération de référence doit être fait, non pas en application de l'article 5 du règlement de régime de retraite supplémentaire, mais selon les modalités des précisions apportées à ce texte en fin du document.

Mme [X] soutient que la rémunération perçue pendant la dernière année d'activité s'entend des 365 jours de travail et, donc, s'étend du 10 décembre 2005 au 9 décembre 2006, date de son départ en pré-retraite, ce qui implique de retenir un prorata du salaire brut servi du 10 au 31 décembre 2005 assorti du 13ème mois perçu à cette occasion (soit 4 087,78 euros brut), la totalité des rémunérations brutes de janvier 2006 à novembre 2006, et la totalité du salaire brut perçu du 1er au 9 décembre 2006, soit un total, avant revalorisation, de 60 894,40 euros.

La société Danone produits frais France réplique que les rémunérations à prendre en compte sont celles perçues par la salariée entre décembre 2005 et novembre 2006, c'est à dire les 12 mois ayant précédé sa date de départ en préretraite (9 décembre 2006), soit la somme de 42 806,09 euros.

Cela étant, la formule claire et dépourvue de toute ambiguïté : 'la rémunération brute perçue par l'intéressé au cours de l'année ayant précédé sa mise à la retraite ou son décès' implique que le mois au cours duquel le bénéficiaire a pris sa retraite ou sa préretraite est exclu du calcul du salaire de référence puisque seule la période précédente doit être prise en compte.

Ce principe a été rappelé par le document de présentation du cabinet Amilia relatif au fonctionnement du régime Urbaine, sur lequel s'appuie d'ailleurs Mme [X], qui énonce :

'Base : rémunération brute perçue par le bénéficiaire au cours des 12 derniers mois ayant précédé son départ en retraite ou en préretraite.'

Il est identique à celui appliqué pour déterminer le salaire de référence à prendre en compte dans le calcul des indemnités de rupture en cas de licenciement (moyenne des 3 ou des 12 derniers mois ayant précédé le licenciement selon la moyenne la plus favorable au salarié), et répond à la même logique consistant à écarter du calcul du salaire de référence des sommes qui, bien que soumises à cotisations sociales, n'ont pas à proprement le caractère de salaire car ne répondant à aucune périodicité (indemnité conventionnelle ou légale de licenciement et, dans le cas de Mme [X], indemnité compensatrice de CET cette dernière pouvant, au surplus, indemniser des journées de RTT portant sur des périodes s'étendant au-delà de la période de référence).

C'est donc à juste titre que la société Danone produits frais France soutient qu'à la suite du départ en préretraite de Mme [X] au 9 décembre 2006, le salaire de référence doit être calculé sur les rémunérations versées à la salariée de décembre 2005 à novembre 2006 pour un cumul de 42'806,09 euros, soit une moyenne brute mensuelle de 3 567,17 euros.

2) Sur les conditions de la revalorisation de la rémunération de référence

Mme [X] reproche au conseil de prud'hommes de s'être contenté de suivre le calcul, pourtant non étayé, de la société Danone produits frais France pour retenir une augmentation de 10,89 % entre décembre 2006 et janvier 2014 au mépris, d'une part et à titre principal, de l'extrait du document de référence publiée par Danone en annexe de ses comptes consolidés relatif aux augmentations générales faisant apparaître une augmentation de 19,42 % sur la période et, d'autre part et à titre subsidiaire, des augmentations telles qu'issues de la convention collective applicable révélant une augmentation de 12,86 % sur la même période.

La société réplique qu'elle n'avait aucune obligation de procéder à une revalorisation de la rémunération annuelle de référence de Mme [X], l'article 19 du règlement ne prévoyant une revalorisation qu'en cas de licenciement, qu'ainsi, seul le pourcentage de réévaluation de 10,89 %, appliqué de façon plus favorable par la société doit être retenu pour calculer la rémunération annuelle de référence de son ancienne salariée et que le document élaboré par le cabinet Amilia sur lequel se fonde Mme [X] ne lui a jamais été soumis pour validation et, par conséquent, lui inopposable.

Cela étant, le litige sur la revalorisation de la rémunération de référence de Mme [X] ne peut être apprécié que sur la seule base du règlement de régime de retraite supplémentaire et ne peut se fonder sur le document du cabinet Amilia qui n'est qu'une simulation, au surplus confidentielle ('nous avons réalisé pour vous ce bilan retraite en toute confidentialité...'), donc par définition non portée à la connaissance de l'employeur.

Au surplus, la phrase du bilan retraites réalisé par le cabinet Amilia pour le compte de Mme [X] :

'Cette simulation est réalisée pour estimer vos droits à la retraite supplémentaire l'Urbaine sur la base de l'explication du fonctionnement de la retraite chapeau (document de 8 pages annexé au présent bilan) ce document été validé par la DRH et par l'actuaire de Danone France'

ne signifie pas, contrairement à ce qu'affirme la salariée et sauf à détourner sa formulation claire et sans ambiguïté, que la simulation individualisée du Cabinet Amilia a été validée par l'employeur et donc engagerait ce dernier, mais signifie simplement que la simulation a été réalisée par le cabinet à partir d'un document validé par la DRH et l'actuaire de Danone France, document nécessairement de portée générale puisque destiné à expliquer le fonctionnement de la retraite chapeau à l'ensemble des salariés intéressés.

Ainsi, l'article 19 du règlement du régime de retraite supplémentaire entend régler le cas de salariés quittant l'entreprise avant l'âge de la retraite par démission ou licenciement. Il distingue ces deux situations en accordant aux salariés licenciés à partir de l'âge de 60 ans des dispositions plus favorables.

Même à considérer que l'absence d'évocation de la situation du salarié quittant l'entreprise par préretraite dans l'article 19 ressort d'un oubli ou d'une imprévision de la part des auteurs du règlement, il doit être relevé que le licenciement est une décision unilatérale de l'employeur qui s'impose au salarié et ne peut être confondu avec un départ en préretraite qui repose sur le volontariat du salarié, c'est-à-dire sur sa seule décision d'adhérer à un régime qui est par nature facultatif.

C'est donc à juste titre que la société Danone produits frais France soutient qu'elle n'est liée à aucune obligation de revalorisation du salaire de référence à l'égard de Mme [X].

Toutefois, la société Danone produits frais France a décidé d'appliquer à Mme [X] la revalorisation prévue par l'article 19 en cas de licenciement au titre de ce qui apparaît être un engagement unilatéral de l'employeur.

La formulation de l'article 19 : 'si la carrière avait été continuée normalement jusqu'à cet âge' signifie, clairement et sans ambiguïté, que la revalorisation applicable n'est pas l'augmentation générale des salaires toutes catégories confondues d'emploi au sein de l'ensemble du groupe auquel appartient l'entreprise comme le prétend Mme [X], mais correspond à la rémunération que le salarié aurait effectivement perçue s'il avait continué de travailler jusqu'à 65 ans. Comme justement relevé par la société, la revalorisation ne peut davantage être celle résultant des salaires minimums prévus par la convention collective dès lors que le salarié perçoit une rémunération supérieure à ces minima.

La société Danone produits frais France est donc légitime à se référer aux augmentations générales de salaire appliquées à ses salariés ayant le même coefficient hiérarchique que Mme [X] entre décembre 2006 (date du départ en préretraite de l'intéressée) et janvier 2014 (date des 65 ans de l'intéressée).

Ainsi, selon les barèmes des salaires minima plus primes d'ancienneté pour les cadres à temps plein édités par la DRH de la société en conformité avec la convention collective applicable et les différents accords d'entreprise sur les salaires, la rémunération mensuelle brute minimum d'un salarié justifiant d'au moins 10 ans d'ancienneté au coefficient 350 devenu 360 en 2012 est passée de 2 765,90 euros à compter du 1er novembre 2006 à 3 067,24 euros à compter du 1er février 2013, soit une augmentation de 10,89 % sur la période, comme justement calculée par la société Danone produits frais France.

Le salaire annuel brut de référence de Mme [X] est donc de :

42'806,09 euros + (42'806,09 euros X 10,85/100) = 47 467,67 euros arrondis à 47 470 euros, ainsi qu'indiqué par Eparinter dans la notification de la liquidation de ses droits de retraite faite à Mme [X] par lettre du 19 mars 2014.

La pension annuelle garantie de Mme [X] s'élève donc bien la somme de :

47 470 X 0,70 : 33 229 euros.

3) Sur les pensions à déduire

Mme [X] soutient qu'il convient bien de retrancher, au titre des droits qu'elle a perçus en régime obligatoire, ce qu'elle perçoit au titre de ses années cotisées au sein de Total, emploi qu'elle a occupé avant son entrée dans le groupe Danone.

La société Danone produits frais France réplique que l'article 7 du règlement de retraite prévoit que le montant de la rente Urbaine est calculé en déduisant les prestations perçues notamment au titre des régimes de base de l'assurance vieillesse et des régimes complémentaires obligatoires de retraite auxquels le salarié a été affilié, prestations calculées, dans le cas présent, à partir des documents notifiés à Mme [X], à l'occasion de son départ en retraite, en avril 2009, par la CNAV et par les régimes AGIRC-ARRCO.

Cela étant, l'article 7 du règlement impose de prendre en compte 'diverses autres prestations dont chaque intéressé peut bénéficier au titre tant de la sécurité sociale que de tous autres régimes de retraite obligatoire ou facultatif auxquels les sociétés adhérentes ont pu ou peuvent cotiser', c'est à dire toutes - et uniquement - les prestations du régime obligatoire ou facultatif tirées des cotisations acquittées par la Compagnie Gervais Danone, Gervais Danone SA et la société Diététique Gallia mais de ne pas tenir compte 'des prestations servies au titre d'un régime de retraite concernant des années d'activité hors de ces sociétés'.

C'est donc à juste titre que Mme [X] demande d'exclure du calcul de sa retraite supplémentaire ses droits perçus au titre de ses années cotisées hors Danone.

Compte-tenu des taux de revalorisation des pensions de retraite de base et complémentaires en vigueur entre avril 2009 et avril 2014 (date de la liquidation de la retraite Urbaine), les pensions perçues annuellement par Mme [X] s'établissent comme suit au 1er avril 2014 :

Retraite régime de base : 15 106,15 euros (revalorisation de 14 177,55 euros)

ARRCO sur une valeur du point de 1,2513 euros : 13 726,06 euros,

AGIRC sur une valeur du point de 0,4352 euros : 3 906,36 euros,

soit un total de 32 738,56 euros.

Sur ces pensions, Mme [X] justifie de deux trimestres cotisés hors Danone, ce qui établit le montant de la réduction comme suit :

Retraite régime de base : 15 106,15 euros X 159/161 : 14 918,49 euros

ARRCO : 13 726,06 euros - 10,25 euros : 13 715,81 euros

AGIRC sur une valeur du point de 0,4352 euros : 3 906,36 euros,

soit un total de 32 540,66 euros.

La pension de Mme [X] au titre de la retraite supplémentaire devrait donc s'élever à :

33 229 - 32 540,66 : 688,34 euros par an ou 172,08 euros par trimestre, au lieu de 490,44 euros par an ou 122,66 euros par trimestre, comme notifié à l'intéressée.

La société Danone produits frais France sera donc condamnée, par infirmation du jugement entrepris, à verser à Mme [X] les trimestres échus et à échoir selon ce montant, sous déduction pour les trimestres échus, des pensions de retraite supplémentaire déjà versées à Mme [X] .

En vertu des dispositions de l'article 1231-6 du code civil, les trimestres échus produiront des intérêts au taux légal à compter du 29 juin 2016, date de la présentation des parties devant le bureau de conciliation, au cours de laquelle la partie demanderesse a présenté ses demandes dans des conditions valant mise en demeure.

Conformément aux dispositions de l'article 1343-2 du même code, les intérêts dus depuis plus d'une année entière produiront eux-mêmes des intérêts.

Sur la demande en dommages et intérêts

Mme [X] fait valoir qu'en quittant par anticipation son emploi dans l'entreprise sur la base d'une estimation qui l'avait séduite mais qui s'avère pour l'heure chimérique, elle a subi un préjudice, tout d'abord, par la perte du bénéfice de l'indemnité de retraite égale à trois mois de salaire en application des articles 15 et 16 de la convention collective applicable de l'industrie laitière, soit la somme de 10 701,50 euros, et ensuite, par la perte de chance d'avoir pu travailler jusqu'à ses 65 ans et de percevoir la prime de départ en retraite et une retraite chapeau dont les bases auraient été cette fois indiscutables et évidemment supérieures à celles qui lui sont octroyées alors que la société refuse de justifier de la réalité même de ce qui est servi à ses collègues.

Mais, le présent litige est né principalement de l'interprétation erronée des articles 5 et 19 du règlement du régime de retraite supplémentaire fondée essentiellement sur la simulation remise à la salariée par le cabinet Amilia dont la société Danone produits frais France ne peut être tenue pour responsable.

Ainsi, Mme [X] ne rapporte pas la preuve d'une faute qui aurait été commise par la société Danone produits frais France dans la mise en 'uvre du régime de retraite supplémentaire à son bénéfice.

Par ailleurs, la faible importance du différentiel de pension du régime de retraite supplémentaire revenant à Mme [X] en raison de la mauvaise application de l'article 7 du règlement de la part de la société Danone produits frais France et le rétablissement de l'intéressée dans ses droits par la présente décision ne permettent pas de retenir l'existence d'un préjudice.

En conséquence, Mme [X] sera déboutée de sa demande en dommages et intérêts.

Sur les frais non compris dans les dépens

Conformément aux dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, la société Danone produits frais France sera condamnée à verser à Mme [X], accueillie sur une partie de ses demandes à hauteur d'appel, la somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par l'appelante qui ne sont pas compris dans les dépens.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

INFIRME le jugement entrepris,

Statuant à nouveau,

DIT que le montant annuel de la pension de retraite supplémentaire due à Mme [W] [X] s'établit à 688,34 euros depuis le 1er avril 2014 soit 172,08 euros par trimestre,

CONDAMNE la société Danone produits frais France à verser à Mme [W] [X] la somme de 172,08 euros par trimestre échu depuis le 1er avril 2014, sous déduction des sommes déjà versées au titre de la retraite supplémentaire, et avant indexation légale,

CONDAMNE la société Danone produits frais France à verser à Mme [W] [X] une somme annuelle de 688,34 euros soit 172,08 euros par trimestre, avant indexation légale au titre des arrérages de la pension de retraite supplémentaire à échoir à compter de la présente décision,

DÉBOUTE Mme [X] du surplus de ses demandes,

Y ajoutant,

DÉCLARE recevable la demande de Mme [X] en dommages et intérêts,

DÉBOUTE Mme [X] de cette demande,

CONDAMNE la société Danone produits frais France à verser à Mme [W] [X] la somme de 2 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE la société Danone produits frais France aux dépens de première instance et d'appel.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 9
Numéro d'arrêt : 19/09247
Date de la décision : 30/11/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-11-30;19.09247 ?
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