Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE
délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 6 - Chambre 3
ARRET DU 30 NOVEMBRE 2022
(n° , 5 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 19/10859 - N° Portalis 35L7-V-B7D-CA3US
Décision déférée à la Cour : Jugement du 08 Octobre 2019 - Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de CRETEIL - RG n° F18/00373
APPELANTE
SASU CLEMENT [Localité 3] RN6
[Adresse 1]
[Localité 3]
Représentée par Me Bahar BASSIRI BARROIS, avocat au barreau de PARIS, toque : P0068
INTIME
Monsieur [X] [M]
[Adresse 2]
[Localité 4]
Représenté par Me David SADOUN, avocat au barreau de PARIS, toque : E1304
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 12 Octobre 2022,
en audience publique, les avocats ne s'étant pas opposés à la composition non collégiale de la formation, devant Madame Véronique MARMORAT, Présidente, chargée du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :
Madame Véronique MARMORAT, présidente
Madame Fabienne ROUGE, présidente
Madame Anne MENARD, présidente
Greffier, lors des débats : Mme Frantz RONOT
ARRÊT :
- contradictoire
- mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile,
- signé par Madame Véronique MARMORAT, présidente et par Madame Sarah SEBBAK, greffier en préaffectation à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Exposé du litige
Embauché selon un contrat à durée indéterminée avec effet le 1er juillet 2017 par la société Poulton Das, désormais désignée société Clément [Localité 3], ayant comme activité la restauration rapide sous l'enseigne McDonald, en qualité d'assistant de direction catégorie agent de maîtrise niveau 4 échelon 3, monsieur [X] [M], né le 8 novembre 1984, a été licencié le 2 janvier 2018 pour faute grave ainsi définie" agression verbale et physique envers votre supérieur hiérarchique monsieur [U] [F] (directeur) en date du mardi 19 décembre 2017 sur le parking du restaurant Mc Donald's entre 22h30 et 23h00. (avec présence de plusieurs témoins, client et salariés)."
Le 5 mars 2018, monsieur [M] a saisi en contestation le Conseil des prud'hommes de [Localité 3] lequel par jugement du 8 octobre 2019, a dit que le licenciement pour faute grave n'est pas avéré, a fixé la moyenne des 3 derniers mois de salaire à la somme de 2 673,23 euros, a condamné la société Clément [Localité 3] aux dépens et à verser à monsieur [M] les sommes suivantes, qui porteront intérêts à compter de ce jugement avec capitalisation des intérêts :
- 24 059,07 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse
- 5 346,46 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis outre celle de 534,64 euros pour les congés payés y afférents
- 6 348,91 euros à titre d'indemnité légale de licenciement
- 100,00 euros au titre de la prime de fin d'année outre celle de 10 euros pour les congés payés afférents
- 1 300,00 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Le Conseil des prud'hommes a également ordonné le remboursement à Pôle Emploi des indemnités d'assurance chômage versé à monsieur [M] dans la limite de 6 mois.
La société Clément [Localité 3] a interjeté appel de cette décision le 31 octobre 2019.
Par conclusions signifiées par voie électronique le 10 juin 2022, auxquelles il convient de se reporter en ce qui concerne ses moyens, la société Clément [Localité 3] demande à la cour qu'elle infirme la décision du Conseil des prud'hommes dans toutes ses dispositions, de débouter monsieur [M] de toutes ses demandes et le condamner à lui verser la somme de 2 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
Par conclusions signifiées par voie électronique le 8 juin 2022, auxquelles il convient de se reporter en ce qui concerne ses moyens, monsieur [M] demande à la cour de confirmer le jugement sauf en ce qu'il l'a débouté de sa demande de dommages et intérêts pour non respect de la procédure, statuant de nouveau y faire droit, condamner l'employeur à lui verser la somme de 2 673,23 euros à ce titre, de débouter l'employeur de toutes ses demandes et de le condamner aux dépens et à lui verser la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
La cour se réfère, pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des moyens et des prétentions des parties, à la décision déférée et aux dernières conclusions échangées en appel.
Motifs
Sur la régularité de la procédure
Principe de droit applicable :
Selon l'article L 1232-2 du code du travail, l'employeur qui envisage de licencier un salarié le convoque, avant toute décision, à un entretien préalable. La convocation est effectuée par lettre recommandée ou par lettre remise en main propre contre décharge. Cette lettre indique l'objet de la convocation. L'entretien préalable ne peut avoir lieu moins de cinq jours ouvrables après la présentation de la lettre recommandée ou la remise en main propre de la lettre de convocation.
Application en l'espèce
Le salarié prétend que le délai de 5 jours n'aurait pas été respecté dans la mesure où il a été recherché le pli recommandé 23 décembre 2017, que les deux jours suivants n'étaient pas ouvrables s'agissant d'un dimanche et d'un jour férié, soit le jour de Noël, l'entretien s'étant tenu le 29 décembre.
La cour observe que le texte rappelé ci-dessus fait partir le délai de 5 jours non au jour de la remise du pli mais au jour de présentation de celui-ci, soit en l'espèce et de manière non contestée, le 22 décembre 2017, de sorte que le délai de 5 jours n'était pas achevé le jour de l'entretien.
En conséquence, il convient de rejeter cette demande ainsi que l'ont fait les premiers juges.
Enfin, le fait d'engager une procédure de licenciement alors que le salarié est, comme en l'espèce en arrêt de travail n'entache pas la procédure de licenciement d'irrégularité dans la mesure où la cause de son licenciement est étrangère à cet arrêt de travail.
Sur la faute grave
Principe de droit applicable :
Aux termes des dispositions de l'article L 1232-1 du Code du travail, tout licenciement motivé dans les conditions prévues par ce code doit être justifié par une cause réelle et sérieuse ; en vertu des dispositions de l'article L 1235-1 du même code, en cas de litige, le juge, à qui il appartient d'apprécier la régularité de la procédure suivie et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l'employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties, après avoir ordonné, au besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles ; si un doute subsiste, il profite au salarié.
La faute grave est celle qui résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié, qui constituent une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise, même pendant la durée du préavis ; l'employeur qui invoque la faute grave pour licencier doit en rapporter la preuve.
Par application des dispositions de l'article L 1232-6 du Code du travail, la lettre de licenciement, notifiée par lettre recommandée avec avis de réception, comporte l'énoncé du ou des motifs invoqués par l'employeur ; la motivation de cette lettre, précisée le cas échéant dans les conditions prévues par l'article L 1235-2 du même code, fixe les limites du litige.
Application en l'espèce
En l'espèce, la lettre de licenciement est motivée de la manière suivante
" En ce qui concerne les motifs de ce licenciement, il s'agit de ceux qui vous ont été exposés lors de l'entretien précité du 29/12/2017 à savoir :
Agression verbale et physique envers votre supérieur hiérarchique monsieur [U] [F] (directeur) en date du mardi 19 décembre 2017 sur le parking du restaurant Mc Donald's entre 22h30 et 23h00. (avec présence de plusieurs témoins, client et salariés)."
Sur la signature portée sur la lettre de licenciement
Il est acquis que le lettre de licenciement du 2 janvier 2018 a été signée par monsieur [P] [G], gérant de la société Poulton Das. Le salarié prétend qu'il n'avait pas qualité pour le faire, les parts de cette société ayant été cédé le 1er janvier 2018 et qu'en conséquence, il n'avait pas la qualité d'employeur.
Il résulte des pièces de la procédure que la personne morale, ayant un unique numéro d'enregistrement au registre du commerce et des sociétés est restée la même tout au long de la procédure de licenciement et qu'il importe peu que la dénomination sociale ou la composition du capital aient changé. En outre, la démission de monsieur [G] a été effective le 4 janvier 2018, soit postérieurement à la lettre de licenciement litigieuse.
En conséquence, il convient de rejeter ce moyen.
Sur la réalité et la consistance de la faute reprochée à monsieur [M]
L'employeur explique que monsieur [M] n'a pas voulu comprendre au téléphone que la question des primes sera tranchée à la fin de l'année et que monsieur [U] a préféré le voir sur le parking de l'établissement craignant un scandale dans la salle de restauration. Selon l'employeur, plusieurs témoins de la scène attesteraient du fait que monsieur [M] est sorti de son véhicule avec un bâton de bois avec des clous à la main et qu'il a physiquement agressé son supérieur hiérarchique lequel a été blessé. Seules les interventions de monsieur [W] et de son équipier ont permis de séparer le salarié de monsieur [U].
Monsieur [M] soutient que c'est par une juste appréciation des éléments de la cause que le Conseil des prud'hommes n'a pas retenu la faute grave. Il explique qu'au cours de l'entretien téléphonique, monsieur [U] l'a insulté, l'a sommé de le retrouver sur le parking de l'établissement et qu'une fois arrivé sur celui-ci, il a été agressé verbalement et physiquement par ce dernier. Il estime en justifier par le compte-rendu des urgences et un certificat médical faisant état de ses blessures et explique que le bâton dont il s'est saisi pour se défendre se trouvait sur le parking. Le salarié se fonde en particulier sur l'attestation de monsieur [Y] qui a suivi la scène sur les images des caméras de surveillance et conteste les 3 attestations fournies par la société Clément [Localité 3].
Pour établir cette faute, l'employeur produit l'audition de monsieur [U], directeur du magasin qui confirme la relation des faits donnée par la société Clément [Localité 3] soit que l'initiative de l'altercation est venue de monsieur [M] qui est sorti de son véhicule avec un bâton supportant un clou, qu'il a été agressé physiquement et qu'il a fallu que l'intervention de tiers pour mettre fin à cette agression. Cette version est corroborée par celle de monsieur [W] qui a déposé une main courante la nuit des faits à 2h14 dans lequel il indique :" monsieur [M], un manager du service s'est présenté sur le parking (...). Je l'ai vu rapidement sortir et se diriger vers monsieur [U] [F] avec un bâton avec un clou sur le dessus. (..) Étant inquiet, j'ai regardé les caméras, j'ai constaté qu'il portait des coups avec le bâton de bois à monsieur [U] [F] ( ... ) Sur place, mon directeur était allongé et était maintenu par cet individu par une technique d'étranglement. J'ai décidé d'intervenir afin de le séparer et de là j'ai attrapé un panneau de signalisation jaune que nous disposons pour les sols glissants au restaurant et j'ai donné un coup sur son bras afin qu'il lâche le bâton et relâche mon directeur."
Cette version est corroborée celle de madame [H], hotesse au sein du restaurant qui déclare "l'agresseur était mon manager [X] [M] qui avait un bâton dans les mains et s'en est servi à plusieurs reprises pour donner des coups à mon directeur jusqu'à l'intervention de mon manager et deux de mes collègues pour les séparer. "
De son côté, le salarié produit outre les pièces qu'il s'est faites à lui-même qu'il convient d'écarter l'attestation de monsieur [O] lequel dit clairement ne pas avoir été témoin du début de l'agression et qu'il a vu [X] (monsieur [M]) tenir un bâton ainsi qu'un compte-rendu des urgences de l'hôpital [5] cohérent avec la version de l'employeur soit un coup à l'épaule donné à l'aide du panneau de signalisation et des plaies peu profondes consécutives au fait qu'il a été maintenu au sol.
La cour retient que selon ces pièces, le salarié qui était en arrêt maladie, s'est rendu sur le parking de l'établissement, est sorti de son véhicule muni d'un bâton qu'il a utilisé pour agresser le directeur de l'établissement. Il s'ensuit que la faute grave est caractérisée et rendait immédiatement impossible la poursuite des relations contractuelles.
Le jugement du Conseil de prud'hommes sera, en conséquence, infirmé sur ce point.
Enfin concernant la prime de fin d'année, le salarié ne justifie ni en fait ni en droit cette demande dans ces dernières conclusions. Il convient en conséquence de le débouter de cette demande et d'infirmer la decision du Conseil des prud'hommes sur ce point.
Par ces motifs
La cour, statuant par arrêt contradictoire prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues par l'article 450 du code de procédure civile,
Infirme le jugement en toutes ses dispositions sauf en ce qu'il a rejeté la demande sa demande de dommages et intérêts pour non respect de la procédure
Statuant sur ce point,
Déboute le salarié de toutes ses demandes
Vu l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne monsieur [M] à verser à la société Clément [Localité 3] la somme de 800 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
Déboute les parties du surplus de leurs demandes.
Condamne monsieur [M] aux dépens de première instance et d'appel.
LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE