RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 6 - Chambre 12
ARRÊT DU 09 Décembre 2022
(n° , 5 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : S N° RG 18/05179 - N° Portalis 35L7-V-B7C-B5PHJ
Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 22 Décembre 2017 par le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de PARIS RG n° 16/05067
APPELANTE
Madame [J] [I] veuve [H]
Chez Monsieur [K] [L]
[Adresse 10] - Commune [Localité 4]
[Localité 2] ALGERIE
représentée par Me Lucile ROSENSTEIN, avocat au barreau de PARIS, toque : G0641
(Bénéficie de l'aide juridictionnelle totale en vertu d'une décision 2018/040087 rendue le 26 décembre 2018 par le Bureau d'Aide Juridictionnel de PARIS)
INTIMEE
CAISSE NATIONALE D'ASSURANCE VIEILLESSE
[Adresse 1]
[Localité 3]
représentée par M. [G] [B] en vertu d'un pouvoir spécial
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 30 Septembre 2022, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant M. Gilles REVELLES, Conseiller, chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
M. Raoul CARBONARO, Président de chambre
M. Gilles REVELLES, Conseiller
M. Gilles BUFFET, Conseiller
Greffier : Mme Claire BECCAVIN, lors des débats
ARRET :
- CONTRADICTOIRE
- prononcé
par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, initialement prévu le 10 novembre 2022 et prorogé au 2 décembre 2022, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
-signé par M. Raoul CARBONARO, Président de chambre et par Mme Claire BECCAVIN, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
La cour statue sur l'appel interjeté par [J] [I] veuve [H] (l'assurée) d'un jugement rendu le 22 décembre 2017 par le tribunal des affaires de sécurité sociale de Paris dans un litige l'opposant à la CNAV (la caisse).
FAITS, PROCÉDURE, PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
Les circonstances de la cause ayant été correctement rapportées par le tribunal dans son jugement au contenu duquel la cour entend se référer pour un plus ample exposé, il suffit de rappeler que l'assurée a sollicité une pension de réversion auprès de la Caisse nationale de retraite algérienne du chef de son époux [C] [H] décédé le 20 mai 1979 ; que la caisse française a attribué à l'assurée une pension de réversion à compter du 1er octobre 2014 ; qu'après vaine saisine de la commission de recours amiable d'une demande de rétroactivité du point de départ de sa retraite au 1er janvier 1999, l'assurée a porté le litige devant le tribunal des affaires de sécurité sociale de Paris ; que par jugement du 22 décembre 2017, le tribunal des affaires de sécurité sociale de Paris a rejeté la demande présentée par l'assurée et toutes autres demandes plus amples ou contraires au motif essentiel que la caisse algérienne a fait parvenir à la caisse française la demande de pension de réversion de l'assurée en indiquant comme date d'introduction de demande le 10 septembre 2014 et que par ailleurs, la Carsat de [Localité 8] a confirmé par lettre du 14 août 2014 que l'assurée a bien introduit le 10 juin 2014 une demande de pension de réversion. Le tribunal a également retenu que le 30 septembre 2014 l'assurée a écrit à la Carsat « Je vous signale que la CNR de [Localité 9], vous a bien transmis les formulaires de liaison à votre caisse en date du 12 septembre 2014 sous les références RJ3-448326 », de sorte qu'il est établi que la pension de réversion n'a été sollicitée au plus tôt que le 10 juin 2014, et qu'enfin, la pension de réversion a bien été liquidée à compter du 1er juillet 2014 après réexamen par la commission de recours amiable.
L'assurée a interjeté appel le 4 avril 2018 de ce jugement qui lui avait été notifié le 13 mars 2018.
Par ses conclusions écrites déposées par son avocat qui les a développées oralement à l'audience, l'assurée demande à la cour, au visa de l'article 56 de la Convention générale franco-algérienne de sécurité sociale du 1er octobre 1980, de :
- Infirmer le jugement entrepris ;
En conséquence, et statuant à nouveau,
- Fixer sa pension de réversion au 1er janvier 1999 ;
À titre subsidiaire,
- Fixer sa pension de réversion au 1er juillet 2004.
L'assurée fait valoir pour l'essentiel que :
- Elle est intervenue pour la première fois le 22 décembre 1998 auprès de la caisse algérienne de [Localité 9] et les formulaires de liaison ont été transmis à la caisse d'[Localité 5]-[Localité 6] par la caisse algérienne le 25 janvier 1999 ;
- Cet élément est confirmé par la notification de rejet de sa demande algérienne le 22 mai 1999 ;
- L'article 56 de la convention générale du 1er octobre 1980 entre la France et l'Algérie prévoit que la date de dépôt de la demande du pays instructeur sur l'imprimé réglementaire est tenue par toutes les institutions pour fixer le point de départ à la retraite ;
- Le fait que la caisse algérienne n'ait transmis que très tardivement la demande en 2014 ne doit pas porter préjudice à l'assurée dans la mesure où la caisse algérienne l'a très clairement informée qu'elle procédait elle-même au transfert du dossier ;
- La date figurant dans la transmission de 2014 est manifestement erronée au regard de la notification du 22 mai 1999 ;
- Il s'agit d'une erreur de la caisse algérienne ;
- Cet élément est d'ailleurs confirmé par le fait qu'elle perçoit depuis le 1er juillet 1999 des retraites complémentaires ;
- À titre subsidiaire la caisse soulevant que l'assurée n'était âgée que de 49 ans au 1er janvier 1999 et n'avait donc pas l'âge requis pour l'attribution d'une pension de réversion au régime général, elle observe qu'elle a atteint l'âge légal au 1er juillet 2004.
Par ses conclusions écrites déposées par son représentant qui les a développées oralement à l'audience, la caisse demande à la cour de :
- Confirmer dans son ensemble le jugement rendu par le tribunal des affaires de sécurité sociale de Paris le 22 décembre 2017 ;
- Juger que la majoration de la pension de réversion a bien été attribuée à l'assurée depuis le 1er juillet 2014 ;
- Juger que le point de départ de la pension de réversion était correctement fixé au 1er juillet 2014 ;
- Débouter l'assurée de toutes ses demandes, fins et conclusions.
La caisse réplique en substance que :
- L'assurée a déposé sa demande auprès de la caisse algérienne le 10 septembre 2014, date qui est mentionnée sur le formulaire de liaison communiquée par l'organisme algérien ;
- C'est au regard de ce document qu'elle a fixé le point de départ de la pension de réversion au 1er octobre 2014 comme étant le premier jour du mois suivant le dépôt de sa demande ;
- Elle a néanmoins fait rétroagir le point de départ de la pension au 1er juillet 2014 afin de tenir compte de la première manifestation de l'assurée auprès de la Carsat de [Localité 8] en juin 2014 ;
- Elle ne peut pas faire rétroagir le point de départ au 1er janvier 1999 puisque le document algérien de 1999 indique seulement que la demande sera transmise à la caisse de [Localité 8] ;
- Toutefois rien ne prouve que cette demande ait bien été transmise à la caisse de [Localité 8] puisque cette caisse n'a jamais accusé réception de cette transmission, l'assurée ne produisant d'ailleurs aucun accusé de réception qui alors était obligatoire en application de l'article R. 354-1 du code de la sécurité sociale ;
- Le directeur de la caisse de [Localité 8] a répondu le 13 octobre 2015 qu'après enquête auprès de ses services il n'y avait aucune trace d'une transmission préalable à la demande déposée en 2014 ;
- Il s'en déduit que la demande n'a en réalité pas été transmise ou à tout le moins n'a pas été reçue par l'organisme ;
- La caisse algérienne a répondu le 3 août 2015 en indiquant que la demande d'introduction de la retraite de réversion de l'assurée a bien été faite le 10 septembre 2014 ;
- Les organismes français sont tenus de fixer le point de départ de la retraite en fonction de la date de la demande indiquée par l'organisme de résidence ;
- Le point de départ de la pension de réversion française ne peut pas être fixé avant le premier jour du mois qui suit la date de dépôt indiqué sur le formulaire de liaison et c'est la date d'introduction de la demande auprès de l'organisme algérien qui est retenue pour fixer le point de départ de la retraite française ;
- Seize années se sont écoulées entre le premier dépôt auprès de la caisse en 1998 et le second en 2014 sans que l'assurée ne juge utile de se manifester ni auprès de la caisse algérienne ni auprès de la caisse française ;
- Cette particulière légèreté démontre l'absence de volonté de l'assurée de faire liquider ses droits à réversion auprès du régime français ;
- La demande de l'assurée est prescrite depuis le 19 juin 2013 ;
- S'il y a un préjudice à l'égard de l'assurée ce n'est pas le fait de la caisse française ;
- Au surplus le 1er janvier 1999 la requérante était âgée de 49 ans révolus et n'avait pas atteint l'âge requis, à savoir 55 ans révolus, pour l'attribution d'une pension de réversion au régime général ;
- La retraite complémentaire dont argue l'assurée et le régime de base n'ont pas la même législation applicable y compris s'agissant de l'entrée en jouissance.
Pour un exposé complet des prétentions et moyens des parties, la cour renvoie à leurs conclusions écrites visées par le greffe à l'audience du 30 septembre 2022 qu'elles ont respectivement soutenues oralement.
SUR CE,
L'assurée ne forme aucune demande sur la majoration de la pension de réversion et n'en avait pas formée devant les premiers juges. Il s'ensuit que les développements et la demande formée à ce titre par la caisse sont sans objet.
L'assurée demande la rétroactivité du point de départ de sa pension de réversion au 1er janvier 1999 et à défaut au 1er juillet 2004 en se fondant sur le rejet par la caisse algérienne de [Localité 9] en date du 25 janvier 1999 notifiée le 22 mai 1999 de sa demande de pension de réversion (pièce n°1 de l'assurée et n°4 de la caisse). Ce document indiquait que la requête formulée le 22 décembre 1998 en vue de bénéficier d'une pension de réversion été rejetée au motif que le défunt l'époux n'avait exercé aucune activité salariée en Algérie et qu'au regard de ses activités à l'étranger la demande était adressée à la caisse de [Localité 8] en France.
La caisse réplique que cette lettre n'est pas probante dans la mesure où aucune demande n'a été reçue en France avant 2014 et que la caisse algérienne a elle-même indiqué que la demande avait été formée en 2014 et qu'il fallait tenir compte de la demande formée en 2014 pour fixer le point de départ de la pension de réversion et qu'au surplus, une action sur la base de la lettre de 1998 serait prescrite depuis 2013 et que l'assurée ne pouvait pas prétendre à une pension de réversion avant ses 55 ans.
L'article R. 353-7 du code de la sécurité sociale, dans sa version applicable en 1999, disposait que :
« La date d'entrée en jouissance de la pension mentionnée aux articles L. 353-1, L. 353-2 et L. 353-3 est fixée :
« 1° Au premier jour du mois suivant celui au cours duquel l'assuré est décédé si la demande est déposée dans le délai d'un an suivant le décès ;
« 2° Au premier jour du mois suivant celui au cours duquel l'assuré a disparu si la demande est déposée dans le délai d'un an suivant la période de douze mois écoulée depuis la disparition ;
« 3° Au premier jour du mois suivant la date de réception de la demande si celle-ci est déposée après l'expiration du délai d'un an mentionné aux 1° et 2° ci-dessus.
« Cette date ne peut toutefois être inférieure au premier jour du mois suivant le cinquante-cinquième anniversaire du conjoint survivant ou divorcé. »
Le même article dans sa version applicable depuis le 1er janvier 2009 dispose que :
« Le conjoint survivant indique la date à compter de laquelle il désire entrer en jouissance de la pension de réversion, sous réserve des conditions suivantes :
« 1° Cette date est nécessairement le premier jour d'un mois ;
« 2° Elle ne peut pas être antérieure au premier jour du mois suivant lequel il remplit la condition d'âge prévue à l'article L. 353-1 ;
« 3° Elle ne peut pas être antérieure au dépôt de la demande. Toutefois :
« a) Lorsque la demande est déposée dans le délai d'un an qui suit le décès, la date d'entrée en jouissance peut être fixée au plus tôt au premier jour du mois qui suit le décès ;
« b) Lorsque la demande est déposée dans le délai d'un an suivant la période de douze mois écoulée depuis la disparition, la date d'entrée en jouissance peut être fixée au plus tôt au premier jour du mois suivant celui au cours duquel l'assuré a disparu.
« La caisse chargée de la liquidation de la pension de réversion informe le demandeur de son droit à fixer une date d'entrée en jouissance de sa pension et s'il satisfait aux conditions mentionnées aux a ou b du 3°. A défaut d'exercice de ce droit, la date d'entrée en jouissance est fixée au premier jour du mois suivant la date de réception de la demande sous réserve de la condition mentionnée au 2°. »
En application des articles 54 et 56 la convention générale du premier octobre 1980 entre le gouvernement de la République française et le gouvernement de la République algérienne en matière de sécurité sociale, la date de dépôt de la demande du pays instructeur sur l'imprimé réglementaire est retenue par toutes les institutions pour fixer le point de départ à la retraite.
En l'espèce, si l'assurée prétend avoir formé une première demande en décembre 1998 en Algérie qui aurait été transmise à la caisse française en 1999, elle n'en rapporte pas la preuve.
En effet, il ressort des pièces versées au débat que la caisse algérienne a fait parvenir à la caisse française en octobre 2014 une demande de réversion en indiquant comme date d'introduction de la demande le 10 septembre 2014 (pièce n°1 de la caisse).
Interrogés dans le cadre du recours amiable par la caisse (pièce n°7 de la caisse), l'organisme strasbourgeois a confirmé par lettre du 14 août 2014 que l'assurée avait bien introduit le 10 juin 2014 une demande de pension de réversion et qu'elle avait alors transmis les formulaires réglementaires à l'organisme algérien (pièce n°9 de la caisse), et la Caisse nationale algérienne a également confirmé la date de demande au 10 septembre 2014 (pièce n°8 de la caisse).
Il s'ensuit que la seule date certaine de première demande de l'assurée est le 10 septembre 2014 confirmée par l'organisme algérien et la caisse française destinataire des fiches de liaison.
Sur la base de ces éléments la caisse a donc fixé le point de départ de la pension de réversion au 1er octobre 2014, premier jour du mois suivant le dépôt de la demande en application des textes (pièce n°2 de la caisse). La commission de recours amiable, par décision du 10 juin 2016, a fixé le point de départ de la pension de réversion en tenant compte de la première manifestation de l'assurée en France, à savoir le 10 juin 2014, de sorte que le point de départ a été rapporté au 1er juillet 2014 (pièce n°10 de la caisse).
L'assurée ne versant aucune pièce probante remettant en cause les affirmations de la caisse algérienne et des organismes français ([Localité 8] et [Localité 7]), ses demandes doivent être rejetées.
L'assurée sera condamnée aux dépens qui seront recouvrés comme en matière d'aide juridictionnelle.
PAR CES MOTIFS
LA COUR,
DECLARE l'appel recevable ;
CONFIRME le jugement déféré en toutes ses dispositions ;
CONDAMNE [J] [I], veuve [H], aux dépens qui seront recouvrés comme en matière d'aide juridictionnelle.
La greffière Le président