RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 4 - Chambre 13
RÉPARATION DES DÉTENTIONS PROVISOIRES
DÉCISION DU 12 Décembre 2022
(n° , pages)
N°de répertoire général : N° RG 19/19694 - N° Portalis 35L7-V-B7D-CA3SS
Décision contradictoire en premier ressort ;
Nous, Sophie VALAY-BRIERE, Présidente de chambre, à la cour d'appel, agissant par délégation du premier président, assistée de Nora BENDERRADJ, Greffière, lors des débats et de Florence GREGORI lors du prononcé avons rendu la décision suivante :
Statuant sur la requête déposée le 17 Septembre 2019 par :
Mme [H] [F]
née le [Date naissance 1] 1979 à [Localité 4] (BULGARIE),
demeurant Chez Maître HONEGGER Philippe-Henry - [Adresse 2] ;
non comparante
Représentée par Me Philippe-Henry HONEGGER, avocat au barreau de PARIS substitué par Me Manon OUVRAD , toque 181 PARIS comparante
Vu les pièces jointes à cette requête ;
Vu les conclusions de l'Agent Judiciaire de l'Etat, notifiées par lettre recommandée avec avis de réception ;
Vu les conclusions du procureur général notifiées par lettre recommandée avec avis de réception ;
Vu les lettres recommandées avec avis de réception par lesquelles a été notifiée aux parties la date de l'audience fixée au 14 Novembre 2022 ;
Entendus Me Manon OUVRARD, avocate au barreau de PARIS, toque : K181 substituant Me Philippe-Henry HONEGGER, avocat au barreau de PARIS représentant Mme [H] [F], Me Anne-Laure ARCHAMBAULT - SELAS MATHIEU ET ASSOCIES, avocate au barreau de PARIS, toque : R079 représentant l'Agent Judiciaire de l'Etat, ainsi que Madame Anne BOUCHET, Substitut e Générale, les débats ayant eu lieu en audience publique, le conseil du requérant ayant eu la parole en dernier ;
Vu les articles 149, 149-1, 149-2, 149-3, 149-4, 150 et R.26 à R40-7 du Code de Procédure Pénale ;
* * *
Le dimanche 31 mars 2019, Mme [H] [F], de nationalité bulgare, a été déférée au tribunal de grande instance de Paris et placée en détention provisoire au centre pénitentiaire de [Localité 3] par le juge des libertés et de la détention le 1er avril 2019, pour des faits de vol aggravé.
Relaxée par le tribunal le même jour, elle a été remise en liberté le 2 avril suivant.
Le 17 septembre 2019, Mme [F] a adressé une requête au premier président de la cour d'appel de Paris en vue d'être indemnisée de sa détention provisoire, en application de l'article 149 du code de procédure pénale.
Elle sollicite dans sa requête, soutenue oralement, les sommes suivantes :
- 6 000 euros au titre du préjudice matériel,
- 5 000 euros au titre du préjudice moral,
- 2 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Dans ses écritures déposées le 11 mai 2022, reprises à l'audience, l'agent judiciaire de l'Etat demande au premier président de la cour d'appel de réduire à de plus justes proportions les demandes formulées au titre du préjudice moral, lequel ne saurait excéder la somme de 600 euros, comme de l'article 700 du code de procédure civile et de rejeter la demande formulée au titre du préjudice matériel.
Le procureur général, dans ses conclusions du 20 juin 2022, développées oralement, conclut à la recevabilité de la requête pour une détention d'une durée de un jour, à l'indemnisation du préjudice moral proportionné à la durée de la détention subie, à la situation du centre pénitentiaire de [Localité 3], et prenant en compte les circonstances familiales, culturelles, linguistiques et personnelles particulières soulignées, s'agissant par ailleurs d'une première incarcération, ainsi qu'au rejet en l'état du préjudice matériel s'agissant de l'indemnisation des frais d'avocat qui ne sont pas occasionnés uniquement par la détention. Enfin, il s'en rapporte sur les frais irrépétibles.
La requérante a eu la parole en dernier.
Sur ce,
Sur la recevabilité
Au regard des dispositions des articles 149-1, 149-2 et R.26 du code de procédure pénale, lapersonne qui a fait l'objet d'une détention provisoire au cours d'une procédure terminée à son égard par une décision de non-lieu, relaxe ou acquittement devenue définitive, a droit, à sa demande, à la réparation intégrale du préjudice moral et matériel que lui a causé cette détention. Il lui appartient dans les six mois de cette décision, de saisir le premier président de la cour d'appel dans le ressort de laquelle celle-ci a été prononcée, par une requête, signée de sa main ou d'un mandataire, remise contre récépissé ou par lettre recommandée avec accusé de réception au greffe de la cour d'appel.
Cette requête doit contenir l'exposé des faits, le montant de la réparation demandée et toutes indications utiles prévues à l'article R.26 du même code.
Mme [F] a présenté sa requête aux fins d'indemnisation le 17 septembre 2019, dans le délai de six mois suivant le jour où la décision de relaxe est devenue définitive comme en atteste le certificat de non-appel produit ; cette requête est signée par son avocat et la décision de relaxe n'est pas fondée sur un des cas d'exclusion visé à l'article 149 du code de procédure pénale.
La demande de Mme [F] est donc recevable au titre d'une détention provisoire indemnisable du 1er au 2 avril 2019 pour une durée d'un jour.
Sur l'indemnisation
- Le préjudice moral
Mme [F] invoque un choc carcéral important en raison de l'absence d'incarcération antérieure, de la violence du milieu carcéral, de l'isolement aggravé par ses difficultés de compréhension de la langue française, de l'accentuation de ses fragilités psychiatriques antérieures et des conditions de détention à la maison d'arrêt de [Localité 3].
Divorcée, sans enfant, Mme [F] âgée de 40 ans lors de l'incarcération, a subi un choc psychologique certain alors qu'elle était confrontée pour la première fois au monde carcéral. Il n'est pas contesté que son préjudice a été aggravé par l'isolement ressenti du fait de ses difficultés à comprendre le français, celle-ci ayant été assistée par un interprète lors de sa comparution devant le tribunal.
Elle fait état d'un syndrome anxiodépressif depuis plusieurs années, sans démontrer toutefois que la détention subie aurait accentué cet état pathologique puisque le certificat médical produit, daté du 9 février 2019, indique seulement 'Syndrome anxio-dépressif depuis plusieurs années non traité mais majoré depuis deux mois sans facteur déclenchant retrouvé'.
Enfin, Mme [F] dénonce des conditions de détention difficiles et anxiogènes au centre pénitentiaire de [Localité 3], en invoquant un état des lieux de la prison établi le 25 novembre 2017 par l'observatoire international des prisons. Outre qu'il a été établi seize mois avant sa détention, elle ne démontre pas avoir subi personnellement, compte tenu de la durée de son incarcération, des conditions de détention particulièrement difficiles par rapport aux autres détenues placées dans les mêmes circonstances.
Son préjudice moral sera évalué à la somme de 600 euros.
- Le préjudice matériel
Mme [F] invoque un préjudice matériel constitué de ses frais d'avocat.
Toutefois, elle produit une note d'honoraire en date du 10 avril 2019, d'un montant de 5000 euros HT correspondant à la prestation suivante : « Audience devant le tribunal correctionnel 31 mars 2019 (avec majoration pour intervention le week-end) » qui ne détaille pas les prestations qu'elle couvre. Elle ne concerne manifestement pas que des prestations directement liées à la privation de liberté, seules de nature à être indemnisées dans le cadre de la présente procédure.
Sa demande au titre du préjudice matériel sera donc rejetée.
PAR CES MOTIFS,
Déclarons la requête de Mme [F] recevable ;
Allouons à Mme [F] les sommes suivantes :
- 600 euros au titre du préjudice moral ;
- 2 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
Déboutons Mme [F] du surplus de ses demandes ;
Laissons la charge des dépens à l'Etat.
Décision rendue le 12 Décembre 2022 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
LE GREFFIER LE MAGISTRAT DÉLÉGUÉ