RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 4 - Chambre 13
RÉPARATION DES DÉTENTIONS PROVISOIRES
DÉCISION DU 12 Décembre 2022
(n° , pages)
N°de répertoire général : N° RG 20/09257 - N° Portalis 35L7-V-B7E-CCA6V
Décision contradictoire en premier ressort ;
Nous, Sophie VALAY-BRIERE, Présidente de chambre, à la cour d'appel, agissant par délégation du premier président, assistée de Nora BENDERRADJ, Greffière, lors des débats et de Florence GREFORI lors du prononcé, avons rendu la décision suivante :
Statuant sur la requête déposée le 12 Juin 2020 par:
M. [H] [O]
né le [Date naissance 1] 1984 à [Localité 2] , de nationalité française
Elisant dimicile chez Me [Adresse 4] ;
non comparant
représenté par Me Yann LE BRAS, avocat au barreau de PARIS (J94) substituée par Me TORTOS Marie, toque : J024 PARIS comparante
Vu les pièces jointes à cette requête ;
Vu les conclusions de l'Agent Judiciaire de l'Etat, notifiées par lettre recommandée avec avis de réception ;
Vu les conclusions du procureur général notifiées par lettre recommandée avec avis de réception ;
Vu les lettres recommandées avec avis de réception par lesquelles a été notifiée aux parties la date de l'audience fixée au 14 Novembre 2022 ;
Entendus Me Marie TORTOS, avocate au barreau de PARIS, toque : J024 substituant Me Yann LE BRAS, avocat au barreau de PARIS, toque : J94 représentant M. [H] [O], Me Anne-Laure ARCHAMBAULT - SELAS MATHIEU ET ASSOCIE, avocate au barreau de PARIS , toque : R079 représentant l'Agent Judiciaire de l'Etat, ainsi que Madame Anne BOUCHET, Substitute Générale, les débats ayant eu lieu en audience publique, le conseil du requérant ayant eu la parole en dernier ;
Vu les articles 149, 149-1, 149-2, 149-3, 149-4, 150 et R.26 à R40-7 du Code de Procédure Pénale ;
* * *
M. [H] [O], mis en examen du chef d'escroquerie en bande organisée, a été placé en détention provisoire à la maison d'arrêt de [Localité 3] le 14 septembre 2018.
Le 11 octobre 2019, il a été relaxé par jugement, devenu défintif, du tribunal correctionnel de Paris.
Le 1er juillet 2020, M. [O] a adressé une requête au premier président de la cour d'appel de Paris en vue d'être indemnisé de sa détention provisoire, en application de l'article 149 du code de procédure pénale.
Il sollicite dans sa requête, reprise oralement à l'audience, les sommes suivantes :
- 4 800 euros au titre de son préjudice matériel,
- 70 000 euros au titre de son préjudice moral.
Dans ses écritures déposées le 6 janvier 2000, reprises à l'audience, l'agent judiciaire de l'Etat demande au premier président de la cour d'appel à titre principal de déclarer la requête irrecevable et, à titre subsidiaire, de réduire à de plus justes proportions les demandes formulées au titre du préjudice moral, lequel ne saurait excéder la somme de 35 000 euros, comme de l'article 700 du code de procédure civile, et de rejeter la demande au titre du préjudice matériel.
Le procureur général, dans ses conclusions du 16 mai 2022, développées oralement, conclut à titre principal à l'irrecevabilité de la requête, et, à titre subsidiaire, à une détention d'une durée de douze mois et vingt-huit jours, à l'indemnisation du préjudice moral proportionné à la durée de détention subie, à la situation du centre pénitentiaire de [Localité 3], prenant en compte les circonstances familiales et personnelles particulières soulignées, s'agissant d'une première incarcération, ainsi qu'à l'indemnisation des frais d'avocat occasionnés par la détention si le requérant produit une note détaillée. Enfin, il s'en rapporte sur les frais irrépétibles.
Le requérant a eu la parole en dernier.
Sur ce,
M. [O] soutient que sa requête est recevable en ce que la décision le relaxant est devenue définitive le 21 octobre 2019 et que la 'commission' a été saisie dans le délai prescrit. Rappelant la désorganisation liée à la crise sanitaire, il revendique l'application des dispositions de l'article 2 de l'ordonnance 2020-306 du 25 mars 2020. Il fait en outre un parallèle avec la suspension des délais de consignation en matière de presse.
L'agent judiciaire de l'Etat et le ministère public soutiennent que la requête est irrecevable pour avoir été déposée au-delà du délai légal de six mois qui expirait le 21 avril 2020 et que M. [O] ne peut se prévaloir ni des dispositions de l'article 2 de l'ordonnance 2020-306 du 25 mars 2020 relative à la prorogation des délais pendant la période d'urgence sanitaire ni de celles de l'ordonnance 2020-303 du 25 mars 2020, modifiée par l'ordonnance 2020-557 du 13 mai 2020, portant adaptation des règles de procédure pénale. Il ajoute que la comparaison avec les délais de consignation en matière de presse est peu compréhensible.
Au regard des dispositions des articles 149-1, 149-2 et R.26 du code de procédure pénale, lapersonne qui a fait l'objet d'une détention provisoire au cours d'une procédure terminée à son égard par une décision de non-lieu, relaxe ou acquittement devenue définitive, a droit, à sa demande, à la réparation intégrale du préjudice moral et matériel que lui a causé cette détention. Il lui appartient dans les six mois de cette décision, de saisir le premier président de la cour d'appel dans le ressort de laquelle celle-ci a été prononcée, par une requête, signée de sa main ou d'un mandataire, remise contre récépissé ou par lettre recommandée avec accusé de réception au greffe de la cour d'appel.
Cette requête doit contenir l'exposé des faits, le montant de la réparation demandée et toutesindications utiles prévues à l'article R.26 du même code.
Le délai de six mois ne court à compter de la décision définitive que si la personne a été avisée de son droit de demander réparation ainsi que des dispositions des articles 149-1,149-2 et 149-3 du code précité.
Il est constant qu'aux termes du jugement en date du 11 octobre 2019 le relaxant M. [O] s'est vu notifier son droit à réparation. Ce jugement est devenu définitif le 21 octobre suivant, de sorte que le délai légal de six mois pour saisir le premier président de la cour d'appel de Paris expirait le 21 avril 2020.
L'ordonnance 2020-306 du 25 mars 2020 relative à la prorogation des délais échus pendant la période d'urgence sanitaire n'est pas applicable en l'espèce dès lors que son article 1er exclut expressément l'application de ses dispositions aux délais et mesures résultant de l'application de règles de droit pénal ou de procédure pénale.
L'ordonnance 2020-303 du 25 mars 2020 portant adaptation des règles de procédure pénale sur le fondement de la loi n°2020-290 du 23 mars 2020 d'urgence pour faire face à l'épidémie de covid-19, modifiée par l'ordonnance 2020-557 du 13 mai 2020, n'est pas plus applicable puisque le doublement des délais fixés ne concerne que l'exercice d'une voie de recours alors que la saisine du premier président à raison de la réparation de la détention provisoire est une action en première instance.
Il s'en déduit que la requête aux fins d'indemnisation, reçue le 1er juillet 2020, est irrecevable comme tardive.
PAR CES MOTIFS,
Déclarons la requête de M. [O] irrecevable ;
Laissons les dépens à la charge de M. [O].
Décision rendue le 12 Décembre 2022 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
LE GREFFIER LE MAGISTRAT DÉLÉGUÉ