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03/01/2023 | FRANCE | N°20/07726

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 5 - chambre 8, 03 janvier 2023, 20/07726


Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 8



ARRÊT DU 3 JANVIER 2023



(n° / 2023, 13 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 20/07726 - N° Portalis 35L7-V-B7E-CB45D



Décision déférée à la Cour : Jugement du 17 Janvier 2020 -Tribunal de Commerce de PARIS - RG n° 2016036241





APPELANTS



Monsieur [G] [U]

Né le [Date naissance 2] 1952

à [Localité 6] (ALGERIE)

De nationalité française

Demeurant [Adresse 1]

[Localité 5]





SCI THH, prise en la personne de son gérant en exercice, Monsieur [G] [U], domicilié en ce...

Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 8

ARRÊT DU 3 JANVIER 2023

(n° / 2023, 13 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 20/07726 - N° Portalis 35L7-V-B7E-CB45D

Décision déférée à la Cour : Jugement du 17 Janvier 2020 -Tribunal de Commerce de PARIS - RG n° 2016036241

APPELANTS

Monsieur [G] [U]

Né le [Date naissance 2] 1952 à [Localité 6] (ALGERIE)

De nationalité française

Demeurant [Adresse 1]

[Localité 5]

SCI THH, prise en la personne de son gérant en exercice, Monsieur [G] [U], domicilié en cette qualité audit siège,

Dont le siège social est situé [Adresse 1]

[Localité 5]

Représentés par Me Frédéric LALLEMENT de la SELARL BDL Avocats, avocat au barreau de PARIS, toque : P0480,

INTIMÉE

S.N.C. TABAC DES SPORTS, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège,

Immatriculée au registre du commerce et des sociétés de PARIS sous le numéro 672 011 020,

Dont le siège social est situé [Adresse 3]

[Localité 4]

Représentée par Me Christian VALENTIE, avocat au barreau de PARIS, toque : C2441,

Assistée de Me Majda BENKIRANE, avocate au barreau de PARIS, toque G815,

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 22 Novembre 2021, en audience publique, devant la Cour, composée de :

Madame Marie-Christine HÉBERT-PAGEOT, Présidente de chambre, chargée du rapport,

Madame Anne-Sophie TEXIER, conseillère

Madame Florence DUBOIS-STEVANT, conseillère

qui en ont délibéré.

Greffier, lors des débats : Madame Liselotte FENOUIL

ARRÊT :

- contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Marie-Christine HÉBERT-PAGEOT, Présidente de chambre et par Liselotte FENOUIL, greffière, présente lors de la mise à disposition.

***

FAITS ET PROCÉDURE:

La société Tabac des Sports est une société en nom collectif, créée en 1967 par M.et Mme [O], aux fins d'exploiter un fonds de commerce de restauration et de débit de boissons [Adresse 3].

Par acte sous seing privé en date du 30 septembre 2006, M et Mme [O], titulaires respectivement de 655 et 650 parts sociales, représentant la totalité du capital de la SNC Tabac des Sports, les ont cédées à M. [W] [H] et à M.[G] [U], qui les ont acquises respectivement de chacun des deux époux, moyennant le prix total de 1.875.285 euros.

Estimant que M.Mme [O] avaient surévalué la valeur des parts sociales et dissimulé une majeure partie du passif de la société, la SNC Tabac des Sports, M.[H] et M. [U] ont, le 30 septembre 2009, fait assigner les cédants devant le tribunal de commerce de Paris afin de les voir condamner à restituer les sommes indûment perçues au titre de la surévaluation des parts sociales et à réparer le préjudice résultant de la dissimulation d'une partie du passif de la société.

Par jugement en date du 4 juin 2012, le tribunal de commerce de Paris a condamné M.[O] à restituer à M.[H] la somme de 26.385,70 euros outre intérêts, condamné Mme [O] à restituer à M.[U] la somme de 26.184,30 euros outre intérêts et condamné solidairement les cédants au paiement de différentes sommes au titre de la garantie de passif. La cour d'appel de Paris, par arrêt du 17 octobre 2013, a confirmé le jugement entrepris en ce qu'il avait : condamné M [O] à restituer à M. [H] la somme de 26.385,70 euros et Mme [O] à restituer à M.[U] la somme de 26.184,30 euros avec intérêts, mais l'a infirmé pour le surplus et statuant à nouveau, a condamné M.[U] à payer à Mme [O] la somme de 96.315,70 euros en paiement du solde du prix de cession de ses parts et dit que les époux [O] ne sont pas tenus à la garantie de passif.

Une mésentente s'étant installée entre les nouveaux associés, M. [U] a, le 22 juin 2011, cédé la totalité des parts qu'il détenait dans la société le Tabac des Sports à M. [W] [H] moyennant la somme totale de 350.000 euros. La société Tabac des Sports a concomitamment embauché M.[U] comme directeur salarié à compter du 1er septembre 2011, moyennant un salaire brut de 4.784 euros et ce jusqu'à la date de son licenciement en mars 2012.

Un litige a opposé M.[U] à la SNC Tabac des Sports relativement à la prise en charge par la société des cotisations personnelles au RSI de M.[U]. Le tribunal des affaires de sécurité sociale de Versailles par jugement du 20 mai 2015, confirmé par arrêt de la cour d'appel de Versailles du 8 décembre 2016, a débouté M.[U] de ses demandes de ce chef.

Parallèlement, par acte du 2 juin 2016, M. [U] a fait assigner la SNC Tabac des Sports devant le tribunal de commerce de Paris, la SCI THH étant intervenue volontairement à l'instance, pour, avant dire droit, voir ordonner une expertise des comptes de la SNC Tabac des Sports pour les exercices 2006 à 2011, constater que la promesse de vente des parts sociales du 13 mai 2011 est un faux, et à défaut pour le tribunal d'user de son pouvoir d'examiner lui même la dite pièce, de désigner un expert graphologue afin de procéder à la vérification de la signature figurant sur le dit acte, au fond, essentiellement, voir condamner la SNC Tabac des Sports à payer à M.[U] la somme de 1.240.440 euros ainsi que 122.500 euros à la SCI THH et de débouter la SNC Tabac des Sports de ses demandes.

La SNC Tabac des Sports a répliqué et demandé, in limine litis, que la SCI THH soit déclarée irrecevable, faute de personnalité juridique, que M. [U] soit déclaré irrecevable tant en sa demande de remboursement d'un chèque de 122.500 euros tiré sur le compte de la SCI THH qu'en sa demande de remboursement du compte courant d'associé en raison, d'une part, d'un défaut de qualité à agir et, d'autre part, de l'acquisition de la prescription, subsidiairement et au fond, de débouter M.[U] de l'ensemble de ses demandes et, à titre infiniment subsidiaire, de mettre à la charge de M.[U] l'ensemble des frais d'expertise, à titre reconventionnel, et en tout état de cause, de condamner M. [U] au paiement de la somme de 97.251 euros au titre d'un trop perçu sur son compte courant d'associé et à restituer la somme de 96.133 euros au titre des dépenses personnelles indûment réglées au moyen de l'actif de la société.

Par jugement du 17 janvier 2020 assorti de l'exécution provisoire, le tribunal de commerce de Paris a dit recevable l'intervention volontaire de la SCI THH, débouté la SNC Tabac des Sports de sa fin de non- recevoir tirée du défaut de qualité à agir de M. [U] au nom de la SCI THH, dit prescrite la demande de remboursement de 122.500 euros formée par la SCI THH et l'en a déboutée, dit recevable mais prescrite la demande de remboursement de compte courant de 1.240.440 euros formée par M.[U], débouté la SNC Tabac des Sports de sa demande de condamnation de M.[U] au paiement de la somme de 97.251 euros au titre d'un trop-perçu sur son compte courant d'associé, débouté la SNC Tabac des Sports de sa demande de restitution par M.[U] de la somme de 96.133 euros au titre des dépenses personnelles indûment réglées par la société, condamné M. [U] à verser à la SNC Tabac des Sports la somme de 3.500 euros au titre des frais irrépétibles, rejeté toutes autres demandes des parties et condamné M.[U] aux dépens .

Par déclaration du 22 juin 2020, M. [U] et la SCI THH ont interjeté appel de ce jugement en ce qu'il a dit prescrite la demande de remboursement de 122.500 euros formée par la SCI THH et l'en a déboutée, dit recevable mais prescrite la demande de remboursement de compte courant de 1.240.440 euros formée par M. [U], a condamné M. [U] à verser la somme de 3.500 euros au titre des frais irrépétibles, rejeté toutes autres demandes des parties et condamné M. [U] aux dépens.

Par conclusions notifiées par RPVA le 19 octobre 2021, M.[U] et la SCI THH demandent à la cour de les recevoir en leur appel et de les dire bien fondés, d'infirmer le jugement déféré et statuant à nouveau, de déclarer leur action non prescrite, les recevant en leurs demandes et les y déclarant bien fondés, vu les exercices 2006/2007, 2007/2008, 2008/2009 et 2009/2010 de la SNC Tabac des Sports, avant dire droit, d'ordonner une expertise des comptes de la SNC Tabac des Sports portant sur les exercices de 2006 à 2011, de désigner tel expert qu'il plaira à la cour, avec mission de définir le solde du compte courant d'associé de M.[U], dire que la SNC Tabac des Sports devra remettre à l'expert l'ensemble des éléments comptables de la SNC Tabac des Sports pour les exercices 2006 à 2011 et spécialement :

- Grands livres comptables complet des exercices 2007 à 2011

- État de rapprochement bancaire des exercices 2007 à 2011

- Contrôle de caisse (mensuel et fin d'exercice) de 2007 a 2011

- Copie des déclarations de résultat (liasse fiscale) des exercices 2007 et 2008

- Copie des déclarations de revenus établis pour l'URSSAF et le RSI entre 2007 et 2011

- Copie des relevés bancaires de la SNC Tabac des Sports entre 2007 et 2011

- Copie des relevés bancaires personnels de M. [U] de 2007 à 2011

- PV d'Assemblée générale d'approbation des comptes de 2007 à 2011

- PV d'Assemblée générale ordinaire et extraordinaire de 2007 à 2011

- Outre tout document que l'expert estimerait nécessaire au bon achèvement de sa mission

- Relevés de comptes de la SNC Tabac des Sports pour la période 2007 à 2011,

Fixer la somme que la partie la plus diligente devra consigner à la régie de la Cour, à valoir sur les honoraires de l'expert,

Dire que les frais d'expertise suivront le sort des dépens d'instance,

- Constater que la promesse de vente des parts sociales du 13 mai 2011 est un faux, à défaut pour la cour d'user de son pouvoir d'examiner lui-même ladite pièce, désigner un expert graphologue afin de procéder à la vérification de la signature figurant sur ledit acte,

- sur l'appel incident de la SNC Tabac des Sports, la débouter de sa fin de non-recevoir à l'encontre de M. [U] pour absence de qualité à agir au nom de la SCI THH, de dire prescrite la SNC Tabac des Sports de sa demande de condamnation de M.[U] au paiement de la somme de 96.133 euros au titre de prétendues dépenses personnelles indument réglées au moyen de l'actif de la société, cette demande étant formée au-delà du délai de cinq ans prévu par l'article 2224 du code civil, de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a rejeté les demandes de la SNC Tabac des Sports plus amples ou contraires, de débouter la SNC Tabac des Sports de sa fin de non-recevoir tendant à voir déclarer irrecevable l'intervention volontaire de la SCI THH faute de personnalité juridique, plus subsidiairement, si la cour ne jugeait pas la prescription acquise à l'encontre de la SNC Tabac des Sports, la dire mal-fondée et la débouter de ses demandes de condamnation de M.[U] au paiement de la somme de 97. 521 euros au titre d'un trop perçu sur son compte courant d'associé et à la restitution de la somme de 96 .133 euros au titre des dépenses personnelles indûment réglées au moyen de l'actif de la société, au fond et en tout état de cause, vu le rapport du Cabinet Cofine-E, vu les rapports du cabinet Auditeurs et Associés, de condamner la SNC Tabac des Sports à payer à M. [U] la somme de 1.240.440 euros au itre des rémunérations comptabilisées mais non prises, de condamner la SNC Tabac des Sports à payer à M. [U] ou subsidiairement à la SCI THH, la somme de 122.500 euros au titre du chèque indûment encaissé sur le compte de la SNC Tabac des Sports, dire que l'ensemble de ces sommes seront assorties des intérêts au taux légal à compter du 22 juin 2011, dire que ces sommes seront assorties des intérêts capitalisés à compter de la délivrance de l'assignation, débouter la SNC Tabac des Sports en ses demandes de condamnation de M. [U] au paiement de la somme de 97. 521 euros au titre d'un trop perçu sur son compte courant d'associé, à restituer la somme de 96.133 euros au titre des dépenses personnelles indûment réglées au moyen de l'actif de la société, de débouter la SNC Tabac des Sports de toutes ses demandes, fins et conclusions, de condamner la SNC Tabac des Sports à la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, de condamner la SNC Tabac des sports aux entiers dépens.

Par conclusions notifiées par RPVA le 27 octobre 2021, la SNC Tabac des Sports demande à la cour, vu l'article 122 du code de procédure civile, vu l'article L. 110-4 du code de commerce, vu les articles 1325 et 1376 du code civil, de la recevoir en ses demandes, fins et conclusions et l'en dire bien fondée, y faisant droit,

-de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a dit prescrite la demande de remboursement de 122.500 euros formée par la SCI THH et l'en a déboutée, dit recevable mais prescrite la demande de remboursement de compte-courant de 1.240.440 euros formée par M.[U],

-de l'infirmer en ce qu'il l'a déboutée de sa fin de non-recevoir à l'encontre de M. [U] pour absence de qualité à agir au nom de la SCI THH, l'a déboutée de sa demande de condamnation de M. [U] au paiement de la somme de 96.133 euros au titre des dépenses personnelles indument réglées au moyen de l'actif de la société, a rejeté les demandes des parties autres, plus amples ou contraires,

-statuant à nouveau, de déclarer l'intervention volontaire de la SCI THH irrecevable faute de personnalité juridique, à titre subsidiaire, si la cour devait infirmer le jugement dont appel en ce qu'il a déclaré M. [U] et la SCI THH prescrits en leurs demandes, de débouter M.[U] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions, à titre infiniment subsidiaire sur la mesure d'expertise, de mettre à la charge de M.[U] l'ensemble des frais d'expertise, à titre reconventionnel et en tout état de cause, de condamner M.[U] au paiement de la somme de 97.521 euros au titre d'un trop perçu sur son compte courant d'associé, de condamner M. [U] à restituer la somme de 96.133 euros au titre des dépenses personnelles indument réglées au moyen de l'actif de la société, d'assortir les condamnations de l'intérêt au taux légal à compter de la décision à intervenir, de condamner M.[U] au paiement de la somme de 15.000 euros sur le fondement de l'article 700 du ode de procédure civile , de condamner M. [U] aux entiers dépens.

SUR CE

I- Sur les demandes de M.[U] et de la SCI THH

M.[U] entend obtenir la condamnation de la SNC Tabac des Sports à lui rembourser la somme de 1.240.440 euros au titre de son compte courant d'associé, ainsi que la somme de 122.500 euros en remboursement d'un chèque indûment encaissé sur le compte de la SNC Tabac des Sports. Cette dernière demande est présentée subsidiairement par la SCI THH.

La SNC Tabac des Sports reprend à hauteur d'appel les fins de non-recevoir soulevées en première instance.

- Sur le défaut de qualité à agir de M.[U] au nom de la SCI THH

La SNC Tabac des Sports soulève le défaut de qualité à agir de M.[U] au nom et pour le compte de la SCI THH en remboursement du montant du chèque au motif que M.[U], avant de soutenir que la société existait toujours, avait prétendu en première instance que la SCI avait été liquidée, que du fait de la dissolution, M.[U] qui avait été le dirigeant de la société, avait perdu le pouvoir de la représenter, la société devant demander après la clôture des opérations de liquidation la désignation d'un mandataire ad hoc chargé de la représenter devant les tribunaux, ce qui n'avait pas été fait,,

M.[U] précise que la société THH est une SCI familiale qui après avoir réalisé ses actifs, a réparti l'ensemble des fonds dont elle disposait entre ses associés, ce qui lui a permis de disposer d'une somme de 122.500 euros que la SCI THH a apporté pour son compte à la société Tabac des Sports, au moyen d'un chèque, dont l'encaissement n'est pas contesté.

Il résulte des énonciations du jugement que l'extrait K Bis de la SCI THH à la date du 7 novembre 2019, produit en cours de délibéré, ne portait trace d'aucune mention de liquidation et qu'ainsi M.[U], qui était son dirigeant, pouvait la représenter en justice. La SNC Tabac des Sports ne prouve ni même n'allègue sérieusement que cette pièce serait un faux, dès lors qu'elle ne produit elle même aucun élément et notamment pas de K Bis de la SCI. M.[U] étant le gérant de la SCI THH a donc bien qualité pour agir en justice au nom de celle-ci.

Le jugement sera confirmé en ce qu'il a rejeté cette fin de non recevoir.

- sur la prescription de l'action en remboursement du chèque

La SNC Tabac des Sports rappelle les dispositions de l'article 2224 du code civil et indique que le chèque litigieux ayant été tiré le 9 octobre 2006, la SCI THH disposait d'un délai allant jusqu'au 10 octobre 2011 pour agir, que l'assignation n'a été délivrée que le 2 juin 2016, soit près de 5 ans après l'expiration du délai de prescription et que si la SCI arguait du bénéfice de la réforme de la prescription consécutive à la loi du n°2008-561 du 17 juin 2008, là encore la cour ne pourrait que constater la prescription de l'action au 19 juin 2013.

M.[U] et la SCI THH répliquent que l'action en remboursement de ce chèque n'est nullement prescrite, que cette somme avait été vainement réclamée le 16 mai 2013 et le 10 juin 2014, par des courriers recommandés contenant des mises en demeure, que cette somme aurait du être affectée à son compte courant d'associé, ce qui n'a jamais été fait.

Le chéque de 122.500 euros émis par la SCI THH a été encaissé par la SNC Tabac des Sports le 10 octobre 2006. Cet encaissement, dont la SCI THH, et son gérant M.[U], ont eu nécessairement connaissance à la lecture du relevé de compte, constitue le point de départ du délai de prescription pour agir en remboursement.

Le délai de prescription, qui était alors de 10 ans, a donc commencé à courir avant l'entrée en vigueur de la loi du 17 juin 2008, qui a ramené le délai de 10 à 5 ans.

Aux termes de l'article 26 de la loi du 17 juin 2008, les dispositions de la loi qui réduisent la durée de la prescription, s'appliquent aux prescriptions à compter du jour de l'entrée en vigueur de la présente loi (19 juin 2008), sans que la durée totale puisse excéder la durée prévue par la loi antérieure. Le délai de 5 ans expirait le 19 juin 2013, cette date étant inférieure au délai de prescription antérieur qui expirait en octobre 2016.

Il s'ensuit que la demande de remboursement du chèque d'un montant de 122.500 euros est irrecevable comme étant prescrite, le délai de prescription, qui, de décennal est devenu quinquennal, ayant pris fin le 19 juin 2013, alors que l'assignation a été délivrée le 2 juin 2016 .

Le jugement déféré sera confirmé sur ce point.

- sur la recevabilité de l'action en remboursement du compte courant

M.[U] prétend au remboursement d'une somme de 1.240.440 euros au titre de son compte courant d'associé dans les livres de la société Tabac des Sports.

La SNC Tabac des Sports, qui conteste le caractère réel et sérieux de la créance invoquée par M.[U], soutient que cette demande est prescrite, l'intéressé disposant d'un délai de cinq ans à la clôture de chacun des exercices comptables pour exercer une éventuelle action en restitution du compte courant, et qu'ainsi :

- pour le prétendu compte courant né à la clôture de l'exercice 2006, il devait agir avant le 30 septembre 2011 ;

- pour le prétendu compte courant né à la clôture de l'exercice 2007, il devait agir avant le 30 septembre 2012

- pour le prétendu compte courant né à la clôture de l'exercice 2008, il devait agir avant le 30 septembre 2013

-pour le prétendu compte courant né à la clôture de l'exercice 2009, il devait agir avant le 30 septembre 2014

-pour le prétendu compte courant né à la clôture de l'exercice 2010, il devait agir avant le 30 septembre 2015, alors qu'il n'a saisi le tribunal que le 2 juin 2016.

Elle ajoute que M.[U] opère une confusion entre les qualités d'associé et de créancier, qu'il a perdu sa qualité d'associé au jour de la cession de ses parts sociales le 2 juin 2011, qu'à compter de cette date, il n'avait plus que la qualité de créancier et que les jurisprudences qu'il cite ne concernent que les demandes faites par des associés encore en titre. Elle précise que les causes d'interruption de prescription alléguées, tenant d'une part à une altération des facultés mentales, d'autre part, à une impossibilité d'agir ne sont pas sérieuses et ne peuvent être retenues .

M.[U] conteste cette fin de non recevoir et réplique qu'il a cédé ses parts sociales le 22 juin 2011 et non le 2 Juin 2011 comme retenu par erreur par le tribunal de commerce, de sorte que la demande n'est pas prescrite, l'assignation ayant été délivré le 2 Juin 2016 et que, d'autre part, l'article 2224 du code civil prévoit que le délai de prescription ne court qu'à compter du jour où le titulaire d'un droit a connaissance des faits lui permettant de l'exercer, l'élément décisif en l'espèce, se réalisant à la signature de l'acte. Il indique que pour l'associé ayant cédé ses parts, l'avance en compte courant s'analyse en un prêt dont le remboursement peut être demandé même après cession des parts, à tout moment, à défaut d'une disposition conventionnelle contraire, et que conformément à la jurisprudence de la Cour de cassation l'action en remboursement du solde de compte courant d'associé ne se confond pas avec l'action en paiement de dividendes et, par suite, n'obéit pas aux mêmes règles de prescription, de sorte que le point de départ ne court pas à compter de la clôture de chaque exercice.

Contrairement à ce que soutient la SNC Tabac des Sports, la circonstance que M.[U] a perdu sa qualité d'associé au jour de la cession de ses parts sociales le 22 juin 2011 (et non le 2 juin 2011) n'a aucune incidence, ni sur le point de départ de la prescription de l'action en remboursement du compte courant, qui est toujours le jour où le titulaire du compte courant réclame le remboursement, et ne peut en aucune manière être la date de la clôture de chaque exercice, une telle analyse aboutissant de fait à changer rétroactivement la nature du compte courant qui, lorsqu'il est créditeur, s'analyse en un prêt à durée indéterminée dont le remboursement peut être sollicité à tout moment, sauf stipulations contraires, consenti par l'associé à la société, ni sur l'indépendance des qualités d'associé et de prêteur de l'associé titulaire du compte, de sorte qu' à défaut de clauses contractuelles contraires, inexistantes en l'espèce, la cession de ses titres par un associé n'emporte pas non plus sa clôture, l'associé cédant conservant sa qualité de créancier de la société.

La cession de ses parts sociales par M.[U] n'opère aucun changement sur la possibilité, pour celui-ci, de solliciter le remboursement de son compte courant à n'importe quel moment.

Ainsi que le soutient elle même la SNC Tabac des Sports, M.[U] a pour la première fois réclamé dans l'assignation du 2 juin 2016 le remboursement de son compte courant, ce qui le rend exigible. Il s'ensuit que cette date constitue le point de départ du délai de prescription et qu'ainsi l'action de M.[U] n'est pas prescrite .

Le jugement déféré sera sur ce point infirmé.

- sur la créance de compte courant de 1.240.440 euros

M.[U] fait valoir qu'eu égard au manque chronique de trésorerie de la société, il laissait continuellement en compte courant d'associé les revenus qu'il tirait de la société et sur lesquels il a payé l'impôt sur le revenu, que la somme de 122.500 euros qu'il a apportée en compte courant par le biais du chèque tiré sur le compte de la SCI THH n'apparait nulle part dans les écritures comptables, qu'une prétendue utilisation d'espèces est invraisemblable et en tout cas peu compatible avec les volumes en cause, qu'une comptabilité non sincère ne saurait faire foi.

La société Tabac des Sports conteste toute créance de compte courant de M.[U], soutenant que l'analyse des comptes ne fait apparaitre aucun solde créditeur de compte courant au profit de ce dernier, que M.[U] fait preuve d'une particulière mauvaise foi et a changé de versions au gré de ses écritures, qu'il prétend seulement cinq ans après la cession de ses parts à l'existence d'un compte courant colossal, alors que lors de la cession où il s'était montré particulièrement pointilleux, il n'a pas évoqué l'existence d'un tel compte courant créditeur, les parties ayant au contraire convenu lors de la cession qu'elles ne se devaient plus rien.

M.[U] sollicite avant dire droit la désignation d'un expert avec pour mission d'examiner les comptes de la SNC Tabac des Sports au titre des exercices 2006 à 2011 et de définir le solde de son compte courant d'associé, et en tout état de cause la condamnation de la SNC Tabac des Sports au paiement de la somme de 1.240.440 euros.

Il explique que son état de santé l'a empêché de prendre connaissance des comptes de la société dès 2007, qu'il ne peut aujourd'hui les comprendre qu'avec l'assistance d'un expert comptable, que la SNC Tabac des Sports n'a pas déféré à la sommation de communiquer qui lui a été faite concernant les comptes, que le cabinet d'expertise comptable et commissaires aux comptes 'Auditeurs associés' a d'ores et déjà produits deux rapports qui mettent en évidence des irrégularités comptables d'une gravité particulière.

La société Tabac des Sports s'oppose à l'expertise sollicitée. Elle souligne, tout d'abord, que l'état de santé de M.[U] ne l'a pas empêché, selon les attestations des employés qu'elle produit, de gérer l'établissement, dès 2007, jusqu'à la fermeture à 2 heures du matin avec beaucoup de rigueur et sans que qu'il ait manifesté une quelconque faiblesse physique ou morale,et ensuite de continuer à travailler comme directeur de la société en 2011/2012, qu'il est invraisemblable qu'un associé n'ait pas connaissance de son compte courant.Elle ajoute qu'elle a communiqué 23 documents comptables qui sont suffisament complets et exhaustifs pour permettre à M.[U] de rapporter la preuve de son prétendu compte courant d'associé.

Il résulte des dispositions des articles 143 et 146 du code de procédure civile que les faits dont dépend la solution du litige peuvent être l'objet de toute mesure d'instruction légalement admissible et qu'en aucun cas une mesure d'instruction ne peut être ordonnée en vue de suppléer la carence de la partie dans l'administration de la preuve.

En l'espèce, ainsi que le relève exactement la SNC Tabac des Sports, M.[U] a disposé et dispose des éléments comptables lui permettant de chiffrer le montant du compte courant créditeur dont il se prévaut, puisque non seulement les éléments comptables sont versés aux débats mais qu'il a soumis la comptabilité à deux professionnels et qu'il chiffre précisément sa demande. Quant à l'existence d'irrégularités éventuelles dans la tenue de la comptabilité, la SNC Tabac des Sports justifie que la vérification fiscale, dont ses comptes 2006 à 2009 ont fait l'objet en 2011, n'a donné lieu à aucun redressement. Le différend relatif à la prise en charge par la SNC des charges sociales dues pour les associés a donné lieu à un contentieux définitivement purgé à la suite de l'arrêt de la cour d'appel de Versailles et n'a pas à être réexaminé dans le cadre du présent litige,ni par un expert, ni par la cour.

Il convient au vu de cet ensemble d'éléments de rejeter la demande d'expertise présentée par M.[U].

Il y a lieu à présent de rechercher si M.[U] rapporte la preuve qui lui incombe de l'existence d'un compte courant créditeur.

Il est constant que l'acte de cession du 22 juin 2011 n'évoque nullement l'existence d'un compte courant créditeur de M.[U] et que ce dernier a réclamé pour la première fois le remboursement de son compte courant dans l'assignation du 2 juin 2016, soit près de 5 ans après la cession de ses parts et près de 4 ans après avoir quitté son emploi de directeur salarié et donc rompu ses relations avec la SNC. Il n'est pas davantage établi, ni même allégué que M.[U] aurait manifesté la volonté de ne pas exiger immédiatement le remboursement de son compte courant à son départ, ni qu'il aurait été empêché d'en réclamer le remboursement en tout ou partie, alors que le montant qu'il invoque est d'une particulière importance. S'il a souffert d'un problème de santé en rapport avec un syndrome dépressif, les attestations versées aux débats établissent qu'il a cependant toujours travaillé au sein du commerce, étant rappelé qu'à la suite de la cession il a occupé l'emploi de directeur au sein de la SNC. Dès lors, M.[U] ne démontre pas s'être trouvé dans l'incapacité d'avoir connaissance de l'existence du compte courant qu'il allègue.

Pour contester toute créance, la SNC Tabac des Sports argue que le prix de vente fixé dans la promesse à 500.000 euros a été ramené à 350.000 euros dans l'acte de cession dans la mesure où M.[U] était redevable à M.[H] de 150.000 euros, qu'une compensation a été opérée devant leur conseil et en présence du frère de M.[U] qui atteste qu'au jour de la cession les parties ne se devaient plus rien, qu'il serait pour le moins curieux dans ces circonstances que M.[U] ait accepté de rembourser à M.[H] la somme de 150.000 euros cession s'il estimait que son compte courant était créditeur. Elle ajoute, en réponse à la contestation par M.[U] de la signature de la promesse de vente, qu'un expert en écritures a procédé à une analyse comparative des signatures de M.[U] avec celle figurant sur l'acte sur la promesse de cession et que l'expert a conclu à une similitude de toutes les signatures

M.[U] conteste l'existence de la compensation alléguée par la SNC Tabac des Sports et soutient que la vente n'est pas intervenue pour 500.000 euros mais bien pour 350.000 euros comme indiqué à l'acte de cession. Il demande à la cour de constater que la promesse de vente des parts sociales du 13 mai 2011 est un faux et à défaut pour la cour d'user de son pouvoir d'examen de cette pièce, de désigner un expert graphologue pour vérifier la signature sur cet acte.

Il y a lieu, tout d'abord, de relever que l'expert en écritures a examiné une promesse de cession de parts sociales datée du 1er juin 2011, alors que M.[U] conteste sa signature sur un acte intitulé 'promesse de cession de parts', daté du 13 mai 2011.

La mention ' lu et approuvé' et la signature, qui sont apposées sur ce document du 13 mai 2011 et qui sont censées être de la main de M.[U] , diffèrent de celles qui figurent sur la promesse du 2 juin 2011, qui sont indiscutablement semblables aux spécimens de signatures non contestés de M.[U]. Il existe donc une contestation sérieuse sur l'auteur de la signature de la promesse datée du 13 mai 2011.Toutefois, cette pièce ne constitue pas un élément nécessaire pour trancher la contestation relative au compte courant, les prétendus créanciers de M.[U] n'étant pas les mêmes, le remboursement de l'éventuel solde du compte courant d'associé incombant à la SNC Tabac des Sports et non à M.[H] à défaut de dispositions contraires dans l'acte de cession. En conséquence, au visa de l'article 287 du code de procédure civile, la cour dira qu'elle peut statuer sans tenir compte de l'écrit contesté et dès lors ne procédera pas plus avant à la vérification d'écriture. A ces mêmes motifs, la demande d'expertise en écriture sera rejetée.

Au soutien de sa demande en paiement, M.[U] verse aux débats les rapports de la société Cogefin- e et du cabinet Auditeurs Associés auxquels il a fait procéder, de manière non contradictoire.

Le montant de 1.240.440 euros revendiqué par M.[U] n'est invoqué que dans le rapport d'analyse effectué par la SASU Cogefin-e le 4 août 2015, société de conseil et non pas d'expertise comptable. Selon ce rapport, la somme de 1.240.440 euros correspond à la différence globale entre les rémunérations comptabilisées pour M.[U] et les sommes qui lui ont été réellement versées sur les exercices 2006 à 2010. Pour aboutir à ce montant, Cogefin-e a additionné toutes les rémunérations de M.[U], telles qu'elles ont été comptabilisées, pour les exercices 2006/2007, 2007/2008, 2008/2009, 2009/2010, soit respectivement 375.000 euros, 400.000 euros, 406.000 euros, 460.780 euros, et une somme totale de 1.642.560 euros, laquelle a entièrement été déclarée à l'administration fiscale au titre des impôts sur le revenu de M.[U]. De cette somme a été soustraite la somme totale de 402.120 euros (96.780 euros +96.780 euros +96.780 euros +111.780 euros) représentant les sommes versées au Crédit Lyonnais en remboursement du crédit relatif à l'acquisition des parts sociales, que M.[U] reconnait avoir versées et donc perçues. M.[U] soutient que le reste ne lui a pas été versé et que ces sommes doivent figurer à son compte courant.

Ce mode de calcul ne saurait être entériné dès lors qu'il repose sur les allégations de M.[U], que Cogefin-e ne produit pas les pièces sur lesquelles repose cette analyse et qu'une partie significative des réglements effectués au profit des associés, dont M.[U], l'était en espèces. Le rapport de Cogefin-e n'apporte pas d'élément sur l'état du compte courant d'associé de M.[U] tel qu'il figure dans les comptes.

Quant à la note de la société Auditeurs Associés, société d'expertise-comptable et de commissariat aux comptes, elle ne se prononce pas sur le montant du compte courant de M.[U], elle souligne qu'il convient de s'interroger sur le sort réservé en comptabilité au chèque de 122.500 euros émis par la SCI THH, que dans une SNC la rémunération des associés est constituée des prélèvements effectués ( espèces, chèques ou virements), que les éléments comptables présentent des versements importants d'espèces aux associés, et qu'il conviendrait de s'interroger sur l'opportunité pour un associé de déclarer ou non des sommes qu'il n'aurait pas perçues.

La société Tabac des Sports verse quant à elle un rapport du cabinet d'expertise comptable DTN conseil qu'elle a fait établir. Ce rapport, après avoir rappelé que, la SNC Tabac des Sports étant fiscalement transparente, chaque associé est imposé en fonction de sa quote-part dans le résultat fiscal de la société, indique après vérification des avis d'imposition des revenus personnels et des liasses fiscales de la société, que les revenus imposables de M.[U] entre le 1er octobre 2006 et le 30 septembre 2010 se sont élevés à un total de 722.855 euros (186.786 +206.141+ 171.456+158.472 euros). L'expert-comptable a ensuite déduit de ces rémunérations les prélèvements opérés par M.[U] sur cette même période sur son compte 644 (rémunération), ainsi que sur son compte 455 (compte courant d'associé). Le rapport en déduit un excès de prélèvement global de 97.521 euros au détriment de la société Tabac des Sports, sachant qu'il est tenu compte d'un apport en capital de 61.250 euros sur l'exercice 2006/2007 (moitié du chèque de 122.500 euros), de sorte que les excédents de prélèvements se concentrent sur les exercices 2007 à 2010 et tout particulièrement sur l'exercice 2009/2010.

Ainsi, dans l'examen des comptes, l'expert comptable ne mentionne pas de compte courant créditeur dans les comptes clos au 30 septembre 2010 et constate une dégradation de la situation financière cette année là, principalement causée par l'augmentation des prélèvements des associés, étant souligné que pour les exercices précédents, il explique que le compte courant comptabilise des compléments de rémunération 'qui visent, semble t il à couvrir d'une année sur l'autre les prélèvements excédentaires des associés'.

Dans un second rapport, le cabinet DTN conseil a précisé que toutes les écritures en débit sur le compte courant d'associé étaient justifiées.

Il ressort des bilans versés aux débats (à la rubrique détail du bilan passif) que le compte courant d'associé de M.[U] (n°455120) présentait les soldes créditeurs suivants: 4.527 euros au 30 septembre 2007, 647 euros au 30 septembre 2008 ( pièce n°2 de la SNC), 12.937 euros au 30 septembre 2009 ( pièce n°3 de la SNC) et 855 euros au 30 septembre 2010 (pièce n°4 de la SNC), montants sans aucun rapport avec l'allégation d'un compte courant de 1.240.440 euros.

Mme [F], expert-comptable chargé de présenter les comptes annuels de la SNC Tabac des Sports pour l'exercice du 1er octobre 2008 au 30 septembre 2009 indique dans son attestation du 30 avril 2010 ne pas avoir relevé d'élément remettant en cause la cohérence et la vraisemblance des comptes annuels.

M.[U] a lui-même déclaré lors du procès-verbal de l'assemblée générale du 24 juin 2011 approuver les comptes de 2006 à 2010 et s'interdire toute contestation à ce sujet, de sorte qu'il n'a pas entendu remettre en cause le montant de son compte courant figurant dans les comptes approuvés, ni partant le sort qui avait pu être réservé au chèque de 122.500 euros, qui selon les explications de la SNC Tabac des Sports aurait été affecté par moitié sur les comptes courants des associés.

Le moyen pris de ce que la SNC a comptabilisé en charge dans ses comptes les cotisations dues notamment au RSI pour M.[U], alors qu'elle ne les a en définitive pas réglées, ce qui constitue selon l'appelant une rupture d'égalité avec M.[H], n'est pas de nature à établir l'existence d'un compte courant créditeur de 1.240.440 euros, étant par ailleurs rappelé que M.[U] a été définitivement débouté par la cour d'appel de Versailles de sa demande tendant à faire supporter les cotisations RSI par la SNC.

Dans ce contexte, sachant que les prélèvements au profit de M.[U] se sont poursuivis après le 30 septembre 2010, ce dernier manque à établir qu'à la date de la cession de ses actions en juin 2011, son compte courant était encore créditeur. M.[U] sera en conséquence débouté de sa demande en paiement de la somme de 1.240.440 euros.

II- Sur les demandes reconventionnelle de la SNC Tabac des Sports

La SNC Tabac des Sports reprend à hauteur d'appel ses demandes en paiement à l'encontre de M.[U] tenant au remboursement d'une somme de 97.521 euros du solde débiteur de son compte courant d'associé et de 96.133 euros au titre des dépenses personnelles de M.[U] indument supportées par la société.

- sur la fin de non recevoir tirée de la prescription:

M.[U] soulève la prescription des demandes reconventionnelles formées à son encontre par la société Tabac des Sports, arguant qu'elles ont été formées par voie reconventionnelle en cours d'instance devant le tribunal de commerce de Paris, au-delà du délai de cinq ans prévu par l'article 2224 du code civil.

La SNC Tabac des Sports s'y oppose, faisant valoir que ce n'est que dans le cadre de l'instance qu'elle a pu s'apercevoir, grâce au travail effectué par l'expert comptable qu'elle a missionné, d'une part, que la différence entre les revenus imposables de M.[U] et la totalité des sommes prélevées sur la société par celui-ci entre le 1er octobre 2006 et le 30 septembre 2010 faisait apparaître un solde en sa faveur de 97.521 euros et, d'autre part, que M.[U] avait au cours des années 2007 et 2009 fait supporter à la société des dépenses personnelles à hauteur de 96.133 euros.

Il y a lieu de relever que le travail de l'expert comptable missionné par la SNC Tabac des Sports a consisté uniquement dans la lecture des comptes que tenait la société, qu'il n'a noté aucune dissimulation ni aucune falsification dans la comptabilité, de sorte que les prélèvements et règlements litigieux, qui selon le tableau figurant en pages 38 et 39 des conclusions de la SNC Tabac des Sports concernent des opérations effectuées sur le compte bancaire de la SNC Tabac des Sports entre septembre 2008 et le 1er août 2009, étaient apparents pour la SNC Tabac des Sports et clairement identifiables et qu'ainsi le délai de prescription a commencé à courir dès la date à laquelle ils ont été effectués ou en tout état de cause à la date de la clôture de l'exercice au 30 septembre 2009, soit plus de cinq ans avant l'assignation du 2 juin 2016.

Il en est de même de la demande de remboursement des prélèvements qui auraient excédés le droit à rémunération et le solde du compte courant d'associé, dès lors que le rapport d'expertise comptable sur lequel s'appuie la SNC vise des prélèvements au titre des exercices 2007 à 2010, antérieurs de plus de 5 ans à l'assignation.

Il s'ensuit que les demandes de remboursement effectuées dans des conclusions nécessairement postérieures à l'assignation du 2 juin 2016 sont irrecevables comme étant prescrites, le jugement déféré sera infirmé en ce sens.

III- Sur les frais irrépétibles et les dépens

M.[U], qui succombe et sera condamné aux dépens d'appel, ne peut prétendre à l'octroi de sommes au titre de l'article 700 du code de procédure civile. L'équité commande de le condamner à verser la somme de 3.000 euros à ce titre à la SNC Tabac des Sports.

Les dispositions du jugement relatives aux frais irrépétibles et aux dépens seront confirmées .

PAR CES MOTIFS

Dit qu'il peut être statué sur les demandes des parties sans tenir compte de la pièce intitulée 'promesse de cession de parts', datée du 13 mai 2011, arguée de faux par M.[U],

Dit en conséquence n'y avoir lieu à vérification d'écriture ni par la cour, ni par voie d'expertise et déboute M.[U] de ces chefs de demandes,

Infirme le jugement déféré en ce qu'il a dit prescrite la demande de remboursement de compte courant de 1.240.440 euros formée par M.[U] et débouté la SNC Tabac des Sports de sa demande de condamnation de M.[U] au paiement de la somme de 97.251 euros ainsi qu'à la restitution de la somme de 96.133 euros, le confirme pour le surplus,

Statuant des chefs infirmés et y ajoutant ,

Dit recevable car non prescrite la demande de remboursement de son compte courant à hauteur de 1.240.440 euros formée par M.[U],

Dit irrecevables car prescrites les demandes de la SNC Tabac des Sports tendant à la condamnation de M.[U] au paiement des sommes de 97.251 euros et 96.133 euros,

Déboute M.[U] de sa demande d'expertise des comptes de la SNC Tabac des Sports et de sa demande de condamnation de la SNC Tabac des Sports au paiement de la somme de 1.240.440 euros,

Condamne M.[U] à payer la somme de 3.000 euros à la SNC Tabac des Sports au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Rejette toutes autres demandes des parties,

Condamne M.[U] aux dépens d'appel et admet l'avocat concerné au bénéfice de l'article 699 du code de procédure civile.

La greffière,

Liselotte FENOUIL

La Présidente,

Marie-Christine HÉBERT-PAGEOT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 5 - chambre 8
Numéro d'arrêt : 20/07726
Date de la décision : 03/01/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-01-03;20.07726 ?
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