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05/01/2023 | FRANCE | N°18/03147

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 5, 05 janvier 2023, 18/03147


Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS







COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 5



ARRET DU 05 JANVIER 2023



(n° 2023/ , 10 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 18/03147 - N° Portalis 35L7-V-B7C-B5FTD



Décision déférée à la Cour : Jugement du 11 Janvier 2018 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BOBIGNY - RG n° F16/02314





APPELANTE



Me [O] [T] - Commissaire à l'exécut

ion du plan de SAS AMBULANCES LILAS VALERIE - JMS

[Adresse 3]

[Localité 4]



Non représenté



SAS AMBULANCES LILAS VALERIE - JMS

[Adresse 2]

[Localité 5]



Représentée par M...

Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 5

ARRET DU 05 JANVIER 2023

(n° 2023/ , 10 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 18/03147 - N° Portalis 35L7-V-B7C-B5FTD

Décision déférée à la Cour : Jugement du 11 Janvier 2018 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BOBIGNY - RG n° F16/02314

APPELANTE

Me [O] [T] - Commissaire à l'exécution du plan de SAS AMBULANCES LILAS VALERIE - JMS

[Adresse 3]

[Localité 4]

Non représenté

SAS AMBULANCES LILAS VALERIE - JMS

[Adresse 2]

[Localité 5]

Représentée par Me Grégoire HERVET, avocat au barreau de PARIS, toque : D0621

INTIME

Monsieur [W] [H]

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représenté par Me Aude MERCIER, avocat au barreau de PARIS, toque : 103

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 11 octobre 2022, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Séverine MOUSSY, conseillère, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Catherine BRUNET, Présidente de chambre, Présidente de formation,

Madame Marie-Christine HERVIER, Présidente de chambre,

Madame Séverine MOUSSY, Conseillère

Greffier : Madame Cécile IMBAR, lors des débats

ARRÊT :

- réputé contradictoire,

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile,

- signé par Madame Catherine BRUNET, Présidente et par Madame Cécile IMBAR, greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSE DU LITIGE

Par contrat « nouvelles embauches » du 1er juillet 2006 devenu définitif à l'issue d'une période de deux ans suivant avenant du 1er juillet 2008, la société Ambulances Lilas Secours a embauché M. [W] [H] en qualité de chauffeur ambulancier, coefficient 131 V, moyennant une rémunération brute mensuelle de 1 223,60 euros.

A la suite d'une « reprise du personnel » et suivant avenant non daté, l'employeur de M. [H] est devenu la société Ambulances Lilas Valérie ' JMS.

La relation contractuelle est soumise à la convention collective nationale des transports routiers et activités auxiliaires du transport du 21 décembre 1950 et la société employait au moins onze salariés lors de la rupture de cette relation.

La société a été placée en redressement judiciaire par un jugement du tribunal de commerce de Bobigny du 19 juin 2014. Un plan de redressement d'une durée de dix ans a été arrêté le 30 avril 2015 par la même juridiction.

Par lettre recommandée du 11 mars 2016, M. [H] a été convoqué à un entretien préalable à un éventuel licenciement fixé au 21 mars 2016. Il a été concomitamment mis à pied à titre conservatoire.

Par lettre recommandée du 30 mars 2016, la société a notifié à M. [H] son licenciement pour faute grave.

Contestant son licenciement et estimant ne pas être rempli de ses droits, M. [H] a saisi le conseil de prud'hommes de Bobigny le 27 mai 2016.

Par jugement du 11 janvier 2018 auquel il est renvoyé pour l'exposé des prétentions initiales et de la procédure antérieure, le conseil de prud'hommes de Bobigny a :

- dit le licenciement de M. [H] justifié par une cause réelle et sérieuse ;

- condamné la société à lui verser les sommes suivantes :

* 1 018,25 euros à titre de rappel de salaires sur mise à pied du 11 mars 2016 au 31 mars 2016 ;

* 101,83 euros à titre de congés payés sur mise à pied ;

* 4 082,21 euros à titre d'indemnité légale de licenciement ;

* 4 151,40 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis ;

* 415,14 euros au titre des congés payés y afférents ;

* 43,90 euros au titre de remboursement de facture de pressing ;

* 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- ordonné à la société de lui remettre les documents sociaux conformes sous astreinte de 50 euros à compter du 15ème jour suite à la notification de la décision, limité à deux mois, le conseil se réservant le droit de liquider l'astreinte ;

- ordonné l'exécution provisoire sur le fondement de l'article 515 du code de procédure civile ;

- condamné la société aux dépens ;

- débouté M. [H] du surplus de ses demandes ;

- débouté la société de sa demande reconventionnelle.

Par déclaration du 16 février 2018, la société a régulièrement interjeté appel du jugement.

Par un arrêt du 7 janvier 2021 auquel il est renvoyé pour l'exposé des prétentions initiales et de la procédure antérieure, la cour d'appel de Paris a :

- révoqué l'ordonnance de clôture ;

- renvoyé l'affaire à la mise en état ;

- rappelé que les débats seront rouverts après clôture de l'instruction.

La cour a dit que le commissaire à l'exécution du plan devait être appelé en la cause, la procédure ne pouvant tendre qu'à la fixation du montant des créances qui sont soumises au régime de la procédure collective, même après adoption d'un plan de redressement par continuation,

Par actes respectivement des 1er et 19 avril 2021, l'association AGS CGEA IDF EST et Maître [T] [O] ès qualités de commissaire à l'exécution du plan de la société ont été assignés en intervention forcée à la requête de M. [H].

Aux termes de ses dernières conclusions d'appelante notifiées par voie électronique le 14 avril 2018 auxquelles la cour renvoie pour plus ample exposé des prétentions et moyens en application de l'article 455 du code de procédure civile, la société demande à la cour de :

à titre principal :

- dire et juger le licenciement de M. [H] comme reposant sur une faute grave parfaitement avérée ;

en conséquence :

- réformer le jugement rendu par le conseil de prud'hommes en ce qu'il a condamné la société à verser à M. [H] :

* 1 018,25 euros à titre de rappels de salaire, outre 101,83 euros au titre des congés payés afférents, pour la période de mise à pied du 11 mars 2016 au 31 mars 2016 ;

* 4 082,21 euros à titre d'indemnité légale de licenciement ;

* 4 151,40 euros, outre 415,14 euros, à titre d'indemnité compensatrice de préavis ;

* 43,90 euros au titre de remboursement de frais de pressing ;

* 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- débouter M. [H] de l'intégralité de ses demandes ;

à titre subsidiaire :

- confirmer le jugement de première instance ;

en tout état de cause :

- condamner M. [H] à lui verser une somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner M. [H] aux dépens.

Aux termes de ses dernières conclusions d'intimé notifiées par voie électronique le 28 avril 2021 auxquelles la cour renvoie pour plus ample exposé des prétentions et moyens en application de l'article 455 du code de procédure civile, M. [H] demande à la cour de :

- déclarer recevable et fondé son appel incident ;

- infirmer le jugement du conseil de prud'hommes en ce qu'i1 l'a débouté de ses demandes et dit son licenciement justifié par une cause réelle et sérieuse ;

statuant de nouveau :

- constater qu'il n'a jamais fait l'objet de sanction disciplinaire les 18 juillet 2011 et 13 août 2012 ;

- annuler son avertissement en date du 15 novembre 2013 ;

- juger que son licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse ;

- juger que l'indemnité minimum pouvant lui être versée au titre de son licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse s'élève à un montant de 11 068,32 euros ;

- fixer au passif de la société les sommes suivantes :

* 37 362,60 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

* 1 018,25 euros à titre de rappel de salaires sur mise à pied du 11 mars 2016 au 31 mars 2016 ainsi que 101,83 euros au titre des congés payés y afférents ;

* 4 151,40 euros à titre d'indemnité légale de licenciement ;

* 4 151,40 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis et 415,14 euros au titre des congés payés y afférents ;

* 43,90 euros correspondant à la facture de pressing déduite de son solde de tout compte ;

* 1 000 euros à titre de dommages-intérêts en raison de la remise d'une attestation Pôle emploi non conforme ;

* 4 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

- ordonner la remise d'une attestation Pôle emploi conforme sous astreinte du paiement de 50 euros par jour de retard à compter de la décision à intervenir ;

- ordonner la remise de documents sociaux conformes à la décision à intervenir sous astreinte du paiement de la somme de 50 euros par jour de retard ;

- condamner la société aux dépens ;

- rappeler la garantie de l'AGS sur les sommes dues et la condamner en tant que de besoin.

Aux termes de ses dernières conclusions d'intimée notifiées par voie électronique le 30 juin 2021 auxquelles la cour renvoie pour plus ample exposé des prétentions et moyens en application de l'article 455 du code de procédure civile, l'association AGS CGEA IDF EST (ci-après l'AGS) demande à la cour de :

- prononcer sa mise hors de cause ;

- lui donner acte des conditions et limites de son intervention et de sa garantie et dire que la décision à intervenir ne lui sera opposable que dans les conditions, limites et plafonds de sa garantie ;

- infirmer le jugement dont appel conformément aux demandes de la société ;

- débouter M. [H] de ses demandes, fins et conclusions ;

- subsidiairement, rejeter les demandes de fixation de créances qui ne sont ni fondées dans leur principe ni justifiées dans leur montant ;

- en tout état de cause, réduire aux seuls montants dûment justifiés les montants des créances susceptibles d'être fixées, notamment à titre de salaires et d'indemnités.

Assigné aux termes d'une assignation remise à personne, Maître [O] ès qualités n'a pas constitué avocat. Le présent arrêt sera donc réputé contradictoire.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 5 octobre 2022.

MOTIVATION

Les demandes des parties tendant à « constater » ou « dire et juger » ou « prendre acte » ne constituent pas des prétentions au sens de l'article 4 du code de procédure civile de sorte qu'elles ne donneront pas lieu à mention dans le dispositif.

Sur la mise hors de cause de L'AGS

A l'appui de sa demande de mise hors de cause, l'AGS relève que la société Ambulances Lilas Valérie ' JMS a été placée en redressement judiciaire le 19 juin 2014 et qu'un plan de redressement a été adopté le 30 avril 2015 de sorte que, selon elle, la société est in bonis. Elle ajoute que les créances alléguées par M. [H] n'entrent pas dans le champ de sa garantie.

La procédure collective étant toujours en cours, le fait qu'un plan de redressement ait été adopté ne justifie pas de mettre l'AGS hors de cause qui a également vocation à garantir à titre subsidiaire.

La question de savoir si les créances entrent ou non dans son champ de garantie au regard de l'article L. 3253-9 du code du travail est une question distincte qui ne justifie pas de prononcer une mise hors de cause.

Sur l'exécution du contrat de travail

* sur l'annulation de l'avertissement

La société expose que le conseil de prud'hommes, à l'occasion de l'examen des griefs mentionnés dans la lettre de licenciement, a annulé l'avertissement du 15 novembre 2013 au motif que la sanction est irrégulière en la forme (défaut d'entretien préalable à la sanction).

La cour relève que si les premiers juges ont effectivement dit, dans les motifs du jugement, qu'ils annulaient l'avertissement, ils n'ont néanmoins pas repris cette annulation dans le dispositif de leur décision. Au demeurant, M. [H] n'avait pas présenté de demande en annulation de cet avertissement devant eux.

La demande d'annulation de l'avertissement est, en réalité, présentée pour la première fois en appel mais au titre de l'infirmation du jugement. Aucun chef du jugement ne prononçant l'annulation de l'avertissement, il n'y a pas de chef du jugement à infirmer, le cas échéant, l'appel est donc sans objet.

* sur le remboursement de la facture de pressing

M. [H] expose que son reçu pour solde de tout compte prévoit le paiement par l'employeur d'une somme de 2 222,37 euros dont le détail figure en annexe ; que, pourtant, le montant du chèque reçu de la société et daté du 11 avril 2016 n'est que de 2 178,47 euros. M. [H] explique que la différence correspond à une facture de pressing relative au nettoyage de vêtements professionnels, que l'employeur ne pouvait pas opérer une telle retenue sur sa rémunération, au surplus en n'en faisant pas mention sur le dernier bulletin de paie et le solde de tout compte.

La société ne conclut pas sur ce point et se borne à solliciter la « réformation » du jugement.

L'article L. 3251-1 du code du travail dispose que l'employeur ne peut opérer une retenue de salaire pour compenser des sommes qui lui seraient dues par un salarié pour fournitures diverses, quelle qu'en soit la nature.

La retenue litigieuse ayant été opérée par l'employeur en violation de cette disposition, la créance de M. [H] sera fixée au passif de la société à hauteur de 43,90 euros.

La décision des premiers juges sera donc infirmée.

Sur la rupture du contrat de travail

La lettre de licenciement, qui fixe les limites du litige, est rédigée dans les termes suivants :

" (...) Cet entretien nous mène à vous notifier votre licenciement pour faute grave au regard des faits suivants :

Le 9 mars 2016 au matin, il vous a été demandé de vous rendre à 12h à [Localité 6] au domicile de Monsieur [I] [S].

Cette personne est gravement malade et devait se présenter à 12h30 à l'Hôpital Privé de [7] pour une séance de dialyse.

Le transport était prévu pour 12h précise.

Pour des raisons que vous n'avez pas été en mesure de nous expliquer lors de l'entretien préalable, vous vous êtes présenté avec votre collègue, Monsieur [E] [X] à son domicile à 11 heures et non à 12 heures.

Alors même que vous étiez largement en avance et que ce patient n'était pas prêt à quitter son domicile, n'ayant pas eu le temps de se préparer, vous l'avez contraint, sans ménagement, à monter dans l'ambulance.

Lors de son arrivée à l'Hôpital, et alors qu'il pouvait à peine marcher du fait de son état de santé très fragile, vous l'avez obligé à marcher jusqu'au hall d'accueil.

Vous auriez dû pourtant et impérativement le placer sur un fauteuil roulant.

Vous lui avez ainsi, par votre comportement gravement désinvolte et totalement dénué de compassion, infligé des souffrances inutiles.

Ces faits nous ont été notifiés par la fille de Monsieur [I] [S] dans un courrier circonstancié du 16 mars 2016 dans lequel Madame [U] [D] précise :

« Arrivé à l'hôpital, ils (M. [X] et vous-même) ont débarqué mon père dans la rue et l'ont conduit à pied jusqu'à l'accueil alors que celui-ci est dans un état d'extrême faiblesse et de grande détresse vu son état de santé.

Les deux ambulanciers n'ont-ils aucune conscience professionnelle ni aucune compassion pour les malades qu'ils transportent. »

Votre attitude a donc causé du tort à ce patient dans un contexte de grande souffrance morale et a compromis l'image de notre entreprise dans ses relations avec nos hôpitaux clients.

L'Hôpital Privé de [7] a d'ailleurs décidé, en toute logique, de nous retirer de la liste de ses prestataires et nous avons ainsi perdu un client.

Lors de l'entretien préalable vous avez reconnu les faits vous limitant à les minimiser.

Cet incident grave fait suite à d'autres incidents dont certains de même nature pour lesquels il vous avait déjà été notifié des rappels à l'ordre et avertissement, à savoir :

Lettre recommandée de notre entreprise, dirigée à l'époque par Madame [N] [R], en date du 18 juillet 2011 et dont il résulte que vous auriez abandonné une patiente en bas de son immeuble alors que son état de santé nécessitait une assistance jusqu'à son domicile

Il vous a été notifié à l'époque un rappel à l'ordre.

Lettre recommandée de Madame [R] du 13 août 2012 relevant une absence injustifiée le 13 août 2012

Il vous a été notifié à l'époque un rappel à l'ordre

Lettre recommandée de Madame [R] du 15 novembre 2013 se plaignant de votre attitude agressive, arrogante et menaçante à son égard

Il vous a été notifié un avertissement.

Les faits qui se sont déroulés le 9 mars 2016, ajoutés à ces divers rappels à l'ordre et avertissement, révèle une négligence professionnelle grave dans vos fonctions d'ambulancier et rendent impossible la poursuite de votre contrat de travail. (...) ».

*sur le bien-fondé du licenciement

A l'appui du licenciement pour faute grave notifié à M. [H], la société invoque les faits du 9 mars 2016 et le passé disciplinaire du salarié.

Elle expose que, eu égard aux compétences requises d'un ambulancier qui est au service du patient, le manque d'attention à l'égard de celui-ci constitue une faute grave.

La société se fonde sur un courrier de Mme [D], fille d'[I] [S], qu'elle estime circonstancié bien que son auteur n'ait pas été présente lors des faits dénoncés. Elle rapporte que l'hôpital a relevé que c'était la deuxième fois que le patient n'était pas placé en fauteuil roulant et souligne que ce patient est décédé quelques semaines plus tard ce qui laisse supposer qu'il présentait des signes de fatigue et un état de faiblesse extrême. Enfin, la société fait valoir qu'elle a perdu l'agrément de l'hôpital et que sa réputation a été entachée par ces faits. Elle ajoute que des sanctions disciplinaires passées peuvent être invoquées pour retenir la faute grave.

Ce à quoi M. [H] réplique que son licenciement est, en réalité, lié aux difficultés financières de la société et rappelle que pour être réelle et sérieuse, la cause du licenciement doit être établie, objective et exacte.

Il fait valoir que les lettres des 18 juillet 2011 et 13 août 2012 ne constituent pas des sanctions disciplinaires et que l'avertissement du 15 novembre 2013 est injustifié car les faits décrits ne sont pas réels et qu'il ne peut être pris en compte puisqu'il a été annulé par le conseil de prud'hommes.

S'agissant des faits du 9 mars 2016, M. [H] conteste les faits tels qu'ils sont présentés par la société. Il fait valoir que Mme [D] n'était pas présente et que son licenciement repose uniquement sur un courriel de Mme [D] qui est tronqué. Il relève que l'auteur du courriel n'est pas identifiable, que la filiation entre Mme [D] et [I] [S] n'est pas même établie. Par ailleurs, M. [H] déclare que :

- une fois arrivés à 11h15 devant le domicile du patient, son collègue et lui-même ont attendu et que [I] [S] est sorti de chez lui à 11h45, mécontent de ne pas être pris en charge par les ambulanciers habituels ;

- leur employeur ne leur a donné aucune indication sur l'état de santé général d'[I] [S] ;

- lors de l'arrivée à l'hôpital, le patient a refusé de s'installer dans le fauteuil roulant, a pris son bras et a été accompagné en marchant doucement jusqu'à l'accueil de l'hôpital.

En application des articles L. 1234-1 et L. 1234-9 du code du travail, la faute grave est celle qui résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié constituant une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise et nécessite son départ immédiat sans indemnité. L'employeur qui invoque une faute grave doit en rapporter la preuve.

En l'espèce, la société Ambulances Lilas Valérie ' JMS ' écrit, dans ses conclusions, que le seul grief retenu et qui motive la faute grave est tiré des faits survenus le 9 mars 2016 lors de la prise en charge et du transport d'[I] [S].

Or, pour démontrer la réalité de ce grief, l'employeur verse aux débats un courrier de Mme [U] [D] qui se présente comme la fille d'[I] [S] et qui déclare porter à la connaissance de la société les propos rapportés par son père et dénonçant la prise en charge dont il a fait l'objet le 9 mars 2016 : prise en charge avant l'horaire prévu en l'obligeant à monter dans l'ambulance alors qu'il n'était pas prêt et, lors de l'arrivée à l'hôpital, conduite à pied à l'accueil. Le courrier est daté du 16 mars 2016 et la copie d'un courriel de Mme [D] en date du 17 mars suivant, dont l'authenticité est mise en doute, est produite.

La société verse aux débats une attestation de l'un de ses salariés, M. [B] [M] qui exerce la fonction de régulateur et déclare avoir appelé téléphoniquement, à la demande de son employeur, Mme [D] pour lui demander de bien vouloir envoyer une copie de sa pièce d'identité. Il déclare encore avoir appris, à cette occasion, le décès d'[I] [S] quelques semaines après le transport litigieux. Selon lui, l'évocation des maltraitances subies par son père était douloureuse pour Mme [D] qui souhaitait oublier cette période pour faire son deuil.

M. [H] ne conteste pas le fait que le patient a été conduit à l'accueil de l'hôpital sans fauteuil roulant puisqu'il rapporte lui-même, qu'à la réflexion de la secrétaire à l'accueil relevant que c'était la deuxième fois que cela se produisait, avoir répondu que c'était la première fois qu'il transportait [I] [S].

Bien que déplorant avoir perdu l'agrément de l'hôpital à la suite de ce fait, l'employeur ne produit aucun élément émanant de cet hôpital sur la réalité de la décision prise et, le cas échéant, son motif.

De plus, il n'est pas établi que M. [H] avait reçu des consignes pour la prise en charge de ce patient.

Partant, le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse. La décision des premiers juges sera donc infirmée à ce titre.

* sur les conséquences du licenciement

En application de l'article L. 1234-1 du code du travail et de la convention collective, M. [H] a droit à un préavis de deux mois puisque son ancienneté est supérieure à deux ans. Il est fondé à se voir allouer une indemnité compensatrice de préavis d'un montant de 4 151,40 euros dans la limite de la somme sollicitée par lui ainsi qu'une somme de 415,14 euros au titre des congés payés afférents ' créances qui seront fixées au passif de la procédure collective.

La décision des premiers juges sera donc confirmée sauf à préciser que ces sommes seront fixées au passif de la procédure collective.

En application des articles L. 1234-9 et R. 1234-1 et R.1234-2 du code du travail dans leur version applicable au litige et de la convention collective, M. [H], qui justifie d'une ancienneté supérieure à un an - en l'occurrence neuf ans et dix mois - est fondé à obtenir une indemnité de licenciement, calculée sur la moyenne des trois derniers mois qui lui est plus favorable que celle des douze derniers mois, d'un montant de 4 082,21 euros dans la limite de la somme sollicitée par lui. Sa créance sera fixée au passif de la procédure collective.

La décision des premiers juges sera donc confirmée sauf à préciser que cette somme sera fixée au passif de la procédure collective.

Aux termes de l'article L. 1235-3 du code du travail dans sa rédaction applicable au litige, si un licenciement intervient pour une cause qui n'est pas réelle et sérieuse et qu'il n'y a pas réintégration du salarié dans l'entreprise, il est octroyé au salarié à la charge de l'employeur une indemnité qui ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois.

Compte tenu notamment de l'effectif de l'entreprise, des circonstances de la rupture, du montant de la rémunération versée à M. [H], de son âge - 64 ans - de son ancienneté, de sa capacité à trouver un nouvel emploi eu égard à sa formation et à son expérience professionnelle et des conséquences du licenciement à son égard, tels qu'ils résultent des pièces et des explications fournies, il y a lieu de lui allouer, en application de l'article L. 1235-3 du code du travail, une somme de 20 757 euros qui sera fixée au passif de la procédure collective à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse suffisant à réparer son entier préjudice.

La décision des premiers juges sera infirmée sur ce chef de demande.

* sur le rappel de salaire et de congés payés afférents correspondant à la mise à pied à titre conservatoire

M. [H] sollicite un rappel de salaire pour la période du 11 au 31 mars 2016 puisqu'il a été mis à pied à titre conservatoire le 11 mars 2016 et que son préavis a commencé à courir à compter du 1er avril suivant.

La cour n'ayant pas retenu la faute grave, M. [H] est bien fondé à se voir allouer une somme de 1 018,25 euros au titre du rappel de salaire et une somme de 101,83 euros au titre des congés payés afférents. Ses créances seront fixées au passif de la procédure collective.

La décision des premiers juges sera donc confirmée sauf à préciser que ces sommes seront fixées au passif de la procédure collective.

* sur la remise des documents

La société devra remettre à M. [H] un bulletin de paie récapitulatif, un certificat de travail et une attestation pour Pôle emploi conformes à la présente décision, sans qu'il soit nécessaire de prononcer une astreinte.

La décision des premiers juges sera confirmée à ce titre sauf en ce qui concerne l'astreinte.

Sur les autres demandes

* sur les dommages-intérêts pour non remise d'une attestation pour Pôle emploi non conforme

M. [H] soutient que la société lui a remis une attestation pour Pôle emploi qui mentionnait comme dernier jour travaillé payé le 31 mars 2016 et non le 10 mars 2016 de sorte que Pôle emploi a retenu les salaires pour les mois de mars 2015 à mars 2016 et que cela lui a causé un préjudice.

La société conclut uniquement au débouté.

La cour retenant que le licenciement n'a pas de cause réelle et sérieuse, elle fixe la créance de M. [H] au passif de la société au titre du rappel de salaires pour la mise à pied à titre conservatoire et au titre de l'indemnité compensatrice de préavis. Dès lors, contrairement à ce que soutient M. [H], la date du 10 mars 2016 n'est pas pertinente comme dernier jour travaillé payé et il est défaillant à démontrer que la date du 31 mars 2016 au lieu du 31 mai 2016 lui a causé un préjudice.

M. [H] sera donc débouté de sa demande et la décision des premiers juges confirmée à ce titre.

* sur les intérêts et leur capitalisation

En application des articles 1231-6 et 1231-7 du code civil, les créances salariales produisent intérêt au taux légal à compter de la réception par l'employeur de la convocation devant le bureau de jugement et jusqu'au jugement d'ouverture de la procédure collective qui arrête le cours des intérêts conformément aux dispositions de l'article L. 622-28 du code de commerce. En conséquence, les créances indemnitaires ne produisent pas intérêt. 

* sur la garantie de l'AGS

La cour rappelle que l'AGS doit sa garantie dans les limites légales.

* sur les dépens et sur l'article 700 du code de procédure civile

La société sera condamnée aux dépens de première instance et d'appel et à payer à M. [H] une somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile. La société sera déboutée de sa demande au titre du même article.

La décision des premiers juges sera confirmée au titre des frais irrépétibles.

PAR CES MOTIFS,

La cour, statuant publiquement, par arrêt réputé contradictoire et par mise à disposition,

DIT n'y avoir lieu de mettre l'association AGS CGEA IDF EST hors de cause,

DIT que la demande d'annulation de l'avertissement présentée au titre de l'infirmation du jugement est sans objet,

CONFIRME le jugement sauf :

* en ce qu'il a jugé que le licenciement avait une cause réelle et sérieuse,

* à préciser que les sommes allouées sont inscrites au passif de la procédure collective,

* et en ce qui concerne l'astreinte,

Statuant à nouveau,

FIXE les créances de M. [W] [H] au passif de la procédure collective de la société Ambulances Lilas Valérie ' JMS aux sommes suivantes :

* 4 151,40 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis,

* 415,14 euros au titre des congés payés afférents,

* 4 082,21 euros au titre de l'indemnité de licenciement,

* 20 757 euros au titre de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

* 1018,25 euros au titre du rappel de salaire sur la mise à pied à titre conservatoire,

* 101,83 euros au titre des congés payés afférents,

* 43,90 euros au titre du remboursement de la retenue sur salaire (facture de pressing),

Y ajoutant,

RAPPELLE que les créances salariales produisent intérêt au taux légal à compter de la réception par l'employeur de la convocation devant le bureau de jugement et jusqu'au jugement d'ouverture de la procédure collective qui arrête le cours des intérêts conformément aux dispositions de l'article L. 622-28 du code de commerce et qu'en conséquence, les créances indemnitaires ne produisent pas intérêt,

DIT que l'association AGS CGEA IDF EST doit sa garantie dans les limites légales,

CONDAMNE la société Ambulances Lilas Valérie ' JMS à payer à M. [W] [H] la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

DÉBOUTE les parties du surplus de leurs demandes,

CONDAMNE la société Ambulances Lilas Valérie ' JMS aux dépens de première instance et d'appel.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 5
Numéro d'arrêt : 18/03147
Date de la décision : 05/01/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-01-05;18.03147 ?
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