Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE
délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 6 - Chambre 5
ARRET DU 12 JANVIER 2023
(n° 2023/ , 14 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 19/07796 - N° Portalis 35L7-V-B7D-CAKG5
Décision déférée à la Cour : Jugement du 21 Mai 2019 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS - RG n° F18/08643
APPELANTE
Madame [O] [N] épouse [T]
[Adresse 2]
[Localité 4]
Représentée par Me Xavier MARTINEZ, avocat au barreau de SEINE-SAINT-DENIS, toque : 82
INTIMEE
SARL [B] DISTRIBUTION
[Adresse 1]
[Localité 3]
Représentée par Me Jérôme ARTZ, avocat au barreau de PARIS, toque : L0097
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 14 octobre 2022, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Marie-José BOU, présidente de chambre chargée du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Madame Marie-José BOU, Présidente de chambre, Présidente de formation,
Madame Catherine BRUNET, Présidente de chambre,
Madame Séverine MOUSSY, Conseillère
Greffier : Madame Cécile IMBAR, lors des débats
ARRÊT :
- contradictoire,
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile, prorogé à ce jour,
- signé par Madame Marie-José BOU, Présidente et par Madame Cécile IMBAR, greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSE DU LITIGE
Par contrat de travail à durée indéterminée du 30 octobre 2000, Mme [O] [N] épouse [T] a été engagée par la société Ed à compter du 16 octobre 2000 en qualité d'employée commerciale caisse, statut employé.
Suivant avenant du 14 janvier 2003 à effet du 1er janvier 2003, Mme [T] a exercé des fonctions de pilote avec un statut d'agent de maîtrise.
Suivant un nouvel avenant du 8 décembre 2014, le contrat de travail de Mme [T] a été transféré à la société Erteco France avec reprise de son ancienneté au 16 octobre 2000. Elle s'est vue confier des fonctions d'adjointe chef de magasin au statut agent de maîtrise et a été affectée au magasin Dia situé [Adresse 1] à [Localité 3].
La société [B] distribution, ci-après la société, a 'repris' le fonds de commerce jusqu'alors exploité sous l'enseigne Dia au mois d'octobre 2016 et prétend avoir embauché Mme [T] dans le cadre d'un contrat de travail à durée indéterminée à compter du 24 octobre 2016 en qualité d'adjointe chef de magasin.
Mme [T] a été convoquée par lettre remise en main propre du 10 janvier 2017 à un entretien préalable en vue d'une sanction disciplinaire fixé au 19 janvier 2017.
Le 17 janvier 2017, Mme [T] a été placée en arrêt de travail, prolongé jusqu'au 30 avril 2017.
Par lettre du 24 janvier 2017, la société lui a notifié une mise à pied disciplinaire de deux jours à raison de la présence de produits périmés dans les rayons. Mme [T] a contesté cette décision et s'est plainte de sa situation depuis son transfert dans l'entreprise selon un courrier du 31 janvier 2017.
Après avoir repris ses fonctions le 2 mai 2017, Mme [T] a été à nouveau placée en arrêt de travail à compter du 10 mai 2017.
Par lettre du 19 mai 2017, Mme [T] s'est plainte de la dégradation de ses conditions de travail et du non-respect d'un certain nombre de ses droits.
Par lettres du 22 mai 2017, la société a maintenu la sanction du 24 janvier 2017 et a notifié à Mme [T] un avertissement pour avoir refusé de nettoyer les locaux, sanction que cette dernière a contestée dans un courrier du 7 juin 2017.
Dans l'intervalle, Mme [T] a été convoquée par lettre du 23 mai 2017 à un entretien préalable à sanction fixé au 1er juin 2017.
Par lettre du 7 juin 2017, une mise à pied de cinq jours eu égard à la présence de produits périmés constatée les 3 et 8 mai 2017 lui a été notifiée, sanction que Mme [T] a contestée suivant courrier du 15 juin suivant.
Le 15 novembre 2018, Mme [T] a saisi le conseil de prud'hommes de Paris en contestation des sanctions disciplinaires, dommages et intérêts et résiliation judiciaire de son contrat de travail. Cette juridiction, par jugement du 21 mai 2019 auquel la cour renvoie pour l'exposé de la procédure antérieure et des prétentions initiales des parties, a :
- annulé les mises à pied du 24 janvier 2017 et du 7 juin 2017 ;
- condamné la société à verser et remettre à Mme [T] :
* 375,48 euros au titre des salaires,
* 37,54 euros au titre des congés payés afférents,
* 938,70 euros au titre des mises à pied,
* 93,87 euros au titre des congés payés afférents,
* 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
* bulletin de paie conforme au jugement,
- débouté Mme [T] du surplus de ses demandes ;
- débouté la société de sa demande reconventionnelle ;
- condamné la société aux entiers dépens.
Par déclaration transmise le 5 juillet 2019 par voie électronique, Mme [T] a relevé appel de ce jugement notifié par lettre recommandée datée du 17 juin 2019.
Mme [T] a saisi le conseiller de la mise en état de demandes de provision. Par ordonnance du 22 février 2022, le conseiller de la mise en état a ordonné la réouverture des débats puis, selon une ordonnance du 31 mai 2022, a rejeté les demandes provisionnelles de Mme [T].
Par conclusions notifiées par voie électronique le 13 septembre 2022 auxquelles la cour se réfère pour plus ample exposé des moyens et prétentions en application de l'article 455 du ode de procédure civile, Mme [T] demande à la cour de :
- dire et 'recevoir l'appel recevable',
- réformer le jugement en ce qu'il a :
* seulement annulé les mises à pied des 24 janvier et 17 juin 2017,
* seulement condamné la société à verser et remettre à Mme [T] :
- 375,48 euros au titre des salaires,
- 37,54 euros au titre des congés payés afférents,
- 938,70 euros au titre des mises à pied,
- 93,87 euros au titre des congés payés afférents,
- 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- remettre les bulletins de paie conformes jugement et non les autres sollicités,
* débouté Mme [T] du surplus de ses demandes,
statuant à nouveau,
- juger que Mme [T] bénéficie de 18 ans d'ancienneté,
- juger qu'elle n'a jamais fait l'objet en 18 années de travail de sanction disciplinaire par ses précédents employeurs,
- juger que depuis la reprise du magasin par la société en octobre 2016, divers salariés ont été contraints de quitter l'entreprise,
- juger que la société a fait preuve d'une mauvaise foi exacerbée en proférant bon nombre de sanctions à répétition et ce sans aucun fondement et alors même que Mme [T] était en arrêt de travail,
- juger que ces sanctions sont dépourvues d'objet et de cause si ce n'est celle constituant la volonté de son employeur de la pousser à la rupture par le biais d'une démission,
- juger que ces sanctions en date des 24 janvier 2017, '31 janvier 2017 et 19 mai 2017" doivent faire l'objet d'une annulation pure et simple comme constituant un excès du pouvoir disciplinaire détourné de son objectif tel que requis par la jurisprudence,
- juger que les bulletins de paie depuis le mois d'août 2017 ne sont pas communiqués,
- juger que celle-ci n'a perçu aucune somme au titre du maintien du salaire,
en conséquence,
- annuler purement et simplement l'ensemble des avertissements et mises à pied et réformer le jugement de ce chef,
en conséquence,
- condamner la société à lui régler les sommes de :
- 375,48 euros (187,74 x 2) outre les congés payés afférents, soit la somme de 37,54 euros au titre de l'annulation de la sanction et le paiement des heures pour les 20 et 21 février 2017 ;
- 938,70 euros outre les congés afférents, soit 93,87 euros au titre de la contestation de la mise à pied du 26 au 30 juin 2017 ;
- réformer le jugement en ce qu'il n'a retenu ni le harcèlement, ni à titre subsidiaire l'exécution déloyale du contrat de travail de l'employeur,
- juger que ce type de man'uvre constitue également la preuve d'un harcèlement et à tout le moins d'une exécution de mauvaise foi,
- juger que Mme [T], qui bénéficie de 18 ans d'ancienneté, est âgée de 51 ans de telle sorte qu'elle n'est plus en mesure, ou très difficilement, de retrouver un poste similaire avec une évolution de carrière similaire,
- juger que le comportement fautif de l'employeur lui cause indiscutablement un préjudice direct et certain,
à titre principal,
- condamner la société à lui régler la somme de 10 000 euros à titre de dommages et intérêts
au titre du titre du harcèlement moral,
à titre subsidiaire,
- condamner la société à lui régler la somme de 10 000 euros pour violation de l'obligation d'exécuter le contrat de bonne foi et l'exercice abusif du pouvoir disciplinaire,
- juger que l'employeur n'a pas maintenu le salaire conformément aux dispositions de la convention collective et que la société n'a pas rempli son obligation légale tenant à l'assurance prévoyance nécessaire et obligatoire en la matière,
en conséquence,
- condamner la société à régler à la requérante la somme de 23 212 euros sur la période du 1er janvier 2017 au 31 octobre 2018, somme à parfaire jusqu'à la date de plaidoirie outre les congés payés afférents, soit 2 321 euros,
- condamner la société à régler à Mme [T] les sommes de :
* 3 154,15 euros au titre de l'arriéré de garantie IG prévoyance ;
* 4 481,92 euros au titre de la garantie mensualisation ;
sur la résiliation judiciaire,
- réformer le jugement en ce qu'il a débouté Mme [T] de sa demande de résiliation judiciaire aux torts exclusifs de l'employeur en vertu de l'article 1184 du code civil,
- juger que la société a incontestablement manqué de manière répétée et grave à l'exécution normale du contrat de travail et notamment à ses obligations d'employeur,
en conséquence,
- prononcer la résiliation judiciaire du contrat aux torts exclusifs de la société,
- condamner la société à régler à Mme [T] la somme de :
* à titre principal, 24 715,56 euros (12 x 2 059,63) ;
* à titre subsidiaire,
'pour le cas où le licenciement serait sans cause réelle et sérieuse,'
en tout état de cause,
* à titre principal, la somme de 10 648,28 euros pour le cas où le licenciement serait causé outre une indemnité de préavis d'un montant de 4 119,26 euros, outre les congés payés afférents, soit 411,92 euros,
en tout état de cause,
- réformer le jugement déféré,
- condamner la société à régler la somme de 23 212 euros au titre du rappel et du maintien de salaire pour la période du mois de janvier 2017 à janvier 2018, outre la somme de 2 321 euros pour les congés payés afférents,
- condamner la société aux sommes suivantes :
* 5 000 euros au titre du préjudice de carrière,
* 3 000 euros au titre du préjudice moral,
*1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile en cause de première instance et 2 000 euros en cause d'appel ;
- ordonner la remise sous astreinte des bulletins de paie pour les mois d'août à décembre 2017 et de mars 2018 à mai 2019 et ce sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de la notification du 'jugement' à intervenir ;
- ordonner la remise sous astreinte des documents de fin de contrat (reçu pour solde de tout compte, certificat de travail, attestation employeur) sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de la notification du jugement à intervenir ;
- condamner la société aux entiers dépens de première instance et d'appel avec recouvrement direct ;
- débouter purement et simplement la société de l'ensemble de ses demandes et moyens y compris au titre de ses demandes reconventionnelles.
Par conclusions notifiées par voie électronique le 31 décembre 2019 auxquelles la cour se réfère pour plus ample exposé des moyens et prétentions en application de l'article 455 du code de procédure civile, la société demande à la cour de :
- infirmer le jugement en ce qu'il annulé les mises à pied des 24 janvier et 7 juin 2017 et condamné la société à verser et remettre à Mme [T] :
* 375,48 euros au titre des salaires,
* 37,54 euros au titre des congés payés afférents,
* 938,70 euros au titre des mises à pied,
* 93,87 euros au titre des congés payés afférents,
* 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
* bulletin de paie conforme au jugement,
- confirmer le jugement en ce qu'il a débouté Mme [T] du reste de ses demandes ;
en tout état de cause,
- débouter Mme [T] de l'ensemble de ses demandes,
- la condamner aux entiers frais et dépens ainsi qu'à une somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
L'ordonnance de clôture est intervenue le 5 octobre 2022.
MOTIFS DE LA DECISION
Sur les sanctions disciplinaires
Au soutien de ses demandes, Mme [T] fait valoir :
- concernant les deux mises à pied, qu'elle n'avait pas pour fonction de vérifier les dates de péremption des produits devenus périmés lorsqu'elle était absente et n'a pas reconnu sa responsabilité ; que la réalité des produits périmés et l'imputabilité des faits ne sont pas établies ;
- concernant l'avertissement du 22 mai 2017, qu'il porte sur l'exécution de tâches ne correspondant pas à sa qualification professionnelle, lesdites tâches lui ayant été demandées afin de la rabaisser alors que le magasin avait été laissé sans nettoyage pendant près de trois mois.
La société réplique que les sanctions sont justifiées. Elle avance qu'il entrait dans les fonctions de la salariée de contrôler régulièrement les rayons, de retirer les produits dont la date limite de consommation était dépassée et d'assurer la propreté du magasin, des réserves, des parkings et des abords.
***
L'article L. 1333-1 du code du travail dispose :
En cas de litige, le conseil de prud'hommes apprécie la régularité de la procédure suivie et si les faits reprochés au salarié sont de nature à justifier une sanction.
L'employeur fournit au conseil de prud'hommes les éléments retenus pour prendre la sanction.
Au vu de ces éléments et de ceux qui sont fournis par le salarié à l'appui de ses allégations, le conseil de prud'hommes forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. Si un doute subsiste, il profite au salarié.
Aux termes de l'article L. 1333-2 du code du travail, le conseil de prud'hommes peut annuler une sanction irrégulière en la forme ou injustifiée ou disproportionnée à la faute commise.
Les deux mises à pied ont été infligées pour le même type de faits, à savoir :
- pour la mise à pied du 24 janvier 2017 : la société dit avoir constaté le 8 janvier 2017 au matin la présence de 37 produits périmés énoncés dans la lettre de mise à pied alors qu'il avait été demandé à la salariée les 5, 6 et 7 janvier 2017 de contrôler les rayons afin de retirer les produits arrivant à péremption ;
- pour la mise à pied du 7 juin 2017 : la société dit avoir constaté les 3 mai 2017 et 8 mai 2017 la présence de produits périmés énoncés dans la lettre de mise à pied alors qu'il lui avait été demandé de contrôler l'ensemble des rayons du 2 au 7 mai 2017.
Les deux mises à pied indiquent que lors des entretiens préalables, Mme [T] a reconnu les faits.
Pour justifier ces sanctions, la société verse aux débats la fiche de fonction d'adjoint de magasin mentionnant le contrôle régulier de l'état de fraîcheur (aspect visuel et des dates limites de consommation) des produits en rayon et en réserve, des photographies de produits et d'étiquettes portant comme dates limites de consommation les 1er mai 2017, 29 décembre 2016, 6 janvier 2017, 12 janvier 2017, 16 janvier 2017 et une attestation de M. [X], adjoint au chef du magasin, qui indique avoir enregistré de nombreux produits périmés de plusieurs jours qui auraient dû être retirés par Mme [T].
Cette dernière produit notamment les lettres des 31 janvier 2017 et 15 juin 2017 par lesquelles elle a contesté ces sanctions, en disant que les faits n'étaient pas avérés et qu'elle ne les avait pas reconnus.
Les photographies communiquées, dont on ignore la date et l'endroit où elles ont été prises, ne justifient pas de la présence en rayon des produits périmés visés dans les lettres de mise à pied aux dates mentionnées. L'attestation de M. [X] n'est pas circonstanciée, faute de préciser la date où il aurait constaté les faits et les produits concernés.
Les faits reprochés à la salariée ne sont donc pas établis de sorte que les deux mises à pied doivent être annulées, le jugement étant confirmé à ces titres.
Mme [T] est fondée à réclamer le paiement des salaires pour les journées de mise à pied. En l'absence de critique par la société du montant des sommes allouées par le jugement et au regard des modalités de calcul détaillées par Mme [T] dans ses écritures, les montants accordés apparaissent exacts. Le jugement sera confirmé en ce qu'il a condamné la société à payer les sommes de 375,48 euros à titre de rappel de salaire pour la première mise à pied, 37,54 euros au titre de l'indemnité compensatrice des congés payés afférents, 938,70 euros à titre de rappel de salaire pour la seconde mise à pied et 93,87 euros au titre de l'indemnité compensatrice des congés payés afférents.
L'avertissement a été notifié à Mme [T] au motif que le 2 mai 2017, s'étant vue confier le nettoyage des locaux sociaux (salle de repos, réserve et local annexe, WC), elle a refusé de nettoyer l'ensemble des locaux et a choisi de ne se préoccuper que de la salle de repos.
Au soutien de cette sanction, la société se fonde sur la fiche de poste précitée indiquant que l'adjoint doit assurer la propreté du magasin, des réserves, du parking et des abords.
Mme [T] produit pour sa part sa lettre de contestation de l'avertissement dans laquelle elle dit avoir nettoyé les locaux sociaux à l'exception des WC car elle ne pouvait le faire en raison d'une importante fuite d'eau, ajoutant que les locaux n'avaient pas été nettoyés depuis un certain temps et qu'y régnait un grand désordre. Elle verse aussi aux débats des photographies de locaux emplis de cartons, de poubelles qui débordent, de déchets à terre et de toilettes dont le mur du fond et le sol sont en mauvais état.
Au vu de ces éléments, il apparaît que Mme [T] a bien assuré le nettoyage de la salle de repos et aucun élément de preuve ne corrobore qu'elle n'ait pas aussi nettoyé la réserve et le local annexe. Il est seulement acquis qu'elle n'a pas exécuté l'instruction concernant les WC puisqu'elle l'a admis dans la lettre précitée. Les photographies produites, dont on ignore à quelle date et où elles ont été prises, ne justifient pas du motif avancé par Mme [T] pour expliquer son abstention, soit l'importante fuite d'eau alléguée, ni l'absence de nettoyage des locaux depuis plusieurs mois. Au regard de la fiche de poste communiquée, l'employeur était en droit de demander d'exécuter cette tâche à Mme [T]. Mais compte tenu du caractère isolé du manquement imputable à la salariée, l'avertissement prononcé est disproportionné et doit être annulé, le jugement étant infirmé en ce sens.
Sur le harcèlement moral
Mme [T] se plaint d'avoir été victime de faits de harcèlement moral, invoquant :
- la multitude des sanctions infligées à son encontre,
- l'instruction qui lui a été donnée de réaliser le ménage alors qu'il n'avait pas été fait depuis plus de trois mois,
- le reproche de ne pas avoir retiré de la vente des produits périmés alors qu'elle était absente lors des dates limites de consommation,
- le fait de procéder à son enregistrement visuel à son insu,
- le défaut de réception de ses fiches de paie et de maintien de son salaire,
- son placement en arrêt de travail depuis le 9 mai 2017 et l'état dépressif qu'elle subit du fait de ses conditions de travail.
La société réplique que Mme [T] ne démontre pas l'existence de faits répétitifs ayant altéré son état de santé. Elle prétend que celle-ci se contente de simples allégations sans apporter d'éléments de preuve. Elle fait en particulier valoir que les tâches de nettoyage entraient dans ses attributions et se fonde sur l'attestation de M. [X] pour contester les accusations de harcèlement moral.
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Aux termes de l'article L. 1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir des agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.
En application de l'article L. 1154-1 du même code, lorsque le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'un harcèlement moral, il incombe à l'employeur de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs, étrangers à tout harcèlement.
Mme [T] a fait l'objet de deux mises à pied et d'un avertissement prononcés en l'espace de moins de six mois, entre janvier et juin 2017.
Elle s'est vue confier la mission de réaliser le nettoyage des locaux sociaux mais, comme indiqué supra, l'allégation selon laquelle celui-ci n'aurait pas été réalisé depuis plus de trois mois ne repose sur aucun élément probant, les photographies produites par Mme [T] n'étant pas datées et ne permettant pas de déterminer le lieu où elles ont été prises.
Mme [T] ne communique pas de pièce établissant qu'elle était absente lors des dates ou de certaines des dates mentionnées dans la première mise à pied. En revanche, il résulte des bulletins de salaire qu'elle verse aux débats qu'elle était absente pour maladie en avril 2017 alors que la seconde lettre de mise à pied vise des dates de produits durant la seconde quinzaine d'avril.
Mme [T] ne produit pas de pièce au soutien de l'affirmation selon laquelle elle aurait fait l'objet d'un enregistrement visuel à son insu.
Mais elle verse aux débats des échanges de SMS avec son employeur dans lesquels elle s'est plainte de ne pas recevoir ses bulletins de salaire, notamment un SMS du 19 avril 2017 indiquant qu'elle n'a pas reçu ses fiches de paie depuis le mois de janvier. Elle produit aussi une lettre du 27 octobre 2017 destinée à son employeur dans laquelle elle l'a interrogé sur les raisons expliquant le défaut de maintien du salaire.
Elle produit enfin des bulletins de salaire et des attestations de paiement des indemnités journalières de la Sécurité sociale dont il résulte que Mme [T] a été en arrêt maladie du 10 mai 2017 jusqu'en mai 2019 puis encore en décembre 2019. Elle justifie en outre faire l'objet d'un suivi par un médecin généraliste depuis janvier 2017 pour un syndrome anxio-dépressif et par un psychiatre psychothérapeute depuis le mois de janvier 2018.
L'appelante présente ainsi des éléments (plusieurs sanctions disciplinaires prises à son encontre en l'espace de six mois dont l'une visant des dates où elle était absente pour maladie en avril 2017, réclamations de sa part à raison de la non-réception de ses bulletins de salaire et de l'absence de maintien de salaire pendant sa période de maladie, arrêt maladie, syndrome anxio-dépressif et suivi par deux médecins dont un psychiatre) qui, pris dans leur ensemble, laissent supposer l'existence d'un harcèlement moral.
Si la société affirme que les trois sanctions disciplinaires étaient justifiées, il a d'ores et déjà été retenu par la cour que tel n'était pas le cas et elle ne fournit aucun élément expliquant qu'elle ait visé dans la seconde mise à pied le défaut de retrait de produits portant des dates en avril 2017 (par exemple 2 présidents burger gourmand portant comme date celle du16 avril 2017) alors que Mme [T] était absente pour maladie jusqu'au 30 avril 2017.
La société ne fournit non plus aucun élément quant au défaut de remise des bulletins de salaire alors qu'en application de l'article L. 3243-2 du code du travail, l'employeur doit remettre au salarié un bulletin de paie lors du paiement du salaire, cette obligation s'appliquant chaque mois quel que soit le montant du salaire dû, et qu'il lui appartient de prouver avoir satisfait à son obligation. Le fait que la société ait communiqué des bulletins de paie à l'occasion de la procédure judiciaire ne l'exonère pas de son manquement.
La société prétend que le retard dans le versement du maintien de salaire résulte des manquements de Mme [T] qui n'a pas transmis les attestations de la CPAM permettant de connaître les indemnités journalières de la Sécurité sociale qu'elle a perçues. Elle ajoute que la salariée a attendu la procédure judiciaire pour lui transmettre ces éléments et que dès réception, elle a fait le nécessaire pour régulariser la situation en adressant à Mme [T] un chèque de 13 894,01 euros.
Si Mme [T] prouve avoir envoyé à son employeur en 2017 et 2018 plusieurs plis recommandés avec avis de réception qui n'ont pas été réclamés par ce dernier, les enveloppes et avis produits, sans justification du contenu des enveloppes, sont insuffisants à justifier de l'envoi des décomptes d'indemnités journalières de la CPAM. Mais comme le reconnaît la société, elle a obtenu à tout le moins ces décomptes à l'occasion de la procédure suivie devant le conseil de prud'hommes pour laquelle elle a été assignée le 13 février 2019, ces pièces faisant partie de celles communiquées alors par la salariée. Or, le chèque par lequel la société dit avoir régularisé la situation n'est daté que du 31 décembre 2019, plusieurs mois après qu'elle a reçu les attestations de la CPAM.
L'attestation de M. [X], invoquée par la société, selon laquelle il n'a jamais observé d'attitude déplacée de son employeur vis-à-vis d'un salarié, ni noté de comportement exagéré de M. [B] à l'endroit de Mme [T], lequel est d'ailleurs rarement présent au magasin, n'est pas circonstanciée et n'est donc pas probante.
Ainsi, l'employeur ne prouve pas que ses agissements ne sont pas constitutifs d'un harcèlement et qu'ils sont justifiés par des éléments objectifs, étrangers à tout harcèlement.
Il en résulte que Mme [T] a fait l'objet d'un harcèlement moral. Le préjudice en résultant pour la salariée sera justement réparé par l'allocation d'une somme de 4 000 euros à titre de dommages et intérêts. Le jugement qui a débouté Mme [T] de sa demande sera infirmé en ce sens.
Sur le rappel de salaire et l'arriéré au titre des garanties IG prévoyance (AG2R La Mondiale) et mensualisation (AG2R La Mondiale)
Mme [T] sollicite le paiement de la somme de 23 212 euros au titre du maintien de salaire pour la période de janvier 2017 à octobre 2018 outre celle de 2 321 euros pour les congés payés afférents. Elle affirme que les plis recommandés non réclamés par l'employeur justifient de la transmission des attestations de paiement des indemnités journalières, lesquelles ont en tout état de cause été remises lors de la saisine du conseil de prud'hommes. Elle avance que le complément de salaire n'a jamais été régularisé, affirmant que le chèque de 13 894,01 euros de la société communiqué en pièce n°19 ne lui a jamais été envoyé, mais qu'il vaut reconnaissance de l'obligation de maintien de la rémunération.
Elle précise, sur la base de la convention IDCC2216 annexe 1, au vu du courrier de l'inspection du travail et compte tenu de son ancienneté égale à 17 ans lors de son arrêt de travail , la somme qu'elle estime lui être due par mois de janvier 2017à juin 2017. Elle fait valoir au soutien de son ancienneté que son contrat a été transféré conformément à l'article L. 1224-1 du code du travail de sorte qu'elle remonte à octobre 2000.
Elle indique qu'à la suite d'échanges officiels, la société a finalement adressé un chèque de 13 894,01 euros correspondant aux indemnités pour maladie perçues par l'employeur et aux indemnités journalières de prévoyance, ces dernières représentant un net à payer de 12 093,55 euros. Mais elle prétend que la société AG2R La Mondiale a versé à l'employeur la somme de 15 247,70 euros de sorte qu'elle considère rester créancière à hauteur de 3 154,15 euros au titre de la garantie IG prévoyance.
Elle sollicite également le versement par son employeur de la somme de 4 481,92 euros qu'il a perçue au titre de la garantie mensualisation.
La société rétorque que le retard résulte uniquement des manquements de la salariée qui ne lui a pas transmis les attestations de la CPAM permettant de connaître le montant des indemnités journalières qu'elle a perçues. Elle prétend également avoir adressé un chèque de 13 894,01 euros par courrier recommandé le 31 décembre 2019 correspondant au maintien de salaire après régularisation d'AG2R.
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Au soutien de sa demande portant sur le maintien du salaire, Mme [T] invoque l'article 6.4 de la convention collective IDCC2216 annexe 1, soit la convention collective du commerce de détail et de gros à prédominance alimentaire du 12 juillet 2001. Elle se prévaut aussi de la lettre de l'inspecteur du travail du 31 juillet 2017 qui a relevé le non maintien du salaire en se fondant à cet égard sur les dispositions de la convention collective nationale fruits et légumes-épicerie- produits laitiers.
Les bulletins de salaire mentionnant la convention collective des fruits et légumes épicerie produits laitiers et Mme [T] se prévalant du courrier de l'inspection du travail qui se réfère à celle-ci, il convient d'appliquer cette convention.
Tous les bulletins de salaire établis depuis le mois d'octobre 2016 par la société [B] distribution qu'elle verse aux débats font état d'une ancienneté remontant au 16 octobre 2000, étant rappelé que Mme [T] a été engagée par la société Ed à compter de cette date. Dans ces conditions, il sera tenu compte de cette ancienneté.
La convention collective précitée prévoit pour les salariés ayant une ancienneté de 15 ans une indemnisation comme suit : 70 jours à 90% puis 60 jours à 66,66% à partir du 3ème jour.
La rémunération dont il sera tenu compte est celle de 2 033,89 euros invoquée par Mme [T], qui correspond à ce qui est mentionné sur les bulletins de salaire.
Conformément à la convention collective, au regard de l'attestation de paiement des indemnités journalières et des pièces versées aux débats, les sommes dues par l'employeur au titre du maintien du salaire pour l'année 2017 sont les suivantes :
- janvier 2017 : 649,53 (721,70 x 90%) - 373,34 = 276,19 ;
- février 2017 : 1 830,50 (2 033,89 x 90%) - 950,32 = 880,18 ;
- mars 2017 : 1 830,50 - 1 052,19 = 778,31 ;
- avril 2017 :
* 610,16 (677,96 x 90%) - 339,40 = 270,76
* 903,86 (1 355,93 x 66,66%) - 678,80 = 225,06 ;
- mai 2017 : 830,97 (1 246,58 x 66,66%) - 557,46 = 273,51
- juin 2017 : 949,05 (1 423,72 x 66,66%) - 616,14 = 332,91
soit au total la somme de 3 036,92 euros.
Par ailleurs, il ressort du duplicata du contrat d'adhésion prévoyance conclu entre AG2R prévoyance et la société [B] distribution et du détail des paiements effectués par cette institution de prévoyance à raison de la maladie de Mme [T] que la société AG2R prévoyance a ensuite, au titre de la période échue entre les 20 septembre 2017 et 9 mai 2020, versé en exécution de la garantie incapacité une somme totale de 15 247,70 euros.
Or, la société a établi un bulletin de paie pour le mois de décembre 2019 d'un montant net de 13 894,01 euros incluant une somme de 3 090,98 euros brut au titre des indemnités complémentaires employeur et celle de 12 093,55 euros net au titre des indemnités journalières prévoyance.
Si Mme [T] indique dans ses conclusions que le chèque correspondant de 13 894,01 euros établi à son ordre le 27 décembre 2019 ne lui a jamais été envoyé (page 18 de ses conclusions), elle affirme aussi (page 21 de ses conclusions) qu'à la suite d'échanges officiels, la société a adressé ce chèque. Au demeurant, elle réclame le différentiel entre la somme totale de 15 247,70 perçue par la société au titre des indemnités journalières et celle de 12 093,55 euros mentionnée sur le bulletin de paie précité, ce qui démontre qu'elle a perçu le montant du chèque.
Il s'en déduit que la société a satisfait à son obligation de maintien du salaire pour l'année 2017 par le versement de la somme de 3 090,98 euros brut et qu'elle a déjà reversé à Mme [T] celle de 12 093,55 euros net au titre des indemnités journalières payées ensuite par l'institution de prévoyance. Dans ces conditions, aucune somme ne reste due à Mme [T] au titre du maintien du salaire sur la période du 1er janvier 2017 au 31 octobre 2018, demande dont l'appelante doit être déboutée, le jugement étant confirmé de ce chef. En revanche, Mme [T] est bien fondée à réclamer à la société la somme de 3 154,15 euros représentant la différence entre la somme perçue par la société au titre des indemnités journalières prévoyance dues pour Mme [T], de 15 247,70 euros, et celle qui lui a déjà été versée à ce titre de 12 093,55 euros, soit la somme de 3 154,15 euros.
Mais elle sera déboutée de sa demande portant sur la somme de 4 481,92 euros versée selon le décompte d'AG2R au titre de la garantie mensualisation, Mme [T] ne démontrant pas qu'il s'agisse d'une garantie souscrite à son bénéfice.
Sur la résiliation judiciaire du contrat de travail
Mme [T] demande à la cour de prononcer la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts exclusifs de la société au motif que l'obligation de règlement des salaires n'a pas été respectée. Elle invoque que ce grief est toujours d'actualité, que le montant du chèque communiqué est insuffisant et qu'il date de près de trois ans après le début de l'arrêt de travail. Elle soutient que la répétition de sanctions illégitimes témoigne de la volonté de l'employeur de provoquer sa démission. Elle observe aussi que le conseil de prud'hommes a reconnu le manquement de l'employeur en matière de mutuelle. Elle fait valoir que la demande qui lui a été faite en avril 2017 de restituer les clés constitue une mesure vexatoire.
La société reprend à son compte les motifs du jugement par lesquels le conseil de prud'hommes a rejeté la demande de résiliation judiciaire du contrat. Elle argue que les manquements de Mme [T] en matière de retrait de produits dont la date limite de consommation était périmée sont graves. Elle dénie notamment les faits de harcèlement et les manquements relatifs au maintien du salaire qui lui sont reprochés.
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Le juge prononce la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de l'employeur en cas de manquements suffisamment graves de ce dernier à ses obligations, de nature à empêcher la poursuite du contrat de travail. Si les manquements sont établis et d'une gravité suffisante, la résiliation produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse ou d'un licenciement nul si les manquements sont de nature à entraîner la nullité du licenciement. A défaut, le juge déboute le salarié de sa demande.
En l'espèce, comme indiqué ci-dessus, la société a obtenu à tout le moins les décomptes de la CPAM à l'occasion de la procédure suivie devant le conseil de prud'hommes pour laquelle elle a été assignée le 13 février 2019. Or, le chèque par lequel la société dit avoir régularisé la situation n'est daté que du 31 décembre 2019, plusieurs mois après qu'elle a reçu les attestations de la CPAM. En outre, Mme [T] fait à raison valoir que ce chèque est insuffisant puisqu'il n'inclut pas la totalité des sommes perçues par l'employeur au titre des indemnités journalières servies par l'institution de prévoyance. Antérieurement, Mme [T] a fait l'objet de trois sanctions qui ont été annulées, deux étant injustifiées et l'une disproportionnée. La société ne contredit pas son manquement relatif au défaut d'adhésion à une mutuelle et fait au contraire siens les motifs du jugement qui, sur ce point, a retenu l'existence d'un manquement au motif que l'adhésion était obligatoire, étant rappelé qu'en application de l'article L. 911-7 du code de la sécurité sociale, l'employeur doit faire bénéficier tous ses salariés d'une couverture obligatoire de remboursement des frais de santé et de maternité et en assurer au minimum la moitié du financement.
Ces manquements ne sont pas isolés, portent sur des obligations importantes de la société et subsistent pour partie toujours à ce jour. Il s'agit de manquements suffisamment graves de l'employeur à ses obligations de nature à empêcher la poursuite du contrat de travail. Partant, la résiliation du contrat de travail est prononcée à ses torts et produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, le jugement qui a débouté Mme [T] de ce chef étant infirmé.
Sur les conséquences financières de la résiliation judiciaire du contrat de travail
Mme [T] sollicite à titre de conséquence de la résiliation judiciaire aux torts de l'employeur la somme de 24 715,56 euros représentant selon elle 12 mois de salaire. En tout état de cause, elle réclame la somme de 10 648,28 euros pour le cas où le licenciement serait causé, outre une indemnité de préavis de 4 119,26 euros et les congés payés afférents.
La société soutient que la demande de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse n'est pas fondée, en l'absence de preuve du préjudice de Mme [T]. Elle fait valoir que la faute grave de Mme [T] étant avérée, elle doit être privée de l'indemnité de licenciement et de l'indemnité compensatrice de préavis.
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Compte tenu de l'effectif de l'entreprise qui emploie habituellement moins de onze salariés au vu du registre versé aux débats par la société et de l'ancienneté de la salariée qui remonte au 16 octobre 2000, elle a droit en application de l'article L. 1235-3 du code travail à une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse minimale de 3 mois et maximale de 16,5 mois de salaire brut. Au regard notamment de son âge de 55 ans et de son ancienneté, la société sera condamnée à lui payer une indemnité de 10 000 euros.
Bénéficiant d'une ancienneté de plus de deux ans et compte tenu de sa qualification, Mme [T] a droit à une indemnité compensatrice de préavis représentant deux mois de salaire en application de l'article L. 1234-1 du code du travail et de la convention collective applicable. La cour condamne en conséquence la société à lui payer à ce titre sur la base du salaire qu'elle aurait perçu si elle avait travaillé et dans la limite du montant réclamé la somme de 4 119,26 euros outre 411,92 euros à titre d'indemnité compensatrice de congés payés sur préavis.
Le jugement sera infirmé à ces titres.
Sur les dommages et intérêts pour préjudice de carrière et préjudice moral
La salariée estime avoir subi un préjudice de carrière, étant âgée de plus de 50 ans et bénéficiant d'une ancienneté importante, dont elle réclame réparation à hauteur de 5 000 euros, outre un préjudice moral pour lequel elle sollicite une somme de 3 000 euros.
La société conclut au rejet des demandes.
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Mme [T] ne précise pas la faute de la société lui ayant causé les préjudices dont elle sollicite l'indemnisation. En toute hypothèse, elle ne justifie pas avoir subi des préjudices distincts de ceux déjà réparés au titre du harcèlement moral et du licenciement sans cause réelle et sérieuse. Elle sera déboutée des prétentions formées de ces chefs, le jugement étant confirmé sur ces points.
Sur la remise des documents
Il sera ordonné à la société de remettre à Mme [T] une attestation Pôle Emploi, un certificat de travail et un reçu pour solde de tout compte conformes à la présente décision dans le délai d'un mois à compter de sa notification, sans qu'il y ait lieu à prononcer une astreinte. La société justifiant avoir communiqué les bulletins de paie des mois d'août à décembre 2017 et de mars 2018 à mai 2019, Mme [T] sera déboutée à ce titre, le jugement étant confirmé sur ce point.
Sur les dépens et les frais irrépétibles
Le jugement sera confirmé en ce qu'il a condamné la société aux dépens et à payer la somme de 500 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile. La société sera condamnée aux dépens d'appel, déboutée de sa propre demande fondée sur ces dispositions et condamnée à payer à Mme [T] la somme de 1 000 euros au titre des frais irrépétibles exposés en appel.
PAR CES MOTIFS
La cour statuant par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe,
INFIRME le jugement entrepris en ses dispositions portant sur les demandes relatives à l'avertissement, au harcèlement moral, à la résiliation judiciaire du contrat du travail, à ses conséquences financières et à la remise des documents de fin de contrat ;
Le confirme en ses autres dispositions ;
Statuant à nouveau dans la limite des chefs infirmés et ajoutant :
ANNULE l'avertissement du 22 mai 2017 ;
PRONONCE la résiliation judiciaire du contrat de travail et dit qu'elle produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
CONDAMNE la société [B] distribution à payer à Mme [O] [N] épouse [T] les sommes de :
- 4 000 euros à titre de dommages et intérêts pour harcèlement moral ;
- 10 000 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
- 4 119,26 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis ;
- 411,92 euros au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés sur préavis ;
- 3 154,15 euros au titre de l'arriéré d'indemnités journalières versées par l'institution de prévoyance ;
- 1 000 euros au titre des frais irrépétibles exposés en appel ;
ORDONNE à la société [B] distribution de remettre à Mme [O] [N] épouse [T] une attestation Pôle Emploi, un certificat de travail et un reçu pour solde de tout compte conformes à la présente décision dans le délai d'un mois à compter de sa notification ;
DÉBOUTE les parties de toute autre demande ;
CONDAMNE la société [B] distribution aux dépens d'appel qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE