Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE
délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 6 - Chambre 5
ARRET DU 12 JANVIER 2023
(n° 2023/ , 16 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 19/08560 - N° Portalis 35L7-V-B7D-CAN5K
Décision déférée à la Cour : Jugement du 23 Janvier 2019 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS - RG n° 18/04287
APPELANT
Monsieur [Z] [S]
[Adresse 1]
[Localité 4]
Représenté par Me Stefan RIBEIRO, avocat au barreau de VAL D'OISE, toque : 80
INTIMEES
S.A.R.L. KLM [Adresse 5]
[Adresse 2]
[Localité 3]
Représentée par Me Fariha FADOUL, avocat au barreau de SEINE-SAINT-DENIS, toque : 69
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 20 octobre 2022, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Marie-Christine HERVIER, Présidente de chambre chargée du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Madame Marie-Christine HERVIER, Présidente de chambre, Présidente de formation,
Madame Marie-José BOU, Présidente de chambre
Madame Séverine MOUSSY, Conseillère
Greffier : Madame Cécile IMBAR, lors des débats
ARRÊT :
- contradictoire,
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile,
- signé par Madame Marie-Christine HERVIER, présidente et par Madame Cécile IMBAR, greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSE DU LITIGE
Par contrat à durée déterminée conclu pour la période du 5 octobre 2006 au 4 janvier 2007, au motif d'un surcroît d'activité, M. [Z] [S] a été engagé par la société Boulangerie SNM, exploitant un fonds de commerce de boulangerie-patisserie sous l'enseigne « Au blé d'or » en qualité d'aide-boulanger, pour une durée de travail à temps partiel de 17,50 heures hebdomadaires. Le contrat de travail a été renouvelé, pour le même motif, pour une nouvelle période de trois mois devant s'achever le 4 avril 2007, mais pour une durée hebdomadaire de travail de 35 heures. Par avenant du 1er octobre 2007, M. [S] a été engagé en qualité de pâtissier par la société Boulangerie SNM par contrat à durée indéterminée moyennant une rémunération nette de 1 100 euros. M. [S] a présenté un arrêt de travail à compter du 23 novembre 2017 et a été reconnu comme travailleur handicapé pour la période du 20 septembre 2018 au 30 septembre 2023 par décision de la maison départementale des personnes handicapées des Hauts-de-Seine notifiée le 2 octobre 2018.
Le 22 décembre 2017, le fond exploité par la société Boulangerie SNM a été cédé à la société KLM [Adresse 5].
Le 7 juin 2018, M. [S] a saisi le conseil de prud'hommes de Paris à l'encontre de la société Boulangerie SNM et la société KLM Boulangerie ultérieurement mise en la cause, afin d'obtenir dans le dernier état de ses demandes leur condamnation solidaire à lui payer des rappels de salaires sur heures supplémentaires, un complément d'indemnité journalière (article 37 de la convention collective), des indemnités au titre de ses frais professionnels, un rappel de prime de fin d'année ( article 42 de la convention collective ) et à l'encontre de la seule société Boulangerie SNM, des dommages-intérêts pour harcèlement moral.
La dissolution de la société Boulangerie SNM est intervenue le 30 avril 2018, M. [I] [P] étant désigné en qualité de liquidateur et la clôture des opérations de liquidation est intervenue le 30 septembre 2018.
Par jugement du 19 juin 2019 auquel la cour renvoie pour plus ample exposé de la procédure antérieure et des demandes initiales des parties, le conseil de prud'hommes de Paris, section industrie, a mis hors de cause la société KLM Boulangerie et
- condamné la société Boulangerie SNM à payer à M. [S] les sommes de :
* 7 179,75 euros à titre d'indemnités journalières,
* 809,30 euros à titre de prime de fin d'année 2016,
* 719,92 euros au titre de la prime de fin d'année 2017,
- condamné la société Boulangerie SNM à payer à l'avocat de M. [S], Me Marianne Thareau une somme de 1 000 euros au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridictionnelle,
- débouté M. [S] du surplus de ses demandes.
M. [S] a relevé appel partiel du jugement le 26 juillet 2019 à l'encontre des sociétés Boulangerie SNM et KLM Boulangerie et l'affaire a été enregistrée au répertoire général de la cour sous le numéro 19/8560.
Le 30 octobre 2019, M. [S] a saisi le conseil de prud'hommes de Paris à l'encontre de la société KLM [Adresse 5] en résiliation judiciaire du contrat de travail, paiement d'une indemnité de requalification, dommages intérêts pour harcèlement moral, rappels de salaires conventionnels outre congés payés et primes d'ancienneté afférents, rappels de prime d'ancienneté pour 2017, rappel de salaire sur majoration des jours fériés travaillés, rappel d'heures supplémentaires et congés payés afférents, dommages-intérêts pour violation des règles relatives à la durée hebdomadaire et journalière du travail, du repos hebdomadaire et non-respect des temps de pause, violation de l'obligation de sécurité, indemnités de rupture, (préavis, congés payés afférents et indemnité conventionnelle de licenciement), dommages-intérêts pour licenciement nul et subsidiairement sans cause réelle et sérieuse.
Par jugement du 4 novembre 2020 auquel la cour renvoie pour l'exposé de la procédure antérieure et des demandes initiales, le conseil de prud'hommes de Paris, section industrie, a débouté M. [S] de l'ensemble de ses demandes et l'a condamné aux dépens.
M. [S] a relevé appel du jugement le 7 décembre 2020 à l'encontre de la société KLM [Adresse 5] et l'affaire a été enregistrée sous le numéro de rôle 20/8383.
Le 15 janvier 2021, M. [S] a été licencié pour inaptitude et impossibilité de reclassement. Une procédure est actuellement pendante devant le conseil de prud'hommes de Paris en contestation de ce licenciement.
Par ordonnance du 5 avril 2022, le conseiller chargé de la mise en état, statuant sur les conclusions d'incident de la société KLM [Adresse 5] en nullité de la déclaration d'appel, aux fins de voir ordonner l'irrecevabilité des demandes nouvelles formées pour la première fois devant la cour par M. [S] et déclarer irrecevables les demandes formées pour la première fois à son encontre, a :
- rejeté l'exception de nullité de la déclaration d'appel du 26 juillet 2019,
- ordonné à M. [S] de régulariser la procédure à l'encontre de la SARL Boulangerie SNM,
- dit que les conclusions du 26 décembre 2019 de la société KLM Boulangerie ont été notifiées dans l'intérêt de la société KLM [Adresse 5],
- ordonné la réouverture des débats à l'audience du 31 mai 2022 pour recueillir les observations des parties sur la jonction des deux procédures.
Par ordonnance du 21 juin 2022, le conseiller chargé de la mise en état, saisi de la demande de M. [S] aux fins de désistement de son appel à l'encontre de la société Boulangerie SNM a':
- constaté le désistement d'appel partiel de M. [S] à l'encontre de la SARL Boulangerie SNM,
- ordonné la jonction des deux procédures,
- rejeté la demande d'irrecevabilité des demandes nouvelles présentée par la société KLM [Adresse 5].
Aucune de ces deux ordonnances n'a été déférée devant la cour. Le dossier de la procédure est donc désormais suivi sous le seul numéro de RG19/8560 entre M. [S] et la société KLM [Adresse 5].
La société KLM [Adresse 5] emploie moins de 11 salariés et applique la convention collective nationale de la boulangerie pâtisserie artisanale.
Aux termes de ses dernières conclusions récapitulatives transmises par voie électronique le 11 octobre 2022, auxquelles la cour renvoie pour plus ample exposé des prétentions et moyens conformément à l'article 455 du code de procédure civile, M. [S] prie la cour de':
- faire application de l'article 1343'2 du code civil,
- ordonner la résiliation judiciaire de son contrat de travail,
- condamner la société KLM [Adresse 5] à lui payer les sommes suivantes :
* 1 921,57 euros à titre d'indemnité de requalification,
* 10 000 euros de dommages-intérêts pour harcèlement moral,
* 1 201,95 euros à titre de rappel conventionnel outre 120,19 euros au titre des congés payés, 108,17 euros en incidence de prime d'ancienneté et 10,81 euros en incidence de congés payés,
* 1 761,20 euros à titre de majoration pour jours fériés et 176,12 euros en incidence de congés payés,
* 887,25 euros à titre de rappel de prime d'ancienneté et 88,72 euros en incidence de congés payés,
* 924,55 euros au titre de la garantie incapacité de travail,
* 743,20 euros au titre du maintien de salaires,
* 43'007,34 euros à titre de rappel d'heures supplémentaires et 4 300,73 euros en incidence de congés payés,
* 20'432 euros à titre d'indemnité pour travail dissimulé,
* 1 000 euros de dommages-intérêts pour non-respect des temps de pause,
* 1 000 euros de dommages-intérêts pour violation de la durée hebdomadaire du travail,
* 1 000 euros de dommages-intérêts pour violation de la durée journalière du travail,
* 1 000 euros de dommages-intérêts pour violation du repos hebdomadaire,
* 5 000 euros de dommages-intérêts pour violation de l'obligation de sécurité,
* 10'216,17 euros à titre d'indemnité de préavis et 1 021,61 euros en incidence de congés payés,
* 8 513,47 euros à titre d'indemnité de licenciement, subsidiairement 5 121,77 euros,
* 39'427,20 euros de dommages-intérêts pour licenciement nul, subsidiairement 24'352,14 euros,
* subsidiairement, 34'053,90 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et subsidiairement 20'483,10 euros,
- ordonner la remise de bulletins de paie d'une attestation Pôle emploi sous astreinte de 75 euros par document et par jour de retard sous les huit jours de la décision à intervenir «'dont la liquidation sera ordonnée par conseil'»
- condamner la société KLM [Adresse 5] à lui payer la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Aux termes de ses dernières conclusions d'intimée récapitulatives transmises par voie électronique le 20 septembre 2022, auxquelles la cour renvoie pour plus ample exposé des prétentions et moyens conformément à l'article 455 du code de procédure civile, la société KLM [Adresse 5] prie la cour de
- confirmer le jugement du 4 novembre 2020,
- déclarer irrecevables les demandes de M. [S] sur le fondement de l'article 1355 du code civil, principe de l'autorité de la chose jugée,
- débouter M. [S] des autres demandes non fondées,
- débouter M. [S] de l'ensemble de ses demandes,
- déclarer irrecevables les demandes nouvelles formées pour la première fois en cause d'appel sur le fondement de l'article 564 du code de procédure civile,
- condamner M. [S] au versement de la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner M. [S] aux entiers dépens.
L'ordonnance de clôture est intervenue le 19 octobre 2022.
MOTIVATION':
A titre liminaire, la cour constate que M. [S] s'est désisté de son appel du jugement du 19 juin 2019 à l'encontre de la société Boulangerie SNM ainsi que l'a constaté le conseiller de la mise en état dans son ordonnance du 21 juin 2022. Ce jugement est donc définitif à l'égard de la société Boulangerie SNM. Subsiste seul l'appel diligenté à l'encontre de la société KLM Boulangerie, laquelle n'a pas d'existence juridique et ne s'est pas constituée, seule la société KLM [Adresse 5] s'étant constituée dans ce dossier de procédure.
Sur les exceptions de procédure et fin de non-recevoir :
Sur l'irrecevabilité soulevée en raison de l'autorité de la chose jugée attachée au jugement du 19 juin 2019 :
L'article 1355 du code de procédure civile dispose que « l'autorité de la chose jugée n'a lieu qu'à l'égard de ce qui a fait l'objet du jugement. Il faut que la chose demandée soit la même ; que la demande soit fondée sur la même cause ; que la demande soit entre les mêmes parties, et formée par elles et contre elles en la même qualité.'
L'article 480 du code de procédure civile dispose que le jugement qui tranche dans son dispositif tout ou partie du principal a dès son prononcé autorité de la chose jugée par rapport à la contestation qu'il tranche.
La société KLM [Adresse 5] soutient que le jugement du 19 juin 2019 a acquis autorité de la chose jugée de sorte que les demandes présentées à nouveau par M. [S] devant le conseil de prud'hommes le 30 octobre 2019 et tendant aux mêmes fins sont irrecevables, en application de l'article 1355 du code de procédure civile.
M. [S] est resté taisant sur cette demande.
La société KLM [Adresse 5] ne l'ayant pas précisé, la cour observe que les seules demandes présentées à nouveau devant le conseil de prud'hommes lors de la seconde saisine ayant abouti au jugement du 4 novembre 2020 sont celles relatives aux :
- heures supplémentaires, appelées rappels de salaire dans la première saisine,
- primes de fin d'année (appelées primes d'ancienneté par le salarié dans sa seconde saisine),
- dommages-intérêts pour harcèlement moral, présentée à l'encontre de la société Boulangerie SNM dans le cadre de la première saisine et à l'encontre de la société KLM [Adresse 5] dans le cadre de la seconde saisine.
Dans le cadre de la première saisine du conseil de prud'hommes, s'agissant des rappels de salaires et primes de fin d'année, ces demandes étaient présentées à l'encontre de la société Boulangerie SNM et de la société KLM Boulangerie dont la condamnation solidaire était sollicitée et s'agissant du harcèlement moral, à l'encontre et de la société SNM Boulangerie. Dans le cadre de la seconde saisine, chacune de ces demandes est formée exclusivement à l'encontre de la société KLM [Adresse 5].
Dés lors que les demandes de rappel de salaire et de primes étaient présentées tant à l'encontre de la société SNM Boulangerie qu'à l'encontre de la société KLM Boulangerie en réalité dénommée KLM [Adresse 5], laquelle s'est constituée sur l'appel diligenté par M. [S] à l'encontre de KLM Boulangerie et les deux procédures étant jointes, l'irrecevabilité soulevée est rejetée la cour n'étant désormais saisie dans le cadre d'un dossier unique que des demandes présentées à l'encontre de la société KLM [Adresse 5].
Par ailleurs, s'agissant de la demande de dommages-intérêts pour harcèlement moral, à défaut d'identité entre les parties, l'autorité de la chose jugée ne peut valablement être invoquée par la société KLM [Adresse 5] étant rappelé que la demande était initialement présentée à l'encontre de la société SNM Boulangerie.
Sur la prescription :
La société KLM [Adresse 5] soulève en premier lieu, la prescription des demandes de rappel de salaire présentées par M. [S] pour la période antérieure au mois de novembre 2016 dès lors qu'il a saisi le conseil le 30 octobre 2019. La cour observe que les demandes de rappel de salaire conventionnel sont présentées sur une période courant à compter du mois de novembre 2016 de sorte que la fin de non recevoir tirée de la prescription soulevée est sans objet, il en est de même pour le non paiement des jours fériés. Les demandes de rappel de prime d'ancienneté sont présentées à compter du mois de janvier 2017 de sorte que la prescription n'est pas encourue. Il en est de même pour les demandes de rappel d'heures supplémentaires puisque M. [S] présente ses demandes à compter du mois de novembre 2016. La fin de non recevoir est donc rejetée.
En second lieu, la société KLM [Adresse 5] soulève la prescription de la demande de requalification du contrat à durée déterminée conclu en 2006 par application de l'article L. 1471'1 du code du travail. M. [S] est resté taisant sur cette question. L'article L 1471'1 du code du travail dispose que « toute action portant sur l'exécution du contrat de travail se prescrit par deux ans à compter du jour où celui qui l'exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d'exercer son droit.['] ». M. [S] sollicite la requalification des deux contrats de travail à durée déterminée qui lui ont été consentis au motif que le surcroît d'activité allégué comme motif de recours aux contrats de travail à durée déterminée n'est pas justifié, soutenant qu'en réalité, il travaillait au sein de l'établissement depuis 2002. La cour rappelle qu'en cas de succession de contrats à durée déterminée et lorsque le moyen invoqué est comme à l'espèce un moyen de fond relatif au non-respect des motifs pour lesquels le contrat de travail à durée déterminée peut-être conclu, le point de départ du délai de prescription est le terme du dernier contrat. En l'espèce, le terme du dernier contrat consenti à M. [S] est le 4 avril 2007. À l'époque, le délai de prescription de l'action en requalification était le délai de droit commun de 30 ans prévu par l'article 2262 du code civil. La loi 2008-561 du 17 juin 2008 entrée en vigueur le 19 juin 2008 a ramené ce délai à 5 ans de sorte qu'en application des dispositions transitoires de ce texte, le délai de prescription courrait jusqu'au 19 juin 2013. Il en résulte que l'action diligentée par M. [S] le 7 juin 2018 est couverte par la prescription étant observé que l'entrée en vigueur de la loi 2013-504 du 14 juin 2013, est sans incidence. La cour déclare donc irrecevable en raison de la prescription les demandes de requalification du contrat de travail à durée déterminée en contrat de travail à durée indéterminée et d'indemnité de requalification conséquente.
Sur l'irrecevabilité des demandes nouvelles :
Aux termes de l'article 564 du code de procédure civile, 'A peine d'irrecevabilité relevée d'office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n'est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l'intervention d'un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d'un fait.'
L'article 565 du même code dispose que 'Les prétentions ne sont pas nouvelles dès lors qu'elles tendent aux mêmes fins que celles soumises au premier juge, même si leur fondement juridique est différent.'
Enfin, l'article 566 dudit code précise que 'Les parties ne peuvent ajouter aux prétentions soumises au premier juge que les demandes qui en sont l'accessoire, la conséquence ou le complément nécessaire.'.
La société KLM Oberkamf soutient que les demandes suivantes de M. [S] sont irrecevables comme présentées pour la première fois devant la cour :
- la résiliation judiciaire du contrat de travail,
- le rappel de salaire conventionnel,
- la majoration des jours fériés,
- l'indemnité pour travail dissimulé,
- les dommages-intérêts pour non respect des temps de pause,
- les dommages-intérêts pour violation de la durée hebdomadaire de travail,
- les dommages-intérêts pour violation de la durée journalière de travail,
- les dommages-intérêts pour violation du repos hebdomadaire,
- les demandes en conséquence de la résiliation judiciaire du contrat de travail.
M. [S] conclut au rejet de la demande.
La cour observe que chacune de ces demandes a été présentée devant le conseil de prud'hommes ainsi que cela ressort des mentions du jugement du 4 novembre 2020, de sorte qu'elles ne sont pas nouvelles au sens de l'article 564 du code de procédure civile. La demande est donc rejetée.
Sur l'exécution du contrat de travail :
M. [S] forme ses demandes à l'encontre de la société KLM [Adresse 5] en soutenant que cette société est tenue des obligations de son ancien employeur la société SNM Boulanger dès lors qu'elle a eu un comportement frauduleux puisque les actionnaires des deux sociétés sont les membres d'une même famille, que la société SNM a été dissoute et la personne désignée en qualité de liquidateur n'est autre que le gérant de la société KLM [Adresse 5], que les opérations de liquidation ont été clôturées sans que le conseil de prud'hommes en soit avisé et que dans ces conditions, la société KLM [Adresse 5] est co employeur.
La société KLM [Adresse 5] conclut au débouté en faisant valoir que M. [S] ne rapporte pas la preuve de la collusion frauduleuse et du co-emploi qu'il invoque.
Il est constant que le contrat de travail de M. [S] a été transféré à la société KLM [Adresse 5] par application de l'article L. 1224-1 du code du travail de sorte que le nouvel employeur est tenu à l'égard de M. [S] des obligations qui incombaient à l'ancien employeur à la date de la modification, le salarié pouvant agir indifféremment à l'encontre de ses employeurs successifs en application de l'article L. 1224-2 du code du travail peu important que le co emploi ne soit pas établi.
Sur les demandes de rappel de salaire conventionnel :
M. [S] soutient qu'il aurait dû bénéficier du coefficient 185 alors qu'il ressort de ses bulletins de salaire que l'employeur lui a attribué le coefficient 170, en faisant valoir qu'il tenait tous les postes et assurait, sans le concours du chef d'entreprise, l'ensemble de la fabrication pâtisserie et réclame donc un rappel de salaire au titre de la différence entre les deux coefficients.
L'employeur s'oppose à la demande en faisant valoir que M. [S] n'a aucune qualification, aucun certificat, aucun diplôme et ne peut pas tenir tous les postes, qu'il n'occupait que le poste de pâtissier et ne peut donc prétendre au coefficient revendiqué.
Il est constant que M. [S] en tant que pâtissier relevait de l'article 9 de la convention collective relatif au personnel de fabrication auquel plusieurs coefficients sont rattachés :
'coefficient 170 :
Personnel de fabrication titulaire d'un CAP et d'un CQP « Tourier ».
Personnel de fabrication titulaire d'une mention complémentaire.
Personnel de fabrication titulaire d'un bac professionnel 2 ans maximum dans cette catégorie.
Coefficient 185 :
Ouvrier qualifié pouvant tenir tous les postes et assurer avec ou sans le concours du chef d'entreprise l'ensemble de la fabrication boulangerie ou pâtisserie.
Ouvrier titulaire de deux mentions complémentaires ou du BP ou du BTM.
Ouvrier titulaire du bac professionnel après 2 années au coefficient 175.'
La cour rappelle que lorsqu'un salarié sollicite le bénéfice d'une classification conventionnelle différente de celle que lui a attribuée l'employeur, il doit rapporter la preuve de l'exercice concret des tâches relevant de la classification revendiquée.
M. [S] se contente d'affirmer qu'il occupait tous les postes sans se référer à la moindre pièce étayant son affirmation et sans produire aucun élément de nature à établir qu'il tenait tous les postes comme il le prétend. Sa demande de reclassification au niveau 185 est donc rejetée et il est débouté de la demande de rappel de salaire conventionnel en découlant. Le jugement est confirmé en ce qu'il l'a débouté de ce chef de demande.
Sur le paiement de la majoration de salaire au titre des jours fériés travaillés :
L'article L. 3133'1 du code du travail précise que sont considérés comme jours fériés les 1er janvier, lundi de Pâques, premier et 8 mai, Ascension, lundi de Pentecôte, 14 juillet, 15 août, premier et 11 novembre, 25 décembre. L'article 27 de la convention collective prévoit « sur le plan départemental ou interdépartemental ou régional, seront déterminés paritairement, outre le 1er mai dont le régime est défini par la loi, au moins 10 jours férié. Si un de ces jours fériés complémentaires est travaillé, le salaire perçu par le salarié pour cette journée de travail sera doublé'. M. [S] soutient que la société SNM ne lui a jamais payé de majoration pour les jours fériés travaillés sauf en novembre 2018 où 12 heures lui ont été réglées et en mai 2019. Il réclame donc un rappel de salaire correspondant aux jours travaillés suivants :
- 159,60 euros pour les 1er et 11 novembre 2016, soit deux jours à temps complet,
- 727,65 euros pour 9 jours fériés en 2017 : lundi de Pâques, 1er et 8 mai, Ascension, lundi de Pentecôte, 14 juillet, 15 août, 1er et 11 novembre.
La société KLM [Adresse 5] conclut au débouté en faisant valoir que les jours fériés ont bien été réglés, que M. [S] n'indique pas quel jour par comparaison avec la fiche de paie ne lui aurait pas été réglé, que les jours fériés lorsqu'ils sont travaillés donnent droit à un doublement de salaire mais autrement sont réglés comme un jour ordinaire que sur aucune fiche de salaire de M. [S] il n'est fait mention d'une réduction de salaire en raison d'un jour férié qu'il s'en déduit qu'ils ont tous étés réglés et fait valoir que le 8 mai 2017, M. [S] n'a pas pu travailler puisqu'il était en arrêt maladie et que le 14 juillet 2017 il était en congé payés pour tout le mois.
Pour l'année 2016, la cour observe que le bulletin de salaire du mois de novembre 2016 ne fait pas apparaître que les majorations pour les deux jours fériés du premier et du 11 novembre ont été payées ou que ces jours n'ont pas été travaillés, de sorte que l'employeur n'établit pas qu'il est libéré de son obligation de paiement de la majoration des jours fériés travaillés. La cour, sur la base d'un taux horaire brut de 11,27 euros retient que la somme de 157,78 euros reste due.
Pour l'année 2017, il ressort des bulletins de salaire communiqués que, comme le soutient l'employeur, le 8 mai 2017, M. [S] était en arrêt maladie et en congés le 14 juillet 2017 de sorte que les majorations sollicitées ne sont pas dues pour ces deux journées. En revanche, pour les autres jours fériés, l'employeur n'établit pas que M. [S] n'a pas travaillé ou que les majorations ont été versées de sorte que reste due une somme de 575,99 euros.
La cour condamne en conséquence la société KLM [Adresse 5] à verser à M. [S] la somme de 733,77 euros au titre de la majoration des jours fériés travaillés outre 73,37 euros au titre des congés payés afférents pour la période courant de novembre 2016 à novembre 2017. Le jugement du 4 novembre 2020 est infirmé en ce qu'il l'a débouté de ce chef de demande.
Sur la demande au titre du rappel de prime d'ancienneté :
M. [S] fait valoir qu'il a toujours bénéficié d'une prime d'ancienneté correspondant à une majoration de son salaire mensuel de 3 % après trois années d'ancienneté puis 6 % à compter de novembre 2012 puis 9 % à partir d'octobre 2015. Il soutient qu'à compter du mois de janvier 2017, alors que son salaire de base a été porté à 1 711,51 euros, la prime d'ancienneté a été diminuée passant de 146,60 euros à 65,72 euros sans qu'il y ait consenti puis à 72,16 euros en juillet 2017 puis 66,10 euros en octobre 2017 et sollicite en conséquence un rappel de prime d'ancienneté de janvier à novembre 2017 de 901,34 euros outre les congés payés afférents.
La société KLM [Adresse 5] s'oppose à la demande en faisant valoir que l'article 42 de la convention collective prévoit une prime de fin d'année calculée selon un pourcentage en fonction de l'ancienneté du salarié. Elle soutient que cette prime n'est pas cumulable avec d'autres avantages de même nature et que M. [S] bénéficie déjà d'une prime d'ancienneté calculée sur le taux de 3,84 % ainsi que cela ressort de sa fiche de paie du mois d'août 2017 pour exemple de sorte qu'il ne peut solliciter le paiement d'une somme déjà réglée.
L'article 42 de la convention collective prévoit que : « Après un an de présence dans l'entreprise, il est accordé aux salariés une prime de fin d'année. Cette prime est due au salarié occupé par l'entreprise le 31 décembre et devra être payée au plus tard le 15 janvier. Le montant de cette prime est fixé en pourcentage du montant du salaire brut payé aux salariés du 1er janvier au 31 décembre ce pourcentage est fixé à ['] 3,84 % à partir du 1er janvier 1996. Elle est versée proportionnellement au temps de présence [...]. Cette prime d'ancienneté est fixée à 3,84 % ['] l'avantage résultant de la création de cette prime ne peut en aucun cas s'interpréter comme s'ajoutant aux avantages de même nature déjà accordés en fin d'année (par exemple : 13e mois partiel, étrennes') dans certaines entreprises ou certains départements.'
Il ressort des bulletins de salaire de M. [S] qu'il a perçu jusqu'en décembre 2017 une prime d'ancienneté dont les montants en 2017 correspondaient à 3,84 % de son salaire brut conformément à l'article 42 précité. En revanche, de janvier à août 2016, les bulletins de salaire communiqués établissent que la somme versée au titre de la prime d'ancienneté correspondait à 8,99 % du salaire mensuel brut. En 2015, le montant de la prime jusqu'en septembre représentait 97,74 euros soit 6 % du salaire mensuel brut.
La cour relève que la prime d'ancienneté, indifféremment appelée prime de fin d'année ou prime d'ancienneté par l'article 42 de la convention collective est fixée à un pourcentage du salaire mensuel brut de 3,84 %. L'employeur justifie que cette somme a été régulièrement versée au salarié. Cependant pour les mois antérieurs au mois d'août 2016, des pourcentages supérieurs ont été appliqués de façon variable, mais en constante augmentation de sorte que le salarié établit ainsi la volonté de l'employeur de gratifier ses salariés au delà du plancher conventionnel. Il ne pouvait donc sans dénoncer cet engagement en diminuer le montant à partir du mois de novembre 2016 (étant observé qu'aucune des parties ne communique les bulletins de salaire de septembre et octobre 2016) et pour l'année 2017.
M. [S] a exercé en premier lieu son action à l'encontre de la société SNM Boulangerie sur ce chef de demande laquelle a été condamnée à payer à ce titre à M. [S] une somme de 809,30 euros au titre de la prime de fin d'année 2016 et 719,92 euros au titre de la prime de fin d'année 2017. Cette condamnation est aujourd'hui définitive dès lors que M. [S] s'est désisté de son appel. M. [S] qui a été rempli de ses droits par cette condamnation conforme à sa demande et qui ne saisit pas la cour d'une demande de condamnation in solidum de la société KLM [Adresse 5] de ce chef est débouté de sa demande à l'encontre de cette société et de la demande présentée au titre des congés payés afférents. Le jugement du 4 novembre 2020 est donc confirmé en ce qu'il a débouté M. [S] de ces chefs de demande.
Sur la garantie incapacité de travail :
Aux termes de l'article 37. 1 de la convention collective, la garantie maintien de salaires résulte d'un arrêt de travail consécutif à une maladie ou un accident professionnel ou non, pris en charge par la sécurité sociale. L'indemnisation pour un accident de la vie privée ayant entraîné un arrêt de plus de 45 jours comme cela a été le cas pour M. [S] est due à partir du quatrième jour d'arrêt de travail dûment constaté par certificat médical et ce, pendant 180 jours (paragraphe 2, durée d'indemnisation). Le montant de l'indemnisation quel que soit le motif de l'arrêt de travail et pendant toute la période concernée est égal à 90 % du salaire brut moyen des trois derniers mois précédant l'arrêt de travail à l'exclusion des primes présentant un caractère exceptionnel et des gratifications, et sous déduction des indemnités journalières brutes versées par la sécurité sociale (paragraphe 'montant de l'indemnisation' du même article).
M. [S] soutient que son salaire brut moyen calculé sur les trois derniers mois précédant l'arrêt de travail en tenant compte de sa prime d'ancienneté s'établit à 1 879,27 euros de sorte que l'indemnisation mensuelle brute s'effectue sur la base de 90% de ce montant soit 1 691,34 euros soit 10'148,04 euros pour la totalité de la période ; qu'il convient de soustraire à ce montant la somme de 5 799,60 euros perçue au titre des indemnités journalières et la somme de 3 423,89 euros versée le 19 décembre 2019 par la société KLM [Adresse 5] de sorte que lui reste due une somme de 924,55 euros dont il réclame le paiement.
La société KLM [Adresse 5] conclut au rejet de la demande en faisant valoir que M. [S] a été rempli de ses droits par le versement qu'elle a effectué de 3 423,89 euros et même au-delà puisqu'elle lui a versé un trop-perçu de 522,18 euros dont la cour relève que le remboursement n'est pas sollicité à titre reconventionnel dans le dispositif des conclusions de sorte qu'elle n'est pas saisie d'une telle demande.
Par ailleurs la société KLM [Adresse 5] fait valoir que le salaire moyen de M. [S] s'élève à 1 706,14 euros pour les mois d'août, septembre, et octobre 2017 et soutient que les primes ne sont pas incluses encore moins les primes exceptionnelles.
La cour relève toutefois que M. [S] admet qu'il a été fait droit à la demande qu'il présentait à l'encontre de la société SNM Boulangerie à ce titre. La condamnation prononcée par le jugement du 19 juin 2019 est aujourd'hui définitive comme il a été vu ci-dessus. Pour les mêmes motifs, M. [S] est débouté de la demande qu'il présente à l'encontre de la société KLM [Adresse 5]. Le jugement du 4 novembre 2020 est confirmé de ce chef.
Sur le maintien de salaires :
L'article 37. 2 de la convention collective relatif à la garantie incapacité de travail prévoit à compter du 18ème jour et jusqu'aux 1 095ème jour d'arrêt de travail, le salarié bénéficie des indemnité journalière égale à 60 % du salaire journalier de référence sous déduction des indemnités journalières brutes de la sécurité sociale. Le salaire mensuel de référence servant de base au calcul correspond à la moyenne de la rémunération brute des 12 mois d'activité précédant l'arrêt de travail complété par les primes et autres éléments variables perçues au cours de la même période ayant été soumis à cotisations prises en compte dans la limite du plafond mensuel de la sécurité sociale.
M. [S] fait valoir qu'il a perçu pour la période du 26 mai 2018 au 12 octobre 2019 représentant 504 jours une somme de 16'238,88 euros et que son salaire brut moyen des 12 derniers mois précédant l'arrêt de travail est de 1 810,97 euros de sorte que pour la période du 26 mai 2018 au 12 octobre 2019 soit 16 mois et 25 jours lui est due une somme de 18'290,76 euros dont il convient de déduire le montant des sommes perçues au titre des indemnités journalières soit 16'238,88 euros de sorte que lui est due une somme de 2 051,88 euros. Pour la période courant jusqu'au 1er janvier 2020 M. [S] a perçu une somme de 6 682 selon l'attestation de paiement des indemnités journalières en date du 7 août 2020 communiqué, alors qu'il soutient qu'il aurait dû percevoir un montant de 7 606,06 euros . Lui reste donc due une somme de 743,20 euros.
La société KLM [Adresse 5] s'oppose à la demande en faisant valoir que les indemnités journalières de sécurité sociale ne sont plus dues depuis le mois d'octobre 2019 mais la cour relève qu'elles ont été versées comme le soutient justement M. [S] jusqu'au 7 août 2020.
Il est en conséquence fait droit à la demande présentée par M. [S] et la société KLM [Adresse 5] est condamnée à payer à M. [S] la somme de 743,20 euros au titre du maintien de salaires. Le jugement du 4 novembre 2020 est infirmé de ce chef.
Sur le rappel d'heures supplémentaires :
Il résulte des articles L. 3171-2, L. 3171-3 et L. 3171-4 du code du travail dans leur version applicable à l'espèce qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l'ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées. Après analyse des pièces produites par l'une et l'autre des parties, dans l'hypothèse où il retient l'existence d'heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l'importance de celles-ci et fixe les créances salariales s'y rapportant.
M. [S] soutient que depuis depuis 2014, il travaillait du lundi au samedi de 7h30 à 19 heures sans pause soit 11h30 par jour soit 69 heures par semaine alors qu'il n'était payé que sur la base de 35 heures hebdomadaires. Il produit des attestations d'anciens collègues de travail qui confirment qu'il travaillait plus de 35 heures par semaine entre 6 heures du matin et 19 heures le soir, les jours fériés et même lors de ses jours de repos en cas de commande.
La société KLM [Adresse 5] s'oppose à la demande en faisant valoir que les éléments fournis par le salarié ne sont pas suffisamment précis pour lui permettre d'étayer sa demande et que les attestations produites ont été établies pour les besoins de la cause et sont de pure complaisance.
La cour relève que si la demande a été en premier lieu présentée par M. [S] à l'encontre de la société SNM Boulangerie, le conseil de prud'hommes n'a pas statué sur cette demande. Il sollicitait également la condamnation de la société KLM Boulangerie en réalité dénommée KLM [Adresse 5], comme il a été vu ci dessus.
La cour considère que le décompte effectué sur 14 heures supplémentaires par semaine est suffisamment précis pour permettre à l'employeur comptable du temps de travail de son salarié de présenter ses propres éléments pour établir la réalité des heures effectuées.
L'employeur fait valoir que le rappel de salaire présente des incohérences flagrantes puisque M. [S] présente un rappel d'heures supplémentaires à raison de 60 heures par semaine toutes les semaines, alors qu'il a été en arrêt maladie pendant trois jours en décembre 2016, 11 jours en avril 2017 et n'a travaillé que six jours en mai 2017 alors qu'il sollicite un rappel de salaire sur 27 jours.
En conséquence de ce qui précède, au vu des éléments fournis par les deux parties, la cour considère que M. [S] a exécuté des heures supplémentaires mais dans une mesure moindre que celle qu'il revendique et condamne en conséquence la société KLM [Adresse 5] à lui verser à ce titre pour la période courant de novembre 2016 à novembre 2017, les sommes de':
- 10'859 euros à titre de rappel de salaire pour heures supplémentaires majorées conformément aux dispositions de l'article L. 3121-28 du code du travail et sur la base du salaire horaire figurant sur les bulletins de salaire outre 1'085,9 au titre des congés payés afférents. Le jugement du 4 novembre 2020 est infirmé en ce qu'il l'a débouté de ce chef de demande.
Sur la dissimulation d'emploi :
La cour considère que la volonté de dissimulation n'est pas établie par la seule omission des heures supplémentaires sur les bulletins de salaire de sorte qu'en application de l'article L. 8223'1 du code du travail, M. [S] est débouté de ce chef de demande. Le jugement du 4 novembre 2020 est confirmé sur ce point.
Sur la contrepartie obligatoire en repos :
Aucune prétention n'étant formée dans le dispositif des conclusions, la cour n'est saisie d'aucune demande de ce chef malgré les mentions figurant dans le corps des conclusions au titre du non paiement des repos compensateurs pour les heures effectuées au delà du contingent annuel.
Sur la violation de l'obligation de sécurité :
Aux termes de l'article L. 4121-1 du code du travail dans sa version applicable au litige, 'L'employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et la santé physique et mentale des travailleurs . Ces mesures comprennent :
1° des actions de prévention des risques professionnelsy compris ceux mentionnés à l'article L. 4161-1,
2° Des actions d'information et de prévention,
3° la mise en place d'une organisation et de moyens adaptée.
L'employeur veille à l'adapatation de ces mesures pour tenir compte du changement des circonstances et tendre à l'amélioration des mesures existentes.'
Aux termes de l'article L. 4121-2 du code du travail dans sa version applicable au litige, 'L'employeur met en oeuvre les mesures prévues à l'article L. 4121-1 sur le fondement des principes généraux de prévention suivants :
1° Eviter les risques ;
2° Evaluer les risques qui ne peuvent pas être évités ;
3° Combattre les risques à la source ;
4° Adapter le travail à l'homme, en particulier en ce qui concerne la conception des postes de travail ainsi que le choix des équipements de travail et des méthodes de travail et de production, en vue notamment de limiter le travail monotone et le travail cadencé et de réduire les effets de ceux-ci sur la santé ;
5° Tenir compte de l'état d'évolution de la technique ;
6° Remplacer ce qui est dangereux par ce qui n'est pas dangereux ou par ce qui est moins dangereux ;
7° Planifier la prévention en y intégrant, dans un ensemble cohérent, la technique, l'organisation du travail, les conditions de travail, les relations sociales et l'influence des facteurs ambiants, notamment les risques liés au harcèlement moral et au harcèlement sexuel, tels qu'ils sont définis aux articles L. 1152-1 et L. 1153-1 ;
8° Prendre des mesures de protection collective en leur donnant la priorité sur les mesures de protection individuelle ainsi que ceux liés aux agissements sexistes définis à l'article L. 1142-2-1 ;
9° Donner les instructions appropriées aux travailleurs.'
La cour rappelle que ne méconnaît pas l'obligation légale lui imposant de prendre les mesures nécessaires pour assurer et protéger la santé physique et mentale des travailleurs, l'employeur qui justifie avoir pris toutes les mesures prévues par les article L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail.
M. [S] fait valoir que l'employeur n'a pas respecté les préconisations du médecin du travail qui indiquait lors de la visite annuelle du 19 juin 2014 qu'il devait bénéficier d'une pause de 15 minutes toutes les trois heures et d'un port de semelles orthopédiques, préconisations confirmées lors de la visite du 30 juin 2015. Il reproche également à l'employeur le non-respect de des dispositions sur le temps de travail et le non-respect des temps de pause.
La société KLM [Adresse 5] n'étant pas en mesure de justifier des dispositions prises pour assurer le respect des préconisations du médecin du travail, ni le respect de la législation en matière de durée du travail, la faute de l'employeur est établie et il en est résulté un préjudice pour le salarié dont il sera justement indemnisé par l'allocation d'une somme de 1 500 euros. La société KLM [Adresse 5] est condamnée au paiement de cette somme et le jugement du 4 novembre 2020 est infirmé en ce qu'il a débouté M. [S] de ce chef de demande.
Sur le non-respect de la durée maximale hebdomadaire, quotidienne de travail, des temps de pause et la violation du repos hebdomadaire :
M. [S] présente des demandes de dommages intérêts distinctes pour chacune des violations à la législation sur la durée du travail reprochée à l'employeur mais il ne justifie pas d'un préjudice distinct de celui résultant de la violation de l'obligation de sécurité qui faisait état de ces mêmes chefs de préjudice de sorte que ses demandes de dommages-intérêts sont rejetées. Le le jugement du 4 novembre 2020 est confirmé en ce qu'il a débouté M. [S] de ces chefs de demandes.
Sur les dommages-intérêts pour harcèlement moral :
Aux termes de l'article L.1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.
L'article L.1154-1 du même code prévoit qu'en cas de litige, le salarié concerné présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'un harcèlement et il incombe alors à l'employeur, au vu de ces éléments, de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement
M. [S] fait valoir que ses relations avec son employeur ont commencé à se dégrader à compter de sa blessure à la cheville en 2014. Il soutient avoir fait l'objet de pressions, d'insultes de propos dévalorisants et de comportement irrespectueux de la part de son employeur gérant de la société SNM. Il verse aux débats sa déclaration de main courante du 25 septembre 2017 dénonçant les agissements de harcèlement moral dont il a fait l'objet par laquelle il fait état de ce que le gérant a pris les entremets qu'il avait préparés et les a jetés au sol le 27 novembre 2016 et a joué avec un couteau devant lui le 18 septembre 2017 pour lui faire peur. Il s'appuie également sur des courriers de sa part du 14 décembre 2016 et du 4 novembre 2017.
La cour considère toutefois que les faits allégués par M. [S] tels qu'énoncés dans sa déclaration de main courante qui ne sont corroborés par aucun élément objectif alors que les courriers dont il fait état ne sont accompagnés d'aucun justificatif d'envoi à l'employeur d'autant que le premier ne mentionne même pas à qu'il a été adressé ne suffisent pas à établir la matérialité des faits précis et concordants dont l'ensemble serait susceptible de laisser supposer des agissements de harcèlement moral.
La demande de dommages-intérêts est rejetée et le jugement confirmé en ce qu'il a débouté M. [S] de ce chef de demande.
Sur la rupture du contrat travail :
Sur la demande de résiliation judiciaire :
Tout salarié peut demander la résiliation judiciaire de son contrat de travail en cas d'inexécution par l'employeur de ses obligations contractuelles conformément aux dispositions de l'article 1224 du code civil. Il appartient au salarié de rapporter la preuve des faits qu'il allègue à l'encontre de l'employeur à l'appui de sa demande et les manquements de l'employeur à ses obligations doivent être d'une gravité suffisante pour empêcher la poursuite du contrat de travail. Lorsqu'un salarié demande la résiliation judiciaire de son contrat de travail en raison de faits qu'il reproche à son employeur tout en continuant à travailler à son service et que ce dernier le licencie ultérieurement comme c'est le cas en l'espèce, le juge doit d'abord rechercher si la demande de résiliation du contrat était justifiée et, si tel est le cas, fixer la date de la rupture à la date d'envoi de la lettre de licenciement.
M. [S] sollicite la résiliation judiciaire du contrat travail en invoquant à l'encontre de l'employeur les manquements suivants :
- le non paiement du complément maladie,
- le non paiement des majorations salariales,
- le non paiement des primes d'ancienneté et de fin d'année,
- la violation de l'obligation de sécurité,
- l'absence de recherche de reclassement.
S'agissant de l'absence de recherche de reclassement la cour rappelle qu'elle n'est pas saisie d'une quelconque demande au titre du licenciement pour inaptitude de M. [S], une procédure étant pendante devant le conseil de prud'hommes sur ce point, de sorte que le manquement allégué n'est pas retenu.
La cour a retenu que que les autres manquements étaient établis et observe que le manquement à l'obligation de sécurité, concernant à la fois le non-respect des préconisations du médecin du travail et le non-respect de la législation relative à la durée du travail et au temps de repos est de de nature à empêcher la poursuite du contrat travail de sorte que la cour prononce la résiliation judiciaire du contrat travail, celle-ci faisant effet au 15 janvier 2021 date du licenciement.
Sur les conséquences de la résiliation judiciaire du contrat travail':
Sur l'indemnité compensatrice de préavis :
M. [S] bénéficiant d'une ancienneté de plus de deux ans et du statut de travailleur handicapé a droit à une indemnité compensatrice de préavis équivalente à trois mois de salaire en application de l'article L. 5213-9 du code du travail et de l'article 32 de la convention collective. La cour condamne en conséquence la société KLM [Adresse 5] à lui payer à ce titre sur la base du salaire qu'il aurait perçu s'il avait travaillé une somme de 5 362,65 euros outre 536,26 euros à titre d'indemnité compensatrice de congés payés sur préavis. Le jugement du 4 novembre 2020 est infirmé en ce qu'il l'a débouté de ce chef de demande.
Sur l'indemnité conventionnelle de licenciement :
En application de l'article 33 de la convention collective, renvoyant aux dispositions légales et sur la base la base d'un salaire de référence que la cour fixe à 2 795,35 euros brut au vu des bulletins de salaire des trois derniers mois, établissant la moyenne la plus favorable au salarié, en prenant en compte la condamnation prononcée au titre des heures supplémentaires, la cour condamne la société KLM [Adresse 5] à payer à M. [S] la somme de 6 988,37 euros à ce titre. Le jugement est infirmé en ce qu'il l'a débouté de ce chef de demande.
Sur l'indemnité pour licenciement nul ou subsidiairement sans cause réelle et sérieuse :
La cour n'ayant pas retenu que M. [S] avaient été victime d'agissement de harcèlement moral, sa demande de nullité du licenciement est rejetée.
Sur l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse la société KLM [Adresse 5] employant moins de 11 salariés et M. [S] bénéficiant d'une ancienneté depuis le 5 octobre 2006 soit 13 années complètes, il doit bénéficier d'une indemnité au titre du licenciement sans cause abusive et sérieuse comprise entre 3 et 11 mois et demi de salaire brut en application de l'article L. 1235-3 du code du travail.
.
Eu égard à l'âge du salarié (né en 1969), au montant de son salaire brut, aux circonstances de la rupture, à ce qu'il justifie de sa situation postérieure à celle-ci, la cour condamne la société KLM [Adresse 5] à verser à M. [S] la somme de 16'000 euros suffisant à réparer son entier préjudice le jugement est infirmé en ce qu'il l'a débouté de ce chef de demande.
Sur les autres demandes :
Les intérêts au taux légal portant sur les condamnations de nature salariale sont dus à compter de la réception par la société KLM [Adresse 5] de sa convocation devant le bureau de conviliation et d'orientation soit le 16 juillet 2018 selon les mentions figurant sur l'accusé de réception.
La capitalisation des intérêts échus dus au moins pour une année entière est ordonnée en application de l'article 1343-2 du code du travail.
La société KLM [Adresse 5] devra rembourser à Pôle emploi les indemnités de chômage éventuellement versées au salarié depuis son licenciement dans la limite de trois mois, en application de l'article L. 1235-4 du code du travail,
La société KLM [Adresse 5] devra remettre à M. [S] une attestation ASSEDIC, un bulletin de paie récapitulatif conformes à la présente décision sans qu'il soit nécessaire de prononcer une astreinte, la demande en ce sens est rejetée.
La société KLM [Adresse 5], partie perdante et condamnée aux dépens et doit indemniser M. [S] des frais exposés par lui et non compris dans les dépens à hauteur de la somme de 1 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS :
La cour, statuant contradictoirement et par mise à disposition au greffe,
INFIRME le jugement du 19 juin 2019 en ce qu'il a mis hors de cause la société KLM Boulangerie en réalité dénommée KLM [Adresse 5]
CONFIRME le jugement du 4 novembre 2020 sauf en ce qu'il a débouté M. [Z] [S] de ses demandes de majoration des jours fériés travaillés, rappel de maintien de salaire, rappel de salaire sur heures supplémentaires et congés payés afférents, dommages-intérêts pour violation de l'obligation de sécurité,
Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant :
DÉCLARE la demande d'indemnité de requalification présentée par M. [Z] [S] irrecevable en raison de la prescription,
REJETTE les exceptions soulevées par la société KLM [Adresse 5] en irrecevabilité des demandes présentées par M. [Z] [S] en raison de l'autorité de la chose jugée,
REJETTE la demande présentée par la société KLM [Adresse 5] en irrecevabilté des demandes présentées par M. [Z] [S] comme nouvelles,
PRONONCE la résiliation judiciaire du contrat de travail et dit qu'elle produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse au 15 janvier 2021,
CONDAMNE la société KLM [Adresse 5] à verser à M. [Z] [S] les sommes de :
- 733,77 euros au titre de la majoration des jours fériés travaillés outre 73,37 euros au titre des congés payés afférents pour la période courant de novembre 2016 à novembre 2017,
- 743,20 euros à titre de rappel de maintien de salaire,
- 10'859 euros à titre de rappel de salaire pour heures supplémentaires outre 1'085,9 au titre des congés payés afférents pour la période courant de novembre 2016 à novembre 2017,
- 1 500 euros de dommages-intérêts en réparation du préjudice subi en raison du non-respect de l'obligation de sécurité,
- 5 362,65 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis outre 536,26 euros au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés sur préavis,
- 6 988,37 euros à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement,
- 16'000 euros de dommages-intérêts pour rupture abusive du contrat de travail,
DIT que les intérêts au taux légal portant sur les condamnations de nature salariale sont dus à compter du 16 juillet 2018 et les intérêts au taux légal portant sur les condamnations de nature indemnitaire à compter de ce jour,
ORDONNE la capitalisation des intérêts échus, dus au moins pour une année entière,
ORDONNE à la société KLM [Adresse 5] de rembourser à Pôle emploi les indemnités de chômage éventuellement versées au salarié depuis son licenciement dans la limite de trois mois,
ORDONNE à la société KLM [Adresse 5] de remettre à M. [Z] [S] une attestation ASSEDIC et un bulletin de paie récapitulatif conformes à la présente décision,
DÉBOUTE M. [Z] [S] du surplus de ses demandes,
DIT n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile au profit de la société KLM [Adresse 5],
CONDAMNE la société KLM [Adresse 5] à verser à M. [Z] [S] une somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE