Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 1 - Chambre 9
ARRET DU 16 JANVIER 2023
(N° 16 /2023, 4 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 20/00470 - N° Portalis 35L7-V-B7E-CCRYH
Décision déférée à la Cour : Décision du 29 Juillet 2020 -Bâtonnier de l'ordre des avocats de PARIS - RG n° 220/323535
APPELANTE
Madame [P] [E] [I]
[Adresse 2]
[Localité 4] (ITALIE)
Représentée par Me Luc MONIN, avocat au barreau de PARIS, toque : C1973
INTIME
Maître [T] [L]
[Adresse 1]
[Localité 3]
Comparant en personne
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 786 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 14 Novembre 2022, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposé, devant Mme Claire DAVID, magistrat honoraire désigné par décret du 17 août 2020 du Président de la République aux fins d'exercer des fonctions juridictionnelles, entendue en son rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
M Michel RISPE, Président de chambre
Mme Laurence CHAINTRON, Conseillère
Mme Claire DAVID, Magistrat honoraire
Greffier, lors des débats : Mme Marylène BOGAERS
ARRÊT :
- contradictoire
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par M Michel RISPE, Président de chambre et par Eléa DESPRETZ, Greffière présente lors du prononcé.
Vu les articles 174 et suivants du décret n°91-1197 du 27 novembre 1991, l'article 10 de la loi du 31 décembre 1971 modifiée par la loi du 28 mars 2011 et les articles 10 et suivants du décret n°2005-790 du 12 juillet 2005 ;
Vu le recours formé par Madame [I] auprès du Premier président de la cour d'appel de Paris, par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 28 octobre 2020, à l'encontre de la décision rendue le 29 juillet 2020 par le bâtonnier de l'Ordre des avocats du barreau de Paris, qui a :
- fixé à la somme de 65 000 euros HT le montant total des honoraires dûs à Maître [L],
- constaté qu'un paiement de 1 500 euros HT a été effectué,
- dit en conséquence que Madame [I] devra verser à Maître [L] la somme de 63 500 euros HT avec intérêts au taux légal à compter de la saisine du bâtonnier, outre la TVA au taux de 20 %, 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et 208,24 euros à titre de frais ;
Vu les conclusions régulièrement notifiées et soutenues à l'audience, aux termes desquelles Madame [I] demande à la cour :
- d'infirmer la décision déférée,
- de ramener le montant des honoraires dûs à 3 500 euros HT,
A titre subsidiaire,
- de fixer les honoraires à 3 875 euros HT,
En tout état de cause,
- de condamner Maître [L] à lui verser 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
Vu les conclusions régulièrement notifiées et soutenues à l'audience par Maître [L] qui demande à la cour de confirmer la décision et de condamner Madame [I] à lui verser 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
SUR CE,
La décision du bâtonnier a été notifiée à Madame [I] par lettre recommandée avec accusé de réception reçue le 1er septembre 2020 à son domicile situé en Italie ; en conséquence, le recours introduit dans les formes et dans le délai légal est recevable.
Madame [I] et Maître [L] ont signé le 28 mars 2017 une convention d'honoraires donnant mission à Maître [L] d'assister et de représenter sa cliente dans le cadre du litige relatif au règlement de la succession de son père et prévoyant d'engager une procédure en vue d'obtenir l'annulation des dispositions testamentaires du défunt, une procédure afin de rétablir sa réserve héréditaire, une procédure en nullité d'adoption, ainsi que toute autre procédure, civile ou pénale, que l'avocat estimera conforme à la défense de ses intérêts.
Cette convention prévoit des honoraires forfaitaires de diligences de 5 000 euros HT, outre les frais et il est précisé que la cliente a opté pour une facturation forfaitaire et non au temps passé, 'de sorte que l'avocat ne sera pas tenu de lui fournir un relevé détaillé horaire de ses diligences'.
Il est ensuite précisé à l'article 2 la perception d'honoraires de diligences différés fixés à 2,5 % net des droits de succession et frais notariés correspondant à la part successorale au jour de la signature de la convention et payables au moment effectif du partage et de la perception par la cliente de sa part.
Il était enfin prévu un honoraire de résultat de 10 % des sommes allouées.
La convention ajoute en son article 6 qu'en cas de changement d'avocat, la cliente sera 'redevable d'une somme forfaitaire et définitive et due quel que soit le temps passé par l'avocat sur le dossier, fixée à la somme de 20 000 euros HT représentant environ 1 % de sa part successorale'.
Aucun taux horaire n'est prévu à la convention.
Le 20 février 2019, Madame [I] a dessaisi Maître [L] et elle en conclut qu'elle ne peut être tenue qu'au paiement d'une somme maximale de 20 000 euros HT, qu'elle demande au surplus de réduire à 5 000 euros HT, dès lors que son avocat n'a consacré que 31 heures sur le dossier, ce à quoi Maître [L] réplique que l'article 6 de la convention correspond seulement à une clause pénale, qu'il a en conséquence droit à la totalité de ses honoraires qui sont dûs au temps passé, qu'il a travaillé 240 heures sur le dossier et que c'est lui-même qui a mis fin à sa mission le 17 avril 2019.
Mais il résulte d'un courrier électronique du 20 février 2019 que Maître [L] a répondu à sa cliente qu'il prenait acte du fait qu'elle souhaitait reprendre les procédures qu'elle lui avait confiées, mais il lui donnait cependant rendez-vous afin de conclure une nouvelle convention d'honoraires à propos d'un litige [W].
Un ultime rendez-vous s'est déroulé le 06 avril 2019.
Maître [L] a produit une fiche de diligences datée du 07 août 2019, décrivant toutes les procédures qu'il a engagées pour le compte de sa cliente du 25 juillet 2016 au 20 mai 2019, fixant le nombre total d'heures de travail à 284 heures et précisant que son taux horaire s'élève à 350 euros HT.
Il en conclut que ses honoraires s'élèvent à la somme totale de 99 400 euros HT et que les frais se montent à 208,24 euros.
Trois notes d'honoraires sont produites aux débats, toutes les trois datées du 20 mai 2019, la première établie pour 84 000 euros HT en règlement de 240,5 heures de travail, la seconde pour 5 950 euros HT en règlement de 17 heures de travail et la troisième pour 9 450 euros HT en paiement de 27 heures de travail.
Il appartient en premier lieu à la cour de statuer sur le point de savoir, comme le soutient Maître [L], si l'article 6 de la convention équivaut seulement à une clause pénale ou bien s'il s'agit des honoraires dûs à titre forfaitaire après dessaisissement de l'avocat.
L'inexécution ou le retard mis par l'un des contractants à exécuter ses obligations, entraîne pour l'autre partie au contrat un dommage qui se résout en dommage-intérêts qui peuvent être prévus dans une clause pénale.
Force est de constater que l'article 6 de la convention ne fait aucunement référence à des dommages et intérêts, mais précise seulement que la somme forfaitaire de 20 000 euros correspond à 1 % de la part successorale de Madame [I] et est due quel que soit le travail accompli par l'avocat.
Enfin, la somme forfaitaire prévue à cette clause ne peut pas correspondre à une indemnité qui serait liée à l'inexécution des obligations de la cliente, dès lors que le mandant est libre de révoquer son mandat, sauf à ne pas commettre un abus de droit, ce qui n'est pas soutenu en l'espèce.
En conséquence, l'indemnité contractuelle prévue en cas résiliation constitue un simple aménagement des conditions de rupture du contrat et, dès lors, ne représente que le prix de la faculté de résiliation unilatérale, en dehors de toute notion d'inexécution, de sorte qu'elle n'a pas le caractère d'une clause pénale susceptible d'être modifiée par le juge mais d'une clause de dédit.
Madame [I] reconnaît elle-même dans ses écritures que 'la clause convenue entre les parties qui est claire et précise doit s'appliquer'.
Elle en demande cependant la réduction, au motif que Maître [L] n'aurait travaillé que 31 heures sur son dossier.
Mais la clause de dédit n'est pas soumise à réduction judiciaire, dès lors que les parties ont seulement prévu une compensation en cas d'exercice du droit de rétractation du contrat.
Il appartient en conséquence au juge de l'honoraire d'appliquer les dispositions contractuelles et de dire que Madame [I] est tenue au paiement de la somme de 20 000 euros HT, de laquelle il convient de déduire la somme de 1 500 euros HT déjà réglée et de dire que les intérêts sont dûs à compter de la présente décision qui a procédé à la fixation du montant des honoraires.
Madame [I] est tenue de régler les frais et débours qui ne sont pas compris dans les honoraires et qui sont justifiés à hauteur de 208,24 euros.
Il n'est pas inéquitable de laisser à la charge des parties les frais exposés au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
Statuant en dernier ressort, publiquement par mise à disposition au Greffe et par décisison contradictoire
Infirme la décision déférée,
Statuant à nouveau,
Fixe les honoraires dûs à Maître [L] à la somme de 20 000 euros HT,
Constate le versement de la somme de 1 500 euros HT,
Condamne en conséquence Madame [I] à régler à Maître [L] la somme de 18 500 euros HT, outre la TVA de 20 %, avec intérêts au taux légal à compter de la présente décision,
Condamne Madame [I] à régler à Maître [L] la somme de 208,24 euros à titre de frais,
Condamne Madame [I] aux dépens,
Dit qu'en application de l'article 177 du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991, l'arrêt sera notifié aux parties par le greffe de la cour par lettre recommandée avec accusé de réception et vaut convocation à l'audience.
LA GREFFIERE LE PRESIDENT DE CHAMBRE