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25/01/2023 | FRANCE | N°17/12672

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 3, 25 janvier 2023, 17/12672


Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 3



ARRET DU 25 JANVIER 2023



(n° , 10 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 17/12672 - N° Portalis 35L7-V-B7B-B4INH



Décision déférée à la Cour : Jugement du 21 Août 2017 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de MELUN - RG n° F 15/00290



APPELANTES



Société JK PLAY anciennement JK VETEMENTS

[Adresse 1]
>[Localité 4]

Représentée par Me Ludovic SAUTELET, avocat au barreau de PARIS, toque : D1844



INTIMEES



Madame [S] [I]

[Adresse 2]

[Localité 5]

Représentée par Me Ghi...

Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 3

ARRET DU 25 JANVIER 2023

(n° , 10 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 17/12672 - N° Portalis 35L7-V-B7B-B4INH

Décision déférée à la Cour : Jugement du 21 Août 2017 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de MELUN - RG n° F 15/00290

APPELANTES

Société JK PLAY anciennement JK VETEMENTS

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représentée par Me Ludovic SAUTELET, avocat au barreau de PARIS, toque : D1844

INTIMEES

Madame [S] [I]

[Adresse 2]

[Localité 5]

Représentée par Me Ghislain DADI, avocat au barreau de PARIS, toque : A0257

PARTIE INTERVENANTE

SCP [P]-HAZANE prise en la personne de Me [X][P] ès qualités de mandataire judiciaire de la Société JK PLAY anciennement JK VETEMENTS

[Adresse 6]

[Adresse 6]

[Localité 3]

Représentée par Me Ludovic SAUTELET, avocat au barreau de PARIS, toque : D1844

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 05 Décembre 2022, en audience publique, les avocats ne s'étant pas opposés à la composition non collégiale de la formation, devant Madame Fabienne ROUGE, Présidente, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :

Madame Fabienne ROUGE, présidente

Madame Anne MENARD, présidente

Madame Véronique MARMORAT, présidente

Greffier, lors des débats : Sarah SEBBAK, stagiaire en préaffectation sur poste

ARRÊT :

- Contradictoire

- mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile,

- signé par Madame Fabienne ROUGE, présidente et par Madame Sarah SEBBAK, greffière stagiaire en préaffectation sur poste , à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSE DU LITIGE

Mme [S] [I] a été engagée, en qualité d'employée vendeuse catégorie 2, par la société Family Shop selon un premier contrat à durée déterminée à temps partiel à compter du 9 février 2012 pour le remplacement d'une salariée absente, puis à temps plein à compter du 5 mars 2012, selon un avenant du 9 février 2012, et enfin selon un deuxième contrat à durée déterminée du 20 avril 2012, pour le même motif.

Le contrat de travail de Mme [S] [I] a été transféré à la société JK Vêtements à compter du 1er mars 2013 aux termes d'un avenant en date du 28 février 2013 et s'est poursuivi dans le cadre d'un contrat à durée indéterminée à compter du 15 mars 2013, Mme [S] [I] exerçant les fonctions d'assistante de direction, ce avec reprise de son ancienneté au 20 avril 2020.

La société JK Vêtements exploite une boutique de vêtements hard discount.

Elle est liée à la Sarl Central V par un contrat de franchises de services ainsi que par un contrat de dépôt-vente.

La convention collective applicable est celle du commerce de détail de l'habillement et des articles textiles.

Mme [S] [I] a été convoquée le 5 mars 2015 pour le 13 mars suivant à un entretien préalable à son éventuel licenciement.

La Sas JK Play anciennement JK Vêtements lui a notifié son licenciement pour faute grave par lettre recommandée en date du 31 mars 2015 selon les motifs suivants :

Contestant son licenciement et estimant ne pas être remplie de ses droits, Mme [S] [I] a le 15 avril 2015, saisi le conseil de prud'hommes de Melun qui, par jugement du 21 août 2017, a : 

- requalifié le licenciement pour faute grave intervenu à l'encontre de madame [I], en un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

- condamné la société JK Vêtements à verser à Mme [S] [I] les sommes de :

7 724, 00 euros à titre de dommages et intérêts pour rupture abusive

3 862, 02 euros au titre de l'indemnité de préavis

386, 20 euros au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés y afférents

1 158,60 euros au titre de l'indemnité de licenciement

1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

- ordonné à la société JK Vêtements de remettre à Mme [S] [I] des bulletins de salaires conformes à la présente décision dans un délai de 8 jours à compter du jugement à intervenir sous astreinte de 50 euros par jour de retard pour l'ensemble des bulletins de paye, pendant 30 jours,

le conseil se réservant le pouvoir de liquider l'astreinte et d'en fixer une définitive.

- débouté la société JK Vêtements de sa demande reconventionnelle au titre de l'article 700 du code de procédure civile

- débouté Mme [S] [I] du surplus de ses demandes

- condamné la société JK Vêtements aux entiers dépens

- ordonné l'exécution provisoire de l'ensemble du jugement sur le fondement de l'article 515 du code de procédure civile.

La Sas JK Vêtements a interjeté appel par déclaration en date du 11 octobre 2017.

Par jugement en date du 3 mai 2021, le tribunal de commerce de Melun a prononcé l'ouverture d'une ouverture de redressement judiciaire à l'égard de la Sas JK Play anciennement JK Vêtements, la Scp [P]-Hazane, représentée par Maître [X] [P] étant désignée en qualité de mandataire judiciaire.

Ce même tribunal a, par jugement du 4 avril 2012, arrêté le plan de redressement de la Sas JK Play anciennement JK Vêtements.

Par ordonnance en date du 12 septembre 2022, le juge-commissaire au redressement judiciaire de la Sas JK Play a mis fin à la mission du mandataire judiciaire.

Dans ses dernières conclusions notifiées et déposées au greffe par voie électronique le 27 octobre 2022, la Sas JK Play anciennement JK Vêtements demande à la cour d'infirmer le jugement déféré en ce qu'il a :

- requalifié le licenciement pour faute grave intervenu à l'encontre de madame [I], en un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

- condamné la société JK Vêtements à verser à Mme [S] [I] les sommes de :

7 724, 00 euros à titre de dommages et intérêts pour rupture abusive

3 862, 02 euros au titre de l'indemnité de préavis

386, 20 euros au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés y afférents

1 158,60 euros au titre de l'indemnité de licenciement

1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

- ordonné à la société JK Vêtements de remettre à Mme [S] [I] des bulletins de salaires conformes à la présente décision dans un délai de 8 jours à compter du jugement à intervenir sous astreinte de 50 euros par jour de retard pour l'ensemble des bulletins de paye, pendant 30 jours, le conseil se réservant le pouvoir de liquider l'astreinte et d'en fixer une définitive,

- débouté la société JK Vêtements de sa demande reconventionnelle au titre de l'article 700 du code de procédure civile

- condamné la société JK Vêtements aux entiers dépens

- ordonné l'exécution provisoire de l'ensemble du jugement sur le fondement de l'article 515 du code de procédure civile

Et statuant à nouveau,

- juger que le licenciement de Mme [S] [I] est fondé sur une faute grave

A titre subsidiaire,

- juger que le licenciement repose sur une cause réelle et sérieuse

A titre infiniment subsidiaire,

- juger que Mme [S] [I] ne démontre pas l'étendue de son préjudice

Sur les demandes de Mme [S] [I] :

a/

- juger que les contrats de travail à durée déterminée sont intervenus pour le même motif, à savoir le remplacement de Mme [K], vendeuse-caissière,

- juger que Mme [K] a été absente de l'entreprise entre le 9 février 2012 et le 15 mars 2013, d'abord du fait d'un état de grossesse et par la suite en raison de la prise d'un congé parental prolongé

- que JK Play (anciennement dénommé JK Vêtements) démontre la réalité du motif d'absence de la salariée remplacée

- juger que les contrats de travail à durée déterminée mentionnent clairement le nom et la qualification de la personne remplacée.

- débouter Mme [I] de ses demandes

- confirmer le jugement.

b/

- juger que Mme [I] a été en arrêt maladie du 16 mars 2015 jusqu'à la date de rupture du contrat de travail, la date de notification du licenciement étant intervenue par lettre du 31 mars reçue le 3 avril 2015

- juger que le contrat de travail était suspendu de sorte que JK Play (anciennement JK Vêtements) n'était pas tenue de verser de rémunération

- débouter Mme [I] de ses demandes

- confirmer le jugement

c/

- juger que Mme [I] ne fournit pas d'élément de nature à étayer sa demande sur les heures supplémentaires non payées qu'elle prétend avoir effectuées,

En conséquence,

- la débouter de ses demandes

- confirmer le jugement

En tout état de cause,

- débouter Mme [I] de l'ensemble de ses demandes.

- condamner Mme [I] au paiement de la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

Dans ses dernières conclusions notifiées et déposées au greffe par voie électronique le 27 octobre 2022, la Scp [P]-Hazane, représentée par Maître [X] [P] prise en sa qualité de mandataire judiciaire sollicite sa mise hors de cause.

Dans ses dernières conclusions notifiées et déposées au greffe par voie électronique le 1er décembre 2021 auxquelles il convient de se reporter, Mme [S] [I] demande à la cour de :

- fixer son salaire à la somme de 1931, 01 euros (moyenne des 3 derniers mois),

- requalifier les contrats de travail à durée déterminée en un contrat de travail à durée indéterminée

- dire le licenciement sans cause réelle et sérieuse, ou à titre subsidiaire requalifier la faute grave en cause sérieuse,

- dire que l'effectif du groupe est de plus de 11 salariés à défaut de démonstration contraire.

- confirmer le jugement entrepris et condamner la société JK Vêtements aux sommes suivantes :

dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle ni sérieuse ou à titre subsidiaire abusif, confirmer la condamnation à 7724 euros mais y ajoutant 20000 euros.

indemnité de préavis : 3862, 02 euros

indemnité compensatrice de congés payés afférents : 386, 20 euros

indemnité de licenciement : 1158, 60 euros

rappel de salaire du 16 mars au 5 avril 2015 : 1303, 44 euros

indemnité compensatrice de congés payés afférents : 130, 44 euros

Rappel de salaire au titre des heures supplémentaires : 1732, 34 euros

indemnité compensatrice de congés payés afférents: 173, 23 euros

frais irrépétibles (art. 700 du code de procédure civile) (confirmer la somme de 1500 euros mais y ajouter) : 3 000 euros

- infirmer le jugement entrepris, statuant à nouveau,

indemnité de requalification du contrat de travail à durée déterminée en contrat de travail à durée indéterminée : 1 931, 01 euros

rappel de salaire du 16 mars au 5 avril 2015 : 1 303, 44 euros

indemnité compensatrice de congés payés afférents : 130, 34 euros

rappel de salaire au titre des heures supplémentaires : 1732, 34 euros

indemnité compensatrice de congés payés afférents : 173, 23 euros

- ordonner le remboursement par l'employeur à Pôle emploi des indemnités de chômage qui lui ont été versées, dans la limite de six mois d'indemnités

La clôture de l'instruction de l'affaire a été prononcée par ordonnance en date du 8 novembre 2022.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des prétentions des parties, la cour se réfère à leurs conclusions développées lors de l'audience des débats.

MOTIFS:

Sur la mise hors de cause de Scp [P]-Hazane, représentée par Maître [X] [P] prise en sa qualité de mandataire judiciaire de la Sas JK Play anciennement JK Vêtements.

La Scp [P]-Hazane, représentée par Maître [X] [P] prise en sa qualité de mandataire judiciaire de la Sas JK Play anciennement JK Vêtements justifie de ce que le juge commissaire a mis fin à sa mission aux termes d'une ordonnance rendue le 12 septembre 2022.

Il convient par conséquent de la mettre hors de cause.

Sur la demande de requalification du contrat de travail :

Selon l'article L.1242-1 du code du travail, un contrat de travail à durée déterminée, quel que soit son motif, ne peut avoir ni pour objet ni pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à l'activité normale et permanente de l'entreprise.

L'article L.1242-2 du même code dispose que, sous réserve des contrats spéciaux prévus à l'article L.1242-3, un contrat de travail à durée déterminée ne peut être conclu que pour l'exécution d'une tâche précise et temporaire et seulement dans les cinq cas qu'il énumère, parmi lesquels figurent le remplacement d'un salarié (1°), l'accroissement temporaire d'activité (2°) et les emplois saisonniers ou pour lesquels, dans certains secteurs d'activité définis par décret ou par convention ou accord collectif étendu, il est d'usage de ne pas recourir au contrat de travail à durée indéterminée en raison de la nature de l'activité exercée et du caractère par nature temporaire de ces emplois(3°).

Aux termes de l'article L.1242-12 du code du travail, le contrat de travail à durée déterminée est établi par écrit et comporte la définition précise de son motif, et notamment les mentions énumérées par ce texte ; à défaut, il est réputé être conclu à durée indéterminée.

Selon l'article L.1245-1 du code du travail, est réputé à durée indéterminée tout contrat conclu en méconnaissance des dispositions des articles L.1242-1 à L.1242-4, L.1242-6 à L.1242-8; L.1242-12 alinéa 1, L.1243-11 alinéa 1, L.1243-13, L.1244-3 et L.1244-4 du même code.

Les effets de la requalification, lorsqu'elle est prononcée, remontent à la date du premier contrat de travail à durée déterminée irrégulier.

La société JK Vêtements fait valoir que les contrats de travail à durée déterminée successifs ont été conclus pour le même motif, à savoir le remplacement de Mme [K], vendeuse-caissière, absente de l'entreprise entre le 9 février 2012 et le 15 mars 2013 en raison d'une grossesse puis d'un congé parental prolongé.

Madame [S] [I] fait valoir qu'elle n'aurait pas pu être recrutée dans le cadre d'un contrat de travail à durée déterminée pour remplacer Mme [K] dès lors qu'elles n'avaient pas les mêmes fonctions, cette dernière, vendeuse relevant de la catégorie 3 et non pas de la catégorie 2 comme elle-même, que de plus elle a, dans un premier temps, été embauchée à temps partiel alors que Mme [K] occupait un temps plein, que l'employeur ne démontre pas que les conditions d'un remplacement dit en cascade étaient réunies et que son poste correspondait à l'activité normale et permanente de l'entreprise.

Force est de constater que :

- Mme [S] [I] ne conteste pas l'absence de Mme [K], et par conséquent la réalité du motif indiqué dans les contrats de travail à durée déterminée successifs la liant à la Sas JK Play, dont la réalité est de plus établi par l'employeur qui produit ses arrêts de travail,

- ses attributions ont été détaillées avec précision dans son premier contrat, comme dans le second, s'agissant effectivement de missions proches de celle d'une salariée relevant de la catégorie 3, l'organisation ainsi mise en place relevant du pouvoir de direction de l'employeur.

Rien ne permet d'établir qu'elle occupait, ainsi qu'elle le soutient, un emploi lié à l'activité normale et permanente de l'entreprise.

Il y a lieu de confirmer le jugement en ce qu'il a débouté Mme [S] [I] de sa demande de requalification des contrats de travail à durée déterminée en contrat de travail à durée indéterminée.

Sur le rappel de salaires du 16 mars au 5 avril 2015 :

Madame [S] [I] soutient que son employeur aurait cessé de la rémunérer à compter de son entretien préalable, alors qu'aucune mise à pied conservatoire n'a été prononcée.

La société JK Vêtements fait valoir que madame [I] aurait été en arrêt maladie à compter du 16 mars 2015.Son contrat de travail aurait donc été suspendu et il n'aurait pas été obligé de lui verser une rémunération.

Il est indiqué dans la lettre de convocation à l'entretien préalable que Mme [S] [I] est dispensée de sa prestation de travail jusqu'à la décision à intervenir à la suite de cette convocation avec cette précision : ' Votre rémunération vous sera maintenue pendant cette dispense'.

Les photocopies d'arrêt de travail que communique l'employeur étant quasiment illisibles, sont dépourvues dès lors de toute force probante.

Il y a lieu, par conséquent, infirmant le jugement entrepris sur ce point, de faire droit à la demande de la salariée et de condamner la Sas JK Play anciennement JK Vêtements à lui verser la somme de 1 303,44 euros qu'elle réclame au titre de ses salaires du 16 mars au 5 avril 2015.

Sur les heures supplémentaires :

La durée légale du travail effectif prévue à l'article L.3121-1 du code du travail constitue le seuil de déclenchement des heures supplémentaires payées à un taux majoré.

Toute heure accomplie au-delà de la durée légale hebdomadaire ou de la durée considérée comme équivalente est une heure supplémentaire qui ouvre droit à une majoration salariale ou, le cas échéant, à un repos compensateur équivalent.

Aux termes de l'article L.3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail effectuées, l'employeur doit fournir au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié.

Le juge forme sa conviction au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.

Si la preuve des horaires de travail effectués n'incombe ainsi spécialement à aucune des parties et si l'employeur doit être en mesure de fournir des éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié, il appartient à ce dernier de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments.

En l'espèce, Mme [S] [I] expose qu'à compter de sa promotion au poste d'assistante de direction, ses nouvelles responsabilités lui ont imposé d'effectuer des heures supplémentaires qui n'ont pas été rémunérées et qu'elle a ainsi effectué 124,4 heures supplémentaires de septembre 2013 jusqu'à son licenciement.

Pour étayer ses dires, elle produit notamment les calendriers des années 2013,2014 et 2015 sur lesquels elle a mentionné ses heures de travail quotidien ainsi que le tableau récapitulatif qu'elle a ensuite établi.

La salariée produit ainsi des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'elle prétend avoir accomplies permettant à l'employeur d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments.

L'employeur souligne que Mme [S] [I] n'avait pas formé cette demande devant le bureau de conciliation, que Mme [S] [I] ne demande des heures supplémentaires qu'à compter de septembre et non pas mars 2013, date de son embauche en qualité d'assistante de direction, qu'à aucun moment il ne lui a été demandé de dépasser l'horaire de travail défini dans son contrat de travail (39 heures soit 35 heures et 4 heures supplémentaires), que c'est elle-même qui établissait le planning des salariés, y compris le sien.

Elle fait observer que le calendrier qu'elle a complété ne correspond pas aux plannings qu'elle a établis pendant l'exécution du contrat de travail.

L'employeur produit les plannings renseignés par la salariée elle-même, qui parfois apportait des rectifications manuelles aux tableaux qu'elle établissait pour l'ensemble du personnel, ainsi que des 'exemples statistiques de caisse' montrant, par exemple, que la caisse a été fermée à 19 h15 le 2 octobre 2014 à 19 h 19 le 4 octobre de la même année, à 19 h 15 le 19 novembre 2014 et à 19 h 01 le 26 décembre 2014, alors que Mme [S] [I] indique avoir terminé postérieurement sur son relevé manuscrit.

Il communique également une capture de son site internet comportant l'indication des heures d'ouverture du magasin sept jours sur sept, sans interruption (9h 30 à 19 h30, 10 h à 19 h le dimanche).

La Sas JK Play anciennement JK Vêtements fait observer qu'il existe des contradictions entre les plannings de Mme [S] [I] et le relevé d'heures supplémentaires qu'elle produit.

Ainsi Mme [S] [I] indique avoir travaillé les 20 et 22 janvier 2015 alors qu'elle a, biffant les mentions dactylographiées, rectifié et écrit de sa main avoir été successivement 'absente' puis en 'repos'.

Au vu des éléments produits de part et d'autre, et sans qu'il soit besoin d'une mesure d'instruction, la cour a la conviction que Mme [S] [I] n'a pas effectué des heures supplémentaires autres que celles qui lui ont été payées par la Sas JK Play.

Sa demande relative aux heures supplémentaires doit par conséquent être rejetée.

Le jugement est confirmé sur ce point.

Sur le licenciement :

Il résulte des articles L.1234-1 et L.1234-9 du code du travail que, lorsque le licenciement est motivé par une faute grave, le salarié n'a droit ni à un préavis ni à une indemnité de licenciement.

La faute grave est celle qui résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié qui constituent une violation des obligations découlant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise et justifie la cessation immédiate du contrat de travail.

L'employeur qui invoque la faute grave pour licencier doit en rapporter la preuve.

La lettre de licenciement qui fixe les limites du litige, est ainsi rédigée :

' Il a été porté à notre connaissance, le 17 février 2015, un ensemble d'agissements survenus les 9 et 16 février précédant, constitutifs d'une faute grave.

Le 5 mars 2015 vous a été remis une convocation à un entretien préalable devant intervenir le 13 mars suivant.

A l'occasion de celui-ci, lors duquel vous étiez assisté, nous avons évoqué le fait :

Qu'en votre qualité d'assistante de direction, vous avez la responsabilité du magasin lors de mon absence hebdomadaire, le lundi et qu'à ce titre, vous a été remis, à titre confidentiel, le 'code d'accès gérant' au système de caisse-enregistreuse, qui à la différence de celui confié aux caissières, permet de réaliser l'ensemble des opérations;

Que les lundis 9 et 16 février 2015, ont été réalisées 4 opérations au profit de la même cliente, ayant abouties à lui faire bénéficier, délibérément, à des remises sans rapport aucun avec la valeur des marchandises vendues, à savoir :

Vente n°1, le 9 février, prix des marchandises vendues 1083, 99 euros et après remise, 98, 22 euros

Vente n°2, le 9 février, prix des marchandises vendues 4586, 11 euros et après remise, 528, 18 euros

Vente n°3, le 9 février, prix des marchandises vendues 3615, 39 euros et après remise, 413, 88 euros

Vente n°4, le 16 février, prix des marchandises vendues 1189, 35 euros et après remise, 105, 62 euros

Que les relevés de ses opérations permettent d'établir qu'elles n'ont pu être réalisées que par une personne détenant le 'code d'accès gérant' au système d'encaissement ;

Et que compte tenu de la valeur du panier moyen (26 euros) et du chiffre d'affaire journalier (environ 2000 euros), les remises consenties ont été anormales et gravement préjudiciables au magasin.

Malgré les explications fournies, ces faits, qui ont justifiés que nous vous dispensions de venir travailler depuis, constituent des manquements graves dans l'exécution de votre contrat et rendent impossible la poursuite de celui-ci.

En effet, ils portent atteinte à la pérennité économique de notre activité et à notre crédibilité à l'égard de notre franchiseur.

Nous vous informons avoir, en conséquence, décidé de vous licencier pour faute grave.'

La société JK Vêtements fait valoir que le licenciement de Mme [S] [I] pour faute grave est justifié dès lors que :

- elle a procédé à quatre opérations de ventes illicites,

- elle a d'importantes remises sans autorisation préalable,

- elle a reconnu avoir effectué les quatre transactions litigieuses lors de son entretien préalable, sans avoir été destinataire d'instruction ou note de service l'autorisant à accorder des remises de manière discrétionnaire.

Elle indique qu'au contraire, n'étant que dépositaire de la marchandise, seule la centrale était en mesure de décider des remises et de la revente des invendus du magasin au profit des «soldeurs». Selon l'employeur, Mme [S] [I] est à l'origine d'une perte de droit à commission, au détriment de la société, d'un montant de 9 145 euros, outre le fait qu'elle lui a également fait courir le risque d'une résiliation fautive du contrat de franchise.

La Sas JK Play anciennement JK Vêtements souligne le fait que Mme [S] [I] a rapidement retrouvé un emploi.

Mme [S] [I] conteste son licenciement et expose qu'elle n'a jamais reconnu les faits qui lui sont reprochés, qu'il n'est pas démontré qu'elle a personnellement réalisé les remises litigieuses.

Elle fait observer que les faits qui sont lui reprochés datent de la dernière semaine des soldes d'hiver 2015, que les taux de remise pratiqués par l'enseigne durant cette période de soldes sont extrêmement importants, qu'elle n'a fait qu'appliquer la politique de l'enseigne en matière de remises, de 90% en moyenne et que les ventes litigieuses concernaient une cliente qui achète un stock important de vêtements à chaque période de soldes.

Mme [S] [I] souligne que l'employeur, qui aurait découvert les faits le 17 février 2015, a néanmoins attendu deux semaines, soit le 5 mars, pour entamer une procédure de licenciement pour faute grave.

La Sas JK Play anciennement JK Vêtements verse aux débats :

- un courriel en date du 20 février 2015 du directeur régional région Centre, adressé à l'ensemble des magasins du secteur, et non pas uniquement à la Sas JK Play anciennement JK Vêtements, ainsi rédigé : 'Nous avons constaté des passages de soldeurs dans nos magasins. Je vous demande de ne plus vendre aux soldeurs pour la maîtrise de notre marge et par conséquent notre chiffre d'affaires', puis demandant aux destinataires de les 'diriger sur la centrale'et de l'en informer avant toute vente,

- une lettre en date du 12 juin 2015 du directeur de franchise et réseau de l'enseigne Vêt'Affaires indiquant avoir constaté de 'nombreuses ventes effectuées en date des 9 et 16 février 2015 sur le magasin de [Localité 7] [faisant] apparaître des remises allant jusqu'à 90 % pour certains produits en quantité et montant important'et rappelant le caractère illicite de cette pratique.

Il se déduit de ces deux pièces qu'aucune consigne précise n'était jusqu'alors en vigueur et que c'est la multiplication d'achats par des soldeurs, à la même période, qui a alerté la direction du réseau, ce qui a justifié la mise en place d'une politique commerciale plus rigoureuse à l'égard de cette clientèle spécifique.

Mme [S] [I] communique de plus des pages publicitaires montrant que des rabais importants, allant jusqu'à 87 %, étaient consentis en période de soldes.

Mme [R] [M] vendeuse engagée dans le cadre d'un contrat de travail à durée déterminée du 1er au 31 mars 2013 (ainsi que cela résulte de l'extrait du registre unique du personnel versé aux débats par l'employeur) précise :' Depuis plusieurs années, la cliente passe en période de soldes pour acheter les marchandises soldées ou en fin de série. Ladite cliente a été présentée à M. [Z] [L] à son arrivée. A la suite de cela la charge de ses ventes a été confiée à [S] [I] qui était responsable de magasin...' (la cliente à laquelle il est fait référence étant la personne ayant procédé aux achats litigieux).

Il y a lieu de relever que les faits reprochés ont eu lieu effectivement lors de la dernière semaine des soldes d'hiver 2015 et que la Sas JK Play anciennement JK Vêtements à qui incombe la charge de la preuve ne démontre pas que Mme [S] [I] est à l'origine des opérations visées dans la lettre de licenciement.

La preuve de la faute grave reprochée à la salariée n'est pas rapportée.

C'est donc à juste titre que les premiers juges ont dit son licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Par ailleurs, les premiers juges, au vu des éléments qui leur étaient soumis, ont procédé à une exacte appréciation des indemnités de rupture revenant à Mme [S] [I] et de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse à laquelle elle peut prétendre.

Sur le rappel de salaires du 16 mars au 5 avril 2015 :

Madame [S] [I] soutient que son employeur aurait cessé de la rémunérer à compter de son entretien préalable, alors qu'aucune mise à pied conservatoire n'a été prononcée.

La société JK Vêtements fait valoir que madame [I] aurait été en arrêt maladie à compter du 16 mars 2015. Son contrat de travail aurait donc été suspendu et il n'aurait pas été obligé de lui verser une rémunération.

Il est indiqué dans la lettre de convocation à l'entretien préalable que Mme [S] [I] est dispensée de sa prestation de travail jusqu'à la décision à intervenir à la suite de cette convocation avec cette précision : ' Votre rémunération vous sera maintenue pendant cette dispense'.

Les photocopies d'arrêt de travail que communique l'employeur ne permettent pas, étant quasiment illisibles, sont dépourvues dès lors de toute force probante.

Il y a lieu, par conséquent, infirmant le jugement entrepris sur ce point, de faire droit à la demande de la salariée et de condamner la Sas JK Play anciennement JK Vêtements à lui verser la somme de 1 303,44 euros qu'elle réclame au titre de ses salaires du 16 mars au 5 avril 2015, outre 130,34 euros au titre des congés payés afférents.

Sur la rectification des bulletins de paie :

Mme [S] [I] demande que la qualification agent de maîtrise catégorie A2 soit mentionnée sur ses bulletins de paie à compter du 15 mars 2013.

Il est fait droit à cette demande, la contrat de travail précisant effectivement que l'emploi confié à Mme [S] [I] 'est classé Agent de maîtrise - assistante de direction -A2".

Sur l'application de l'article 700 du code de procédure civile :

L'équité commande de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a accordé à Mme [S] [I] 1500 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et de lui allouer une somme identique (1 500 euros) sur le même fondement au titre des sommes qu'elle a exposées en cause d'appel.

PAR CES MOTIFS

MET hors de cause la Scp [P]-Hazane, représentée par Maître [X] [P] prise en sa qualité de mandataire judiciaire de la Sas JK Play anciennement JK Vêtements.

CONFIRME le jugement sauf en ce qu'il a débouté Mme [S] [I] de sa demande de rappel de salaires pour la période du 16 mars au 5 avril 2015.

Statuant à nouveau,

CONDAMNE la Sas JK Play anciennement JK Vêtements à payer Mme [S] [I] la somme de 1 303,44 euros au titre de ses salaires du 16 mars au 5 avril 2015 ainsi que celle de 130,34 euros au titre des congés payés afférents.

Ajoutant au jugement,

ORDONNE à la Sas JK Play anciennement JK Vêtements de rectifier les bulletins de salaires de Mme [S] [I] et d'indiquer qu'elle relève de la qualification «agent de maîtrise catégorie A2», ce depuis le 15 mars 2013.

CONDAMNE la Sas JK Play anciennement JK Vêtements à régler à Mme [S] [I] la somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE la Sas JK Play anciennement JK Vêtements aux entiers dépens.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 3
Numéro d'arrêt : 17/12672
Date de la décision : 25/01/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-01-25;17.12672 ?
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