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25/01/2023 | FRANCE | N°18/11833

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 10, 25 janvier 2023, 18/11833


Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS







COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 10



ARRET DU 25 JANVIER 2023



(n° , 1 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 18/11833 - N° Portalis 35L7-V-B7C-B6TIY



Décision déférée à la Cour : Jugement du 21 Septembre 2018 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire d'EVRY CEDEX - RG n° F18/00299





APPELANT



Monsieur [B] [E]

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Représenté par Me Marie-catherine VIGNES, avocat au barreau de PARIS, toque : L0010



(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2018/054732 du 29/01/2019 accor...

Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 10

ARRET DU 25 JANVIER 2023

(n° , 1 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 18/11833 - N° Portalis 35L7-V-B7C-B6TIY

Décision déférée à la Cour : Jugement du 21 Septembre 2018 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire d'EVRY CEDEX - RG n° F18/00299

APPELANT

Monsieur [B] [E]

[Adresse 4]

[Localité 6]

Représenté par Me Marie-catherine VIGNES, avocat au barreau de PARIS, toque : L0010

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2018/054732 du 29/01/2019 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de PARIS)

INTIMES

SARL TARGET TELECOM (en liquidation)

[Adresse 2]

[Localité 5]

Association AGS-CGEA ILE DE FRANCE EST L'UNEDIC Délégation AGS CGEA de [Localité 8], prise en la personne de son représentant légal

[Adresse 3]

[Localité 7]

Représentée par Me Frédéric ENSLEN, avocat au barreau de PARIS, toque : E1350

PARTIES INTERVENANTES :

Me [V] [N] (SELARL [V] [N]) - Mandataire ad hoc de la SARL TARGET TELECOM

[Adresse 1]

[Adresse 1]

[Localité 5]

n'ayant constitué ni avocat ni défenseur syndical

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 7 Novembre 2022, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Carine SONNOIS, Présidente, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :

Monsieur Nicolas TRUC, Président de la chambre

Madame Mme Carine SONNOIS, Présidente de la chambre

Madame Véronique BOST, Vice Présidente placée faisant fonction de conseillère

Greffier : lors des débats : Mme Sonia BERKANE

ARRET :

- par défaut

- mis à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Mme Carine SONNOIS, Présidente et par Sonia BERKANE, Greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSÉ DU LITIGE :

M. [B] [E] a été embauché par la S.A.R.L. TARGET TELECOM, par contrat à durée indéterminée du 22 janvier 2013, en qualité de responsable boutique.

Dans le dernier état des relations contractuelles régies par la convention collective nationale du négoce de gros télécommunication, le salarié percevait une rémunération brute de 1 993 euros.

Par jugement du 11 septembre 2017, le tribunal de commerce d'Évry a prononcé la liquidation judiciaire de la société TARGET TELECOM et désigné Me [W] en qualité de mandataire liquidateur.

Par courrier du 13 septembre 2017, M. [B] [E] a été convoqué à un entretien préalable fixé au 21 septembre 2017.

Par lettre recommandée avec avis de réception du 25 septembre 2017, le mandataire liquidateur a notifié à M. [B] [E] son licenciement pour motif économique.

Sollicitant le bénéfice de la prise en charge par l'AGS CGEA ILE DE FRANCE EST, M. [B] [E] a saisi le conseil de prud'hommes d'Évry le 29 mars 2018.

Par jugement du 21 septembre 2018, notifié à MM. [B] [E] le 4 octobre 2018, le conseil de prud'hommes d'Évry a :

- débouté M. [B] [E] de l'ensemble de ses demandes ;

- laissé les éventuels dépens à sa charge.

M. [E] a interjeté appel de ce jugement par déclaration déposée par voie électronique le 19 octobre 2018.

Par ordonnance du 29 janvier 2019, le magistrat en charge de la mise en état a ordonné une expertise graphologique et le rapport d'expertise a été déposé le 17 mars 2020.

Par jugement du 6 novembre 2020, le tribunal de commerce d'Évry a rendu un jugement de clôture pour insuffisance d'actif, mettant fin à la mission de Me [W].

Par ordonnance du 26 novembre 2021, le tribunal de commerce d'Évry a désigné Me [N] [V] en qualité de mandataire ad hoc de la société TARGET TELECOM avec pour mission de la représenter dans le cadre de l'instance poursuivie devant la Cour d'appel par M. [E].

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par RPVA le avril 2020, M. [B] [E] demande à la cour de :

- le déclarer recevable et bien fondé en son appel ;

- infirmer en toutes dispositions la décision entreprise en toutes dispositions ;

En conséquence,

- homologuer le rapport d'expertise de Mme [U] [R] expert graphologue désigné par ordonnance de Mme le Président de la chambre sociale de la cour d'appel de Paris du 29.01.2019 ;

En conséquence,

- dire et juger que MM. [B] [E] n'était nullement associé de la société TARGET TELECOM ;

Y ajouter,

- dire et juger que MM. [B] [E] avait la qualité de salarié ;

En conséquence,

- fixer au passif de la liquidation judiciaire TARGET TELECOM les sommes suivantes :

* 40 013,34 euros à titre de rappel de salaires de février 2016 à septembre 2017 ;

* 4 001,33 euros au titre des congés payés afférents ;

* 23 916 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

* 3 986 euros à titre d'indemnité de préavis ;

* 398,60 euros au titre des congés payés afférents ;

* 1 993 euros à titre d'indemnité de licenciement ;

- dire et juger que les dépens seront employés en frais privilégiés de liquidation judiciaire de la société TARGET TELECOM y compris les frais d'expertise.

L'appelant fait valoir que :

- le contrat de travailn'est pas fictif :

- à compter de février 2016, il n'a plus été rémunéré ;

- s'il a attendu avant de réclamer le paiement de ses salaires, c'est en raison des promesses faites par les dirigeants ;

- il n'est pas associé de la société TARGET TELECOM, la signature et les paraphes apposés sur les statuts de ladite société sont un faux, ce que confirme l'expertise graphologique suite à la procédure de vérification d'écriture ;

- par conséquent, il réclame le paiement de l'indemnité de préavis et de licenciement ainsi que la remise des documents de fin de contrat.

Par ses dernières conclusions notifiées par RPVA le avril 2020, l'UNEDIC Délégation AGS CGEA D'IDF demande à la cour de :

- confirmer le jugement dont appel en l'ensemble de ces dispositions ;

- constater l'inexistence d'un contrat de travail entre M. [E] et la société TARGET TELECOM ;

- en conséquence, le débouter de l'ensemble de ses demandes ;

Subsidiairement :

- le débouter de l'ensemble de ses demandes ;

Très subsidiairement :

- dire que l'AGS ne devra sa garantie au titre des créances visées aux articles L. 3253-8 et suivants du code du travail que dans les termes et les conditions résultant des dispositions des articles L. 3253-19 et suivants et L. 3253-17 du code du travail ;

- rappeler que la somme éventuellement due au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'une éventuelle astreinte, qu'elle soit ou non liquidée, n'entrent pas dans le champ de la garantie de l'AGS ;

- limiter l'exécution provisoire aux dispositions des articles R. 1454-14 et R. 1454-28 du code du travail ;

- statuer ce que de droit sur les dépens.

L'intimée fait valoir que :

- le contrat de travail est fictif :

- lors dela création de la société TARGET TELECOM le 9 novembre 2011, MM. [B] [E] détenait 30% du capital social de la société ;

- M. [B] [E] n'a jamais émis de réclamation concernant le non-paiement de ses salaires antérieurement à la procédure collective ;

- M. [B] [E] ne justifie pas de l'effectivité de son travail ni des moyens avec lesquels il a pu subsister pendant les 18 mois sans salaire ;

- une signature « [E] » figure sur les statuts de la société lors de sa création en 2011 avec ses coordonnées, alors qu'il n'aurait été embauché en temps que salarié qu'en 2013 ;

- M. [B] [E] est un dirigeant de fait et ne peut se trouver en situation de subordination.

Me [V], en qualité de mandataire ad hoc de la société TARGET TELECOM, a indiqué que compte tenu de l'impécuniosité du dossier, il ne sera pas représenté.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 31 août 2022.

L'affaire était fixée à l'audience du 7 novembre 2022.

MOTIFS DE LA DECISION

1 ' sur la qualité de salarié de M. [E]

L'existence d'une relation de travail salariée ne dépend ni de la volonté exprimée par les parties ni de la dénomination qu'elles ont donnée à leur convention mais des conditions de fait dans lesquelles est exercée l'activité des travailleurs.

En présence d'un contrat de travail apparent, il appartient alors à celui qui invoque le caractère fictif de celui-ci d'en rapporter la preuve.

M. [E] produit un contrat de travail à durée indéterminée signé le 14 janvier 2013 avec la société TARGET TELECOM, ainsi que des bulletins de paie de février 2016 à juillet 2017.

Les pièces produites par M. [E] sont de nature à établir l'apparence d'une relation de travail salariée entre lui et la société TARGET TELECOM.

L'UNEDIC Délégation AGS CGEA IDF EST fait valoir que M. [E] a délibérément laissé à disposition ses rémunérations pendant plus de 18 mois, sans les réclamer ni émettre quelque réserve que ce soit. Il s'est ainsi comporté comme un gérant de fait, situation exclusive d'un quelconque lien de subordination et donc d'un contrat de travail. Prenant acte des conclusions de l'expertise graphologique, l'AGS CGEA IDF EST s'étonne que M. [E] soit devenu salarié de la société dont le gérant avait antérieurement usurpé son identité lors de l'établissement des statuts.

Si l'apposition de la signature de M. [E] sur les statuts de la société, le procès-verbal de l'assemblée générale extraordinaire du 7 juillet 2014 et l'acte de cession des parts sociales du même jour, permettaient de retenir qu'il était associé au sein de la société TARGET TELECOM et non salarié, les conclusions de l'expertise graphologique selon lesquelles M. [E] n'est pas l'auteur des signatures et paraphes apposés sur ces trois actes, privent ces documents de toute valeur probante.

Par ailleurs, M. [E] produit plusieurs attestations concordantes selon lesquelles il travaillait effectivement au sein de la société jusqu'en août 2017 et a dû emprunter de l'argent à des proches du fait du non versement de ses salaires.

Il en résulte qu'aucun élément probant ne permet de remettre en cause l'existence du contrat de travail liant M. [E] à la société TARGET TELECOM, existence qui est donc établie.

En conséquence, le jugement sera infirmé de ce chef.

2 ' sur le rappel de salaire

L'employeur est tenu au paiement de la rémunération contractuellement convenue. Il est également tenu de fournir un travail au salarié qui se tient à sa disposition, et il lui incombe, lorsqu'il conteste être tenu au paiement du salaire, de démontrer que le salarié a refusé d'exécuter son travail ou qu'il ne s'est pas tenu à sa disposition.

Par ailleurs, il lui appartient de rapporter la preuve du paiement effectif du salaire dû. L'article L. 3243-3 du code du travail dispose que « l'acceptation sans protestation ni réserve d'un bulletin de paie par le travailleur ne peut valoir de sa part renonciation au paiement de tout ou partie du salaire et des indemnités ou accessoires de salaire qui lui sont dus en application de la loi, du règlement, d'une convention ou d'un accord collectif de travail ou d'un contrat ».

En l'espèce, M. [E] affirme ne pas avoir perçu son salaire, soit 1 993 euros conformément au contrat de travail et aux bulletins de paye, pendant la période de février 2016 à septembre 2017, soit 20 mois.

Il n'est pas justifié, en l'absence du mandataire liquidateur, du paiement de ces salaires et il importe peu que des fiches de paie lui aient été délivrées. Il n'est pas plus justifié que le salarié aurait refusé d'exécuter le travail confié ou ne se serait plus tenu à sa disposition.

Le salarié est donc bien fondé à obtenir un rappel de salaire d'un montant de 39 860 euros qui sera fixé au passif de la liquidation, outre les congés payés afférents d'un montant de 3 986 euros.

3 ' sur l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

Figure au dispositif des conclusions du salarié une demande de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse d'un montant de 23 916 euros sans qu'aucun moyen ne soit exposé.

La cour rappelle que le licenciement de M. [E] est fondé sur un motif économique suite à la liquidation judiciaire de la société TARGET TELECOM.

En l'absence de moyen, la demande sera rejetée en l'état.

4 ' sur l'indemnité de licenciement

M. [E], qui a une ancienneté de 4 ans, est en droit de percevoir une indemnité de licenciement en application de l'article R. 1234-2 du code du travail qui prévoit un quart de mois de salaire par année d'ancienneté jusqu'à dix ans, soit 1 993 euros.

5 ' sur l'indemnité de préavis

Il est également en droit de percevoir une indemnité compensatrice de préavis d'une durée de deux mois puisqu'il avait plus de deux ans d'ancienneté à la rupture du contrat, en application de l'article L. 1234-1 du code du travail, soit la somme de 3 986 euros, outre les congés payés afférents d'un montant de 398,60 euros.

6 - sur les demandes accessoires

Il est ordonné au mandataire ad hoc de la société TARGET TELECOM de remettre au salarié, dans les deux mois suivant la notification de la présente décision, une attestation Pôle Emploi et un certificat de travail conformes à la décision, sans qu'il soit nécessaire d'ordonner une astreinte.

La société en liquidation supportera les dépens d'appel.

Il n'apparaît pas inéquitable en revanche de laisser à la charge des parties les frais engagés en cause d'appel et non compris dans les dépens.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Infirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Dit que l'existence du contrat de travail liant M. [E] à la société TARGET TELECOM est établie

Fixe la créance de M. [B] [E] au passif de la société TARGET TELECOM, assistée par Me [N] [V] en qualité de mandataire ad hoc, aux sommes suivantes :

- 39 860 euros euros au titre du rappel de salaire pour la période du 1er mai 2017 au 23 avril 2018

- 398,60 euros au titre des congés payés afférents

- 1 993 euros à titre d'indemnité de licenciement

- 3 986 euros à titre d'indemnité de préavis

- 398,60 euros au titre des congés payés afférents

Déboute M. [B] [E] de sa demande d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile

Déboute les parties du surplus de leurs demandes plus amples ou contraires

Déclare le présent arrêt opposable à l'AGS-CGEA d'Ile-de-France Est dans les limites de sa garantie légale, laquelle ne comprend pas l'indemnité de procédure, et dit que cet organisme ne devra faire l'avance de la somme représentant les créances garanties que sur présentation d'un relevé par le mandataire judiciaire et justification par celui-ci de l'absence de fonds disponibles entre ses mains pour procéder à son paiement,

Ordonne Me [N] [V], mandataire ad hoc de la société TARGET TELECOM, de remettre au salarié, dans les deux mois suivant la notification de la présente décision, sans qu'il y ait lieu à astreinte, une attestation Pôle Emploi et un certificat de travail conformes à la décision

Condamne Me [N] [V] en qualité de mandataire ad hoc de la société TARGET TELECOM aux dépens d'appel.

LA GREFFIERE LA PRESIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 10
Numéro d'arrêt : 18/11833
Date de la décision : 25/01/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-01-25;18.11833 ?
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