La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

26/01/2023 | FRANCE | N°19/15479

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 4 - chambre 10, 26 janvier 2023, 19/15479


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS







COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 4 - Chambre 10



ARRÊT DU 26 JANVIER 2023





(n° , 7 pages)





Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 19/15479 - N° Portalis 35L7-V-B7D-CAO7F



Décision déférée à la Cour : Jugement du 11 Juillet 2019 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 17/10637





APPELANT



Monsieur [C] [H]

[Adresse 6]

[Localité 5]



Représenté et assisté à l'audience de Me Olivier WAGNON de la SELEURL OLIVIER WAGNON AVOCAT, avocat au barreau de PARIS, toque : P51







INTIMÉE



Madame [I] [K]

née le [Date naissance 1] 1972 à [Localité 7]

[Adresse...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 4 - Chambre 10

ARRÊT DU 26 JANVIER 2023

(n° , 7 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 19/15479 - N° Portalis 35L7-V-B7D-CAO7F

Décision déférée à la Cour : Jugement du 11 Juillet 2019 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 17/10637

APPELANT

Monsieur [C] [H]

[Adresse 6]

[Localité 5]

Représenté et assisté à l'audience de Me Olivier WAGNON de la SELEURL OLIVIER WAGNON AVOCAT, avocat au barreau de PARIS, toque : P51

INTIMÉE

Madame [I] [K]

née le [Date naissance 1] 1972 à [Localité 7]

[Adresse 4]

[Localité 5]

Représentée par Me Anne-Marie MAUPAS OUDINOT, avocat au barreau de PARIS, toque : B653

Assistée à l'audience de Me François-Marie IORIO, avocat au barreau de PARIS, toque : D649

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 15 Novembre 2022, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Valérie MORLET, Conseillère, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :

Madame Florence PAPIN, Présidente

Madame Valérie MORLET, Conseiller

Monsieur Frédéric ARBELLOT, Conseiller

Greffier, lors des débats : Madame Dorothée RABITA

ARRÊT :

- contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Florence PAPIN, Présidente et par Florence GREGORI, greffier présent lors de la mise à disposition.

***

FAITS et PROCEDURE

Madame [I] [K] et Monsieur [C] [H] ont entretenu une relation de concubinage jusqu'à leur séparation au cours de l'année 2008.

Se prévalant d'une reconnaissance de dette de Monsieur [H] et arguant de l'absence de remboursement de celle-ci, Madame [K] a le 15 avril 2016 présenté au président du tribunal de grande instance de Paris une requête afin de voir Monsieur [H] enjoint de lui payer la somme de 70.000 euros. Le magistrat délégué pour ce faire a par ordonnance du 20 mai 2016 rejeté ladite requête, estimant que la demande devait faire l'objet d'un débat contradictoire au regard de la somme réclamée.

Madame [K] a alors par acte du 24 juillet 2017 assigné Monsieur [H] en restitution des sommes prêtées devant le tribunal de grande instance de Paris.

*

Le tribunal de grande instance de Paris, par jugement du 11 juillet 2019, a :

- condamné Monsieur [H] à payer à Madame [K] la somme de 70.000 euros au titre du remboursement d'un prêt et ce avec intérêts au taux légal à compter du 23 janvier 2016,

- condamné Monsieur [H] à payer à Madame [K] la somme de 2.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné Monsieur [H] aux dépens,

- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire de la décision,

- débouté les parties du surplus de leurs demandes.

Monsieur [H] a par acte du 25 juillet 2019 interjeté appel de ce jugement, intimant Madame [K] devant la Cour.

*

Monsieur [H], dans ses dernières conclusions signifiées le 22 octobre 2019, demande à la Cour de :

Sur la confirmation partielle du jugement,

- constater que la lettre écrite par Madame [K] le 27 janvier 2018 ne peut valoir reconnaissance de dette de sa part d'avoir à lui restituer la somme de 70.000 euros,

- en conséquence, confirmer le jugement en ce qu'il rejette la qualification de reconnaissance de dette,

Sur l'infirmation partielle du jugement,

- constater que la lettre écrite par Madame [K] le 27 janvier 2018 ne peut valoir commencement de preuve par écrit d'une reconnaissance de dette corroboré par des éléments extérieurs,

- en conséquence, infirmer le jugement en toutes ses dispositions, sauf en ce qu'il rejette la qualification de reconnaissance de dette et débouter Madame [K] de l'ensemble de ses demandes,

- à titre subsidiaire, dans l'hypothèse où Madame [K] démontrerait l'existence de prêts réalisés en 2003 et 2004 à son profit, constater que l'action engagée par Madame [K] à son égard est prescrite,

- à titre infiniment subsidiaire, si la Cour venait à accueillir les prétentions de Madame [K], limiter les prétentions de cette dernière à la somme de 20.100 euros, montant des transferts dont elle a pu démontrer l'existence,

En tout état de cause,

- condamner Madame [K] à lui payer la somme de 4.500 euros au titre des frais irrépétibles,

- condamner Madame [K] aux entiers dépens.

Madame [K], dans ses dernières conclusions signifiées le 16 janvier 2020, demande à la Cour de :

- confirmer le jugement en toutes ses dispositions, en ce qu'il a :

. condamné Monsieur [H] à lui payer la somme de 70.000 euros en vertu de la reconnaissance de dette du 27 janvier 2008 et des preuves de virements survenus entre les mois d'août 2013 et décembre 2014,

. dit que cette condamnation portera intérêts au taux légal à compter du 23 janvier 2016, date de la réception de la mise en demeure de s'acquitter des paiements,

Y ajoutant,

- ordonner, à compter des présentes, la capitalisation des intérêts dus et échus depuis plus d'un an,

- condamner Monsieur [H] à lui verser la somme de 9.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner Monsieur [H] aux entiers dépens.

*

La clôture de la mise en état du dossier a été ordonnée le 9 février 2022, l'affaire plaidée le 15 novembre 2022 et mise en délibéré au 26 janvier 2023.

MOTIFS

Sur la demande de remboursement de Madame [K]

Les premiers juges ont considéré que le document daté du 27 janvier 2008 présenté par Madame [K] n'était pas conforme aux exigences de l'article 1326 ancien du code civil, mais constituait un commencement de preuve par écrit de la dette à son égard de Monsieur [H], complété par des mandats cash et un relevé de compte venus renverser la présomption de dons manuels. Relevant que l'acte en cause prévoyait un terme à l'engagement de Monsieur [H], le remboursement de la somme de 70.000 euros devant intervenir dans un délai de six ans à compter de sa signature, les magistrats ont considéré que le délai d'action de Madame [K] courait à compter du 28 janvier 2014 et n'était pas prescrit lorsqu'elle a assigné le débiteur par acte délivré le 24 juillet 2017. Ils ont alors condamné Monsieur [H] à rembourser ladite somme à Madame [K], avec intérêts.

Monsieur [H] estime, comme les premiers juges, que le document du 27 janvier 2008 ne constitue pas une reconnaissance de dette, mais les critique en ce qu'ils ont admis l'existence d'un commencement de preuve et d'éléments probants venant le corroborer. Il conteste ensuite l'interprétation de l'acte faite par les magistrats, considérant que la clause d'aménagement de la prescription n'est pas valable, ou est à tout le moins ni claire ni précise, et qu'elle ne peut reporter la cours de la prescription, qu'il considère ainsi acquise.

Madame [K] ne critique pas le jugement. Elle soutient que le document du 27 janvier 2008 contient la signature de Monsieur [H], de sorte qu'il constitue bien un commencement de preuve d'une reconnaissance de dette, complété par des mandats cash et un relevé de compte révélant qu'elle lui a, a minima, remis la somme de 22.210 euros. Elle estime que le contexte conflictuel de leur relation au moment de la signature de l'acte par Monsieur [H] démontre que le montant total des sommes versées était de 70.000 euros. Madame [K] affirme ensuite que la date d'exigibilité des sommes a été reportée au 28 janvier 2014, date à partir de laquelle la prescription de son action a commencé à courir, prescription non acquise lors de la délivrance de son assignation.

Sur ce,

Alors qu'est en l'espèce évoqué un document datant du 27 janvier 2008, seul le code civil en sa version antérieure au 1er octobre 2016, date d'entrée en vigueur de l'ordonnance n°2016-131 du 10 février 2016 portant réforme du droit des obligations, est applicable.

1. sur l'existence d'une reconnaissance de dette de Monsieur [H]

Il ressort des dispositions de l'article 1134 ancien du code civil que les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites et doivent être exécutées de bonne foi. Par ailleurs, l'article 1326 ancien du même code dispose que l'acte juridique par lequel une seule partie s'engage envers une autre à lui payer une somme d'argent ou à lui livrer un bien fongible doit être constaté dans un titre qui comporte la signature de celui qui souscrit cet engagement ainsi que la mention, écrite par lui-même, de la somme ou de la quantité en toutes lettres et en chiffres.

Dans un titre daté du 27 janvier 2008, manuscrit, "Monsieur [C] [D] [N] [H], né le [Date naissance 3]/70 à [Localité 8] (54) atteste (') devoir à Mademoiselle [I] [K], née le [Date naissance 2]/72 à [Localité 7] (92) et demeurant [Adresse 4], la somme de 70 000 € (soixante dix mille euros)".

Cet acte n'a pas été rédigé de la main même de Monsieur [H], débiteur, mais de celle de Madame [K], créancière, qui le reconnait. Les dispositions de l'article 1326 ancien du code civil protégeant celui qui s'engage, les premiers juges ont à juste titre estimé que cet acte ne pouvait constituer, seul, une reconnaissance de dette.

L'article 1347 ancien du code civil énonce que les règles de la preuve par écrit reçoivent exception lorsqu'il existe un commencement de preuve par écrit, constitué de tout acte écrit émanant de celui contre lequel la demande est formée et qui rend vraisemblable ce qui est allégué.

La mention de l'identité du débiteur comporte certes une faute d'orthographe, le second prénom de Monsieur [H] étant "[D]" et non "[D]". L'acte contient cependant la signature de l'intéressé, laquelle peut facilement être comparée à celle qui figure sur sa carte nationale d'identité. Monsieur [H] indique certes ne jamais avoir reconnu avoir signé ce document, ou avoir oublié qu'il l'avait signé, mais n'affirme aucunement que sa signature a été contrefaite.

Signé de la main de Monsieur [H], l'acte du 27 janvier 2008 constitue bien un commencement de preuve par écrit rendant vraisemblable ses termes, ainsi que l'ont justement retenu les premiers juges.

L'acte du 27 janvier 2008, commencement de preuve d'une dette de Monsieur [H] au profit de Madame [K], est complété par la production par cette dernière de 37 mandats cash qu'elle a émis au bénéfice du premier entre le 19 juillet et le 14 décembre 2004 (et non entre les 2 août et 28 septembre 2004 comme indiqué par la créancière) pour une somme totale de 7.210 euros et de son relevé de compte bancaire laissant apparaître un virement de 15.000 euros opéré le 7 août 2003 au profit de Monsieur [H]. Celui-ci admet en outre avoir reçu des versements de la part de Madame [K] alors qu'il rencontrait des difficultés financières.

Ces versements sont ainsi démontrés à hauteur de la somme totale de 7.210 + 15.000 = 22.210 euros, et non de 70.000 euros.

Cependant, et ainsi que l'ont retenu les premiers juges, il est peu probable que Monsieur [H] ait le 27 janvier 2008, dans un contexte de séparation difficile admis de toutes parts, signé une reconnaissance de dette portant sur une somme erronée, supérieure à la somme réellement due.

Les premiers juges ont en conséquence justement retenu que l'acte du 27 janvier 2008, rédigé par Madame [K] mais signé par Monsieur [H] et constituant un commencement de preuve d'une reconnaissance de dette du second au profit de la première, était utilement complété par des éléments tangibles renversant la présomption de simples dons manuels et établissant la réalité de prêts à hauteur de la somme totale de 70.000 euros, clairement mentionnée.

Ainsi complété, l'acte du 27 janvier 2008 constitue une reconnaissance de dette de Monsieur [H] au profit de Madame [K], pour la somme de 70.000 euros.

2. sur la prescription de l'action de Madame [K]

L'article du code civil 2224 dispose que les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer. Aux termes de l'article 2233 du même code, cependant, la prescription ne court pas, notamment, à l'égard d'une créance à terme, jusqu'à ce que ce terme soit arrivé.

Si l'acte du 27 janvier 2008 signé par Monsieur [H] ne forme, seul, qu'un commencement de preuve par écrit de sa dette, il constitue, confirmé par des éléments extérieurs, une reconnaissance de dette valide en toutes ses clauses approuvées par sa signature.

Or cet acte ne contient aucun aménagement contractuel de la durée de la prescription (report de son point de départ, suspension ou interruption de la prescription, prévus par l'article 2232 du code civil), mais prévoit un terme à la créance de Madame [K], Monsieur [H] s'étant engagé à "régler cette dette dans un délai de 6 ans à compter de la date de signature [de l'acte]".

Madame [K] ne pouvait en conséquence réclamer à Monsieur [H] le remboursement de ses prêts avant le terme de ce délai de six années, le 27 janvier 2014.

Le délai quinquennal de prescription de l'action en paiement de Madame [K] courrait donc à compter du 28 janvier 2014 et n'était pas prescrit lorsqu'elle a le 24 juillet 2017 délivré à Monsieur [H] son assignation à comparaître devant le tribunal, assignation qui a valablement interrompu le délai de prescription, en application de l'article 2241 du code civil.

3. sur le remboursement des prêts

L'article 1315 ancien (1353 nouveau) du code civil qui dispose que celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver et, réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l'extinction de son obligation.

Madame [K] a su démontrer l'existence d'une reconnaissance de dette à son égard de Monsieur [H], d'un montant de 70.000 euros. Mais Monsieur [H], qui a ainsi reconnu sa dette n'établit pas l'avoir remboursée.

Les premiers juges ont donc à juste titre condamné Monsieur [H] à payer la somme de 70.000 euros à Madame [K], avec intérêts au taux légal à compter du 23 janvier 2016, date de la réception de la mise en demeure de payer que son conseil a adressé à l'intéressé par pli recommandé.

Il convient en conséquence de confirmer le jugement en ses dispositions principales.

Ajoutant au jugement, la Cour dira que les intérêts échus, dus au moins pour une année entière, produiront à leur tour intérêts en application de l'article 1154 ancien (1343-2 nouveau) du code civil.

Sur les dépens et frais irrépétibles

Le sens du présent arrêt conduit à la confirmation du jugement en ses dispositions relatives aux dépens et frais irrépétibles de première instance.

Ajoutant au jugement, la Cour condamnera Monsieur [H], qui succombe en son recours, aux dépens d'appel, conformément aux dispositions de l'article 696 du code de procédure civile.

Monsieur [H] sera ensuite condamné à payer la somme équitable de 2.500 euros à Madame [K], en indemnisation des frais exposés en cause d'appel et non compris dans les dépens, en application de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS,

La Cour,

Vu le jugement du 11 juillet 2019 du tribunal de grande instance de Paris (RG n°17/10637),

CONFIRME le jugement en toutes ses dispositions,

Y ajoutant,

DIT que les intérêts de la dette de Monsieur [C] [H] dus pour une année entière au moins produiront eux-mêmes intérêts,

CONDAMNE Monsieur [C] [H] aux dépens d'appel,

CONDAMNE Monsieur [C] [H] à payer la somme de 2 500 euros à Madame [I] [K] en indemnisation de ses frais irrépétibles d'appel.

LE GREFFIER LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 4 - chambre 10
Numéro d'arrêt : 19/15479
Date de la décision : 26/01/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-01-26;19.15479 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award