Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 4 - Chambre 10
ARRÊT DU 26 JANVIER 2023
(n° , 7 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 19/21487 - N° Portalis 35L7-V-B7D-CBBBD
Décision déférée à la Cour : Jugement du 04 Novembre 2019 - Tribunal de Commerce de PARIS - RG n° 2018012785
APPELANTE
Madame [P] [T] épouse [E]
née le 28 novembre 1943 à [Localité 4](13)
[Adresse 1]
[Localité 5]
Représentée par Me Frédéric INGOLD de la SELARL INGOLD & THOMAS - AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : B1055
Assisté à l'audience de Me Christophe DAYRAS, avocat au barreau de PARIS, toque : B0650
INTIMÉE
SAS DÉPANNAGE ASSISTANCE ENTRETIEN SERVICES ASSISTANCE (DESA), prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés ès qualités audit siège
[Adresse 2]
[Localité 5]
Représentée et assistée par Me François COLLANGE, avocat au barreau de PARIS
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été plaidée le 22 Novembre 2022, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant M. Laurent NAJEM, Conseiller, chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :
Madame Florence PAPIN, Présidente
Madame Valérie MORLET, Conseillère
Monsieur Laurent NAJEM, Conseiller
Greffier, lors des débats : Mme Marylène BOGAERS
ARRÊT :
- contradictoire
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Florence PAPIN, Présidente, et par Florence GREGORI, greffier, présent lors de la mise à disposition.
***
EXPOSE DU LITIGE
Mme [P] [T] épouse [E], exploite une boucherie à [Localité 5] ([Adresse 3] dont elle a confié depuis plusieurs années l'entretien et le dégraissage des conduits d'aération à la société DESA.
Le 11 janvier 2017, la société DESA a proposé un devis portant sur un montant total de 19 836 euros TTC pour :
- le dégraissage des voies d'aération ;
- la pose de litres de coulage ;
- la pose d'inox avec découpe rigide et attache de sureté ;
- la pose d'un mitron de sortie ; et
- la pose d'un boisseau à inertie.
Le 30 mai 2017, Mme [P] [T] a demandé en urgence l'intervention de la société DESA. Elle a accepté le devis et procédé à un règlement par chèque d'un montant de 7 934 euros à titre d'acompte.
Le solde des travaux n'a pas été payé par Mme [P] [T], contestant la réalisation des travaux.
La société DESA l'a donc assignée en paiement devant le tribunal de commerce de Paris.
Par jugement en date du 4 novembre 2019, le tribunal de commerce de Paris a :
- Condamné Mme [P] [T] épouse [E] à payer à la SAS Dépannage entretien service assistance sigle « DESA » la somme de 11 902 euros assorti des intérêts capitalisés au taux légal à partir du 27 juin 2017.
- Condamné Mme [P] [T] épouse [E] à payer à la SAS Dépannage entretien service assistance sigle « DESA » la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
- Débouté les parties de leurs autres demandes plus amples ou contraires.
- Condamné Mme [P] [T] épouse [E] aux dépens de l'instance, dont ceux à recouvrer par le greffe, liquides à la somme de 77,84 euros dont 12,76 euros de TVA.
- Ordonné l'exécution provisoire.
Mme [P] [T] a interjeté appel du jugement le 21 novembre 2019.
Par ses dernières conclusions, notifiées par voie électronique le 30 septembre 2022, Mme [P] [T] demande à la cour de :
Infirmer le jugement du tribunal de commerce de Paris rendu le 4 novembre 2019 en toutes ses dispositions,
Et y faisant droit, statuant à nouveau,
Déclarer recevable et bien fondé l'appel de Mme [P] [T], épouse [E],
Débouter la société Dépannage entretien services assistance de toutes ses demandes fins et conclusions, y compris de son appel incident.
Condamner la société Dépannage entretien services assistance à payer à Mme [P] [T], épouse [E], les sommes suivantes :
- 7 934 euros, en remboursement de l'acompte versé le 30 mai 2017, augmenté des intérêts légaux à compter du 06 juillet 2017 et capitalisé dans les termes de l'article 1343-2 du Code Civil,
- 13 479,84 euros au titre du paiement effectué dans le cadre de l'exécution provisoire du jugement du tribunal de commerce de Paris du 4 novembre 2019 le 4 décembre 2019, avec intérêts légaux à compter de l'arrêt à intervenir,
- 436,36 euros en remboursement de la facture d'Aer ramonage suite à sa visite du 25 septembre 2018.
- 10 000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive,
Condamner la société Dépannage entretien services assistance à payer à Mme [P] [T], épouse [E], la somme de 8 000 euros au titre de l'article 700 du code procédure civile.
Condamner la société Dépannage entretien services assistance aux entiers dépens d'instance et d'appel qui comprendront le coût du constat d'huissier du 13 juin 2017 dont distraction au profit de la SELARL Ingold & Thomas, avocats aux offres de droit, dans les termes de l'article 699 du code de procédure civile.
Elle relève que l'intimée n'oppose pas de critiques sérieuses au compte-rendu d'inspection de la société AER RAMONAGE dont les conclusions sont très explicites.
Elle conteste le fait que le constat d'huissier dressé le 13 juin 2017 ne porterait que sur des taches de graisses ou ne ferait que relater la parole du responsable de la boucherie et elle rappelle que ce procès-verbal est accompagné de 19 photographies.
Elle fait valoir que la société AER RAMONAGE a conclu à un non-respect du sens d'emboitement des conduits de raccordement et de la distance d'un élément surplombant. Elle souligne que seule la société DESA est intervenue et que le chapeau qu'elle a installé ne permet pas le dégagement des chaleurs par le haut.
Elle précise que devant les nuisances olfactives et suite aux réclamations des copropriétaires notamment, elle a dû verser un acompte à la société DESA pour qu'elle se déplace.
Elle note que la société DESA sollicitait une expertise judiciaire, ce qui n'est pas compatible avec le fait de prétendre aujourd'hui qu'il n'y a aucune malfaçon.
Par ses dernières conclusions, notifiées par voie électronique le 28 juin 2022, la SASU DESA demande à la cour de :
Recevoir la société DESA en ses écritures et y faisant droit :
- Confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions, sauf en ce qu'il a débouté la société DESA du surplus de ses demandes ;
Y ajoutant :
- Condamner Mme [P] [T] à payer à la société DESA la somme de 3 000 euros à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive ;
En tout état de cause
- Condamner Mme [P] [T] à payer à la société DESA la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens d'appel
- Débouter Mme [P] [T] de l'ensemble de ses demandes.
Elle soutient que sa créance présente un caractère liquide, exigible et certain ; que le devis a été accepté ; qu'elle est intervenue en urgence et a mené à bien les travaux contrôlés et validés sans réserve par le directeur de la boucherie ; que ce n'est que deux ans plus tard qu'elle a découvert les prétendues avaries causées par son intervention.
Elle rappelle qu'elle est intervenue une première fois pour procéder à un simple nettoyage et une seconde fois pour un dégraissage du conduit, qui semble n'avoir posé aucun problème au directeur de la boucherie, présent sur place. Elle réfute le fait que les odeurs incommodantes aient été constatées par l'huissier de justice et souligne que seules de très faibles traces de graisse ont été relevées.
Elle dénie toute valeur probante au courrier du conseil syndical, comme n'étant pas signé et compte tenu de son caractère minimaliste.
Elle relève que la société AER RAMONAGE est intervenue 16 mois après sa propre intervention et qu'aucune information n'est donnée sur l'utilisation du conduit ou l'intervention d'autres sociétés, notamment la société « BEVA » qui a installé l'élément surplombant (le chapeau).
Elle estime que l'appelante fait preuve d'une résistance abusive quant au paiement.
La clôture a été prononcée le 26 octobre 2022.
MOTIFS DE L'ARRÊT
Il résulte de l'article 9 du code de procédure civile qu'il appartient à chacune des parties de verser les pièces nécessaires au succès de ses prétentions.
Aux termes de l'article 1103 du code civil :
« Les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits. »
L'article 1231-1 du même code dispose que :
« Le débiteur est condamné, s'il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts soit à raison de l'inexécution de l'obligation, soit à raison du retard dans l'exécution, s'il ne justifie pas que l'exécution a été empêchée par la force majeure. »
En l'espèce, la société DESA produit un devis à hauteur de 19 836 euros TTC en date du 11 janvier 2017 et afférent au débistrage général des voies d'aération direct par goupillon vrille, la pose de litre de coulage, la pose d'inox avec découpe rigide et attache de sureté, la pose d'un boisseau notamment.
Le devis a été accepté « avant exécution des travaux » et la demande d'intervention immédiate a été notée le 30 mai 2017. Un chèque de 7 934 euros a été émis par l'appelante ce même jour. L'urgence de cette intervention résulte d'un courriel du 29 mai 2017 qui fait état de problèmes « sur la hotte ».
Par courriel du 31 mai 2017, la société DESA a notamment proposé que le directeur de la boucherie vienne contrôler la fin des travaux.
La société DESA a réclamé le solde de 11 902 euros suivant facture conforme au devis de 19 836 euros, déduction faite de l'acompte, par courriels des 5 et 26 juin 2017 puis par lettre recommandée du 26 juin également.
Ce n'est que par courrier du 6 juillet 2017 que le conseil de « l'indivision [T] » a exposé que l'intervention « s'est révélée inefficace ».
L'appelante produit un procès-verbal de constat en date du 13 juin 2017. Il est illustré de photographies.
L'huissier de justice constate des « marques graisseuses de couleur noirâtre au sol » dans l'arrière-boutique. Sur la porte à simple vantail côté boutique, des « marques graisseuses sont également visibles notamment en partie haute » et des marques de même nature sont aussi relevées sur le joint métallique au niveau du moteur.
Ces marques sont effectivement relativement visibles sur les photographies du sol, et dans une moindre mesure sur la porte, mais sans élément de comparaison, elles ne disent rien d'un état antérieur ni même d'une anormalité, et ce, en tenant compte de la nature spécifique de l'activité du commerce en cause susceptible de générer de telles nuisances, une rôtisserie.
Le constat reprend ensuite les allégations de M. [D], employé et représentant de la société Boucherie IDV Gambetta qui expose que la cheminée de la boucherie refoule de la fumée avec une odeur assez forte de poulet grillé et explique que cette odeur « n'était pas aussi forte avant » et que le « chapeau installé par la société BEVA ne permet pas le dégagement des odeurs vers le haut ». Il ne s'agit que de reprises d'allégations et nullement de constatations de l'huissier de justice lui-même.
Il existe en outre un doute sur le fait que la société « BEVA » ainsi citée serait en réalité la société DESA, comme l'appelante le prétend.
Mme [T] produit la copie d'un courrier manuscrit à l'en-tête du conseil syndical qui expose que les résidents de l'immeuble sont depuis quelques temps incommodés par les fumées et odeurs de la rôtisserie sur rue et que les travaux effectués suite à des plaintes « n'ont donné aucune satisfaction qui plus est un chapeau a été posé sur la cheminée côté cour qui [retombe ' - mot illisible] toutes les fumées ».
Comme le relève légitimement la société DESA, ce courrier n'est pas signé, son rédacteur n'est pas nommé.
Il est d'ailleurs possible, en l'absence de toute formule de conclusion, qu'il ne soit produit qu'en extrait. En outre, ce courrier est daté du 21 juin 2017, mais il ne donne aucune précision sur la chronologie des faits permettant de rattacher les désordres à la seule intervention de la société DESA.
Compte tenu de ces importantes lacunes, cette pièce ne fait pas la preuve des désordres et d'un lien avec les travaux effectués par l'intimée.
Mme [T] verse enfin un compte-rendu d'inspection de conduit des fumées de rôtisserie rédigé par la société AER RAMONAGE, et daté du 1er octobre 2018, soit plus de 16 mois après l'intervention litigieuse.
La société AER RAMONAGE relève une non-conformité du conduit de raccordement des fumées au regard de la DTU 24.1P2, article 5.1.4.1, liée à une inversion de conduit de raccordement de fumée ' la flèche constructeur indiquant le sens d'évacuation des fumées est orientée vers la rôtissoire, ce qui atteste de l'erreur de montage. Elle considère que les emboitements des différents segments ne respectent pas le référentiel de pose et expose que les segments sont montés à l'envers par rapport au sens d'évacuation des fumées et qu'il en résulte des écoulements de matière graisseuse.
En toiture, il est noté qu'il existe aussi une non-conformité du conduit des fumées au regard de la DTU 24.P21, article 6.4.1, liée à la présence d'un élément surplombant dans un rayon inférieur à 8 mètres ' la souche surplombant le conduit distant de 0, 75 m.
Il est préconisé, en raison de ces deux non-conformités, une dépose des éléments de conduit de raccordement et repose, conformément à la règlementation en vigueur, et la rehausse du conduit des fumées à la hauteur règlementaire.
Ce rapport d'inspection rédigé aussi longtemps après l'intervention de la société DESA, et sans que cette dernière ait été convoquée pour faire valoir ses observations contradictoirement, est en outre lacunaire puisqu'il ne dit rien de la chronologie des désordres, il ne fait aucune mention des travaux exécutés et facturés par la société DESA, pour les rattacher avec certitude aux non-conformités qu'elle expose.
Il ne présente pas même les caractères d'une expertise non judiciaire.
Enfin, il ne peut être tiré aucune conséquence du fait que la société DESA ne sollicite plus d'expertise : la preuve des désordres ne lui incombe nullement.
En l'absence de preuve que les désordres allégués sont imputables à la société DESA, c'est à bon droit que le tribunal a accueilli la demande en paiement du solde de la facture litigieuse pour la somme de 11 902 euros assortie des intérêts capitalisés au taux légal à compter de la mise en demeure du 27 juin 2017.
Il n'y a donc pas lieu à remboursement de l'acompte versé.
Le jugement déféré sera confirmé.
Sur les dommages et intérêts
La demande de paiement de la société DESA était fondée : la présente procédure ne présente aucun caractère abusif.
La mauvaise appréciation qu'une partie a de ses droits n'est pas en elle-même constitutive d'un abus, le retard étant déjà sanctionné par des intérêts et leur capitalisation.
La décision déférée sera également confirmée en ce qu'elle a rejeté les demandes de dommages et intérêts des deux parties.
Sur les demandes accessoires
Les condamnations prononcées en première instance au titre des dépens et frais irrépétibles seront confirmées. A hauteur d'appel, Mme [T] épouse [E] sera condamnée aux dépens ainsi qu'au paiement de la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La Cour, statuant en dernier ressort, contradictoirement et publiquement par mise à disposition de la décision au greffe
Confirme le jugement en ses dispositions soumises à la cour ;
Y ajoutant,
Condamne Mme [T] épouse [E] à payer à la société DESA la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamne Mme [T] épouse [E] aux dépens de l'instance d'appel ;
Déboute les parties du surplus de leurs demandes ;
LE GREFFIER LA PRÉSIDENTE