RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 6 - Chambre 13
ARRÊT DU 27 janvier 2023
(n° , 7 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : S N° RG 18/10564, 18/10631 et 18/10657 - N° Portalis 35L7-V-B7C-B6M7S
Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 24 Juillet 2018 par le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de PARIS RG n° 16/02198
APPELANT
Monsieur [E] [K]
[Adresse 1]
[Adresse 1]
représenté par Me Bruno MOTILA, avocat au barreau de PARIS, toque : C1813
INTIMEES
SAS [3] venant aux droits des Sociétés [7] ([7]) et de [8]
[Adresse 2]
[Adresse 2]
représentée par Me Guillaume ANQUETIL, avocat au barreau de PARIS, toque : D0156 substitué par Me Vania GURDJIAN-BACHEM, avocat au barreau de PARIS, toque : A0169
CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE [Localité 5]
[Adresse 6]
[Adresse 6]
représentée par Me Florence KATO, avocat au barreau de PARIS, toque : D1901
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 27 Octobre 2022, en audience publique et en double rapporteurs, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Laurence LE QUELLEC, Présidente de chambre et Monsieur Gilles REVELLES, Conseiller, chargés du rapport.
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Laurence LE QUELLEC, Présidente de chambre
Monsieur Raoul CARBONARO, Président de chambre
Monsieur Gilles REVELLES, Conseiller
Greffier : Madame Alice BLOYET, lors des débats
ARRET :
- CONTRADICTOIRE
- prononcé
par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, initialement prévu le vendredi 16 décembre 2022, prorogé le vendredi 20 janvier 2023, puis le vendredi 27 janvier 2023, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
-signé par Madame Laurence LE QUELLEC, Présidente de chambre et par Madame Alice BLOYET, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
La cour statue sur les appels régulièrement interjetés par [E] [K] d'un jugement rendu le 24 juillet 2018 par le tribunal des affaires de sécurité sociale de Paris dans un litige l'opposant à la S.A.S. [3] (la société), venant aux droits des sociétés [7] ([7]) et [8], en présence de l'Assurance Maladie de [Localité 5] (CPAM de [Localité 5]) (la caisse).
FAITS, PROCÉDURE, PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES :
Les faits de la cause ont été exactement exposés dans la décision déférée à laquelle il est fait expressément référence à cet égard.
Il convient toutefois de rappeler que l'assuré a été embauché le 16 mars 2002 par la société en qualité de chauffeur poids lourds ; qu'il a été victime d'un accident de la circulation le 18 décembre 2009 pris en charge au titre de la législation professionnelle par décision de la caisse notifiée le 5 février 2010 ; qu'il a perçu des indemnités journalières jusqu'au 25 avril 2010 ; qu'il a été convoqué à un entretien préalable en vue d'un licenciement le 22 juin 2010 ; que par lettre du 26 mai 2010, il a pris acte de la rupture du contrat de travail ; que sur la base d'un rapport d'expertise amiable du 21 septembre 2010, établi sur la base de la nomenclature dite Dintilhac et retenant un taux d'IPP de 2%, une date de consolidation au 31 mai 2011, un arrêt de travail total du 18 décembre 2009 au 25 avril 2010, une gêne temporaire partielle de classe 1 du 18 décembre 2009 au 31 mai 2010, un préjudice de douleur de 1,5/7 et l'absence de dommages esthétiques, suivant procès-verbal de transaction du 19 novembre 2010, l'assureur de la société a alloué une indemnité à l'assuré dans le cadre de la loi du 5 juillet 1985 ; qu'ensuite, l'assuré a déposé une plainte le 29 novembre 2010 à l'encontre de la société pour « fournitures de faux renseignements sur les conditions de travail de début novembre 2008 au 18 décembre 2009 » ; que par jugement du 20 mai 2015, le tribunal correctionnel de Bobigny a constaté l'extinction de l'action publique à l'encontre de la société, a relaxé Messieurs [Y] et [O] des fins de la poursuite et débouté l'assuré de ses demandes formées au titre du préjudice moral et des frais irrépétibles ; que le 13 avril 2016, l'assuré a saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale de Paris aux fins de voir reconnaître la faute inexcusable de la société.
Par jugement du 24 juillet 2018, le tribunal des affaires de sécurité sociale de Paris a :
- Constaté le désistement d'instance de l'assuré à l'encontre de la S.A.S. [4] qui accepte ce désistement ;
- Dit n'y avoir lieu à écarter des débats des arguments oraux ;
- Déclaré irrecevable comme prescrite la demande formée par l'assuré en reconnaissance de la faute inexcusable de son employeur pour l'accident du travail du 18 novembre 2009 ;
- Débouté en conséquence l'assuré de l'ensemble de ses demandes ;
- Déclaré le présent jugement opposable à la caisse ;
- Débouté les parties de toutes autres demandes plus amples ou contraires ;
- Débouté l'assuré et la société de leurs demandes respectives fondées sur l'article 700 du code de procédure civile ;
- Dit n'y avoir lieu à exécution provisoire.
Pour statuer ainsi le tribunal a retenu essentiellement qu'à la suite de la plainte déposée le 29 novembre 2010 par l'assuré, la société, son président et son directeur des opérations ont été poursuivis pour des faits de mise en danger d'autrui par violation manifestement délibérée d'une obligation réglementaire de sécurité ou de prudence, en l'espèce le respect des heures légales de travail et heures de repos, ayant exposé l'assuré à un risque immédiat de mort ou de blessures, et de non-indication sur le bulletin de paie ou un document annexe des mentions relatives au temps de travail et au repos, en l'espèce nombre d'heures inférieur à celui réellement effectué, faits commis entre le 1er novembre 2008 et le 1er mai 2010 ; que la lecture des pièces de la procédure pénale et du jugement du 20 mai 2015 permet de vérifier que l'assuré n'a jamais visé les faits du 18 décembre 2009 constitutifs de l'accident du travail et que l'objet de la prévention ne les vise pas davantage ; que dès lors le dépôt de la plainte puis l'enquête et enfin l'action pénale n'ont pas été engagés pour les mêmes faits que ceux constitutifs de l'accident de la circulation du 18 décembre 2009 causé par un conducteur tiers responsable ; que l'action pénale qui a abouti à une décision correctionnelle de relaxe n'est donc nullement interruptive de prescription entre le 29 novembre 2010 et le 15 mai 2015 ; qu'ainsi, il convenait de constater que la prescription avait commencé à courir à compter de la date de cessation de versement des indemnités journalières, soit le 25 avril 2010 ; qu'en conséquence, en l'absence d'événement interruptif, la prescription de l'action était acquise le 26 avril 2012, de sorte que l'action introduite le 13 avril 2016 était irrecevable comme prescrite.
L'assuré a interjeté appel de ce jugement les 19, 20 et 21 septembre 2018, le jugement lui ayant été notifié le 23 août 2018. Les trois appels ont été enregistrés sous les numéros RG 18/10631, 18/10564 et 18/10657 et ont été joints à l'audience du 30 août 2021 par mention au dossier.
L'assuré a fait soutenir et déposer par son conseil des conclusions écrites demandant à la cour, au visa des articles L. 452-2, L. 452-3 et suivants, et L. 432-1 du code de la sécurité sociale, de :
- Le dire et juger recevable et bien-fondé en son action ;
- Infirmer le jugement rendu par le tribunal des affaires de sécurité sociale de Paris le 24 juillet 2018 ;
Statuant à nouveau,
- Dire et juger que l'action en reconnaissance de la faute inexcusable qu'il a introduite à l'encontre de la société n'a pas commencé à courir compte tenu de l'absence de notification par la caisse de la cessation des indemnités journalières ;
- Dire et juger que son action en reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur n'est pas prescrite ;
Avant dire droit,
- Désigner tel expert qu'il plaira ayant pour mission de :
* Identifier les préjudices de l'assuré avant et après consolidation ;
* Évaluer les préjudices de ce dernier ;
- Condamner la société à payer à l'assuré la somme provisionnelle de 10 000 euros ;
Sur le fond,
- Constater la faute inexcusable de la société ;
En conséquence,
- Condamner, à défaut d'expertise et de condamnation provisionnelle, la société à lui verser les sommes suivantes :
* 25 000 € au titre de son préjudice résultant des souffrances physiques ;
* 35 000 € au titre des souffrances résultant de son préjudice moral ;
* 25 000 € pour déficit fonctionnel temporaire et permanent ;
* 25 000 € à titre de dommages et intérêts au titre du préjudice économique ;
* 25 000 € au titre du préjudice d'agrément ;
* 25 000 € au titre du préjudice personnel de ses proches ;
En tout état de cause,
- Débouter la société de l'ensemble de ses demandes ;
- Débouter la caisse de l'ensemble de ses demandes ;
- Ordonner que les condamnations de la société seront garanties par la caisse ;
- Prononcer l'exécution provisoire de la décision à intervenir sur le fondement de l'article 515 du code de procédure civile ;
- Condamner la société et la caisse à lui verser la somme de 5 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens et que ces condamnations seront garanties par la caisse.
La société fait soutenir et déposer par son conseil des conclusions écrites demandant à la cour, au visa notamment de la décision du Conseil constitutionnel du 18 juin 2010, du procès-verbal de transaction définitive Loi du 5 juillet 1985 du 19 novembre 2010, des articles 122 et suivants et 462 du code de procédure civile, de :
À titre préalable,
- Rectifier l'erreur matérielle entachant le dispositif du jugement rendu par le tribunal des affaires de sécurité sociale de Paris le 24 juillet 2018 en ce que ce dernier vise un accident du travail en date du 18 novembre 2009 au lieu d'un accident du travail en date du 18 décembre 2009 ;
À titre principal,
- Confirmer le jugement rendu par le tribunal des affaires de sécurité sociale de Paris le 24 juillet 2018 en ce qu'il a déclaré irrecevable comme prescrite l'action de l'assuré et a, en conséquence, débouté ce dernier de l'ensemble de ses demandes ;
À titre subsidiaire,
Dans l'hypothèse où le jugement de première instance serait infirmé et l'action de l'assuré déclarée recevable :
Sur l'existence d'une faute inexcusable et ses conséquences :
- Constater que l'assuré ne rapporte pas la preuve de l'existence d'une faute inexcusable imputable à son employeur comme étant à l'origine de son accident du 18 décembre 2009 ;
- Constater que l'accident de l'assuré du 18 décembre 2009 est dû à la seule faute d'un tiers qui n'a pas su maîtriser son véhicule ;
- Débouter l'assuré de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;
Dans l'hypothèse où la cour estimerait qu'une faute inexcusable de l'employeur est à l'origine de l'accident de l'assuré du 18 décembre 2009 :
Sur la demande d'expertise :
- Dire et juger la demande d'expertise sans objet, l'ensemble des postes de préjudices ayant d'ores et déjà été déterminé par voie d'expertise et indemnisé dans le cadre de la loi Badinter ;
- Dire et juger que seul le médecin-conseil de la caisse est à même de déterminer la date de consolidation et le taux de déficit fonctionnel permanent dans le cadre d'un accident du travail ;
En conséquence :
- Débouter l'assuré de sa demande d'expertise judiciaire et à titre subsidiaire fixer une mission d'expertise propre à la matière de la faute inexcusable ;
Sur la demande de provision et d'indemnisation définitive des différents postes de préjudice de l'assuré :
- Juger que l'assuré sollicite à la fois une indemnité provisionnelle et des indemnités définitives au titre de ses différents postes de préjudice ;
- Juger que l'assuré sollicite l'indemnisation de postes de préjudice qui ont d'ores et déjà été intégralement indemnisés en droit commun dans le cadre de la loi Badinter ;
- Juger que le principe de réparation intégrale s'oppose à la double indemnisation d'un même poste de préjudice ;
- Juger la demande d'indemnisation au titre des proches de l'assuré irrecevable ;
En conséquence,
- Débouter l'assuré de toute demande d'indemnités provisionnelles et/ou de toute demande d'indemnité définitive au titre des conséquences de son accident du 18 décembre 2009 ;
En tout état de cause :
- Débouter l'assuré de sa demande d'indemnité de 4 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- Condamner l'assuré au versement d'une somme de 4 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
La caisse, représentée par son conseil, dépose et soutient des écritures aux termes desquelles elle demande à la cour de :
À titre principal,
Vu les articles L. 431-2 et suivants du code de la sécurité sociale ;
- Confirmer le jugement du 24 juillet 2018 en toutes ses dispositions ;
À titre subsidiaire,
Vu les articles L. 451-1 et suivants du code de la sécurité sociale ;
- Statuer ce que de droit sur les mérites de l'appel interjeté par l'assuré quant au principe de la faute inexcusable ;
Dans l'hypothèse où la cour retiendrait la faute inexcusable de l'employeur,
- Limiter la mission de l'expert aux postes de préjudice indemnisable au titre de la faute inexcusable et aux seuls préjudices temporaires ;
- Exclure de la mission d'expertise l'évaluation du déficit fonctionnel permanent, du préjudice économique, de la date de consolidation et des séquelles indemnisables ;
- Ramener à de plus justes proportions les sommes allouées à l'assuré à titre de provisions ;
- Surseoir à statuer sur la liquidation des préjudices de l'assuré dans l'attente du dépôt du rapport d'expertise ;
- Débouter l'assuré de sa demande d'indemnisation au titre du déficit fonctionnel permanent, du préjudice économique et du préjudice personnel de ses proches ;
- Rappeler que la caisse avancera les sommes éventuellement allouées à l'assuré dont elle récupérera le montant sur l'employeur y compris les frais d'expertise ;
En tout état de cause,
- Condamner tout succombant aux entiers dépens.
Il est renvoyé aux conclusions déposées par les parties à l'audience, et visées par le greffe, pour un plus ample exposé des moyens développés au soutien de leurs prétentions.
SUR CE :
Sur la rectification de l'erreur matérielle :
Le premier alinéa de l'article 462 du code de procédure civile dispose que :
« Les erreurs et omissions matérielles qui affectent un jugement, même passé en force de chose jugée, peuvent toujours être réparées par la juridiction qui l'a rendu ou par celle à laquelle il est déféré, selon ce que le dossier révèle ou, à défaut, ce que la raison commande. »
En l'espèce, il est constant que l'accident en cause est en date du 18 décembre 2009, l'assuré ayant saisi le tribunal de ce seul accident, lequel est mentionné à deux reprises dans le corps des motifs de la décision en page 6.
Au seul dispositif du jugement du 24 juillet 2018 est visé un accident du travail en date du 18 novembre 2009.
Il s'agit d'une erreur matérielle manifeste qui sera rectifiée dans le dispositif de cet arrêt.
Sur la prescription de l'action en reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur:
L'article L. 431-2 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction applicable, disposait, notamment, que :
« Les droits de la victime ou de ses ayants droit aux prestations et indemnités prévues par le présent livre se prescrivent par deux ans à dater :
« 1°) du jour de l'accident ou de la cessation du paiement de l'indemnité journalière ;
« '
« Les prescriptions prévues aux trois alinéas précédents sont soumises aux règles de droit commun.
« Toutefois, en cas d'accident susceptible d'entraîner la reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur, ou de ceux qu'il s'est substitués dans la direction, la prescription de deux ans opposable aux demandes d'indemnisation complémentaire visée aux articles L. 452-1 et suivants est interrompue par l'exercice de l'action pénale engagée pour les mêmes faits ou de l'action en reconnaissance du caractère professionnel de l'accident. »
En l'espèce, l'assuré a été victime d'un accident de la circulation le 18 décembre 2009 pris en charge au titre de la législation professionnelle par décision de la caisse notifiée le 5 février 2010. Il a perçu des indemnités journalières jusqu'au 25 avril 2010.
Il s'ensuit que la prescription biennale prévue par le droit de la sécurité sociale a commencé à courir au plus tard le 26 avril 2012.
L'assuré ne peut pas sérieusement se prévaloir de l'absence de notification de la fin du versement des indemnités journalières pour prétendre que le délai de prescription n'aurait pas commencé à courir. D'une part le texte applicable précise que la date à retenir est celle de la cessation du versement des indemnités journalières et ne prévoit aucune notification, d'autre part s'agissant de la connaissance d'un fait, et non d'un acte juridique, permettant au titulaire d'un droit de l'exercer, l'assuré ne pouvait pas ne pas savoir qu'il ne percevait plus les indemnités journalières à compter du 25 avril 2010, étant rappelé en outre que le versement des indemnités journalières est soumis à la prescription médicale d'un arrêt de travail à l'assuré qui prévoit également la date de fin de l'arrêt et que l'assuré doit déclarer cet arrêt dans les deux jours de sa prescription.
Ensuite, dans le cadre d'une procédure relative à l'accident de la circulation poursuivie en droit commun, suivant procès-verbal de transaction du 19 novembre 2010 intervenue après une expertise amiable du 21 septembre 2010, l'assureur de la société a alloué une indemnité à l'assuré dans le cadre de la loi du 5 juillet 1985.
En outre, l'assuré a déposé une plainte le 29 novembre 2010, sans se constituer partie civile, à l'encontre de la société pour « fournitures de faux renseignements sur les conditions de travail » de « début novembre 2008 au 18 décembre 2009 » qui ne visait pas expressément l'accident de la circulation du 18 décembre 2009 ni ne faisait état d'un accident de la circulation de manière générale mais seulement des documents et attestations de travail ainsi que de quatre contraventions du 23 octobre 2010 pour infractions par rapport aux jours de repos.
L'action publique a été engagée, le 12 mars 2015 (citation à parquet de la société), sur la base de deux qualifications qui ne visaient pas le fait accidentel du 18 décembre 2009, même à titre d'illustration ou d'élément constitutif d'une infraction plus large. En effet, la société a été renvoyée devant le tribunal 1) pour avoir à Roissy-Charles-de-Gaulle, en tout cas sur le territoire national entre le 1er novembre 2008 et le 1er mai 2010 et depuis temps non couvert par la prescription de l'action publique, conduit ou exploité un véhicule de transport routier de marchandises ou de voyageurs en fournissant, ou en laissant fournir de faux renseignements concernant la durée du travail, les conditions de travail, les moyens de contrôle, documents ou dispositifs devant être utilisés à la formation professionnelle initiale ou continue des conducteurs ; 2) pour avoir à Roissy-Charles-de-Gaulle, en tout cas sur le territoire national entre le 1er novembre 2008 et le 1er mai 2010 et depuis temps non couvert par la prescription de l'action publique, étant employeur de [l'assuré], par la violation manifestement délibérée d'une obligation particulière de sécurité (respect des heures légales de travail et heures de repos) exposé l'assuré à un risque immédiat de mort ou de blessures de nature à entraîner une mutilation ou une infirmité permanente ; 3) pour avoir à Roissy-Charles-de-Gaulle, en tout cas sur le territoire national entre le 1er novembre 2008 et le 1er mai 2010 et depuis temps non couvert par la prescription de l'action publique, étant employeur de [l'assuré] mentionné sur les bulletins de paie émis pendant cette période un nombre d'heures de travail inférieur à celui réellement effectué. Le président et le directeur des opérations de la société ont été renvoyés devant la juridiction répressive au titre de la seule première infraction, le premier ayant été cité le 25 février 2015 et le second ayant été convoqué par un officier de police judiciaire le 3 juillet 2012.
Par jugement du 20 mai 2015, le tribunal correctionnel de Bobigny a constaté l'extinction de l'action publique à l'encontre de la société, a relaxé son président et son directeur des opérations des fins de la poursuite et débouté l'assuré de ses demandes formées au titre du préjudice moral et des frais irrépétibles.
Il s'ensuit que ni le dépôt de plainte, ni l'engagement de l'action publique ni le jugement correctionnel n'ont pu constituer l'action pénale susceptible d'interrompre la prescription biennale applicable en matière de recherche de la faute inexcusable de l'employeur au titre d'un accident du travail, et étant observé qu'une simple plainte ne valant pas engagement de l'action publique, la seule action pénale à l'encontre de la société susceptible d'interrompre la prescription biennale ayant commencé à courir le 26 avril 2012 n'est intervenue que le 12 mars 2015, de sorte qu'elle n'est pas interruptive de prescription.
Enfin, le 13 avril 2016, l'assuré a saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale de Paris aux fins de voir reconnaître la faute inexcusable de la société.
Il s'ensuit qu'à cette dernière date, l'assuré était prescrit dans son action depuis le 26 avril 2012.
Il y a donc lieu de confirmer la décision des premiers juges en toutes ses dispositions, sauf en ce qu'il a débouté l'assuré de l'ensemble de ses demandes, dès lors qu'en présence d'une prescription de l'action, le jugement ne pouvait statuer au fond sans commettre un excès de pouvoir.
L'assuré sera condamné aux dépens d'appel. Aucune considération tirée de l'équité ou de la situation des parties ne commande de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS :
LA COUR,
Déclare l'appel recevable ;
Rectifie l'erreur matérielle entachant le dispositif du jugement rendu par le tribunal des affaires de sécurité sociale de Paris le 24 juillet 2018 en ce que ce dernier vise un accident du travail en date du 18 novembre 2009 au lieu d'un accident du travail en date du 18 décembre 2009 ;
Confirme le jugement déféré, sauf en ce qu'il a débouté l'assuré de l'ensemble de ses demandes ;
Dit n'y avoir lieu de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamne [E] [K] aux dépens d'appel.
La greffière, La présidente,