La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

02/02/2023 | FRANCE | N°19/09136

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 7, 02 février 2023, 19/09136


Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS







COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 7



ARRET DU 02 FEVRIER 2023



(n° , 17 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 19/09136 - N° Portalis 35L7-V-B7D-CARBD



Décision déférée à la Cour : Jugement du 13 Juin 2018 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS - RG n° 16/02383





APPELANT



Monsieur [U] [M]

[Adresse 1]

[Locali

té 4]

Représenté par Me Elodie DENIS, avocat au barreau de PARIS, toque : B0317



INTIMEES



La RÉGIE AUTONOME DES TRANSPORTS PARISIENS (RATP)

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représentée pa...

Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 7

ARRET DU 02 FEVRIER 2023

(n° , 17 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 19/09136 - N° Portalis 35L7-V-B7D-CARBD

Décision déférée à la Cour : Jugement du 13 Juin 2018 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS - RG n° 16/02383

APPELANT

Monsieur [U] [M]

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représenté par Me Elodie DENIS, avocat au barreau de PARIS, toque : B0317

INTIMEES

La RÉGIE AUTONOME DES TRANSPORTS PARISIENS (RATP)

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représentée par Me Marie-Hélène BENSADOUN, avocat au barreau de PARIS, toque : P0438

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 10 Novembre 2022, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Guillemette MEUNIER, Présidente de chambre et Monsieur Laurent ROULAUD, Conseiller, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :

Madame Guillemette MEUNIER, Présidente de chambre

Madame Bérénice HUMBOURG, Présidente de chambre

Monsieur Laurent ROULAUD, Conseiller

Greffier, lors des débats : Madame Joanna FABBY

ARRET :

- CONTRADICTOIRE

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Guillemette MEUNIER, Présidente de chambre, et par Madame Marie-Charlotte BEHR, Greffière en stage de préaffectation sur poste à laquelle la minute a été remise par le magistrat signataire.

FAITS, PROC''DURE ET PR''TENTIONS DES PARTIES

Par bulletin d'engagement prenant effet le 12 février 1991, M. [U] [M] a été engagé par l'établissement public Régie autonome des transports parisiens (ci-après désigné la RATP) en qualité d'élève d'exploitation du réseau férré.

Depuis octobre 1996, M. [M] occupe le poste de responsable opérationnel coordinateur (ROC) au sein du département Services Espaces Multimodaux (SEM).

M. [M] est titulaire d'un mandat de délégué syndical et d'un mandat de représentant de section syndicale pour lesquels il bénéficie d'un crédit de délégation mensuel total de 24 heures.

La RATP se dit confrontée depuis le premier semestre 2015 à la systématisation d'une pratique développée par certains agents titulaires de mandats de représentation du personnel au sein notamment du département SEM, consistant en l'utilisation fractionnée de leur crédit d'heures de délégation sur des tranches horaires très précises en dehors de leur temps de travail, aboutissant à ne pouvoir planifier les agents concernés sur leurs horaires de services habituels.

Reprochant ainsi à M. [M] une utilisation abusive de ses heures de délégation à compter d'avril 2015 par un fractionnement de celles-ci lui permettant d'être dispensé d'un nombre conséquent de ses heures de service tout en percevant sa rémunération en raison des règles relatives au repos quotidien, la RATP a saisi le 1er mars 2016 le conseil de prud'hommes de Paris afin d'obtenir la condamnation du salarié au paiement de dommages-intérêts pour utilisation abusive de ses heures de délégation et qu'il soit fait injonction à celui-ci de mettre un terme à sa pratique abusive.

Par jugement du 13 juin 2018, le conseil de prud'hommes de Paris a :

- rejeté la demande d'irrecevabilité de M. [M],

- condamné M. [M] au paiement d'un euro à titre de dommages-intérêts pour abus d'utilisation d'heures de délégation,

- débouté la RATP, le salarié et le syndicat autonome Tout RATP de leurs autres demandes et a condamné M. [M] aux entiers dépens.

Le 26 août 2019, M. [M] a interjeté appel du jugement.

Selon ses conclusions transmises par la voie électronique le 19 mai 2020, M. [M] demande à la cour de :

Infirmer le jugement sauf en ce qu'il a débouté la RATP de ses demandes reconventionnelles,

Et Statuant à nouveau,

A titre principal et in limine litis, déclarer irrecevable la RATP en ses demandes,

A titre subsidiaire, débouter la RATP de l'ensemble de ses demandes,

En tout état de cause,

Condamner la RATP à lui verser la somme de 1.393,36 euros à titre de rappel de salaires, dû au titre des heures de délégation prises en dehors des horaires de service, outre 139,33 euros de conges payes afférents,

Condamner la RATP à lui verser la somme de 602,29 euros au titre de l'allocation complémentaire de déplacement,

Condamner la RATP à lui verser la somme de 278,19 euros au titre de la prime de panier,

Condamner la RATP à lui verser la somme de 560,01 euros au titre de l'allocation complémentaire de travaux de nuit, sommes qu'il conviendra en tout état de cause de convertir en points de « coefficient retraite »,

Condamner la RATP à lui verser la somme de 13.352,25 euros à titre de dommages et intérêts pour inexécution fautive du contrat de travail,

Condamner la RATP à lui verser la somme de 16.022,70 euros à titre de dommages et intérêts pour discrimination syndicale,

Prononcer son repositionnement au niveau 12 à compter du 1er janvier 2014,

Condamner la RATP à lui verser la somme de 2.395.08 euros à titre de rappel de salaires, au titre du repositionnement, outre 239.50 euros de conges payes afférents,

Condamner la RATP à lui verser la somme de 8.011,35 euros au titre du préjudice moral subi,

Ordonner le versement des intérêts au taux légal sur les salaires et sommes afférentes sollicités à compter de la saisine du conseil de prud'hommes et pour les dommages et intérêts à compter de la décision à intervenir,

Débouter la RATP de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

Condamner la RATP à lui verser la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamner la RATP au versement des dépens de l'instance sur le fondement des dispositions de l'article 695 du code de procédure civile.

Selon ses conclusions transmises par la voie électronique le 6 septembre 2022, la RATP demande à la cour de :

Confirmer et reconnaître le détournement des règles relatives au repos quotidien et à l'amplitude journalière maximale,

Confirmer et caractériser l'abus de droit commis par M. [M] dans la répartition des crédits d'heures de délégation entre avril 2015 et avril 2016,

Confirmer et reconnaître son préjudice d'un montant de 3.504,59 euros causé par l'abus de droit commis par M. [M],

En conséquence :

A titre principal, condamner M. [M] au versement de 3.504,59 euros de dommages-intérêts,

A titre subsidiaire, enjoindre à M. [M] de mettre un terme à sa pratique abusive et d'exécuter loyalement son contrat de travail en faisant, de son droit de fractionner et répartir son créditd'heures de délégation, un usage exclusivement justifié par les nécessités de son mandat,

Assortir l'injonction d'une astreinte de 300 euros pour chaque violation de l'injonction de faire

de son droit de fractionner son crédit d'heures de délégation un usage exclusivement justifié par les nécessités de son mandat à compter de la décision à intervenir,

Dire et juger que la cour restera compétente pour connaître de la liquidation éventuelle de l'astreinte qu'elle aura ordonnée,

Confirmer qu'elle a exactement versé à M. [M] l'intégralité de sa rémunération et qu'elle ne lui est redevable d'aucun rappel de salaire, notamment au titre de majorations pour heures supplémentaires, allocation complémentaire de déplacement, prime de panier et allocation complémentaire de travaux de nuit,

Constater l'absence de toute discrimination syndicale à l'encontre de M. [M],

Confirmer l'absence d'inexécution fautive du contrat de travail de sa part,

Constater l'absence de préjudice moral de M. [M],

En conséquence :

Débouter M. [M] de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions,

En tout état de cause,

Confirmer que son action à l'encontre M. [M] est recevable,

Condamner M. [M] au versement de 1.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Le syndicat autonome Tout RATP qui était partie intervenante en premier instance n'est pas dans la cause d'appel.

Pour un exposé des moyens des parties, la cour se réfère expressément aux conclusions transmises par la voie électronique.

L'instruction a été déclarée close le 7 septembre 2022.

MOTIFS :

Sur le moyen d'irrecevabilité tiré de l'absence d'interrogation de l'élu par l'employeur sur ses heures de délégation :

Il est constant que l'employeur ne peut saisir les juges du fond d'une action en remboursement d'heures de délégation mal utilisées qu'après avoir préalablement demandé à l'interessé, fût ce en cas de refus par voie judiciaire, l'indication des activités pour lesquelles elles ont été utilisées.

M. [M] reproche à l'employeur de n'avoir pas pris la peine de chercher à obtenir les informations afférentes à l'utilisation de ses heures de délégation et d'avoir, de manière illicite, exigé le remboursement de ces heures sans avoir pris la peine d'étudier quel avait été l'usage précis de celles-ci.

Néanmoins, comme le relève justement la RATP, l'employeur ne sollicite pas en l'espèce le remboursement d'heures de délégation mais demande à la cour de condamner le salarié à lui verser des dommages-intérêts en réparation du préjudice subi du fait de l'utilisation abusive de ces heures et, à titre subsidiaire, qu'il soit fait injonction à l'agent de mettre un terme à cet usage.

Par suite, le moyen d'irrecevabilité tiré de l'absence d'interrogation de l'élu par l'employeur sur l'utilisation faite des heures de délégation doit être rejeté.

Sur le moyen d'irrecevabilité tiré de l'absence de paiement des heures supplémentaires accomplies au titre des heures de délégation et sur la demande reconventionnelle de paiement de ces heures :

Il est constant qu'en application des dispositions de l'article L. 2143-17 du code du travail, l'employeur ne peut contester l'usage fait du temps alloué aux représentants élus du personnel pour l'exercice de leur mandat qu'après avoir payées les heures de délégation.

Le salarié soutient que les heures de délégations accomplies en dehors des horaires de service doivent s'analyser en des heures supplémentaires impliquant l'application des majorations afférentes. Il soutient également que les heures de délégation litigieuses ayant été accomplies en dehors des horaires de service, elles s'analysent donc en des heures supplémentaires.

Il en déduit que l'action de l'employeur aux fins de contestation des heures de délégation litigieuses est irrecevable puisque celui-ci ne lui a pas versé les majorations dues au titre des heures de délégation prises en dehors des horaires de service, d'un montant de 1.393,36 euros, outre 139,33 euros de congés payés afférents. Le salarié sollicite en outre, à titre reconventionnel, le paiement de ces sommes.

En défense, l'employeur soutient que les dispositions invoquées par M. [M] lui sont inapplicables et que les heures de délégation litigieuses ne constituent pas des heures supplémentaires au sens de la législation qui lui est opposable. Il en déduit que les demandes du salarié doivent être rejetées.

En l'espèce, l'article L.1321-1 du code des transports énonce que ni les dispositions du titre II du livre 1er de la troisième partie du code du travail, ni les dispositions du présent chapitre ne s'appliquent aux salariés soumis à des règles particulières, de la Régie autonome des transports parisiens et des entreprises de transport public urbain régulier de personnes, à l'exception de ceux de ces salariés qui concourent aux activités de gestion, d'exploitation et de maintenance de services réguliers de transport par autobus.

Dès lors, comme le relève justement l'employeur, le temps de travail de ses agents est régi par les arrêtés du 29 décembre 1942, l'article 133 du statut du personnel, les accords collectifs en vigueur et, notamment les accords relatifs à l'aménagement et la réduction du temps de travail (ARTT), les instructions générales (et notamment l'instruction générale 523 B produite) ainsi que les notes d'entreprises adoptées par le président directeur général de la RATP ou par des directeurs agissant en vertu de délégations.

L'article 2 de l'instruction générale 523 B stipule :

'Conformément au décret n°2008-26 du 24 janvier 2008 pris pour les salariés dont la durée du travail relève d'un régime particulier, les heures supplémentaires sont les heures de travail effectif accomplies, à la demande de l'employeur, en dépassement de la durée légale de 35 heures par semaine en moyenne sur l'année.

L'année est la période de référence pour le calcul de la durée du travail. Les heures supplémentaires sont donc connues, et mises à disposition du salarié, à l'issue de l'année de travail.

Les heures supplémentaires sont décomptées des dépassements journaliers de temps de travail effectif que le salarié a accumulés sur l'année écoulée. Le temps de travail effectif est le temps pendant lequel le salarié est à la disposition de sa hiérarchie et doit se conformer à ses directives sans pouvoir vaquer librement à des occupations personnelles'.

En outre, les heures de délégation ne peuvent donner lieu à rémunération spécifique au titre des heures supplémentaires qu'à la double condition qu'elles aient été prises en dehors de l'horaire normal de travail et en plus du temps de travail effectif.

En l'espèce, si les heures de délégation de M. [M], pour lesquelles il sollicite le paiement des majorations afférentes au titre des heures supplémentaires, ont été prises en dehors de l'horaire normal de travail, elles ne l'ont pour autant pas été en plus du temps de travail effectif puisque les conditions d'utilisation de ces heures par l'agent liées à l'amplitude de travail horaire maximale et au temps de repos obligatoire a conduit l'employeur à placer celui-ci en autorisation d'absence rémunérée et de différer sa prise de service, comme cela résulte des pièces produites par la RATP(bulletins de pointage de l'agent, bulletins de paie, tableaux récapitulatifs de pointage et de répartition de crédits d'heures, échanges de mails par lesquels l'agent pose ses heures de délégation) et qu'en application du dernier alinéa de l'article 2 de l'instruction générale 523 B précitée, les heures durant lesquelles l'agent est en autorisation d'absence rémunérée ne sont pas des heures de travail effectif.

Dans ces conditions, les heures de délégation prises par M. [M] en dehors du temps de service n'avaient pas à être rémunérées en tant qu'heures supplémentaires.

Par suite, le moyen d'irrecevabilité et la demande pécuniaire du salarié doivent être rejetés.

Sur l'utilisation abusive des heures de délégation :

Sollicitant l'infirmation du jugement en ce qu'il l'a condamné à verser à la RATP la somme d'un euro à titre de dommages-intérêts, M. [M] soutient que l'utilisation du crédit d'heures de délégation est libre, qu'il existe une présomption de bonne utilisation de ces heures, à charge pour l'employeur de solliciter de l'intéressé l'indication de leur utilisation et que la possibilité de fractionner les heures de délégation est reconnue par la jurisprudence.

Plus précisément, M. [M] expose que :

- ses horaires de travail en tant que ROC sont du lundi au jeudi et le dimanche de 19h à 2h15 et les vendredi, samedi et veilles de fête de 20h à 3h15,

- il bénéficie d'un crédit d'heures de délégation de 20 heures pour l'exercice de son mandat de délégué syndical du département SEM alors que ce département comprend 6.000 salariés affectés à 16 lignes de métro et deux lignes de RER (A et B),

- il bénéficie d'un crédit d'heures de délégation de 4 heures pour l'exercice de son mandat de représentant de la section syndicale au sein de l'unité opérationnelle ligne 3/3 bis desservant 29 stations et comprenant 670 agents,

- l'utilisation de ses heures de délégation entre avril 2015 et avril 2016, fût-elle fractionnée et intervenue parfois en dehors de ses horaires de service, a été conforme aux besoins et aux nécessités de son mandat et entérinée par la direction au travers des relevés (autorisations d'absences) accordées,

- les représentants syndicaux bénéficient d'une liberté dans le choix de l'horaire des heures d'information syndicale,

- l'employeur s'est abstenu de fixer des créneaux d'horaires précis pour permettre à l'ensemble des agents de bénéficier des informations syndicales.

La RATP expose au contraire que M. [M] a commis un abus de droit manifeste dans l'utilisation de ses heures de délégation par un fractionnement intempestif de son crédit d'heures en ayant posé, sur la période de septembre 2015 à avril 2016, 75,16 % de ses heures de délégation en dehors de ses horaires de service habituels sur un créneau précis rendant impossible la prise du service suivant, mais également par une répartition injustifiée de son crédit d'heures au regard des nécessités du mandat et par un détournement manifeste des règles relatives au temps de travail.

La RATP considère que cet abus de droit est de nature à engager la responsabilité civile du salarié et sollicite à son encontre la somme de 3.504,59 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice subi.

***

Le crédit d'heures d'un représentant du personnel ne peut être pris en dehors de l'horaire normal de travail et en sus du temps de travail effectif que lorsque les nécessités du mandat le justifie.

A l'égard de son employeur, la responsabilité pécuniaire d'un salarié ne peut résulter que de sa faute lourde.

La faute lourde est caractérisée par l'intention de nuire à l'employeur, laquelle implique la volonté du salarié de lui porter préjudice dans la commission du fait fautif et ne résulte pas de la seule commission d'un acte préjudiciable à l'entreprise.

***

En premier lieu, il ressort des pièces versées aux débats et notamment des bulletins mensuels de pointage produits par les parties et des récapitulatifs présentés par la RATP qu'entre septembre 2015 et avril 2016, 75,16% du crédit d'heures de délégation a été utilisé par M. [M] en dehors de ses horaires habituels de travail alors que, comme il a été dit précédemment, le recours au crédit d'heures de délégation en dehors de l'horaire normal de travail n'est possible que lorsque les nécessités du mandat le justifie. Or, il ne ressort pas des éléments produits que les mandats du salarié nécessitaient la prise en dehors de l'horaire normal de travail de trois quarts du crédit de délégation qui lui était alloué sur la période considérée.

En deuxième lieu, il ressort des mêmes éléments que de façon quasi systématique sur la période susmentionnée, le salarié a fractionné ses heures de délégation de telle sorte qu'eu égard au temps de repos quotidien de 11 heures consécutives et de l'amplitude journalière maximale de 12 heures, celui-ci a été dispensé partiellement de son service tout en conservant son entière rémunération.

Ainsi, plus précisément, il est constant que les horaires de travail du salarié sont de 19h à 2h15 et de 20h à 3h15 les vendredis, samedis et veilles de jours fériés.

Or, entre avril 2015 et avril 2016, le salarié a posé presque systématiquement 15 minutes de délégation entre 7h et 7h15 puis une nouvelle fois dans la journée entre 15h45 et 16h, le crédit d'heures de délégation étant alors utilisé en dehors de l'horaire normal de travail.

Cette pratique a eu pour effet d'interrompre par deux fois le temps de repos obligatoire de 11 heures, ce dernier ne recommençant à courir qu'à 16h. La prise du service à 19h ou à 20h était alors compromise, aucune période de repos de 11 heures consécutives n'étant intervenue depuis 2 h15 ou 3h15 les vendredis, samedis et veilles de jours fériés.

Ainsi, entre avril 2015 et avril 2016, cette pratique a permis au salarié d'être dispensé de 973 heures et 45 minutes de travail (soit plus de 134 jours de service) qui lui ont néanmoins été rémunérées par l'employeur.

Cette régularité des horaires de délégation, voire leur caractère systématique en dehors des horaires normaux de service, ne peuvent s'expliquer par les besoins et les nécessités du mandat, sauf à considérer que le salarié doit impérativement y répondre de façon quasi constante selon la même durée et aux mêmes heures, ce qui n'est nullement établi au regard des éléments produits.

En troisième lieu, ayant constaté le caractère systématique de ses poses de crédit d'heures par M. [M] en dehors des horaires habituels, l'employeur a, en premier lieu, proposé au salarié, par lettre du 29 septembre 2015, une modification de ses horaires de travail qui le positionnerait sur un roulement en adéquation avec ses horaires habituels de pose de crédit d'heures de délégation, comme le prévoit l'article 3 du protocole conclu au sein de la RATP entre la direction et les partenaires sociaux le 12 novembre 2013 relatif à la représentation du personnel et parcours professionnels, mais le salarié a refusé cette proposition par réponse du 11 octobre 2015 sans invoquer de motif légitime.

Par courrier du 1er décembre 2015, l'employeur a demandé au salarié de fournir une indication précise et vérifiable des activités exercées pendant ses poses de crédit d'heures ainsi qu'une indication des nécessités liées au mandat justifiant la pose systématique en dehors des horaires habituels de travail.

Par courrier du 14 décembre 2015, M. [M] s'est borné à affirmer que ses mandats nécessitaient le recours à des heures de délégation en dehors des horaires normaux de travail au seul motif que les horaires du personnel étaient de 17h20 à 3h15, alors que ses propres horaires de travail étaient inclus dans ce créneau horaire.

Il résulte ainsi de ces éléments que, comme l'affirme la RATP, le recours à des heures de délégation en dehors de l'horaire normal de travail n'est justifié par aucune nécessité liée aux deux mandats de M. [M] mais caractérise un détournement des modalités d'utilisation des heures de délégation, dans le but de bénéficier des règles relatives à l'amplitude horaire maximale et au repos quotidien obligatoire et être ainsi dispensé d'exécuter tout ou partie de son service tout en étant rémunéré.

Le fait que l'employeur ait accordé des autorisations d'absence au salarié en raison de cette pratique dommageable ne caractérise nullement, contrairement aux affirmations du salarié, son consentement à cette pratique, l'employeur ayant seulement accordé ces autorisations pour respecter le repos obligatoire du salarié en l'espèce.

En tout état de cause, le détournement des modalités d'utilisation des heures de délégation caractérise la faute lourde du salarié, celui-ci ne pouvant méconnaître, en tant que délégué syndical, le caractère dommageable de cette pratique pour l'employeur qu'il a sciemment refusé d'interrompre malgré les courriers de septembre et décembre 2015 qui lui ont été adressés par la RATP.

Il s'en déduit que l'employeur peut engager la responsabilité pécuniaire du salarié eu égard à cette faute lourde. Le jugement sera confirmé sur ce point.

***

Pour chiffrer le montant des dommages-intérêts sollicités, la RATP se fonde sur la moyenne d'heures de services non travaillées générées par la pose d'une fraction de crédit d'heures en dehors du temps de service habituel selon les modalités suivantes :

- un demi mois de salaire de dommages et intérêts lorsque la moyenne d'heures de dispense générées par la pose d'une fraction de crédit d'heures en dehors du temps de service habituel atteint une demi-journée de travail (3,625 heures),

- un mois de salaire de dommages et intérêts lorsque la moyenne d'heures de dispense générées par la pose d'une fraction de crédit d'heures en dehors du temps de service habituel atteint une journée de travail (7,25 heures),

- le montant des dommages et intérêts sollicités étant minoré lorsque la moyenne d'heures de dispense générées par une pose de crédit d'heures en dehors du temps de travail de l'agent en cause est inférieure à une demi-journée de travail (3,625 heures) et majoré lorsque la moyenne de l'agent en cause est supérieure à une journée de travail (7,25 heures).

En l'espèce, la RATP fait valoir qu'en moyenne, chaque pose de crédit d'heures de délégation en dehors de ses horaires de travail (121 au total) a généré, une dispense de 6,31 heures de service, le préjudice étant alors estimé à 0,87 mois de salaire.

M. [M] réplique que l'employeur n'apporte aucun élément de preuve quant à l'existence de son préjudice et reproche à la RATP de ne se fonder que sur une simple estimation.

En l'espèce, la RATP ne demande pas le remboursement des heures non travaillées mais payées ni le remboursement des heures de délégation, mais la réparation des conséquences matérielles de la dispense d'activité. En effet, le nombre d'heures payées non travaillées ne correspond pas au nombre d'heures de délégation mais dépend uniquement des plages d'utilisation des heures de délégation ayant des conséquences sur l'amplitude horaire de repos journalier et la durée journalière du travail.

Les dispenses partielles d'activité accordées à M. [M] pour respecter l'amplitude de repos journalier et la durée maximum de travail journalier ont entraîné une désorganisation des services nécessitant la mobilisation des salariés chargés de la gestion des plannings du personnel ainsi que le remplacement du salarié absent, le tout entraînant des frais supplémentaires de gestion et de remplacement pour l'employeur.

Si la méthode d'évaluation de la RATP prend en compte le nombre d'heures de dispense engendrées par le fractionnement abusif des heures de délégation, la durée des agissements du salarié et la rémunération de ce dernier telle que détaillée dans les bulletins de paie, le montant obtenu apparaît surévalué et sera fixé à la somme de 3.000 euros, compte tenu des éléments produits.

En conséquence, le jugement sera infirmé sur le montant des dommages et intérêts alloués à la RATP et M. [M] sera condamné à verser à l'employeur la somme de 3.000 euros à titre de dommages-intérêts pour utilisation abusive des heures de délégation.

Sur la demande tendant à ce qu'il soit fait injonction à M. [M], sous astreinte, de mettre un terme à sa pratique abusive et d'exécuter loyalement son contrat de travail:

La RATP ayant été accueilli partiellement en sa demande principale, sa demande formée à titre subsidiaire n'a pas lieu à être examinée.

Sur la reclassification

Les parties s'accordent sur le fait que le 10 juin 2011, M. [M] bénéficiait d'une classification de niveau 11.

Le salarié soutient que le passage du niveau 11 au niveau 12 doit avoir lieu dans un délai compris entre deux à cinq ans et que l'employeur ne l'a promu à ce dernier niveau qu'en 2016, alors que le passage au niveau supérieur s'effectue normalement après 3 ans et demi au niveau 11.

Il demande ainsi son reclassement au niveau 11 à compter du 1er janvier 2014 et sollicite, en raison de ce reclassement, un rappel de salaire de 2.395,08 euros, outre 239 euros de congés payés afférents.

A l'appui de ses allégations, le salarié se réfère seulement dans ses écritures au tableau d'avancement 2016 indiquant que l'accès au niveau 12 en 2016 était fonction d'une fourchette d'ancienneté de 2 à 5 ans au niveau 11.

L'employeur s'oppose à cette demande en exposant que M. [M] a bénéficié d'un avancement normal par rapport à ses collègues et que ses coefficients de rémunération entre 2010 et 2017 sont supérieurs à la moyenne d'un panel d'agents entrés comme lui en 1991 dans l'entreprise et travaillant au département SEM.

***

Il appartient au salarié de rapporter la preuve qu'il remplit les conditions requises pour bénéficier de la classification revendiquée.

***

En l'espèce, le salarié ne se réfère dans ses écritures à aucune norme pour établir qu'entre 2011 et 2015, les agents de niveau 11 pouvait accèder au niveau 12 s'ils avaient une ancienneté comprise entre 2 et 5 ans. Il se borne en effet à produire un tableau d'avancement mentionnant que l'accès au niveau 12 en 2016 est conditionné au respect d'une telle fourchette.

De même, il n'est justifié par aucun élément versé aux débats que, comme M. [M] l'affirme, les agents de la RATP obtenaient leur niveau 12 après seulement 3 ans et demi d'ancienneté.

Enfin, il ressort des écritures de M. [M] que l'employeur l'a promu au niveau 12 dans la fourchette prescrite puisqu'il a atteint ce niveau dans le délai de cinq ans à compter de son passage au niveau 11.

Il se déduit de ce qui précède qu'il n'est nullement établi que M. [M] devait être promu au niveau 12 à compter du 1er janvier 2014.

Par suite, sa demande de reclassification sera rejetée, ainsi que sa demande pécuniaire subséquente.

Sur la discrimination syndicale :

M. [M] sollicite la somme de 13.352,25 euros à titre de dommages-intérêts pour discrimination syndicale.

La RATP s'oppose à cette demande.

L'article L. 1132-1 du code du travail dispose qu'aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, telle que définie à l'article 1er de la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations, notamment en matière de rémunération, de mesures d'intéressement ou de distribution d'actions, de formation, de reclassement, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat en raison de ses activités syndicales.

Sur le terrain de la preuve, il n'appartient pas au salarié qui s'estime victime d'une discrimination d'en prouver l'existence. Suivant l'article L. 1134-1, il doit seulement présenter des éléments de fait laissant supposer l'existence d'une discrimination directe ou indirecte. Au vu de ces éléments, il incombe à l'employeur de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination. Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.

En premier lieu, M. [M] reproche à l'employeur de lui avoir notifié :

- le 3 juin 2011 une mesure de mise en disponibilité d'office de deux jours pour avoir le 2 mai 2011 refusé d'obtempérer à l'ordre qui lui a été donné de rejoindre une équipe CSA, alors qu'il a contesté par courrier du 10 juin 2011 le bien-fondé de cette sanction,

- le 21 septembre 2012 une mesure de mise en disponibilité d'office de cinq jours pour avoir le 26 juin 2012 menacé au téléphone son supérieur hiérarchique, alors qu'il a contesté par courrier du 25 septembre 2012 le bien-fondé de cette sanction,

- le 28 juin 2013 une mesure de mise en disponibilité d'office de deux jours pour avoir le 18 février 2013 eu une attitude menaçante et intimidante à l'égard d'une collègue de travail, alors qu'il a contesté par courrier du 2 juillet 2013 cette sanction.

Ces faits ne sont pas contestés par la RATP et sont établis par les éléments produits.

En deuxième lieu, M. [M] expose qu'il a bénéficié, par décision du 28 juin 2013, d'une mise en disponibilité sans solde de 12 mois pour convenances personnelles pour la période du 16 septembre 2013 au 15 septembre 2014 et que l'employeur a refusé le 19 novembre 2013 de procéder à sa réintégration anticipée dans l'entreprise à compter du 27 décembre 2013 pour des motifs budgétaires.

Le salarié reproche ainsi à l'employeur d'avoir été contraint de saisir le juge des référés prud'homal pour obtenir cette réintégration anticipée.

Il produit notamment à l'appui de ses allégations un arrêt du 8 janvier 2015 par lequel la cour d'appel de Paris a confirmé l'ordonnance du 8 avril 2014 par laquelle le conseil de prud'hommes de Paris en sa formation de référé a ordonné à la RATP de réintégrer le salarié dans l'entreprise à compter du 27 décembre 2013.

Ces faits non contestés sont établis par les éléments produits.

En troisième lieu, M. [M] reproche à l'employeur de l'avoir révoqué le 9 juin 2020 alors que l'inspection du travail a, par courrier du 5 septembre 2019, refusé d'accorder l'autorisation de révocation pour motif disciplinaire.

Ces faits non contestés sont établis par les éléments produits.

En quatrième lieu, M. [M] reproche à l'employeur de ne lui avoir confié, entre avril 2014 et décembre 2018, qu'une équipe d'un seul agent alors que le poste de ROC nécessite un accompagnement par une équipe de 4 personnes en application du protocole d'accord magister versé aux débats.

En l'espèce, il ressort des termes de ce protocole que, comme l'affirme le salarié, son équipe devait être au minimum composé de 4 personnes.

L'employeur ne conteste pas dans ses écritures le fait que le salarié ne bénéficiait dans son équipe que d'un seul agent alors que le protocole impose un minimum de 4 agents.

Ces faits sont donc établis.

En cinquième lieu, M. [M] expose qu'il aurait dû être promu au niveau 12 à compter du 1er janvier 2014 et ne l'a été qu'en 2016.

Toutefois, il ressort des développements précédents que le salarié n'établit nullement que l'employeur était tenu de le reclasser au niveau 12 à compter du 1er janvier 2014.

Ce fait n'est dès lors pas établi.

En sixième lieu, M. [M] expose qu'il n'a pas bénéficié d'un entretien annuel d'évaluation entre 2005 et 2010 alors que l'article 122 du statut du personnel impose que chaque agent soit noté chaque année par le chef hiérarchique qui le contrôle directement.

L'employeur ne produit aucun argumentaire en défense sur ce point dans ses écritures. Il n'établit ainsi nullement avoir procédé à l'entretien annuel d'évaluation du salarié entre 2005 et 2010.

Il s'en déduit que le manquement évoqué par M. [M] est établi.

En septième lieu, M. [M] reproche à l'employeur de n'avoir pu accèder au local syndical commun en juin 2015 et d'avoir été privé de sa messagerie électronique en novembre 2015

Toutefois, le salarié n'entend justifier de ces faits que par des courriers qu'il a adressés à l'employeur et qui ne font que reprendre ses propres affirmations.

Par suite, ces faits ne sont pas établis.

En huitième lieu, M. [M] reproche à l'employeur de n'avoir pas eu accès à l'armoire du local syndical entre septembre et octobre 2015 dans la mesure où la clé était défectueuse.

Il se déduit de l'échange de courriels versés aux débats par le salarié que celui-ci a signalé le 23 septembre 2015 à la RATP que la clé de l'armoire était défectueuse. Contrairement aux affirmations de l'employeur, il ne se déduit nullement de la capture d'écran produite que la clé a été réparée le même jour.

Par suite, est établi le fait que le salarié n'a pas eu accès à l'armoire du local syndical entre le 23 septembre et le mois d'octobre 2015.

En neuvième et dernier lieu, M. [M] reproche à l'employeur de ne lui avoir renouvelé sa carte d'assermentation qu'en janvier 2016 alors qu'il avait demandé ce renouvellement un an et demi auparavant.

L'employeur ne produit aucun argumentaire en défense sur ce point dans ses écritures.

Les faits allégués par le salarié se déduisent des échanges de mails versés aux débats entre lui et le responsable des ressources humaines de l'entreprise.

Ils sont dès lors établis.

***

Il résulte de ce qui précède que les faits suivants sont matériellement établis :

- l'employeur a notifié au salarié trois sanctions disciplinaires les 3 juin 2011, 21 septembre 2012 et 28 juin 2013, que ce dernier a contesté par courriers des 10 juin 2011, 25 septembre 2012 et 2 juillet 2013,

- le salarié a dû saisir le juge des référés prud'homal pour obtenir sa réintégration anticipée dans l'entreprise le 27 décembre 2013 suite à une période de mise en disponibilité pour convenance personnelle, cette réintégration ayant été prononcée de manière définitive par arrêt du 8 janvier 2015 de la cour d'appel de Paris,

- l'employeur a révoqué le salarié le 9 juin 2020 alors que l'inspection du travail a, par courrier du 5 septembre 2019, refusé d'accorder l'autorisation de révocation pour motif disciplinaire,

- le salarié n'a pas bénéficié d'un entretien annuel d'évaluation entre 2005 et 2010 alors que l'employeur devait y procéder conformément à l'article 122 du statut du personnel,

- l'employeur ne lui a renouvelé sa carte d'assermentation qu'en janvier 2016 alors qu'il avait demandé ce renouvellement un an et demi auparavant,

- le salarié n'a pas eu accès à l'armoire du local syndical entre le 23 septembre et le mois d'octobre 2015.

Il est constant que ces faits se sont produits alors que le salarié faisait l'objet d'un mandat syndical au sein de l'entreprise.

Par suite, M. [M] établit la matérialité d'éléments de faits laissant supposer l'existence d'une discrimination syndicale au sens des textes précités. Il appartient donc à l'employeur de démontrer que les faits matériellement établis par le salarié sont justifiés par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination.

En premier lieu, l'employeur ne justifie par aucun élément versé aux débats que :

- sont justifiés par une cause objective les sanctions disciplinaires qu'il a notifiées au salarié les 3 juin 2011, 21 septembre 2012 et ce, d'autant qu'il ressort de l'arrêt définitif du 27 janvier 2016 versé aux débats que la cour d'appel de Paris a annulé à la demande de M. [M] ces trois sanctions et a ordonné à l'employeur que celles-ci soient retirées de son dossier disciplinaire,

- est justifié par une cause objective son opposition à la demande de réintégration anticipée du salariée et ce, d'autant qu'il ressort des motifs de l'arrêt définitif du 8 janvier 2015 de la cour d'appel de Paris que cette réintégration devait, en vertu du statut du personnel, être accordée de plein droit,

- est justifié par une cause objective l'absence d'entretien d'évaluation du salarié entre 2005 et 2010, le fait que la carte d'assermentation de ce dernier n'a été renouvelée qu'au terme d'un délai de plus d'un an et le fait que le salarié n'a pas eu accès à l'armoire du local syndical entre le 23 septembre et le mois d'octobre 2015.

En deuxième lieu, si l'employeur confirme avoir révoqué le salarié par courrier du 9 juin 2020, il justifie que la décision de refus de révocation de l'inspection du travail du 5 septembre 2019 a été annulée par le ministre du travail, dans le cadre d'un recours hiérarchique, et que ce dernier a expressément autorisé cette mesure disciplinaire en raison notamment des propos désobligeants et menaçants prononcés par le salarié à des collègues de travail. En outre, il n'apparaît pas au regard des écritures des parties que cette décision du ministre ou que la décision de révocation aient été judiciairement contestées.

Dès lors, la RATP justifie par une cause objective avoir notifié la révocation du salarié le 9 juin 2020 malgré l'avis défavorable de l'inspection du travail.

En troisième lieu, la RATP entend justifier le fait que le salarié ne bénéficiait que d'une équipe réduite par la circonstance qu'il a accepté au cours d'un entretien d'appréciation et de progrès du 17 novembre 2014 de travailler pour l'équipe Lima 35.

Toutefois, l'employeur ne précise pas dans ses écritures en quoi cette acceptation avait pour effet de lui permettre de déroger au protocole d'accord magister précité qui imposait de confier au salarié une équipe d'au moins 4 agents en raison de ses fonctions de ROC.

Par suite, la RATP ne justifie pas sa décision par une cause objective.

Il résulte de ce qui précède que la discrimination syndicale est établie au regard des faits susmentionnés non justifiés par une cause objective.

Le jugement sera donc infirmé en ce qu'il a retenu que la preuve de la discrimination syndicale n'était pas rapportée.

Compte tenu des circonstances et de la durée de la discrimination et des conséquences dommageables pour M. [M] telles qu'elles ressortent des pièces et des explications fournies, le préjudice en résultant doit être réparé par l'allocation de la somme de 5.000 euros à titre de dommages-intérêts.

Le jugement sera infirmé en conséquence.

Sur l'allocation complémentaire de déplacement :

L'instruction générale 436 de janvier 2016 prévoit que l'allocation complémentaire de déplacement (ci-après désignée l'ACD) est versée afin de compenser les frais de transport occasionnés domicile-travail par l'utilisation d'un véhicule personnel sur des services où les transports en commun sont réduits.

Cette allocation est versée pour chaque journée effective de travail aux agents dont le service commence ou se termine, limites incluses :

- Entre 23h45 et 6h15 un jour de semaine (lundi à samedi inclus) ;

- Entre 23h45 et 7h30 le dimanche ou un jour férié.

M. [M] fait valoir qu'entre avril 2015 et juillet 2016, il s'est vu priver sans justification de l'allocation complémentaire de déplacement correspondant sur cette période à la somme de 602,29 euros soit 89 ACD non versées.

La RATP réplique qu'en raison du fractionnement de ses crédits d'heure, M. [M] a dû être relevé partiellement ou totalement de son service pendant la période litigieuse afin de respecter les dispositions légales relatives au repos quotidien et aux durées maximales de travail, qu'en cas de relève partielle ou totale de service, le logiciel supprime automatiquement l'allocation complémentaire de déplacement, le salarié n'étant pas présent effectivement à son poste de travail, qu'ainsi la non perception de cette allocation relève d'un abattement informatique qui n'est rectifiable que de manière manuelle

La RATP expose qu'elle s'est rendue compte de cette erreur informatique et a procédé à la régularisation de la situation du salarié en lui versant la somme de 684,26 euros. Elle soutient qu'en sus de cette régularisation, une régularisation complémentaire a été effectuée en mai 2017.

***

Nonobstant la délivrance d'un bulletin de paie, l'employeur doit prouver le paiement du salaire, notamment par la production de pièces comptables, du paiement du salaire.

***

L'employeur reconnaît n'avoir pas versé au titre de la période litigieuse l'allocation complémentaire due, mais affirme avoir régularisé cette situation en versant au salarié la somme de 684,26 euros à ce titre, soit un montant supérieur à celui réclamé par l'appelant.

Toutefois, la RATP n'entend en justifier qu'en se fondant sur la pièce 15, à savoir le bulletin mensuel de pointage sur lequel il a corrigé au titre de la période litigieuse les ACD dues.

Si la RATP se réfère également au bulletin de mai 2017 pour affirmer qu'une régularisation complémentaire de 1.183,49 euros a également été réalisée, il se déduit de ses écritures que cette régularisation est distincte de celle réalisée au titre de la période litigieuse.

Ainsi, si la RATP reconnaît le bien-fondé de la demande pécuniaire du salarié, il ne justifie nullement lui avoir réglé les sommes qui lui étaient dues au titre de l'allocation complémentaire de déplacement.

Dès lors, il sera intégralement fait droit à la demande de M. [M] et le jugement sera infirmé en conséquence.

Sur la prime de panier :

L'instruction générale 436 de janvier 2016 prévoit que la prime de panier est versée aux agents de toute catégorie dont le service réellement effectué répond à l'une des caractéristiques suivantes:

- soit comprendre en totalité la période de 0h à 2h30 limites incluses,

- soit commencer entre 0h et 3h01 limites exclues et être effectué d'une traite.

M. [M] fait valoir qu'entre avril 2015 et juillet 2016, il s'est vu priver sans justification de cette prime de panier d'un montant unitaire de 8,43 euros, correspondant sur la période litigieuse à la somme de 278,19 euros soit 33 primes non versées.

La RATP réplique qu'en raison du fractionnement de ses crédits d'heure, M. [M] a dû être relevé partiellement ou totalement de son service pendant la période litigieuse afin de respecter les dispositions légales relatives au repos quotidien et aux durées maximales de travail, qu'en cas de relève partielle ou totale de service, le logiciel supprime automatiquement la prime de panier, le salarié n'étant pas présent effectivement à son poste de travail, qu'ainsi la non perception de cette prime relève d'un abattement informatique qui n'est rectifiable que de manière manuelle

La RATP expose qu'elle s'est rendue compte de cette erreur informatique et a procédé à la régularisation de la situation du salarié en lui versant la somme de 343,38 euros. Elle soutient qu'en sus de cette régularisation, une régularisation complémentaire a été effectuée en mai 2017.

***

Nonobstant la délivrance d'un bulletin de paie, l'employeur doit prouver le paiement du salaire, notamment par la production de pièces comptables, du paiement du salaire.

***

L'employeur reconnaît n'avoir pas versé au titre de la période litigieuse la prime de panier due, mais affirme avoir régularisé cette situation en versant au salarié la somme de 343,38 euros à ce titre, soit un montant supérieur à celui réclamé par l'appelant.

Toutefois, la RATP n'entend en justifier qu'en se fondant sur la pièce 15, à savoir le bulletin mensuel de pointage sur lequel il a corrigé au titre de la période litigieuse les primes de panier dues.

Si la RATP se réfère également au bulletin de mai 2017 pour affirmer qu'une régularisation complémentaire de 531,31 euros a également été réalisée, il se déduit de ses écritures que cette régularisation est distincte de celle réalisée au titre de la période litigieuse.

Ainsi, si la RATP reconnaît le bien-fondé de la demande pécuniaire du salarié, il ne justifie nullement lui avoir réglé les sommes qui lui étaient dues au titre de la prime de panier.

Dès lors, il sera intégralement fait droit à la demande de M. [M] et le jugement sera infirmé en conséquence.

Sur l'allocation complémentaire pour travaux de nuit :

L'instruction générale 436 de janvier 2016 prévoit que l'allocation complémentaire pour travaux de nuit est payée aux agents dont l'horaire de service effectué ou prévu si l'agent est en situation d'indisponibilité rempli l'une des conditions suivantes :

- soit comprendre en totalité la période de 0h à 2h30, limites incluses,

- soit commencer entre 0h et 3h01, limites exclues et être prévu et/ou effectué d'une traite.

M. [M] fait valoir qu'entre avril 2015 et juillet 2016, il s'est vu priver sans justification de cette allocation d'un montant unitaire de 16,97 euros, correspondant sur la période litigieuse à la somme de 560,01euros soit 33 primes non versées. Il sollicite également la conversion de cette somme en points de coefficient retraite.

En défense, l'employeur ne conteste pas dans ses écritures le montant de l'allocation due mais indique que celle-ci a été versée au salarié au titre des mois d'avril 2015 à juillet 2016 comme en attestent les bulletins de paye versés aux débats.

En l'espèce et en premier lieu, il ressort des bulletins de paye d'avril 2015 à juillet 2016, dont les mentions ne sont pas contestées par le salarié, que celui-ci a perçu la somme totale de 439,75 euros au titre de l'allocation complémentaire pour travaux de nuit. Par suite, il sera alloué à M. [M] la somme de 120,26 euros au titre du reliquat d'allocation complémentaire pour travaux de nuit restant dû (560,01-439,75).

En second lieu, les parties s'accordent sur le fait que l'accord du 11 décembre 2013 relatif aux compensations et dispositions liées aux services de nuit applicable en l'espèce stipule que les montants perçus au titre de l'allocation complémentaire pour travaux de nuit sont convertis en points de coefficient retraite.

Par suite, il y a lieu d'ordonner à l'employeur la conversion du reliquat d'allocation complémentaire pour travaux de nuit accordé par la cour en points de coefficient retraite, conformément aux stipulations de l'accord du 11 décembre 2013 précité.

Le jugement sera infirmé en conséquence.

Sur la réparation de l'inexécution fautive du contrat de travail :

M. [M] sollicite dans le dispositif de ses conclusions la somme de 13.352,25 euros de dommages-intérêts pour inexécution fautive du contrat de travail.

Néanmoins, il ne produit à l'appui de sa demande pécuniaire aucun argumentaire.

Il sera donc débouté de sa demande et le jugement sera confirmé en conséquence.

Sur la réparation du préjudice moral :

M. [M] expose que la RATP lui a reproché une prétendue utilisation abusive des heures de délégation, sans que ne soit apporté le moindre élément probant, ce qui l'a discrédité en tant que représentant syndical.

Il sollicite ainsi la somme de 8.011 euros en réparation du préjudice subi.

En défense, la RATP s'oppose à cette demande.

En l'espèce et en premier lieu, la cour constate que le salarié ne mentionne nullement dans ses écritures le fondement juridique sur lequel il fonde sa demande.

De plus, la possibilité pour l'employeur de contester devant le juge judiciaire l'utilisation faite par un représentant du personnel de ses heures de délégation est prévue par la loi et cette contestation ne peut ainsi donner lieu à l'octroi de dommages-intérêts que s'il est établi un abus de voie de droit qui n'est nullement établi en l'espèce au regard des éléments produits.

En outre, la cour a constaté dans ses développements précédents que le détournement des modalités d'utilisation des heures de délégation du salarié au titre de la période litigieuse était établi.

Il se déduit de ce qui précède que l'employeur n'a commis aucune faute à l'origine du préjudice invoqué.

Par suite, M. [M] sera débouté de sa demande indemnitaire et le jugement sera confirmé en conséquence.

Sur les demandes accessoires :

La RATPqui succombe partiellement dans la présente instance, doit supporter les dépens de première instance et d'appel. Elle sera condamnée à verser au salarié la somme de 1.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour la procédure d'appel. Elle sera également déboutée de sa demande sur ce fondement.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant publiquement par arrêt contradictoire et rendu en dernier ressort, mis à disposition au greffe,

INFIRME le jugement sur le quantum des dommages-intérêts alloués à l'établissement public Régie autonome des transports parisiens (RATP) au titre de l'abus d'utilisation des heures de délégation et en ce qu'il a :

- débouté M. [U] [M] de ses demandes au titre de la discrimination syndicale, de l'allocation complémentaire de déplacement, de la prime de panier et de l'allocation complémentaire pour travaux de nuit,

- condamné M. [U] [M] aux dépens de première instance,

CONFIRME le jugement pour le surplus,

Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant :

CONDAMNE M. [U] [M] à verser à l'établissement public Régie autonome des transports parisiens (RATP) la somme de 3.000 euros de dommages-intérêts au titre de l'abus d'utilisation de ses heures de délégation,

CONDAMNE l'établissement public Régie autonome des transports parisiens (RATP) à verser à M. [M] les sommes suivantes :

- 5.000 euros de dommages-intérêts au titre de la discrimination syndicale,

- 602,29 euros au titre de l'allocation complémentaire de déplacement,

- 278,19 euros au titre de la prime de panier,

- 120,26 euros au titre de l'allocation complémentaire pour travail de nuit,

- 1.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour la procédure d'appel,

DIT que la somme allouée par le présent arrêt au titre de l'allocation complémentaire pour travail de nuit sera convertie par l'employeur en points de coefficient retraite,

DIT que les créances de nature salariale porteront intérêt à compter de la convocation de l'employeur devant le conseil de prud'hommes et les créances indemnitaires à compter de la décision qui les prononce,

DEBOUTE les parties de leurs autres demandes,

CONDAMNE l'établissement public Régie autonome des transports parisiens (RATP) aux dépens de première instance et d'appel.

La greffière, La présidente.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 7
Numéro d'arrêt : 19/09136
Date de la décision : 02/02/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-02-02;19.09136 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award