REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 1 - Chambre 12
SOINS PSYCHIATRIQUES SANS CONSENTEMENT
ORDONNANCE DU 06 FEVRIER 2023
(n° 025, 4 pages)
N° du répertoire général : N° RG 23/00032 - N° Portalis 35L7-V-B7H-CG7PL
Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 20 Janvier 2023 -Tribunal Judiciaire de BOBIGNY (Juge des Libertés et de la Détention) - RG n° 23/00436
L'audience a été prise au siège de la juridiction, en audience publique, le 02 Février 2023
Décision réputée contradictoire
COMPOSITION
Patricia DUFOUR, conseiller à la cour d'appel, agissant sur délégation du Premier Président de la cour d'appel de Paris,
assisté de Mélanie THOMAS, greffier lors des débats et du prononcé de la décision
APPELANT
Monsieur LE PRÉFET DE LA SEINE SAINT DENIS
demeurant [Adresse 1]
non comparant, non représenté,
INTIMÉ
M. [K] [R] (Personne ayant fait l'objet des soins)
né le 26/02/1993 à [Localité 4]
demeurant [Adresse 2]
Ayant été hospitalisé à l'EPS de [5]
comparant en personne, assisté de Me Edith KPANOU, avocat commis d'office au barreau de Paris
LIEU D'HOSPITALISATION
EPS DE [5]
demeurant [Adresse 3]
non comparant, non représenté,
MINISTÈRE PUBLIC
Représenté par Mme Laure DE CHOISEUL, avocate générale,
DÉCISION
Alors que depuis l'arrêté du préfet de Seine-Saint-Denis en date du 22 novembre 2022 M. [K] [R] bénéficiait d'une mesure de soins sans consentement sous forme d'un programme de soins, au vu du certificat médical du Dr [H] en date du 11 janvier 2023 mentionnant que le patient ne s'était pas présenté au rendez-vous au CMP prévu le jour même, qu'il était était déclaré en fugue et devait réintégrer l'EPS de [5] en hospitalisation complète, par arrêté en date du 12 janvier 2023, le préfet a décidé de la poursuite des soins sous forme d'une hospitalisation complète à la demande du représentant de l'Etat au sein de l'établissement hospitalier.
Par requête en date du 17 janvier 2023 le représentant de l'Etat a saisi le juge des libertés et de détention de Bobigny aux fins de poursuite de la mesure.
Par décision en date du 20 janvier 2023, ce juge a ordonné la mainlevée de la mesure d'hospitalisation dont faisait l'objet M. [K] [R].
Par courriel reçu au greffe le 27 janvier 2023, le préfet de Seine-Saint-Denis a fait appel de la décision.
Les parties ainsi que le directeur de l'établissement ont été convoqués à l'audience du 02 février 2023.
L'audience s'est tenue au siège de la juridiction en audience publique.
Le préfet de Seine-Saint-Denis n'est ni présent, ni représenté mais le bien fondé de son appel sera apprécié au vu des termes de sa déclaration d'appel.
M. [K] [R] est présent.
Il expose qu'il ne s'est pas rendu au CMP car il se trouvait à l'aise et avait demandé au médecin de diminuer son traitement. Il considère qu'il ne s'est pas mis en difficulté puisqu'il est allé voir un psychologue qui lui a dit qu'il allait bien et il est retourné travailler, ajoutant qu'il souhaitait voir d'autres médecins pour disposer d'autres avis car il ne se sentait pas à l'aise avec le traitement.
Le conseil de M. [K] [R], Me Edith Kpanou indique que les médecins ne relèvent pas l'existence de troubles mentaux qui portent atteinte à l'ordre public et à la sûreté des personnes et que le patient a pris rendez-vous avec un médecin pour voir de quel traitement il a besoin, ajoutant que les jurisprudences disent que dès qu'il n'y a pas de certificats médicaux caractérisant les troubles mentaux et la dangerosité il faut lever la mesure.
L'avocate générale expose que la fugue est quelque chose de très précis. Le fait que l'intéressé ne se soit pas présenté au CMP alors qu'il était en soins sous contrainte caractérise la fugue et d'après la jurisprudence de la cour de cassation, il faut deux expertises pour lever la mesure dans cette hypothèse.
Elle précise que la préfecture demande la prolongation de la mesure d'hospitalisation complète de M. [K] [R] pour pouvoir l'examiner et considère qu'après cet examen il sortira peut-être rapidement mais que ce n'est pas à lui de décider.
L'avocate générale sollicite l'infirmation de l'ordonnance du juge des libertés et de la détention qui n'a pas respecté la procédure de la fugue.
M. [K] [R] a la parole en dernier. Il dit ne pas être d'accord et déclare avoir fait une demande de dommages et intérêts à hauteur du préjudice subi lors de son incarcération en 2011. Il considère que son trouble mental résulte de la prison et que s'il n'y était pas allé il ne sera pas là aujourd'hui.
MOTIFS
L'article L. 3213-1 du Code de la santé publique dispose que le représentant de l'Etat dans le département prononce par arrêté, au vu d'un certificat médical circonstancié, l'admission en soins psychiatriques des personnes dont les troubles mentaux nécessitent des soins et compromettent la sûreté des personnes ou portent atteinte, de façon grave, à l'ordre public.
Selon l'article L.3211-12-1 du même Code, en sa rédaction applicable à l'espèce, l'hospitalisation complète d'un patient ne peut se poursuivre sans que le juge des libertés et de la détention, préalablement saisi par le représentant de l'Etat dans le département lorsqu'elle a été prononcée en application du chapitre III du présent titre, de l'article L.3214-3 du présent code ou de l'article 706-135 du code de procédure pénale, ait statué sur cette mesure.
Au surplus, selon les termes de l'article L. 3211-11 qui s'appliquent aussi aux personnes hospitalisées sans consentement à la demande du représentant de l'Etat, « Le psychiatre qui participe à la prise en charge du patient peut proposer à tout moment de modifier la forme de la prise en charge mentionnée à l'article L.3211-2-1 pour tenir compte de l'évolution de l'état de la personne. Il établit en ce sens un certificat médical circonstancié.
Le psychiatre qui participe à la prise en charge transmet immédiatement au directeur de l'établissement d'accueil un certificat médical circonstancié proposant une hospitalisation complète lorsqu'il constate que la prise en charge de la personne décidée sous une autre forme ne permet plus, notamment du fait du comportement de la personne, de dispenser les soins nécessaires à son état. Lorsqu'il ne peut être procédé à l'examen du patient, il transmet un avis établi sur la base du dossier médical de la personne ».
En l'espèce, il convient de considérer que c'est à tort que le premier juge a rejeté la requête du préfet et ordonné la mainlevée de la mesure d'hospitalisation sans consentement à la demande du représentant de l' Etat de M. [K] [R] au motif que le patient étant en fugue, son état de santé ne pouvait être examiné alors que les termes de l'article précité permettent au médecin qui suit de le patient d'établir au vu du dossier médical un certificat médical circonstancié, étant précisé au surplus, que les conditions d'une réintégration telles qu'exposées ci-dessus ne sont pas celles figurant aux dispositions de l'article L. 3213-1 et donc que les arguments soutenus du non-respect des dispositions de cet article ne peuvent être retenus, ce dont il résulte que la réintégration du patient est régulière au vu des termes du certificat médical circonstancié établi par le Dr [H], psychiatre.
En tout état de cause, même s'il bénéficiait d'un programme de soins, il convient de rappeler à M. [K] [R] qu'il était toujours soumis à une mesure de soins sans consentement ce qui ne lui permettait pas d'apprécier le bien fondé des modalités de sa prise en charge et donc de ne pas se présenter au rendez-vous du CMP fixé au 11 janvier 2023 et, s'il considérait que son traitement était trop fort, il lui appartenait de l'évoquer avec le médecin du CMP, voire de consulter en sus un autre médecin, sachant qu'il aura l'opportunité à l'occasion de sa réhospitalisation d'exposer au psychiatre son ressenti par rapport au traitement et aussi de permettre au praticien d'apprécier son état de santé actuel.
En conséquence, il convient d'infirmer l'ordonnance querellée, de rejeter le moyen tiré de l'irrégularité de la mesure de réintégration et d'ordonner la prolongation de la mesure de soins sans consentement sous forme d'hospitalisation complète à la demande du représentant de l'Etat de M. [K] [R].
PAR CES MOTIFS
Le magistrat délégataire du premier président de la cour d'appel, statuant publiquement, , par décision réputée contradictoire,
INFIRMONS l'ordonnance,
Statuant à nouveau,
DÉCLARONS la procédure régulière,
ORDONNONS la prolongation des soins sans consentement sous forme d'une hospitalisation complète à la demande du représentant de l'Etat de M. [K] [R],
LAISSONS les dépens à la charge de l'Etat.
Ordonnance rendue le 06 FEVRIER 2023 par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
LE GREFFIER LE MAGISTRAT DÉLÉGATAIRE
Une copie certifiée conforme notifiée le 06 Février 2023 par fax à :
' patient à l'hôpital
ou/et X par LRAR à son domicile
X avocat du patient
X directeur de l'hôpital
' tiers par LS
X préfet de police
' avocat du préfet
' tuteur / curateur par LRAR
X Parquet près la cour d'appel de Paris