REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 1 - Chambre 12
SOINS PSYCHIATRIQUES SANS CONSENTEMENT
ORDONNANCE DU 06 FEVRIER 2023
(n° 027, 4 pages)
N° du répertoire général : N° RG 23/00034 - N° Portalis 35L7-V-B7H-CG7SP
Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 26 Janvier 2023 -Tribunal judiciaire d'EVRY (Juge des Libertés et de la Détention) - RG n° 23/00257
L'audience a été prise au siège de la juridiction, en audience publique, le 02 Février 2023
Décision : réputée contradictoire
COMPOSITION
Patricia DUFOUR, conseiller à la cour d'appel, agissant sur délégation du Premier Président de la cour d'appel de Paris,
assisté de Mélanie THOMAS, greffier lors des débats et du prononcé de la décision
APPELANTE
Madame [Y] [F] (Personne faisant l'objet de soins)
née le 22/04/1968 à [Localité 4]
demeurant [Adresse 2]
Actuellement hospitalisée au Centre hospitalier [5]
comparante en personne assistée de Me Isabelle MONTAGNE, avocat commis d'office au barreau de Paris,
INTIMÉ
M. LE DIRECTEUR DU CENTRE HOSPITALIER [5]
demeurant [Adresse 1]
non comparant, non représenté,
TIERS
M. [H] [B]
demeurant [Adresse 3]
non comparant, non représenté,
MINISTÈRE PUBLIC
Représenté par Mme Laure DE CHOISEUL, avocate générale,
DÉCISION
Par décision en date du 20 janvier 2023, le directeur du centre hospitalier [5] a admis Mme [Y] [F] en soins psychiatriques sans consentement sous forme d'une hospitalisation complète à la demande d'un tiers, en l'espèce son fille, et en urgence alors qu'elle présentait des troubles du comportement au domicile avec fugue et réticence ainsi qu'une désorganisation comportementale avec bizarrerie, errance et imprévisibilité.
Par requête du 24 janvier 2023, le directeur de l'établissement hospitalier a régulièrement saisi le juge des libertés et de la détention de Paris aux fins de prolongation de la mesure.
Par décision du 26 janvier 2023, le juge des libertés et de la détention d'Evry a ordonné la poursuite de la mesure de soins sans consentement sous forme d'une hospitalisation complète.
Par courrier en date du 27 janvier 2023 et enregistré par le greffe le jour-même, Mme [Y] [F] a interjeté appel de la dite ordonnance.
Les parties ainsi que le directeur de l'établissement ont été convoqués à l'audience du 02 février 2023.
L'audience s'est tenue au siège de la juridiction en audience publique.
Mme [Y] [F] demande la mainlevée de la mesure et expose que le médecin n'a pas raison et que la famille d'accueil correspondait à un projet d'hébergement qui a duré deux mois et dont elle ne voulait plus, précisant qu' elle avait utilisé un marteau pour ouvrir le portail car elle était enfermée.
Elle ajoute avoir été victime d'une escroquerie, conteste avoir effectué des dépenses somptuaires et avoir déposé plainte contre la banque.
Mme [Y] [F] déclare vouloir vivre avec son fils au Mexique et dans l'attente dans un hôtel.
Son conseil, Me Isabelle Montagne, reprenant ses écritures, expose qu'avant sa cliente vivait chez ses parents et s'occupait d'eux mais qu'à leur décès il a été procédé à la vente de la maison et elle a été contrainte de quitter son domicile sans signer le moindre document, ajoutant qu'elle perçoit l'allocation AAH mais qu'il n'existe pas de mesure de sauvegarde de justice, ni de mandataire spécial ce qui signifie qu'au moment de l'hospitalisation l'urgence n'existait pas car un mandataire spécial aurait été désigné.
Elle précise que, contrairement à ce que disent les médecins, l'escroquerie qu'évoque Mme [Y] [F] n'est pas contredite par sa fille, ajoutant qu'elle a deux autres enfants dont un qui vit au Mexique avec qui elle s'entend très bien et qui souhaiterait la prendre avec lui et mettre en place un suivi psychiatrique et administratif le temps qu'elle puisse déménager.
L'avocate soutient que la procédure est irrégulière car la saisine émane d'une personne dont l'identité est inconnue et au surplus, la pièce d'identité de sa fille, tiers demanderesse, n'est pas jointe à la procédure ce qui constitue une légèreté, précisant que l'autre fille ne peut pas davantage s'occuper de sa mère compte-tenu de ses activités qui nécessitent de nombreux déplacements.
Sur le fond, elle indique que les certificats médicaux ne sont pas toujours cohérents et ne voit pas la caractérisation de l'urgence alors que Mme [Y] [F] avait trouvé refuge dans un hôtel.
A titre principal, elle demande la mainlevée de la mesure et, à titre subsidiaire, comme demandé en première instance, un renvoi à une autre audience aux fins de réaliser une expertise psychiatrique.
L'avocate générale fait valoir que l'appel n'est pas motivé et qu'il appartiendra à la cour d'apprécier la tardiveté des notifications, ajoutant que le certificat médical de situation sollicite le maintien de la mesure et que le projet d'aller vivre au Mexique doit être organisé. Elle demande la confirmation de la mesure.
Mme [Y] [F] a eu la parole en dernier.
MOTIFS
Aux termes de l'article L. 3212-1 du code de la santé publique, une personne atteinte de troubles mentaux ne peut faire l'objet de soins psychiatriques sur la décision du directeur d'un établissement mentionné à l'article L. 3222-1 du même code que lorsque les deux conditions suivantes sont réunies :
1° Ses troubles mentaux rendent impossible son consentement ;
2° Son état mental impose des soins immédiats assortis soit d'une surveillance médicale constante justifiant une hospitalisation complète, soit d'une surveillance médicale régulière justifiant une prise en charge sous la forme mentionnée au 2° de l'article L. 3211-2-1.
Aux termes de l'article L 3211-12-1 du même code, l'hospitalisation complète d'un patient ne peut se poursuivre sans que le juge des libertés et de la détention, préalablement saisi par le directeur de l'établissement, n'ait statué sur cette mesure avant l'expiration d'un délai de douze jours à compter de la décision par laquelle le directeur de l'établissement a prononcé son admission ou modifié la forme de la prise en charge du patient en procédant à son hospitalisation complète; que cette saisine est accompagnée d'un avis motivé rendu par le psychiatre de l'établissement ;
En cas d'appel, le premier président ou son délégataire statue dans les douze jours de sa saisine, tant les certificats médicaux que la décision de maintien en hospitalisation sans consentement ont été établis dans les délais légaux compte-tenu de l'état de la patiente.
En l'espèce, sur le moyen tiré de la nullité de l'acte de saisine du juge des libertés et de la détention dès lors que ne figurent ni le nom ni la qualité de la personne signataire, il convient de constater que si ce moyen d'irrecevabilité peut être soulevé pour la première fois en cause d'appel il convient de rappeler que devant la cour l'établissement hospitalier n'est pas tenu d'être présent ou de se faire représenter.
Dès lors, au titre du respect du principe du contradictoire, il convient de constater que si le conseil de Mme [Y] [F] a dûment adressé ses conclusions au greffe de la cour et à l'avocate générale, aucun document ne justifie leur transmission à l'établissement hospitalier, partie à la procédure, ce qui n'a pas permis à ce dernier de répondre au moyen soulevé et, le cas échéant, de régulariser la procédure, en communiquant l'identité, la qualité et la délégation de la signature du signataire. L'exception d'irrecevabilité de la requête est rejetée.
Sur le moyen tiré de l'absence de procédure de mise sous protection, outre le fait que ce moyen n'est assorti d'aucune demande, il convient de rappeler que s'il est nécessaire de disposer d'information quant à l'existence d'une mesure de protection pour que, le cas échéant, puisse être convoqué le curateur ou le tuteur, sachant que, quelque soit le fondement de l'hospitalisation sans consentement, elle est sans effet sur la nécessité ou non pour la personne concernée d'être mise sous mesure de protection. Le moyen est rejeté.
Sur l'absence de production de la pièce d'identité du tiers à la demande d'hospitalisation, il convient de constater qu'aucune demande particulière n'est formée à ce titre et que si la pièce d'identité de Mme [H] [B], en sa qualité de tiers demandeur à l'admission, n'est pas jointe à la procédure, il n'est pas contesté qu'il s'agit d'une des filles de Mme [Y] [F].
Sur le moyen tiré du fait que les conditions d'admission en soins psychiatriques à la demande d'un tiers en urgence n'étaient pas réunies en l'absence d'éléments médicaux permettant de constater qu'il existait un risque grave d'atteinte à l'intégrité de Mme [Y] [F], il s'avère que le certificat médical établi par le Dr [S] au service d'accueil des urgences adultes le 20 janvier 2023 à 02h11 indique, fait notamment mention de troubles au domicile avec fugue, de désorganisation comportementale, d' errance et d'imprévisibilité, éléments qui permettent de caractériser l'existence d'un risque grave d'atteinte à l'intégrité de l'intéressée. Le moyen est rejeté.
Sur le fond, il résulte des pièces médicales de la procédure que c'est à juste titre que le premier juge a ordonné la poursuite de la mesure de soins sans consentement sous forme d'une hospitalisation complète de Mme [Y] [F] au vu des différents certificats médicaux dont il résulte que son hospitalisation a été rendue nécessaire car chez la patiente persistait une bizarrerie du comportement, un discours peu cohérent avec un raisonnement paralogique associé à une absence de critique du comportement de mise en danger et une ambivalence à l'hospitalisation, l'avis motivé du 24 janvier 2023 mentionnant toujours une banalisation du comportement et le fait que la patiente est clinophile et incurique avec un refus passif des soins qui justifiait la poursuite de la mesure.
S'il est compréhensible que la patiente souhaite mettre fin à la mesure d'hospitalisation complète sans consentement et souhaite partir retrouver son fils au Mexique, il n'en demeure pas moins que la mainlevée de la mesure apparaît bien prématurée dès lors que dans le certificat médical de situation du 31 janvier 2023, le Dr [R] indique que la patiente est incurique, et refuse les soins d'hygiène. Il ajoute que le discours est cohérent mais plaqué sur fonds de détachement affectif et émotionnel sans aucune élaboration au sujet de son comportement, de la mise en échec deux projetS d'accueil familial ce qui établit que l'hospitalisation sans consentement demeure le seul moyen de lui apporter le traitement approprié à sa symptomatologie et ce, sans que rien ne justifie qu'il soit procédée à une expertise psychiatrique. La demande est rejetée.
En conséquence, il convient de confirmer l'ordonnance querellée.
PAR CES MOTIFS
Le délégué du premier président de la cour d'appel, statuant publiquement par mise à disposition au greffe, par décision réputée contradictoire,
REJETONS l'exception d'irrecevabilité de la saisine du juge des libertés et de la détention,
CONFIRMONS l'ordonnance
LAISSONS les dépens à la charge de l'État.
Ordonnance rendue le 06 FEVRIER 2023 par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
LE GREFFIER LE MAGISTRAT DÉLÉGATAIRE
Une copie certifiée conforme notifiée le 06 février 2023 par fax à :
X patient à l'hôpital
ou/et ' par LRAR à son domicile
X avocat du patient
X directeur de l'hôpital
X tiers par LS
' préfet de police
' avocat du préfet
' tuteur / curateur par LRAR
X Parquet près la cour d'appel de Paris