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20/02/2023 | FRANCE | N°21/09554

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 5 - chambre 10, 20 février 2023, 21/09554


REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS







COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 5 - Chambre 10



ARRÊT DU 20 FEVRIER 2023



(n° , 5 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/09554 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CDWRW



Décision déférée à la Cour : Jugement du 04 Mars 2021 -TJ de MEAUX RG n° 18/01865





APPELANTS



Monsieur [V] [C]



Madame [K] [I] épouse [C]

Domiciliés [Adresse 2]

[Localité 4]

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Représenté par Me Belgin PELIT-JUMEL de la SELEURL BELGIN PELIT-JUMEL AVOCAT, avocat au barreau de PARIS, toque : D1119

Représenté par Me Julia ROBERT, avocat au barreau de MEAUX



INTIMEE



S.A.R.L. ETHIMO PATRI...

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 10

ARRÊT DU 20 FEVRIER 2023

(n° , 5 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/09554 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CDWRW

Décision déférée à la Cour : Jugement du 04 Mars 2021 -TJ de MEAUX RG n° 18/01865

APPELANTS

Monsieur [V] [C]

Madame [K] [I] épouse [C]

Domiciliés [Adresse 2]

[Localité 4]

Représenté par Me Belgin PELIT-JUMEL de la SELEURL BELGIN PELIT-JUMEL AVOCAT, avocat au barreau de PARIS, toque : D1119

Représenté par Me Julia ROBERT, avocat au barreau de MEAUX

INTIMEE

S.A.R.L. ETHIMO PATRIMOINE

Ayant son siége social

[Adresse 1]

[Localité 3]

Prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

Représentée par Me Jeanne BAECHLIN de la SCP SCP Jeanne BAECHLIN, avocat au barreau de PARIS, toque : L0034

Représentée par Me Antoine SIMONNEAU, avocat au barreau de PARIS

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 21 Novembre 2022, en audience publique, devant la Cour composée de :

Monsieur Edouard LOOS, Président

Madame Christine SIMON-ROSSENTHAL, Présidente

Monsieur Jacques LE VAILLANT, Conseiller

qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l'audience par Madame SIMON-ROSSENTHAL, Présidente dans les conditions prévues par l'article 804 du code de procédure civile.

Greffier, lors des débats : Madame Sylvie MOLLÉ

ARRÊT :

- contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Edouard LOOS, Président et par Sonia JHALLI, Greffière présente lors du prononcé.

Faits et procédure

Afin de bénéficier d'une réduction d'impôt sur le revenu dans le cadre du dispositif fiscal dit « Girardin industriel » prévu par l'article 199 undecies B du code général des impôts, M. [V] [C], sur les conseils de la société Quatuor Patrimoine, aujourd'hui dénommée Ethimo patrimoine, a signé à deux reprises avec la société Dom-tom défiscalisation (la société Dtd), le 20 octobre 2008 et le 27 octobre 2009, un mandat de recherche, un « engagement de libération d'apport » et une « convention d'exploitation en commun », pour des souscriptions, respectivement, de 27 000 euros en 2008 et 23 000 euros en 2009.

Il s'agissait de souscription au capital de sociétés en participation gérées par la société Dtd, laquelle devait acquérir pour leur compte des panneaux solaires photovoltaïques auprès de la société Lynx industries pour les louer dans un département d'outre-mer. Comme la réduction d'impôt se calcule sur la totalité de l'investissement en panneaux solaires et que celui-ci n'est financé que pour une part minoritaire par les souscriptions au capital, les souscripteurs peuvent prétendre à une réduction d'impôt nettement supérieure au montant de leur apport, et M. [C] a ainsi réduit son impôt sur le revenu au titre des années 2008 et 2009 de 39 742 et 41 599 euros respectivement.

Cette réduction d'impôt a été remise en cause par l'administration fiscale qui a adressé à M. [C] et son épouse Mme [K] [I] une proposition de rectification le 12 octobre 2011. Avec l'assistance de la société Ethimo patrimoine, ils ont contesté en vain la position de l'administration puis ont saisi le tribunal administratif de Melun d'un recours contentieux le 19 janvier 2015, qui a été rejeté par jugement du 15 juin 2017.

Par acte d'huissier de justice en date du 23 avril 2018, M. [C] et Mme [K] [I] ont fait assigner la société Ethimo patrimoine devant le tribunal judiciaire de Meaux.

Par jugement rendu le 4 mars 2021, le tribunal judiciaire de Meaux a statué comme suit :

- rejette les demandes en dommages intérêts formées par [K] [I] et [V] [C] ;

- les condamne aux dépens ainsi qu'à payer 2 000 euros à la société Ethimo Parimoine au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Par déclaration du 21 mai 2021, M. [C] et Mme [K] [I] ont interjeté appel du jugement.

Par dernières conclusions signifiées le 25 octobre 2022, M. [C] et Mme [K] [I] demandent à la cour de :

Vu les dispositions des articles 1134, 1135 et 1147 du code civil, des articles L 341-3 et suivants du code monétaire et financier ;

- confirmer le jugement du tribunal judiciaire de Meaux du 4 mars 2021 en ce qu'il a retenu que l'action des époux [C] n'était pas prescrite.

- infirmer le jugement du tribunal judiciaire de Meaux du 4 mars 2021 en ce qu'il a débouté les époux [C] de leurs demandes en dommages et intérêts et les a condamnés au paiement de la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

en conséquence, et statuant à nouveau :

- juger que la société Ethimo Patrimoine a commis un manquement caractérisé à son obligation d'information, de conseil et de mise en garde à l'égard des époux [C],

- juger que ce manquement a causé des préjudices aux époux [C], et plus particulièrement :

une perte de chance de ne pas souscrire au produit Dtd,

une perte de chance de souscrire un produit de défiscalisation fiable,

un préjudice moral,

un préjudice financier consécutivement aux frais engendrés par les recours gracieux et contentieux.

- fixer le montant des indemnisations des préjudices comme suit :

63 850 euros au titre de la perte de chance de ne pas souscrire au produit Dtd,

73 720 euros au titre de la perte de chance de souscrire un produit de défiscalisation fiable,

5 000 euros chacun au titre du préjudice moral.

500 euros au titre du préjudice financier consécutivement aux frais engendrés par les recours gracieux et contentieux.

en conséquence,

-condamner la société Ethimo Patrimoine à leur indemniser l'entier dommage subi, outre intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure,

- condamner la société Ethimo Patrimoine à payer aux époux [C] la somme totale de 148 070 euros,

- débouter la société Ethimo Patrimoine de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

- Condamner la société Ethimo Patrimoine à payer aux époux [C] la somme de 6 000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner la société Ethimo Patrimoine aux entiers dépens,

Par dernières conclusions signifiées le 13 septembre 2022, la société Ethimo Patrimoine demande à la cour de :

vu l'article L.110-4 du code de commerce et l'article 2224 du code civil,

à titre principal,

- réformer le jugement du tribunal judiciaire de Meaux du 4 mars 2021 ;

et statuant de nouveau,

- juger les époux [C] irrecevables en leur action, comme prescrits.

à titre subsidiaire,

- confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions.

en tout état de cause,

- condamner les époux [C] à payer à la société Ethimo Patrimoine la somme de 6 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner les époux [C] aux entiers dépens.

SUR CE,

Sur l'exception de prescription

la société Ethimo Patrimoine soutient que l'action introduite à son encontre est prescrite en application du délai quinquennal de l'article 2224 du code civil, le délai ayant commencé à courir à compter de la notification par l'administration fiscale du redressement litigieux aux époux [C], soit le 12 octobre 2011 pour expirer à la date du 12 octobre 2016. Elle considère que le recours administratif contre ce redressement fiscal n'a eu aucun effet interruptif sur le délai de prescription de la présente action, ce recours n'ayant pas été dirigé contre la société Ethimo Patrimoine et qu'à défaut, le point de départ du délai de prescription doit être fixé au plus tard à la date de mise en recouvrement de l'impôt.

Les époux [C] soutiennent que le point de départ de la prescription est fixé au jour de la notification du rejet de leur requête ; que l'action en responsabilité dirigée contre une société en réparation du préjudice résultant de manquements à ses obligations fiscales ayant donné lieu à redressement ne court pas à compter de la notification du redressement car celui-ci est le point de départ d'une procédure contradictoire à l'issue de laquelle l'administration fiscale ne peut mettre en recouvrement aucune imposition, de sorte qu'à la date de cette notification, le préjudice consistant dans les impositions supplémentaires mises à la charge du demandeur à raison des manquements de la société n'est pas encore réalisé ; qu'ainsi, en application des articles 2231, 2241 et 2242 du code civil, la requête introduite le 14 décembre 2015 devant le tribunal administratif de Melun ayant pour objet de contester la proposition de rectification du 12 novembre 2011, a interrompu le délai de prescription et ce jusqu'à la date d'extinction de l'instance, à savoir le jour où ce dernier a rejeté la requête des époux [C], soit le 5 juin 2017 ; qu'un nouveau délai de prescription a commencé à courir, de sorte que leur action introduite le 23 avril 2018 est recevable.

Ceci étant exposé, l'article 2224 du code civil, « Les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer. »

Antérieurement à la loi du 17 juin 2008, l'action en responsabilité délictuelle était soumise à un délai de prescription de 10 ans. Ce délai a été ramené à 5 ans par la loi du 17 juin 2008 entrée en vigueur le 19 juin 2008 (article 2224 du code civil). L'article 2222 alinéa 3 du code civil dispose qu'en cas de réduction de la durée du délai de prescription ou du délai de forclusion, ce nouveau délai court à compter du jour de l'entrée en vigueur de la loi nouvelle sans que la durée totale puisse excéder la durée prévue par la loi antérieure.

La prescription de l'action en responsabilité ne court qu'à compter de la réalisation du dommage ou de la date à laquelle celui-ci est révélé à la victime.

L'action en responsabilité dirigée contre la société Ethimo Patrimoine a été introduite le 23 avril 2018.

L'administration a remis en cause l'éligibilité à la réduction d'impôt le 12 octobre 2011.

Les époux [C] fondent leur action en responsabilité sur le manquement de la société Ethimo Patrimoine à ses obligations de conseil, d'information et de mise en garde.

Le dommage invoqué s'est bien révélé au jour où l'administration fiscale leur a adressé les avis d'imposition rectificatifs sur les revenus 2008 et 2009 ( pièces 3.5 et 3.6), soit, ainsi qu'ils l'indiquent dans leur courrier adressé à l'administration fiscale le 15 décembre 2014 (pièce 3.7), le 11 novembre 2012, avis qu'ils indiquent avoir régularisés et qui sont la conséquence de la remise en cause de l'avantage fiscale dont ils avaient bénéficié, soit au jour de la notification par celle-ci du redressement.

Le fait que l'imposition ainsi que les intérêts et pénalités ne soient définitives qu'après rejet de leur requête devant le tribunal administratif ne privaient pas les contribuables de la possibilité de saisir la juridiction d'une action en responsabilité dès lors que le préjudice était établi et qu'ils pouvaient solliciter devant la juridiction civile, un sursis à statuer dans l'attente de cette décision.

L'action en responsabilité introduite pas les époux [C] à l'encontre de la société Ethimo Patrimoine le 23 avril 2018 est dès lors prescrite.

Le jugement entrepris sera dès lors infirmé en toutes ses dispositions.

Les époux [C] seront condamnés solidairement aux dépens de première instance et d'appel et déboutés de leur demande d'indemnité de procédure. Ils seront condamnés, sur ce même fondement, à payer à la société Ethimo Paatrimone la somme de 2 000 euros.

PAR CES MOTIFS,

La cour,

Infirme le jugement entrepris en toutes des dispositions,

Statuant à nouveau,

Déclare l'action de Monsieur [V] [C] et de Madame [K] [I] épouse [C] prescrite ;

Condamne solidairement Monsieur [V] [C] et de Madame [K] [I] épouse [C] aux dépens de première instance et d'appel ;

Déboute Monsieur [V] [C] et de Madame [K] [I] épouse [C] de leur demande d'indemnité de procédure ;

Condamne Monsieur [V] [C] et de Madame [K] [I] épouse [C] à payer à la société Ethimo la somme de 2 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

La greffière, Le Président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 5 - chambre 10
Numéro d'arrêt : 21/09554
Date de la décision : 20/02/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-02-20;21.09554 ?
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