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23/02/2023 | FRANCE | N°19/12244

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 10, 23 février 2023, 19/12244


Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS







COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 10



ARRET DU 23 FEVRIER 2023



(n° , 1 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 19/12244 - N° Portalis 35L7-V-B7D-CBDTV



Décision déférée à la Cour : Jugement du 21 Octobre 2019 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS - RG n° 19/03153





APPELANTE



Madame [W] [H]

[Adresse 1]

[Loca

lité 4]

Représentée par Me Pierre-philippe FRANC, avocat au barreau de PARIS, toque : D0189







INTIMEE



S.A.S. LUSH FRANCE prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés...

Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 10

ARRET DU 23 FEVRIER 2023

(n° , 1 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 19/12244 - N° Portalis 35L7-V-B7D-CBDTV

Décision déférée à la Cour : Jugement du 21 Octobre 2019 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS - RG n° 19/03153

APPELANTE

Madame [W] [H]

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représentée par Me Pierre-philippe FRANC, avocat au barreau de PARIS, toque : D0189

INTIMEE

S.A.S. LUSH FRANCE prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 3]

[Localité 2]

Représentée par Me Jeanne BAECHLIN, avocat au barreau de PARIS, toque : L0034

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 08 Décembre 2022, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Nicolas TRUC, Président, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :

Monsieur Nicolas TRUC, Président de la chambre

Madame Gwenaelle LEDOIGT, Présidente de la chambre

Madame Carine SONNOIS, Présidente de la chambre

Greffier, lors des débats : Mme Sonia BERKANE

ARRET :

- contradictoire

- mis à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Monsieur Nicolas TRUC, Président et par Sonia BERKANE,Greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS ET PROCEDURE :

Mme [W] [H] a été engagée par la société Lush France en qualité de vendeuse à compter du 27 mars 2017.

Le 13 juin 2018, elle a été convoquée à un entretien préalable qui s'est tenu le 21 juin 2018.

A la suite de cet entretien, elle a été licenciée par la lettre du 25 juin 2018, rédigée en ces termes :

« (') Les faits qui nous amènent à vous notifier votre licenciement pour faute simple sont les suivants :

Le 8 juin 2018, en fin de matinée, vous êtes rentrée dans la staff room, très énervée. En effet alors que la porte de cette dernière était toujours ouverte, vous vous êtes énervée à propos d'un client, l'insultant et voulant 'lui casser la figure'.

Mesdames [G] [M] et [Y] [S], toutes deux superviseurs, étaient présentes à ce moment et ont tenté de savoir ce qu'il s'était passé afin de pouvoir gérer la situation entre vous et le client. Or, vous étiez dans l'incapacité de vous calmer et d'expliquer ce qu'il s'était passé.

Madame [Y] [S], s'est donc occupée du client, lequel était certes désagréable mais non-agressif ou violent. Ce client recherchant un exfoliant visage, Mme [Y] [S] a alors effectué une démonstration. Durant celle-ci, le client a fait remarquer qu'habituellement l'accueil en boutique était plus agréable, soulignant que vous aviez été très désobligeante. Il vous a surnommé [W] '[N]' ce que Madame [Y] [S] lui a de suite fait corriger. Elle s'est ensuite excusée pour votre comportement, tentant de justifier la situation par le fait que vous étiez fatiguée. N'ayant pas tous les faits en main et ne sachant pas si le client avait eu un comportement ou des paroles inadéquats, cela lui a semblé la meilleure option.

Une fois le client parti, Madame [Y] [S] vous a proposé un entretien dans le staff room, durant lequel vous lui avez alors expliqué ce qu'il s'était passé: ' J'ai d'abord salué le client à son arrivée. Au bout de quelques secondes, il est venu me voir en me demandant s'il était 'invisible'. Je lui ai répondu que 'non'.

Vous lui avez répondu que vous connaissiez votre métier. La conversation a pris fin lorsque le client vous a rétorqué 'ça va! Ça va!'

C'est alors que vous avez eu un comportement inadéquat et non-professionnel. Vous êtes en effet rentrée très énervée dans la staff room en utilisant un langage verbal inadéquat voire violent en affirmant 'vouloir lui casser la gueule à ce connard'. Ces propos sont inacceptables dans un milieu professionnel, c'est ce que votre équipe managériale vous a expliqué lors du feedback postérieur à cela. Elles vous ont en effet rappelé votre fiche de poste notamment en insistant sur le service client 5 étoiles qui était attendu chez Lush. A ce moment vous avez de nouveau utilisé des propos inadéquats : 'dans ce cas-là je baisse mon froc et je ne dis rien' en utilisant un langage corporel très virulent.

Le samedi 9 juin 2018, la situation s'est renouvelée. Vous avez de nouveau eu un comportement inacceptable en boutique. En effet, lorsqu'un client est entré dans la boutique vous ne l'avez pas renseigné conformément à la politique Lush France. Ce même client demandait un renseignement sur les crèmes corps, ce à quoi vous avez répondu 'bah c'est des crèmes' sans aller plus loin dans l'argumentation, en ne faisant aucune Customer Experience ni un service 5 étoiles, conformément à notre politique interne. Votre supérieur, Mme [Y] [S], témoin de la scène vous a fait un feedback de développement vous demandant de retourner voir le client, ce que vous n'avez pas fait.

Ainsi, lors de votre échange avec Mme [Y] [S], vous étiez très en colère et assez violente dans vos gestes et dans vos paroles: 'Je ne suis pas ton chien'; 'Je suis un chien moi pour faire ça ''. Madame [R] [E], responsable adjointe de boutique, a dû également intervenir entre vous et [Y] [S] pour vous séparer parce que vous souhaitiez quitter la staff room. Or, comme discuté lors de l'entretien, lorsqu'un membre de l'équipe est énervé, il est préférable de ne pas le laisser aller sur le floor.

De plus, par énervement, vous avez également haussé le ton envers Madame [J] [C], responsable de boutique.

Enfin, le mardi 12 juin 2018, vous êtes allée présenter vos excuses à Mme [Y] [S] en affirmant que vous n'auriez pas dû en venir jusque-là et que vous compreniez l'utilité des feedbacks et le fait qu'ils ne soient pas personnels.

Nous vous rappelons que conformément à votre fiche de poste, vous vous devez 'd'assister votre équipe de management dans leur vision et leurs objectifs pour la boutique. S'assurer de toujours faire passer en priorité le service client et les ventes', également vous devez toujours 'fournir et représenter le service client et l'éthique cinq étoiles de Lush : réaliser des démonstrations inoubliables tout en représentant les valeurs et l'éthique de Lush à la perfection'.

Enfin, toujours en application de votre fiche de poste vous 'devez être bien consciente de ce qui se passe sur le shop-floor et avoir une communication parfaite avec tous les membres de l'équipe et enfin vous devez 'Travailler en équipe avec chaque personne présente en boutique, se soutenir mutuellement et participer à la création d'une atmosphère agréable avec des clients ravis et des employés épanouis'.

Enfin, comme discuté au cours de l'entretien préalable en date du jeudi 13 juin 2018 et en référence au Guide du Customer Care, page 27 'Situations difficiles'; face à de tels propos, vous vous deviez d'arrêter la conversation immédiatement et demander du renfort, de préférence de votre Manager ou à l'équipe Managériale mais nul ne sert d'hausser le ton. Il est inutile d'argumenter ou de céder aux demandes du client dans ce cas, invitez-le à sortir de la boutique.

Au cours de l'entretien préalable du jeudi 21 juin 2018, vous avez reconnu avoir eu un comportement inapproprié, avoir tenu des propos désobligeants et ne pas avoir rempli votre fiche de poste.

En conséquence, nous vous notifions votre licenciement pour faute simple. Conformément à la convention collective applicable à l'entreprise, vous bénéficiez d'un préavis d'une durée d'un mois qui débutera à la date de première présentation de cette lettre (...) ».

Le conseil de prud'hommes de Paris, saisi par la salariée le 15 avril 2019, a, par jugement du 5 novembre 2019, notifié le 25 novembre suivant, statué comme suit :

- Déboute Mme [W] [H] de l'ensemble de ses demandes,

- Condamne Mme [W] [H] au paiement des entiers dépens,

- Déboute la société Lush de sa demande d'article 700 du code de procédure civile.

Mme [H] a interjeté appel de cette décision par déclaration de son conseil au greffe de la cour d'appel de Paris le 12 décembre 2019.

Selon ses dernières conclusions remises et notifiées le 12 février 2020, l'appelante demande à la cour d'appel de :

- Infirmer le jugement entrepris

- Condamner la société Lush à payer à Mme [H] les sommes suivantes :

* la somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts pour rupture abusive,

* la somme de 1 200 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Aux termes de ses dernières conclusions remises et notifiées le 11 mai 2020, l'intimée demande à la cour d'appel de :

- Confirmer le jugement du conseil de prud'hommes en ce qu'il a débouté Mme [H] de l'intégralité des demandes, fins, moyens et prétentions

- Infirmer le jugement du conseil de prud'hommes en ce qu'il a débouté la société de ses demandes reconventionnelles;

Sur la validité du licenciement pour faute simple

- Confirmer que le licenciement pour faute simple de Mme [H] est justifié,

En conséquence,

- Confirmer le jugement du conseil de prud'hommes en ce qu'il a débouté Mme [H] de sa demande de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

Sur la moyenne de salaire mensuel

Décider que la moyenne de salaire de Mme [H] n'est pas égale à 2 900 euros bruts par mois,

En conséquence,

- Débouter Mme [H] de sa demande de fixer sa moyenne de salaire à 2 900 euros bruts par mois

- Fixer la moyenne de salaire de Mme [H] à 1 792,45 euros bruts par mois,

Sur les autres demandes

- Confirmer le jugement du conseil de prud'hommes en ce qu'il a débouté Mme [H] de sa demande de condamnation de la société à payer 1 200 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- Confirmer le jugement du conseil de prud'hommes en ce qu'il a condamné

Mme [H] aux entiers dépens

- Infirmer le jugement du conseil de prud'hommes en ce qu'il a débouté la société de sa demande reconventionnelle en condamnation de Mme [H] au paiement de 1 200 euros à la société au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

En conséquences

- Condamner Mme [H] au paiement de 1 200 euros à la société au titre de l'article 700 du code de procédure civile

L'ordonnance de clôture a été prononcée le 29 juin 2022.

Il est renvoyé pour plus ample exposé aux écritures des parties visées ci-dessus.

Sur ce :

En application de l'article L1232-1 du code du travail, un licenciement doit être justifié par une cause réelle et sérieuse.

Selon les articles L1235-1 et L 1235-2 du même code, l'employeur qui prend l'initiative de rompre le contrat de travail doit énoncer son ou ses motifs dans la lettre de licenciement, qui fixe les limites du litige. Il incombe à l'employeur d'alléguer des faits précis sur lesquels il fonde le licenciement et il appartient au juge d'apprécier la régularité de la procédure et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l'employeur au vu des éléments fournis par les parties après avoir ordonné, au besoin toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. Si un doute subsiste, il profite au salarié.

La lettre de licenciement susvisée reproche en substance à Mme [H] des comportements inadéquats et non professionnels les 8 et 9 juin 2018 (attitude inappropriée envers la clientèle, énervement et langage déplacé dans le « staff room » et à l'égard de son superviseur, Mme [S]).

Pour contester son licenciement, de nature disciplinaire, Mme [H] fait valoir que « pendant un an (') elle n'a fait l'objet, strictement d'aucune sanction ni d'aucune difficulté (...)' », que le 8 juin 2018, elle a été l'objet de remarques racistes et déplacées de la part d'un client ayant donné lieu à la discussion avec sa supérieure hiérarchique qu'elle conteste avoir insultée.

Mais les attestations que la cour tient pour crédibles produites par l'employeur

(Mme [S], Mme [C], Mme [O] et Mme [M]) ainsi que le rapport interne du CHSCT (pièce 13) confirment le comportement emporté et les propos violents et agressifs de Mme [H] tant à l'égard du client, hors sa présence, que de Mme [S], sa supérieure hiérarchique.

Il sera observé que si le client du 8 juin 2018, dont l'identité est inconnue, a pu se montrer désagréable ainsi que le mentionne la lettre de licenciement, aucun élément ne prouve qu'il ait pour autant tenu à la salariée des propos insultants ou à caractère raciste qui auraient pu être la cause de sa réaction emportée.

La cour retient, après le conseil de prud'hommes dont les motifs sont adoptés, que l'attitude de Mme [H] les 8 et 9 juin 2018, non conforme à ce que l'employeur était en droit d'attendre d'une vendeuse dans une boutique soumise à des standards élevés en matière d'accueil commercial, rappelés par la lettre de licenciement, constituait des manquements fautifs et avérés à ses obligations professionnelles, tant à l'égard de la clientèle que de ses collègues de travail, compromettant la poursuite de la relation de travail, quand bien même n'aurait-elle fait l'objet d'aucune sanction disciplinaire précédemment.

La décision prud'homale ayant dit le licenciement justifié sera ainsi confirmée.

La moyenne du salaire mensuel brut de Mme [H] sur les 12 derniers mois, la plus favorable, ayant été exactement calculée à hauteur de 1 792 euros par les premiers juges, au vu du tableau récapitulatif complet des rémunérations établi par l'employeur (ses conclusions page 15) et dont aucune pièce n'établit le caractère erroné, celle-ci sera confirmée, aucun solde d'indemnité de rupture restant dû n'étant à retenir.

L'équité n'exige pas de faire application de l'article 700 du code de procédure civile.

Les entiers dépens seront laissés à la charge de Mme [H] qui succombe à l'instance.

PAR CES MOTIFS

La cour :

Confirme le jugement du conseil de prud'hommes de Paris du 5 novembre 2019 en toute ses dispositions et y ajoutant :

Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel.

Condamne Mme [H] aux dépens de première instance et d'appel.

LA GREFFIERE LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 10
Numéro d'arrêt : 19/12244
Date de la décision : 23/02/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-02-23;19.12244 ?
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