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02/03/2023 | FRANCE | N°19/08436

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 7, 02 mars 2023, 19/08436


Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS









COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 7





ARRET DU 02 MARS 2023



(n° , 8 pages)







Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 19/08436 - N° Portalis 35L7-V-B7D-CANMB



Décision déférée à la Cour : Jugement du 18 Juillet 2019 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS - RG n° F17/07883





APPELANTE



Madame [V] [I]>
[Adresse 2]

[Localité 4]

Représentée par Me Thibault DU MANOIR DE JUAYE, avocat au barreau de PARIS, toque : L0240





INTIMEE



SAS ASSETS AND EQUITY

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentée par Me ...

Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 7

ARRET DU 02 MARS 2023

(n° , 8 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 19/08436 - N° Portalis 35L7-V-B7D-CANMB

Décision déférée à la Cour : Jugement du 18 Juillet 2019 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS - RG n° F17/07883

APPELANTE

Madame [V] [I]

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représentée par Me Thibault DU MANOIR DE JUAYE, avocat au barreau de PARIS, toque : L0240

INTIMEE

SAS ASSETS AND EQUITY

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentée par Me Stéphane LAUBEUF, avocat au barreau de PARIS, toque : P0083

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 09 Décembre 2022, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Guillemette MEUNIER, Présidente de chambre, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :

Madame Bérénice HUMBOURG, Présidente de Chambre,

Madame Guillemette MEUNIER, Présidente de chambre,

Monsieur Laurent ROULAUD, Conseiller.

Greffier, lors des débats : Madame Marie-Charlotte BEHR

ARRET :

- CONTRADICTOIRE,

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Guillemette MEUNIER, et par Madame Marie-Charlotte BEHR, Greffière en préaffectation sur poste, à laquelle la minute a été remise par le magistrat signataire.

FAITS, PROC''DURE ET PR''TENTIONS DES PARTIES

La société Assets and Equity est spécialisée dans le secteur d'activité du conseil pour les affaires et autres conseils de gestion. Elle emploie au moment du licenciement moins de onze salariés.

Mme [I] a été engagée par la société Assets and Equity suivant contrat à durée indéterminée en date du 16 février 2012 en qualité d'assistante de direction, les relations contractuelles étant soumises à la convention collective Syntec.

Mme [I] a été placée en arrêt maladie à plusieurs reprises de 2012 à 2014. A compter du 21 avril 2016, elle a été placée en arrêt maladie de façon continue.

Elle a été convoquée à un entretien préalable fixé le 7 mars 2017 en vue d'un éventuel licenciement qui lui a été notifié pour désorganisation le 17 mars 2017.

Contestant le bien-fondé de son licenciement, Mme [I] a saisi le conseil de prud'hommes de Paris le 25 septembre 2017 aux fins d'obtenir la condamnation de la société Assets and Equity au paiement de diverses sommes de nature salariale et indemnitaire.

Par jugement en date du 18 juillet 2019, le conseil de prud'hommes a débouté Mme [I] de l'ensemble des demandes et l'a condamnée au paiement des entiers dépens.

Mme [I] a interjeté appel de cette décision par déclaration enregistrée le 24 juillet 2019.

Aux termes de ses dernières conclusions déposées par la voie électronique le 1er avril 2022, Mme [I] demande à la Cour de :

-déclarer qu'elle est recevable et bien fondée en son appel ;

statuant à nouveau,

-infirmer le jugement du conseil de prud'hommes de Paris en date du 18 juillet 2019 en toutes ses dispositions;

A titre principal,

-condamner la défenderesse au paiement d'une somme de 99.052 euros au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse;

En tout état de cause :

-la condamner à payer la somme de 31 373 euros (6 mois de salaire) au titre du manquement à l'obligation de sécurité et en réparation du préjudice qui en découle;

-condamner la société Assets and Equity au paiement d'une somme de 830 euros pour dépôt tardif des conclusions;

- infirmer le jugement en ce qu'il l'a condamné au paiement des entiers dépens et en ce qu'il a rejeté sa demande formulée au titre de l'article 700 du code de procédure civile;

- condamner la société Assets and Equity au paiement d'une somme de 3000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Aux termes de ses dernières conclusions transmises par la voie électronique le 29 mars 2022, la société Assets and Equity demande à la Cour de :

-confirmer en toutes ses dispositions le jugement du conseil de prud'hommes de Paris du 18 juillet 2019;

En conséquence,

-débouter Mme [I] de l'ensemble de ses demandes;

- condamner Mme [I] à payer à Assets and Equity la somme de 2000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner Mme [I] aux dépens.

Par arrêt du 19 mai 2022, la Cour d'appel de Paris a avant dire droit ordonné le rabat d e l'ordonnance de clôture, renvoyé l'examen de l'affaire à l'audience du 9 décembre 2022 et dit que les parties doivent conclure selon le calendrier sous peine de radiation le 30 mai 2022 pour la société Assets and Equity et le 15 juillet 2022 pour Mme [I], dit que l'affaire sera clôturée le 16 novembre 2022.

La Cour se réfère pour un plus ample exposé des prétentions et moyens des parties à leurs écritures conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

L'instruction a été déclarée close le 16 novembre 2022.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur le licenciement

Mme [I] sollicite l'infirmation du jugement aux motifs que les premiers juges n'ont pas tenu compte des éléments jurisprudentiels et des faits qu'elle a développés.

Elle soutient que :

-la lettre de licenciement ne décrit pas la désorganisation de l'entreprise contrairement aux exigences jurisprudentielles;

- la société n'a pas procédé à son remplacement de manière définitive, ni même justifié de cette nécessité ;

- elle travaillait en binôme avec Mme [C] pour éviter tout dysfonctionnement en cas d'absence et que celle-ci était toujours en poste à la date de son licenciement ;

- elle travaillait presque exclusivement pour les affaires personnelles de M. [U] dès lors son absence n'a pu créer la moindre perturbation dans l'entreprise d'autant que M. [U] voulait ralentir son activité pour raisons de santé;

- elle a été remplacée par un contrat à durée déterminée et d'autres solutions compte tenu de de l'appartenance à une société holding auraient pu être recherchées.

L'employeur se prévaut en premier lieu de ce que la lettre de licenciement est suffisamment motivée selon les conditions arrêtées par la jurisprudence pour viser les absences de la salariée et la désorganisation de l'entreprise. Il fait valoir qu'au moment où il a décidé d'engager la procédure de licenciement, la salariée était absente depuis un an de façon continue et après des périodes d'absences d'une durée cumulée de près de 13 mois sur la période précédente sans aucune visibilité sur son retour. Par ailleurs, compte tenu de ses missions et du niveau de responsabilité qui était le sien, Mme [I] était la seule dans l'entreprise à être en mesure d'accomplir ses tâches, ce d'autant qu'elle était assistante de direction niveau cadre, avait une fonction de support et qu'aucun autre salarié n'avait la formation, les capacités et le niveau pour la remplacer. Son absence prolongée a obligatoirement désorganisé l'entreprise qui est une petite structure. Enfin, Mme [I] a été remplacée définitivement par Mme [G] qui a été embauchée par contrat à durée indéterminée après avoir bénéficié de contrats à durée déterminée, concomitamment à son licenciement.

Si l'article L. 1132-1 du code du travail fait interdiction de licencier un salarié, notamment en raison de son état de santé ou du handicap, ce texte ne s'oppose pas au licenciement motivé non par l'état de santé du salarié mais par la situation objective de l'entreprise dont le fonctionnement est perturbé par l'absence prolongée ou les absences répétées du salarié. Celui-ci ne peut être licencié que si ces perturbations entrainent la nécessité par l'employeur de procéder à son remplacement définitif par l'engagement d'un autre salarié.

Il est de jurisprudence constante que si l'employeur peut provisoirement suppléer l'absence de salarié, par exemple en réorganisant ses services ou en recourant à une embauche sous contrat à durée déterminée, il ne peut valablement procéder au licenciement du salarié.

La Cour rappelle que la lettre de licenciement doit mentionner les perturbations du fonctionnement de l'entreprise et la nécessité du remplacement définitif du salarié. Le remplacement définitif suppose l'embauche d'un nouveau salarié sous contrat à durée indéterminée selon un horaire équivalent soit avant la date de licenciement, soit à une date proche de celui-ci, soit postérieurement dans un délai raisonnable.

En l'espèce, la lettre de licenciement en date du 17 mars 2017, qui fixe les termes du litige, est ainsi libellée : " Vous êtes absente pour cause de maladie de manière continue depuis le 21 avril 2016 et êtes toujours arrêtée à ce jour.

Vous comprendrez aisément que dans la mesure où notre effectif est très réduit, votre absence depuis un an désorganise de façon avérée la bonne marche de l'entreprise.

Nous sommes donc contraints d'organiser votre remplacement définitif au poste d'assistante de direction, au moyen d'une embauche à durée indéterminée ".

Mme [I] a été recrutée par contrat à durée indéterminée en date du 16 février 2012 en qualité d'assistante de direction. Victime d'une rupture d'anévrisme, elle a été placée en arrêt maladie et a repris son activité à mi-temps thérapeutique le 19 février 2013. Elle a été à nouveau en arrêt maladie en 2013 et 2014 puis de façon continue à compter du 21 avril 2016.

Elle a donc été absente au regard des arrêts maladie visés près d'un an à la date du licenciement sans compter les périodes antérieures.

Il n'est pas contesté que l'entreprise compte à la date du licenciement moins de onze salariés, plus précisément 8 salariés, et présente de fait un effectif réduit.

Aux termes de son contrat de travail, Mme [I] était chargée : de :

-assurer le secrétariat du président et de l'assister dans toutes les tâches d'accueil,

- gérer les rendez-vous et déplacement et plus généralement l'agenda du président,

- traiter le courrier qui lui est adressé ainsi que celui qui est adressé à la société,

- assister le président de la société,

- s'assurer du bon fonctionnement du bureau,

-assurer la gestion et le suivi administratif des relations de la société avec ses fournisseurs et clients.

S'il peut être admis que les fonctions occupées par la salariée étaient importantes au sein de l'entreprise, il appartient à l'employeur de démontrer qu'il s'agissait d'un poste essentiel ne pouvant être pourvu par un autre salarié.

Au-delà des termes laconiques de la lettre de licenciement, l'employeur renvoie pour expliquer la nature des " perturbations " au compte-rendu de l'entretien préalable. Or, ainsi que le souligne la salariée, l'employeur fait état au cours de l'entretien préalable de ce que sa situation personnelle l'oblige à revoir toute l'organisation de la société, avec de nouvelles perspectives de secteurs d'activités, poursuivant que " vu le changement à venir, Mme [I] aurait des difficultés à intégrer cette nouvelle structure ". Il s'en évince que s'il est fait état de ce que dans le contexte de la réorganisation, l'absence prolongée de Mme [I] perturberait dans le futur le fonctionnement de l'entreprise, il n'est fait état d'aucune désorganisation ou perturbation à la date du licenciement.

Il résulte en conséquence des pièces versées aux débats et des moyens débattus que la société Assets and Equity n'apporte pas suffisamment d'éléments de preuve pour établir que les perturbations créées par l'absence de Mme [I] étaient telles que la société était dans l'obligation de procéder à son remplacement définitif.

S'agissant de la nécessité d'un remplacement définitif, il est établi que Mme [G] a été recrutée par contrat de travail à durée déterminée à compter du 25 août 2016 à échéance du 31 décembre 2016, prolongé par avenant du 22 décembre 2016 avec la précision que ce renouvellement n'a pas de terme précis " étant conclu pour une durée déterminée, il prendra fin automatiquement et sans formalité à l'issue de l'arrêt maladie de Mme [I]. Dans le cas où une rupture de contrat interviendrait entre le société et Mme [I] le contrat prendrait fin automatiquement à la date de la rupture " .

Mme [G] était finalement engagée par contrat à durée indéterminée à compter du 19 juin 2017, soit 3 mois après le licenciement de Mme [I].

Mme [G], qui a quitté par ailleurs l'entreprise 1 an et demi après son recrutement en contrat à durée indéterminée, en remplacement de Mme [I] avait pour tâches d'assurer l'accueil téléphonique et physique du bureau, assurer le suivi administratif et local de la société, gérer les rendez-vous et déplacements de la direction, assister le président de la société et s'assurer du bon fonctionnement du bureau.

Dès le remplacement de la salariée par Mme [G], la désorganisation invoquée n'est plus d'actualité. Il n'est pas plus démontré que les tâches occupées par la salariée étaient à ce point complexes qu'elles ne pouvaient pas être assumées par un autre salarié alors que Mme [G], comme le reconnait l'employeur, a donné toute satisfaction en occupant le poste. La prolongation de son contrat à durée déterminée puis son embauche par contrat à durée indéterminée confirment qu'en effet elle a pu assumer les tâches de Mme [I] sans qu'il soit justifié de difficultés de formation.

Par ailleurs, il ressort du volume de pièces versées par l'appelante (200 pièces) aux débats composés de sms, courriels, cahiers de message, extraits d'agendas que Mme [I] gérait l'agenda personnel du directeur et de son entourage (gestion de ses impôts, travaux ou opérations relatifs à des biens immobiliers, organisation de rendez-vous médicaux, déplacements personnels etc).

Enfin, la liste des entrées et sorties du personnel produite aux débats confirme que Mme [C] , responsable administratif, statut cadre, était en poste à la date du licenciement et a quitté la société selon son profil linkedIn en, octobre 2018. Or, il ressort d'échanges de courriels du mois d'avril 2016 que Mme [C] secondait Mme [I] et devait avoir accès à son agenda et à ses contacts, étant relevé que Mme [C] était détachée à 50 % de son temps sur un poste d'assistante pour une autre société et pouvait réintégrer son poste à temps plein si besoin.

Au vu de cette analyse, tant la désorganisation de l'entreprise que la nécessité de remplacer la salariée de manière définitive ne sont pas démontrées.

Il convient par conséquent par infirmation du jugement déféré de dire que le licenciement motivé par l'absence prolongée de la salariée est sans cause réelle et sérieuse.

Le licenciement étant injustifié, la salariée peut prétendre à des dommages et intérêts en raison de l'absence de cause réelle et sérieuse de licenciement.

Les périodes de suspension du contrat de travail pour maladie professionnelle ne sont pas prises en compte pour la détermination de la durée d'anciennété.

Mme [I] présentait à la date du licenciement une ancienneté inférieure à 4 ans.

Elle sollicite la somme de 125 492 euros au titre de son préjudice dans le corps de ses dernières conclusions mais 99 052 euros aux termes du dispositif de ses conclusions qui lie la Cour, correspondant selon le tableau comparatif établi parv ses soins à la différence entre les sommes perçues de la CPAM, de Pôle Emploi, de la Cramif et de la Prévoyance et les salaires auxquels elle aurait pu prétendre du 18 juin 2017 au 7 avril 2022.

La société Assets and Equity comptant moins de 11 salariés, sans que ce soit contesté par la salariée, trouvent à s'appliquer les dispositions de l'article L.1235-5 du code du travail, dans sa version antérieure à l'ordonnance n°2017-1387 du 22 septembre 2017, selon lesquelles, en cas de licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse, le salarié peut prétendre à une indemnité correspondant au préjudice subi.

Compte tenu de son ancienneté dans une entreprise employant moins de onze salariés, de son âge à la date du licenciement (39 ans), de sa faible ancienneté, des circonstances de la rupture, du montant mensuel brut de sa rémunération, des conséquences du licenciement tel qu'il résulte des pièces et des explications fournies, notamment l'allocation de l'aide au retour à l'emploi du moins en avril 2018, il y a lieu d'allouer à Mme [I] la somme de 25.000 euros en réparation du préjudice subi.

Sur le manquement de l'employeur à son obligation de sécurité

Mme [I] fait état de ce que son employeur a manqué à son obligation de sécurité en ne prenant pas en compte son état de fragilité consécutif à la rupture d'anévrisme dont elle a été victime et les opérations lourdes qu'elle a du subir en 2013 et 2014. Elle fait valoir qu'aucune visite de reprise n'a été organisée pour déterminer son aptitude ou la nécessité d'adapter son poste après les arrêts maladie en 2014. Elle souligne que non seulement l'employeur n'a rien fait mais l'a sollicité pendant ses arrêts maladie ainsi qu'en attestent les échanges dès le 22 avril 2016.

L'employeur soutient pour sa part que Mme [I] a des problèmes de santé qui sont sans rapport avec son travail ou ses conditions de travail et a été arrêtée pour des raisons d'origine non professionnelle. La société a par ailleurs respecté les préconisations du médecin du travail, ne serait-ce qu'en mettant en place suite à la visite de reprise en février 2013 un mi-temps thérapeutique.

Aux termes des articles R. 4624-22 et R. 4624-23 du code du travail, le salarié bénéficie d'un examen de reprise du travail par le médecin du travail après un congé de maternité, après une absence pour cause de maladie professionnelle et après une absence d'au moins 30 jours pour cause d'accident du travail, de maladie ou d'accident non professionnel. Dès que l'employeur a connaissance de la date de la fin de l'arrêt de travail, il saisit le service de santé au travail qui organise l'examen de reprise dans le délai de huit jours à compter de la reprise du travail.

Il est constant en l'espèce que Mme [I] a souffert d'une rupture d'anévrisme et a subi trois embolisations qui ont eu lieu le 10 juillet 2013, le 5 novembre 2013 et le 19 février 2014 avec chaque fois 15 jours d'arrêt. Elle a subi une nouvelle opération le 9 juin 2014 et a été arrêtée 84 jours.

Il n'est pas contesté qu'elle a fait l'objet d'une visite de reprise le 2 avril 2013 aux termes de laquelle elle a été placée sur recommandations du médecin en mi-temps thérapeutique. Elle a été déclarée apte avec poursuite du mi-temps thérapeutique, le médecin recommandant une visite un mois plus tard. Aucun élément ne permet de contredire la salariée lorsqu'elle indique ne pas avoir revu le médecin du travail. A l'issue de sa dernière opération intervenue le 9 juin 2014 et après 84 jours de convalescence, elle n'a pas non plus bénéficié d'une visite de reprise.

Mme [I] indique avoir fait un " burn out " ayant conduit à son arrêt pour maladie à compter du 21 avril 2016. Elle verse un certificat émanant d'une psychologue clinicienne en date du 19 mars 2018 indiquant qu'elle la suit en entretien psychologique depuis août 2016. Un certificat établi le 14 janvier 2019 fait référence à un état de stress avec fatigue et surmenage en 2012.

Aucune des pièces versées par la salarié ne fait le lien entre l'affection de longue durée dont elle souffre et ses conditions de travail ou renseignent sur le " burn out " allégué et qui serait à l'origine de son arrêt de travail en 2016.

Il est cependant établi que durant les périodes d'arrêt pour maladie à compter du 21 avril 2016 l'employeur a sollicité la salariée à de nombreuses reprises.

L'obligation incombant à l'employeur en application de l'article L.4121-1 du code du travail de prendre les mesures nécessaires pour préserver la sécurité et la santé physique et mentale des travailleurs implique qu'il ne le sollicite pas la salariée pour travailler durant un arrêt de travail pour maladie, est donc établi.

Par ailleurs, la méconnaissance par l'employeur de son obligation relative à la visite de reprise après l'arrêt de plus de 30 jours au cours de l'année 2014 et ce alors qu'il faisait suite à plusieurs arrêts de travail a également causé un préjudice à la salariée.

Au vu des pièces communiquées, son préjudice sera exactement réparé, par infirmation du jugement entrepris, par l'allocation de la somme de 4000 euros.

Sur la somme réclamée pour dépôt tardif des conclusions de première instance

Mme [I] sollicite la condamnation de la société intimée à lui verser la somme de 830 euros pour dépôt tardif de conclusions de première instance aux motifs qu'elle a de la même manière que l'Etat allongé abusivement les délais de procédure en concluant la veille de l'audience du 28 septembre 2018, ce qui a conduit à un rallongement de la procédure de près de 8 mois, la plaçant dans une situation morale et financière difficile.

La société Assets and Equity réplique que la salariée a produit par surprise lors de cette première instance plus d'une centaine de pièces nouvelles non numérotées et jamais communiquées par avant, la mettant dans l'impossibilité de se mettre en état dans le délai prescrit.

Le conseil de prud'hommes a dans la partie procédure de son jugement relevé qu'à l'audience du 28 septembre 2018 avaient été déposées le 24/25 septembre de nouvelles pièces et conclusions et qu'il a pris la décision de renvoyer l'affaire à l'audience de jugement du 9 mai 2019. Il s'agit en conséquence d'une décision prise par la juridiction et non par une partie.

Force est également de constater que Mme [I] ne justifie d'aucun préjudice lié à ce retard, ce d'autant qu'elle a été déboutée de toutes ses demandes par le conseil de prud'hommes.

Dans ces conditions, le jugement déféré sera confirmé sur ce point.

Sur les demandes accessoires

Partie perdante, la société Assets and Equity sera condamnée aux dépens de première instance et d'appel et à verser à Mme [I] la somme de 2000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant publiquement et par arrêt contradictoire et en dernier ressort,

CONFIRME le jugement déféré en ce qu'il a débouté Mme [V] [I] de sa demande de dommages et intérêts pour dépôt tardif des conclusions ;

L'INFIRMANT pour le surplus,

STATUANT à nouveau et y ajoutant,

DIT le licenciement de Mme [V] [I] sans cause réelle et sérieuse;

CONDAMNE la SAS Assets and Equity à payer à Mme [V] [I] les sommes suivantes :

-25.000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse;

-4000 euros à titre de dommages et intérêts pour manquement à l'obligation de sécurité;

-2000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

CONDAMNE la SAS Assets and Equity aux dépens de première instance et d'appel.

DEBOUTE les parties de toute autre demande.

La greffière, La présidente.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 7
Numéro d'arrêt : 19/08436
Date de la décision : 02/03/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-03-02;19.08436 ?
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