Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE
délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 6 - Chambre 7
ARRET DU 02 MARS 2023
(n° , 10 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 19/11980 - N° Portalis 35L7-V-B7D-CBCDQ
Décision déférée à la Cour : Jugement du 20 Septembre 2019 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS - RG n° 18/06346
APPELANT
Monsieur [F] [E]
[Adresse 1]
[Localité 6]
Représenté par Me Jonathan CADOT, avocat au barreau de PARIS, toque : R222
INTIMEE
AARPI SARL AXYME prise en la personne de Me [Y] [Z] en qualité de mandataire liquidateur de la SARL MARCELLO FOOD & BEVERAGES
[Adresse 3]
[Localité 4]
Représentée par Me Arnaud GUYONNET, avocat au barreau de PARIS, toque : L0044
PARTIE INTERVENANTE
Association UNEDIC AGS DE [Localité 7]
[Adresse 2]
[Localité 5]
N'ayant pas constitué avocat.
Signification à personne morale le 5 août 2022.
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 08 Décembre 2022, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Bérénice HUMBOURG, Présidente de chambre, chargée du rapport et Monsieur Laurent ROULAUD, conseiller.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :
Madame Bérénice HUMBOURG, présidente de chambre,
Madame Guillemette MEUNIER, présidente de chambre,
Monsieur Laurent ROULAUD, conseiller,
Greffier, lors des débats : Madame Marie-Charlotte BEHR,
ARRET :
- RÉPUTÉ CONTRADICTOIRE,
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Madame Bérénice HUMBOURG, Présidente de chambre et par Madame Marie-Charlotte BEHR, Greffière à laquelle la minute a été remise par le magistrat signataire.
FAITS, PROCEDURE, PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES :
M. [F] [E] a été engagé par contrat à durée indéterminée par la société Marcello Food & Beverages en qualité de plongeur à temps plein le 23 octobre 2017.
M. [E] a été en arrêt maladie du 24 janvier 2018 au 8 avril 2018 inclus. Il a de nouveau été en arrêt maladie du 21 mai au 29 juin 2018.
Par courrier du 9 mai 2018, il a sollicité une rupture conventionnelle, à la suite duquel un entretien lui a été proposé par son employeur.
Le 20 juillet 2018, M. [E] a effectué une visite médicale de reprise à l'issue de laquelle il a été déclaré apte.
Par une lettre en date du 25 juillet 2018, M. [E] a pris acte de la rupture de son contrat de travail, au motif notamment d'un travail non déclaré et non payé du 9 septembre 2017 au 22 octobre 2017.
Le 1er août 2018, la société Marcello Food & Beverages a contesté les griefs de M. [E].
Considérant que sa prise d'acte devait produire les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, M. [E] a saisi le 16 août 2018 le conseil de prud'hommes de Paris, lequel par jugement du 20 septembre 2019, notifié le 30 novembre 2019, a :
- débouté M. [E] de l'ensemble de ses demandes,
- débouté la société Marcello Food & Beverages de sa demande formulée au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné M. [E] aux entiers dépens.
Le 3 décembre le salarié a interjeté appel de cette décision.
Par jugement rendu le 19 octobre 2021, le tribunal de commerce de Paris a ouvert une procédure collective à l'égard de l'employeur et le 1er juin 2022 a prononcé la liquidation judiciaire de la société et a désigné en qualité de liquidateur, la SELARL AXYME prise en la personne de Maître [Z] [Y].
Par exploit d'huissier en date du 5 août 2022, M. [E] a fait délivrer une assignation en intervention forcée au liquidateur et à la délégation UNEDIC AGS de [Localité 7].
Dans ses dernières conclusions adressées au greffe par RPVA le 20 octobre 2022, M. [E] demande à la cour d'infirmer dans son entier le jugement et statuant de nouveau de:
- requalifier la prise d'acte de la rupture du contrat de travail en un licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse ;
- juger que le barème prévu par l'article L. 1235-3 du code du travail doit être écarté, ce plafonnement portant une atteinte à son droit de recevoir une indemnisation adéquate de l'ensemble de ses préjudices, en violation des dispositions des articles 4 et 10 de la convention 158 de l'OIT et de l'article 24 de la Charte sociale européenne et constituant une discrimination en violation du droit de l'Union Européenne ;
- fixer ainsi qu'il suit ses créances au passif de la liquidation de la société Marcello Food & Beverages :
4.495 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse sur le fondement des dispositions de l'article L.1235-3 du Code du travail (trois mois de rémunération brute) ;
283,02 euros à titre d'indemnité légale de licenciement ;
1.498,50 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis (1 mois de salaire brut) et 149,85 euros au titre des congés payés afférents ;
- 9.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait des manquements de l'employeur à ses obligations contractuelles ;
- 2.197,80 euros à titre de rappel de salaire (période du 09/09/2017 au 22/10/2017) et 219,78 euros au titre des congés payés afférents ;
- 183,71 euros à titre de rappel de salaire sur le mois d'avril 2018 et 18,37 euros au titre des congés payés afférents ;
- 205,17 euros à titre de rappel de salaire (3 jours de carence mai 2018) et 20,51euros au titre des congés payés afférents ;
- 55 euros à titre de remboursement de frais de taxi (grève SNCF du 21/04/2018) ;
- 69,60 euros à titre de remboursement de frais d'affranchissement (envoi à l'employeur de 12 lettres recommandées avec AR) ;
- 4.800 euros à titre d'indemnité par application des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile ;
- juger que ces sommes porteront intérêts à compter de l'introduction de l'instance pour les sommes ayant le caractère de salaires et à compter de la décision à intervenir concernant les autres sommes, ces intérêts étant capitalisés par application des dispositions de l'article 1154 du Code civil ;
- d'ordonner la remise sous astreinte de 100€ par document et par jour de retard à compter du prononcé du jugement d'un bulletin de paie, d'un certificat de travail et d'une attestation Pôle-Emploi conformes aux condamnations prononcées ;
- condamner tous contestants aux éventuels dépens tant de première instance que d'appel.
Dans ses conclusions adressées au greffe par RPVA le 15 novembre 2022, la SELARL AXYME prise en la personne de Maître [Z] [Y], ès qualités de liquidateur judiciaire de la société Marcello Food & Beverages demande à la cour de:
- confirmer dans toutes ses dispositions le jugement,
- débouter M. [E] de toutes ses demandes,
- condamner M. [E] aux entiers dépens ainsi qu'au versement de la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Association UNEDIC AGS DE [Localité 7] , assignée en intervention forcée le 5 août 2022 n'est pas représentée.
L'AGS CGEA IDF Ouest a écrit à la cour pour indiquer qu'elle n'interviendra pas dans la procédure.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 6 décembre 2022.
MOTIFS
Sur la prise d'acte
Il résulte de la combinaison des articles L. 1231-1, L. 1237-2 et L. 1235-1 du code du travail que la prise d'acte permet au salarié de rompre le contrat de travail en cas de manquements suffisamment graves de l'employeur qui empêchent la poursuite du contrat. Il appartient au salarié d'établir les faits qu'il allègue à l'encontre de l'employeur.
L'écrit par lequel le salarié prend acte de la rupture du contrat de travail en raison de faits qu'il reproche à son employeur ne fixe pas les limites du litige. Le juge est tenu d'examiner les manquements de l'employeur invoqués devant lui par le salarié, même si celui-ci ne les a pas mentionnés dans cet écrit.
Au soutien de sa prise d'acte, le salarié fait état de plusieurs manquements de son employeur, notamment quant au paiement de son salaire et au traitement de ses arrêts de travail.
Sur le bien fondé de la prise d'acte
Sur la période du 09/09/2017 au 22/10/2017 (2.197,80 € et congés payés afférents)
Le salarié soutient avoir travaillé au sein de la société en qualité d'employé polyvalent (nettoyage et manutention) du 9 septembre au 22 octobre 2017, sans contrat de travail, sans déclaration aux organismes sociaux et sans être rémunéré pour son activité.
Pour preuve de ce travail non déclaré, contesté par l'intimée, l'appelant produit une fiche manuscrite mentionnant son nom, la date du jeudi 21 septembre 2017 avec un horaire et la mention du « samedi 10H-16h » sans plus de précision sur l'auteur de ce document qui n'est ni daté, ni signé et qui ne revêt par conséquent aucune valeur probante.
S'agissant du témoignage de M. [G], responsable du service logement et des dispositifs d'accueil des étudiants internationaux à la Direction de la Coordination de la Vie Universitaire de l'Université de Versailles-Saint Quentin en Yvelines, dans laquelle M. [E] poursuit ses études, il se borne à faire état de l'existence en septembre et octobre 2017 d'un « job étudiant dans un restaurant à [Localité 7]» sans plus de précision permettant de l'identifier.
Enfin, l'intimée fait valoir à juste titre que dans un courrier du 11 mai 2018, M. [E] a écrit à son employeur en mentionnant le «contrat de CDI conclu le 23 octobre 2017 pour le poste de plongeur» et demandant le paiement de son salaire du mois d'avril 2018 sans faire état d'une prise de fonctions dès le 9 septembre 2017, ni réclamer le paiement d'un salaire sur la période de travail non déclarée alléguée.
Le salarié ne rapportant pas la preuve qui lui incombe d'une relation de travail antérieure à la signature du contrat de travail, il sera débouté de sa demande en paiement à ce titre.
Le jugement sera confirmé en ce sens.
Sur le rappel de salaire du 09/04/2018 au 30/04/2018 (183,71€ et les congés payés afférents)
M. [E] soutient ne pas avoir été réglé de la totalité de son salaire pour la période comprise entre le 9 et le 30 avril 2018 et expose que la société n'a pas accepté qu'il reprenne son poste avant sa visite de reprise et qu'il n'a pu travailler du 9 au 13 avril 2018 ; en outre que dès son retour en poste le 16 avril 2018, il a travaillé au delà des horaires qui étaient les siens jusqu'alors.
La société conteste devoir une somme au titre du mois d'avril 2018.
Selon l'article L. 3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments.
Comme le fait remarquer la société, certains des plannings produits par le salarié au soutien de sa demande sont illisibles et il ne peut donc être considéré que le salarié présente des éléments suffisamment précis à l'appui de sa demande.
Par ailleurs, il ressort de la fiche de paie du salarié du mois d'avril 2018 que la période rémunérée comprend celle du 9 au 13 avril 2018, seule la période antérieure ayant été déduite en raison de son arrêt de travail et que 13 heures supplémentaires lui ont été payées.
Enfin, s'agissant du calcul détaillé de l'appelant aboutissant à un reliquat de 183,71 euros, il apparaît que celui-ci a en réalité déduit d'une somme due en brute, celle qui lui a été versée en net.
Le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a rejeté cette demande.
Sur le retard de paiement du salaire de mai 2018
M. [E] soutient que le salaire du mois de mai 2018 ne lui a été réglé que le 28 juillet 2018, soit avec près de deux mois de retard et au lendemain de la réception par son employeur de la lettre de prise d'acte de la rupture de son contrat de travail.
Il n'est pas contesté que le salaire du mois de mai 2018 a bien été payé à M. [E]. Toutefois, la société n'explique pas la raison pour laquelle ce salaire a été, comme indiqué dans sa lettre du 26 juin 2018 au conseil du salarié, mis à sa disposition au siège de l'entreprise alors que selon la mention des fiches de paie, le paiement était fait habituellement par virement.
En outre, ce retard ne peut s'expliquer par l'engagement du processus de rupture conventionnelle puisque le premier entretien à cette fin était prévu au mois de juin.
Le retard dans le paiement du mois de mai 2018 est donc établi et injustifié.
Sur le retard dans la remise des attestations de salaire relatif à l'arrêt maladie du 24 janvier au 8 avril 2018
M. [E] justifie qu'atteint de graves problèmes ophtalmologiques, il a subi deux interventions chirurgicales, le 24 janvier et le 2 mars 2018 ayant entraîné un arrêt de travail du 24 janvier 2018 au 8 avril 2018.
S'il soutient que cet arrêt de travail a été à l'origine de difficultés entre lui et son employeur, la société ayant tardé à transmettre à la Caisse Primaire d'Assurance Maladie des Yvelines, l'attestation de salaire, les pièces produites ne permettent pas d'établir ce manquement.
Au contraire, la société justifie que dès le 2 février 2018 elle a adressé à la CPAM une attestation de salaires avec le numéro d'identification communiqué par M. [E] qui s'est révélé inconnu de l'organisme et qu'après que le salarié ait précisé à son employeur par mail du 3 avril 2018 avoir changé de caisse pour celle des Yvelines, le nécessaire avait été fait dès le 5 avril 2018.
Aucun manquement n'est donc établi sur ce point.
Sur l'existence de pressions durant le premier arrêt de travail du salarié (24/01/2018 au 08/04/2018) afin qu'il reprenne son travail au plus tôt
Le salarié soutient avoir été l'objet de pressions de la part de son employeur durant ses arrêts maladie afin qu'il reprenne son poste de travail au plus vite.
Aucune pièce n'est visée à l'appui de ce fait, l'employeur contestant pour sa part avoir exercé la moindre pression et précisant n'avoir téléphoné qu'une seule fois à M. [E] pour prendre de ses nouvelles.
Ce fait n'est pas établi.
Sur la visite de reprise du salarié suite à son premier arrêt de travail (24/01/2018 au 08/04/2018)
M. [E] expose qu'au terme de son premier arrêt maladie du 24 janvier au 8 avril 2018, son employeur l'a invité à se rapprocher de la médecine du travail afin de convenir des modalités de sa visite de reprise alors qu'il appartenait à la société de l'organiser comme le lui a indiqué l'organisme de santé.
Si effectivement il appartient à l'employeur et non au salarié de prendre contact avec la médecine du travail, M. [E] précise lui-même qu'en dépit de l'information erronée donnée par la société, il avait bénéficié d'une visite dès le 13 avril 2018, soit cinq jours après la fin de son arrêt.
Aucun manquement dans l'organisation de la visite de reprise n'est donc avéré.
Sur les aménagements préconisés par le médecin du travail
Le salarié soutient que son employeur n'a pas respecté l'avis du médecin du travail puisque si son activité principale au sein de l'établissement était celle de plongeur, il intervenait également pour transporter divers cartons, cageots ou bacs, et n'a pas été dispensé de l'exécution de ces tâches qui lui étaient régulièrement assignées.
Par un avis du 13 avril 2018, M. [E] a été déclaré apte à son poste mais avec un aménagement, à savoir « éviter le port des charges lourdes pendant 6 mois ».
Comme le fait remarquer la société, M. [E] a été engagé en qualité de plongeur et il ne produit aucune pièce établissant qu'il était amené à porter des charges lourdes avant comme après son arrêt de travail.
En outre, la cour relève que si dans ses courriers postérieurs à sa reprise, M. [E] a réclamé l'aménagement de ses horaires, il n'a pas évoqué de difficultés quant au port de charges lourdes.
Ce manquement n'est donc pas établi.
Sur le refus de l'employeur de laisser le salarié reprendre son travail après son arrêt maladie le 2 juillet 2018 et le 20 juillet 2018 après sa visite de reprise
M. [E] expose qu'après son second arrêt de travail du 21 mai au 29 juin 2018, il s'est présenté le 2 juillet 2018, jour de sa reprise sur son lieu de travail mais qu'il lui a été interdit de prendre son poste et que cette situation s'est reproduite le 20 juillet 2018 au sortir de sa visite de reprise.
La société rétorque à juste titre qu' à la date de son retour le 2 juillet 2018, M. [E] n'avait pas encore été examiné par le médecin du travail et qu'elle ne pouvait donc pas le laisser reprendre son poste.
En revanche, aucune explication n'est fourni pour le 20 juillet 2018 date de réalisation de la visite de reprise, alors que M. [E] produit un document manuscrit rédigé par un prénommé « [D] » sur lequel était indiqué : « Mr [E] [F] ete passe au restaurant. Dans la journée on a de travaux a faire donc on va fermee le restaurant. On va vous envoyee un texto pour vous dire quand vous pouvez rentree » et que son employeur lui a indiqué le même jour par message qu'il n'avait pas besoin de lui, qu'il pouvait rentrer chez lui et qu'il le tiendrait au courant en fin de semaine.
Il est ainsi établi qu'entre le 20 juillet 2018 et la date de la prise d'acte de la rupture par courrier adressé le 25 juillet et reçu le 27 juillet 2018 par la société, aucun travail n'a été donné au salarié.
Sur le refus d'accorder des aménagements de l'horaire de travail au regard d'impératifs liés au cursus universitaire et à l'état de santé
M. [E] fait état de plusieurs demandes d'aménagement de ses horaires fondées sur des impératifs liés à la poursuite de ses études universitaires, mais également sur des impératifs liés à son état de santé, auxquelles la société n'a jamais répondu.
Il produit ses courriers des 24 et 26 avril 2018 et 4 mai 2018.
Hormis pour sa dernière demande de report d'heures de travail du fait d'un rendez vous médical, le salarié dans ses deux autres courriers ne précise pas quels aménagements de ses horaires il sollicite.
En outre, il ressort des plannings produits et lisibles que les horaires mentionnés au contrat de 10h à 18h30 ont été modifiés pour être fixés de 15h30 à 23h la semaine du 23 au 29 avril 2018.
Ce manquement n'est donc pas établi.
Sur le non respect d'un rendez-vous convenu le 24 juillet 2018 pour un entretien dans le cadre de la mise en 'uvre d'une procédure de rupture conventionnelle
M. [E] fait enfin valoir qu'au début du mois de mai 2018, il a proposé à son employeur une sortie de son emploi dans le cadre d'une rupture conventionnelle et qu'après plusieurs échanges de courriers, un rendez vous a été convenu le 24 juillet 2018 mais qu'après avoir patienté jusqu'à 12 heures, il a quitté les lieux sans avoir pu rencontrer d'interlocuteur, ce qui l'a amené à prendre acte de la rupture de son contrat.
La société affirme quant à elle que les deux parties étaient bien présentes au rendez-vous mais qu'au cours de l'entretien, M. [E] qui sollicitait une rupture pour le 31 juillet 2018 s'est brusquement absenté pour téléphoner à son avocat et n'est jamais revenu.
Il ressort des pièces produites que :
-le salarié a sollicité une rupture conventionnelle par courrier recommandé reçu le 14 mai 2018 et que son employeur lui faisant remarquer qu'elle n'était pas signée lui a demandé par mail du 18 mai de la rapporter le lundi 21 mai signée pour remise en main propre,
- par courrier du 24 mai 2018 un rendez-vous a été fixé au 5 juin 2018 mais en raison d'une erreur concernant l'adresse du salarié, ce dernier n'a pas reçu la convocation
-M. [E] a réitéré sa demande le 30 mai 2018 en évoquant des manquements de son employeur, suivie d'un courrier de son avocat en ce sens non daté,
- la société a confirmé son accord à cette demande par lettre en date du 26 juin 2018 adressée au conseil du demandeur et une convocation a été adressée au salarié le 18 juillet 2018 pour un entretien le 24 juillet suivant à 11 heures.
La société, qui souligne que l'entretien a bien eu lieu, produit une attestation du gérant du 23 juillet 2018 indiquant avoir demandé à M. [X] [S] de le représenter lors du rendez vous pour fixer les conditions de la rupture. Elle justifie également avoir adressé une lettre le 1er août 2018 au salarié en réponse à la prise d'acte dans laquelle notamment elle évoquait l'entretien du 24 juillet 2018 et le départ précipité du salarié sans que celui-ci ne conteste cette affirmation postérieurement.
***
En définitive, il est établi que l'employeur a payé avec retard le salaire du mois de mai 2018 et n'a pas donné de travail à M. [E] à compter du 20 juillet 2018. En outre, s'agissant de ce dernier fait, la cour relève que dans son courrier du 1er août 2018 susvisé, la société a indiqué à M. [E] qu'il se trouvait en abandon de poste depuis le 20 juillet 2018 alors qu'il ressort des pièces précédemment examinées que c'est elle qui avait demandé au salarié de rester à son domicile, n'ayant pas de travail à lui donner.
La gravité de ces deux manquements qui portaient tant sur la rémunération du salarié que sur la fourniture de travail rendaient impossible la poursuite du contrat de travail et justifient la prise d'acte de la rupture.
Sur les conséquences pécuniaires de la rupture du contrat
La prise d'acte étant justifiée, elle produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse.
En premier lieu, il convient de retenir un salaire de 1498 euros brut, soit le salaire mensuel de base servi habituellement au salarié avant son arrêt de travail.
En second lieu, comme le soutient la société, la période de suspension du contrat de travail pour maladie non professionnelle n'entre pas en compte pour la détermination de la durée d'ancienneté et ainsi compte tenu de ses arrêts de travail durant la relation contractuelle, M. [E] ne présente pas une ancienneté de 8 mois de service prévus par l'article L.1234-9 du code du travail au titre du seuil minimum afin de bénéficier d'une indemnité de licenciement, son ancienneté étant seulement de 5 mois et 4 jours. La demande au titre de l'indemnité de licenciement sera donc rejetée.
En troisième lieu, il est bien fondé à obtenir une indemnité compensatrice de préavis égale à un mois de salaire brut, soit la somme de 1.498,50 euros et les congés payés afférents.
Enfin, s'agissant de l'indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse, le salarié conteste le barème légal en faisant valoir l'inconventionnalité des plafonds institués par l'article L. 1235-3 du code du travail au regard de la Convention n° 158 de l'OIT sur le licenciement et l'article 24 de la Charte sociale européenne du 3 mai 1996.
Toutefois, les dispositions de l'article 24 de la Charte sociale européenne révisée, qui fixe seulement des obligations à la charge des Etats signataires, ne sont pas d'effet direct en droit interne dans un litige entre particuliers.
En outre, selon l'article 10 de la Convention internationale du travail n° 158 sur le licenciement de l'Organisation internationale du travail (OIT), qui est d'application directe en droit interne : « Si les organismes mentionnés à l'article 8 de la présente convention arrivent à la conclusion que le licenciement est injustifié, et si, compte tenu de la législation et de la pratique nationales, ils n'ont pas le pouvoir ou n'estiment pas possible dans les circonstances d'annuler le licenciement et/ou d'ordonner ou de proposer la réintégration du travailleur, ils devront être habilités à ordonner le versement d'une indemnité adéquate ou toute autre forme de réparation considérée comme appropriée. » Le terme 'adéquat' doit être compris comme réservant aux Etats parties une marge d'appréciation. Or l'article L. 1235-3 du code du travail, dans sa rédaction applicable, permet de fixer une indemnité adéquate au profit du travailleur privé d'emploi, entre un montant minimum et un montant maximum et est donc conforme à l'article 10 de la convention n°158 de l'OIT.
Au regard de l'ancienneté du salarié, de son âge, des conditions de son éviction de l'entreprise, de sa situation postérieure telle qu'elle résulte des justificatifs produits, le préjudice résultant du licenciement sans cause réelle et sérieuse doit être arrêté à la somme de 1 400 euros bruts.
Sur les autres demandes du salarié
Comme précédemment exposé, le salaire du mois de mai 2018 a été payé avec retard au salarié et après sa réclamation, ce qui lui a causé un préjudice le privant ainsi de ressources qui sera indemnisé à hauteur de 1 000 euros.
M. [E] présente en sus de ses demandes de rappels de salaire qui ont été rejetées, une demande en paiement de la somme de 205,17 euros à titre de « rappel de salaire pour trois jours de carence comptabilisés en mai 2018 », sans plus d'explication, ni de fondement juridique et alors que durant son arrêt de travail du 21 mai au 29 juin 2018, il relevait du régime des IJSS.
Il réclame également le remboursement de la somme de 55 euros au titre de frais de taxi pour rentrer chez lui le 21 avril 2018, compte tenu d'une grève de la SNCF. Force est toutefois de constater l'absence sur cette note du nom du client, du lieu de départ et du lieu d'arrivée alors même que ces libellés sont indiqués.
Il ressort enfin des pièces produites que l'employeur a répondu à plusieurs reprises à des demandes du salarié par mails et que la nécessité d'adresser des lettres recommandées n'est ainsi pas établie. Le remboursement de la somme de 69,60 euros au titre des frais d'affranchissement des lettres recommandées sera donc rejetée.
Par ailleurs, les sommes fixées au passif porteront intérêts à compter de l'introduction de l'instance pour les sommes ayant le caractère de salaires et à compter de la décision à intervenir concernant les autres sommes, avec capitalisation des intérêts. Toutefois en vertu de l'article L 622-28 du code de commerce, le jugement d'ouverture de la procédure collective du 19 octobre 2021 a arrêté le cours des intérêts.
Eu égard aux développements qui précèdent, il est ordonné au mandataire liquidateur de la société, la remise au salarié des documents de fin de contrat conformes à la décision.
Enfin, la société supportera les dépens mais il n'est pas inéquitable de laisser à chacune des parties la charge de ses frais irrépétibles.
Sur la garantie de l'AGS
En application des articles L. 3253-6 et L. 3253-8 du code du travail, la garantie de l'AGS couvre les sommes dues au salarié à la date du jugement d'ouverture de la procédure de redressement ou de liquidation judiciaire, ainsi que les créances résultant de la rupture du contrat de travail intervenant dans les 15 jours du jugement de liquidation, dans la limite des plafonds visés à l'article L.3253-17.
Eu égard aux dates de la liquidation et de la rupture du contrat, la garantie de l'AGS est mobilisable en ce qui concerne l'ensemble des sommes allouées ci dessus.
Le présent arrêt est donc déclaré opposable à l'Association UNEDIC AGS DE [Localité 7], dans les limites de sa garantie conformément aux dispositions légales applicables.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant par arrêt réputé contradictoire et en dernier ressort,
INFIRME le jugement, sauf en ce qu'il a rejeté les demandes en paiement de rappels de salaire, de remboursement de frais de taxi et de frais d'affranchissement ;
Statuant à nouveau et y ajoutant :
DIT que la prise d'acte de la rupture du contrat de travail est bien fondée et produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
REJETTE la demande de voir écarté le barème prévu par l'article L. 1235-3 du code du travail ;
FIXE ainsi qu'il suit les créances de M. [E] au passif de la liquidation de la société MARCELLO FOOD & BEVERAGES :
- 1 400 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
- 1.498,50 euros bruts à titre d'indemnité compensatrice de préavis et 149,85 euros bruts au titre des congés payés afférents ;
- 1 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait des manquements de l'employeur à ses obligations contractuelles ;
DIT que les sommes fixées au passif porteront intérêts à compter de l'introduction de l'instance pour les sommes ayant le caractère de salaires et à compter de la décision concernant les autres sommes, avec capitalisation des intérêts ;
RAPPELLE que le jugement d'ouverture de la procédure collective du 19 octobre 2021 a arrêté le cours des intérêts ;
REJETTE la demande d'indemnité légale de licenciement ;
ORDONNE au liquidateur de remettre à M. [E], un bulletin de paie, un certificat de travail et une attestation Pôle Emploi conforme aux condamnations prononcées ;
REJETTE la demande d'astreinte ;
DIT n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile ;
DIT que la décision est opposable à l'Association UNEDIC AGS DE [Localité 7] dans la limite de sa garantie,
DIT que les dépens de première instance et d'appel seront pris en frais privilégiés de la procédure collective.
La greffière, La Présidente.