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09/03/2023 | FRANCE | N°16/02225

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 4 - chambre 10, 09 mars 2023, 16/02225


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 4 - Chambre 10



ARRÊT DU 09 MARS 2023



(n° , 10 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 16/02225 - N° Portalis 35L7-V-B7A-BX6QN



Décision déférée à la Cour : Jugement du 27 Octobre 2015 -Tribunal de Grande Instance de PARIS RG n° 13/04725





APPELANTS



Madame [L] [N] [P] [F] veuve [S]

née le [Date naissance 1] 1963 à [Localité 18] ([Adresse

11])

[Adresse 5]

[Localité 17]



ET



Monsieur [M] [Z]

né le [Date naissance 8] 1988 à [Localité 23] ([Adresse 15])

[Adresse 5]

[Localité 17]



Représentés tous par Me Jeanne BAEC...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 4 - Chambre 10

ARRÊT DU 09 MARS 2023

(n° , 10 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 16/02225 - N° Portalis 35L7-V-B7A-BX6QN

Décision déférée à la Cour : Jugement du 27 Octobre 2015 -Tribunal de Grande Instance de PARIS RG n° 13/04725

APPELANTS

Madame [L] [N] [P] [F] veuve [S]

née le [Date naissance 1] 1963 à [Localité 18] ([Adresse 11])

[Adresse 5]

[Localité 17]

ET

Monsieur [M] [Z]

né le [Date naissance 8] 1988 à [Localité 23] ([Adresse 15])

[Adresse 5]

[Localité 17]

Représentés tous par Me Jeanne BAECHLIN de la SCP Jeanne BAECHLIN, avocat au barreau de PARIS, toque : L0034

Assistés tous par Me Benoît GUILLON de la SELARL GHL Associés, avocat au barreau de PARIS, toque : P0220, substitué à l'audience par Me Maxence GALLO, avocat au barreau de PARIS, toque : P0220

ET

Monsieur [A] [B] [Z], décédé le [Date décès 9] 2016

PARTIE INTERVENANTE

Madame [U] [X] agissant en son nom personnel et en qualité de représentant légal de ses enfants mineurs [T] [Z] né le [Date naissance 10] 2010 à [Localité 23] et [G] [Z] née le [Date naissance 4] 2012 à [Localité 23], et ès-qualités d'ayant droit à titre successoral de Monsieur [A] [Z] (décédé le [Date décès 9] 2016), fils de Monsieur [C] [O] le [Date naissance 6] 2014).

née le [Date naissance 2] 1984 à [Localité 22] ([Localité 13])

Représentée par Me Jeanne BAECHLIN de la SCP Jeanne BAECHLIN, avocat au barreau de PARIS, toque : L0034

Assistée par Me Benoît GUILLON de la SELARL GHL Associés, avocat au barreau de PARIS, toque : P0220, substitué à l'audience par Me Maxence GALLO, avocat au barreau de PARIS, toque : P0220

INTIMEES

SA SNCF VOYAGEURS, venant aux droits de l'EPIC SNCF MOBILITES, pris en la personne de ses représentants légaux domiciliés ès qualités audit siège

[Adresse 12]

[Localité 14]

Représenté et assisté par Me Laurence LICHTMANN, avocat au barreau de PARIS, toque : E0905

CPAM DU VAL DE MARNE, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés ès qualités audit siège

[Adresse 3]

[Localité 16]

Représentée et assisté à l'audience de Me Maher NEMER de la SELARL BOSSU & ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : R295

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été plaidée le 12 Janvier 2023, en audience publique, devant la Cour composée de :

Mme Florence PAPIN, Président

Mme Valérie MORLET, Conseillère

M. Laurent NAJEM, Conseiller

qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l'audience par Madame Valérie MORLET, Conseillère dans les conditions prévues par l'article 804 du code de procédure civile.

Greffier, lors des débats : Mme Ekaterina RAZMAKHNINA

ARRÊT :

- contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Florence PAPIN, Présidente et par Catherine SILVAN, greffier, présent lors de la mise à disposition.

***

FAITS et PROCEDURE

Monsieur [C] [S] a été victime d'un accident le 26 août 2011, en début de soirée, en gare de [Localité 19]. Alors qu'il souhaitait emprunter une rame du RER B, il s'est trouvé happé au départ du train et traîné sur 170 mètres avant de chuter. Il a été gravement blessé (traumatismes cranio-facial et du squelette axial).

Il est resté en réanimation du 26 août au 5 octobre 2011 à l'hôpital de la [21], puis a été transféré au service de réadaptation fonctionnelle de l'hôpital [20] où il a séjourné du 5 octobre au 31 décembre 2011. Il a ensuite regagné son domicile et a bénéficié d'une prise en charge en hôpital de jour à l'hôpital de [Localité 23] pendant deux mois du 2 janvier au 9 mars 2012. Il a pu reprendre une activité professionnelle à temps partiel à compter du mois de septembre 2013.

Monsieur [S] a réclamé une indemnisation auprès de l'EPIC SNCF Mobilités, qui par courrier du 8 novembre 2011 a décliné sa demande, faisant valoir son comportement imprudent à l'origine de son accident.

Monsieur [S] a alors par acte du 26 mars 2013 assigné la SNCF Mobilités en responsabilité et indemnisation devant le tribunal de grande instance de Paris.

Il est décédé le [Date décès 7] 2014, du fait d'une pathologie distincte des suites de l'accident en cause, et Madame [L] [F], veuve [S], son épouse, Messieurs [A] et [M] [Z], ses fils, ont repris l'instance en leurs noms, en leurs qualités d'héritiers et ayants droit de leur mari et père.

*

Le tribunal de grande instance de Paris, par jugement du 27 octobre 2015 :

- a reçu Madame [S] et Messieurs [Z] en leur intervention volontaire en leur qualité d'ayants droit à titre successoral de Monsieur [S],

- les a déboutés de leurs demandes,

- a dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- a dit n'y avoir lieu à exécution provisoire,

- a rejeté toute autre demande,

- a condamné Madame [S] et Messieurs [Z] aux dépens.

Madame [S] et Messieurs [Z] ont par acte du 15 janvier 2016 interjeté appel de ce jugement, intimant la SNCF et la CPAM du Val de Marne devant la Cour.

Monsieur [A] [Z] est décédé le [Date décès 9] 2016 et Madame [U] [X], sa compagne, est volontairement intervenue à l'instance en son nom propre et en qualité de représentante légale de ses enfants mineurs [T] et [G] [Z], en leurs qualités d'héritiers et d'ayants droit de leur compagnon et père.

*

La Cour de céans, par arrêt du 14 mars 2019, a :

- confirmé le jugement en ce qu'il a reçu les consorts [S] en leur intervention volontaire en qualité d'ayants droit de Monsieur [S] et débouté la CPAM du Val de Marne de sa demande de provision,

- infirmé le jugement en ce qu'il a débouté les consorts [S] de leur demande visant à condamner la SNCF Mobilités à indemniser le préjudice découlant de l'accident dont Monsieur [S] a été victime le 26 août 2011 ainsi que de leur demande de provision et d'expertise médicale,

Statuant à nouveau dans cette limite et ajoutant au jugement,

- reçu Madame [X], veuve [Z], agissant pour elle-même et en sa qualité de représentante légale de ses enfants mineurs [T] et [G] [Z], en son intervention volontaire,

- déclaré la SNCF Mobilités responsable à hauteur de 20% du préjudice subi par Monsieur [S] à la suite de l'accident dont il a été victime le 26 août 2011,

Avant dire droit sur la réparation de son préjudice corporel,

- ordonné une expertise médicale sur pièces, aux frais avancés des consorts [S],

- désigné le docteur [W] [D] en qualité d'expert,

- enjoint aux consorts [S] de fournir à l'expert, dans les meilleurs délais, toutes pièces médicales nécessaires à l'accomplissement de sa mission et dit qu'à défaut l'expert pourra déposer son rapport en l'état,

- fixé la mission de l'expert,

- renvoyé l'affaire en mise en état pour vérification de la consignation,

- condamné la SNCF Mobilités à payer aux consorts [S] la somme de 5.000 euros à titre de provision à valoir sur l'indemnisation du préjudice subi par Monsieur [S] à la suite de l'accident du 26 août 2011,

- sursis à statuer dans l'attente du dépôt du rapport d'expertise sur le recours subrogatoire de la CPAM du Val de Marne et les demandes respectives des parties au titre des frais irrépétibles,

- réservé les dépens.

La société SNCF Voyageurs a procédé à l'exécution de cet arrêt et versé la somme de 5 000 euros aux consorts [S]/[X].

*

L'expert désigné par la Cour a par ordonnance du 3 juin 2019 été remplacé par le docteur [E] [H].

L'expert judiciaire a clos et déposé son rapport final le 26 avril 2022.

*

Les consorts [S]/[X], dans leurs dernières conclusions signifiées le 7 novembre 2022, demandent à la Cour de :

- condamner la SNCF Voyageurs à leur verser les sommes suivantes, après imputation de la créance de la CPAM poste par poste compte tenu du principe de préférence victime et application du coefficient réducteur de droit à indemnisation :

. dépenses de santé actuelles : 115,50 euros,

. frais divers : 3 219 euros,

. pertes de gains professionnels actuels : néant,

. déficit fonctionnel temporaire : 2 295 euros,

. souffrances endurées : 5 600 euros,

. préjudice esthétique temporaire : 600 euros,

- condamner la SNCF Voyageurs à leur verser une somme de 15 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner la société SNCF Voyageurs aux entiers dépens, incluant les frais d'expertise, avec distraction au profit de la SCP BAECHLIN, avocat aux offres de droit.

La CPAM du Val de Marne, dans ses dernières conclusions signifiées le 14 décembre 2021, demande à la Cour de :

- la recevoir en ses demandes et l'y déclarer bien fondée,

En conséquence,

- condamner la SNCF Mobilités, anciennement dénommée SNCF Voyageurs [sic], à lui verser la somme de 38 280,37 euros, avec intérêts au taux légal à compter de la demande,

- condamner SNCF Mobilités, anciennement dénommée SNCF, à lui verser une somme de 4.000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner également la SNCF mobilités, anciennement dénommée SNCF, en tous les dépens, avec distraction au profit de la SELARL BOSSU & Associés.

La SA SNCF Voyageurs, venant aux droits de la SNCF Mobilités, par dans ses dernières conclusions signifiées le 10 novembre 2022, demande à la Cour de :

- déclarer ses offres satisfactoires,

- fixer le préjudice des ayants droit de Monsieur [S], après partage, à la somme de 6 792 euros ainsi décomposée :

. dépenses de santé actuelles : 115,50 euros,

. frais divers : 911 euros,

. assistance expertise : 300 euros,

. assistance tierce personne : 1 001,50 euros,

. déficit fonctionnel temporaire : 2 164,30 euros,

. souffrances endurées : 2 000 euros,

. préjudice esthétique temporaire : 300 euros,

- juger que la provision de 5 000 euros déjà versée viendra en déduction de la somme allouée,

- fixer la créance de la CPAM à la somme de 164 424,15 euros,

- juger qu'après partage, elle est tenue de verser à la CPAM la somme de 38 187,97 euros,

- réduire la demande des consorts [S]/[X] fondée sur l'article 700 du code de procédure civile,

- opérer la limitation du droit à indemnisation sur la demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile,

- opérer la limitation du droit à indemnisation sur les dépens, en ce compris les frais d'expertise,

- débouter les consorts [S]/[X] du surplus de leurs demandes.

*

La clôture de la mise en état du dossier a été ordonnée le 16 novembre 2022, l'affaire plaidée le 12 janvier 2023 et mise en délibéré au 9 mars 2023

MOTIFS

La SA SNCF Voyageurs est venue aux droits de l'EPIC SNCF Mobilités à compter du 1er janvier 2020 par effet des dispositions de la loi n°2018-515 du 27 juin 2018 pour un nouveau pacte ferroviaire et de l'ordonnance n°2019-552 du 3 juin 2019 portant diverses dispositions relatives au groupe SNCF, pour l'ensemble des biens, droits et obligations qui étaient attachés à sa direction industrielle et à ses activités de fourniture de services de transport ferroviaire de personnes, ainsi que les autorisations de toute nature qui y étaient liées.

Sur la réparation du préjudice de Monsieur [S]

L'accident dont a été victime Monsieur [S] ayant eu lieu le 26 août 2011, seul le code civil en sa version antérieure au 1er octobre 2016, date d'entrée en vigueur de l'ordonnance n°2016-131 du 10 février 2016 portant réforme du droit des obligations, est applicable en l'espèce.

Tout fait quelconque de l'homme qui cause à autrui un dommage oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer (article 1382). L'article 1384 du même code ajoute qu'on est responsable non seulement du dommage que l'on cause par son propre fait, mais encore de celui qui est causé par le fait des personnes dont on doit répondre ou des choses que l'on a sous sa garde.

La Cour de céans a, dans son arrêt du 14 mars 2019 et sur infirmation du jugement entrepris, retenu la responsabilité de la SNCF sur ces fondements délictuels, alors que le train en mouvement, sous sa garde, était entré en contact avec Monsieur [S]. La Cour a ensuite considéré que la faute de ce dernier, qui s'était présenté sur le quai avec une alcoolémie sévère expliquant son comportement déraisonnable et dangereux, était en lien direct avec le dommage, en constituait sa cause prépondérante et exonérait la SNCF de sa propre responsabilité à hauteur de 80%.

Ainsi, la SNCF tenue pour responsable de l'accident dont a été victime Monsieur [S] à hauteur de 20% lui doit réparation à cette même hauteur.

Monsieur [S] étant décédé avant d'être indemnisé, pour une cause distincte de l'accident donnant lieu à la présente affaire, ses droits et actions ont été transmis à ses héritiers et ayants droit, son épouse Madame [S], et ses fils Messieurs [M] et [A] [Z], puis, au décès de ce dernier, à l'épouse de celui-ci, Madame [X], et ses enfants [T] et [G] [Z].

Les condamnations qui seront prononcées contre la SNCF, à caractère indemnitaire, porteront intérêts au taux légal à compter du présent arrêt, conformément aux dispositions de l'article 1153-1 ancien - 1231-7 nouveau - du code civil.

1. sur les préjudices patrimoniaux temporaires

(1) sur les dépenses de santé actuelles

La CPAM, dans son dernier état de débours notifié le 19 mars 2021, fait état de dépenses de santé prises en charge pour Monsieur [S] à hauteur de 164 424,15 euros et mentionne une franchise, laissée à la charge de l'intéressé, de 115,50 euros, soit des dépenses de santé actuelles à hauteur de la somme totale de 164 539,65 euros.

Au regard de la limitation du droit indemnitaire de Monsieur [S], la SNCF ne peut être tenue à remboursement qu'à hauteur de 164 539,65 X 20% = 32 907,93 euros.

Compte tenu du principe de la préférence de la victime, contesté d'aucune part, la SNCF sera condamnée à rembourser l'entière franchise de 115,50 euros laissée à la charge de Monsieur [S] au titre des dépenses de santé actuelles.

(2) sur les frais divers

Il n'est pas démontré que Monsieur [S] portait ses lunettes au moment de l'accident, et la SNCF ne saurait supporter les frais d'achat d'une monture et de deux verres dont il est justifié à hauteur de 669 euros selon facture du fournisseur et prescription du 19 juin 2010, antérieures à cet accident et dont tout ou partie a été pris en charge par la CPAM et/ou une mutuelle.

Si Monsieur [S] a dû remplacer son téléphone portable, vraisemblablement perdu ou détérioré au moment de sa chute, seule une facture de la SA SFR de 30 euros TTC est produite, au nom de son épouse, dont il ne peut donc être tenu compte.

Monsieur [S] a ensuite dû racheter quelques vêtements auprès de la société FELIX SPORT, pour une somme dont il justifie à hauteur de 35 + 50 + 30 = 115 euros (facture du 12 octobre 2011) et que la SNCF accepte de rembourser.

Il est ensuite pris acte de l'accord de la SNCF pour la prise en charge des frais de déplacement des proches de Monsieur [S] (ses fils et parents, son épouse) pour des visites à l'hôpital à hauteur de la somme totale réclamée de 12,80 + 276 + 12,50 + 75 + 210 + 120 + 90 = 796,30 euros.

Il n'y a pas lieu d'actualiser ces sommes, qui sont bien celles qui ont été déboursées.

La SNCF accepte d'indemniser intégralement les consorts [S]/[X] du chef de ces frais divers, sans tenir compte de sa seule part de responsabilité. Il en est pris acte.

Ainsi, la SNCF sera condamnée à payer la somme totale de 115 + 796,30 = 911,30 euros aux consorts [S]/[X].

(3) sur les frais d'assistance aux opérations d'expertise

Le docteur [V] [K] a assisté Monsieur [S] pendant les opérations d'expertise médicale judiciaire et a présenté le 11 septembre 2020 un état de frais et honoraires à hauteur de la somme de 1 500 euros TTC, qui sera mise à la charge de la SNCF à concurrence de sa part de responsabilité, soit à hauteur de 1 500 X 20% = 300 euros.

(4) sur les frais d'assistance d'une tierce personne

L'expert judiciaire indique que Monsieur [S] a dû bénéficier d'une assistance non médicalisée et non spécialisée "pour les 8 jours de retour au domicile durant le mois de Décembre 2011 (') au rythme de 4 heures par jour (')", puis "au rythme d'1 heure par jour du 1er Janvier 2012 au 9 Mars 2012", puis de "4 heures par semaine sur les 6 mois suivant, du 10 Mars 2012 au 7 Septembre 2012" et enfin sur l'ensemble de la période ayant précédé la reprise de l'activité professionnelle, "au rythme moyen de 2 heures par semaine, du 8 Septembre 2012 au 1er septembre 2013", correspondant à un total de 507 heures d'assistance d'une tierce personne.

Les consorts [S]/[X] ne peuvent se prévaloir de la loi n°2021-1754 du 23 décembre 2021 de financement de la sécurité sociale pour 2022, dont l'article 44 a été codifié à l'article L314-2-1 du code de l'action sociale et des familles et qui prévoit un tarif horaire national minimal pour l'aide à domicile des personnes bénéficiant de l'aide sociale handicap, tarif qui a été fixé à 22 euros par arrêté du 30 décembre 2021. Monsieur [S] ne bénéficiait en effet pas de cette aide sociale particulière.

Au regard des besoins de Monsieur [S] après son accident et des tarifs pratiqués à l'époque pour l'aide d'une tierce personne non médicalisée, il convient de retenir en l'espèce un tarif horaire de 20 euros de l'heure.

La SNCF sera en conséquence condamnée à payer aux consorts [R], en tenant compte de sa part de responsabilité, la somme totale à ce titre de (507 X 20) X 20% = 2 028 euros.

(3) sur les pertes de gains professionnels actuels

Monsieur [S] a été indemnisé au titre de ses pertes de gains professionnels, ayant perçu de la CPAM des indemnités journalières à hauteur de la somme totale de 26 977,72 euros.

2. sur les préjudices extra-patrimoniaux

(1) sur le déficit fonctionnel temporaire

L'expert judiciaire retient une première période de déficit fonctionnel temporaire total de 128 jours, correspondant aux hospitalisations de Monsieur [S] en réanimation du 26 août au 5 octobre 2011 puis en service de réadaptation fonctionnelle jusqu'au 31 décembre 2011. L'intéressé était alors immobilisé, intubé, puis a subi des séances de rééducation lourde. Les troubles qu'il a alors subis dans son existence justifient l'allocation de 30 euros par jour, soit en l'espèce la somme de 128 X 30 = 3 840 euros.

L'expert retient ensuite une période de déficit fonctionnel temporaire partiel, de 75%, correspondant à la période de prise en charge de Monsieur [S] en hospitalisation de jour du 1er janvier au 9 mars 2012, sur 69 jours, pendant lesquels il a subi des séances de rééducation pluridisciplinaire intensives, qu'il convient d'indemniser, au regard de l'accord des parties, à hauteur de 23 euros par jour, soit 69 X 23 = 1 587 euros.

Monsieur [S] a ensuite été suivi en consultation externe à l'hôpital entre le 10 mars et le 7 septembre 2012, sur 183 jours pendant lesquels il ne pouvait pas conduire et subissait un suivi kinésithérapique et orthophonique. L'expert évalue alors le déficit fonctionnel temporaire de l'intéressé à hauteur de 50%. L'indemnisation de cette période sera évaluée à hauteur de 15 euros par jour, soit 183 X 15 = 2 745 euros.

L'expert estime que s'en est suivie, entre le 8 septembre 2012 et le 1er septembre 2013, sur 358 jours, une période de déficit fonctionnel temporaire de 25%, pendant laquelle Monsieur [S] n'a pu reprendre son activité professionnelle et restait en convalescence. Cette période sera indemnisée à hauteur de 7,50 euros par jour, soit 358 X 7,5 = 2 685 euros.

Monsieur [S] a ensuite pu reprendre une activité professionnelle, mais seulement à mi-temps, entre le 2 septembre et le 13 décembre 2013, sur 103 jours. L'expert a retenu pour cette période un déficit fonctionnel temporaire de 20%, qui sera indemnisé à hauteur de 6 euros par jour, soit 103 X 6 = 618 euros.

Aussi, au regard de la part de responsabilité de la SNCF, celle-ci sera condamnée à payer aux consorts [R], en indemnisation de son déficit fonctionnel temporaire, la somme totale de (3 840 + 1 587 + 2 745 + 2 685 + 618) X 20% = 2 295 euros.

(2) sur les souffrances endurées

L'expert rappelle l'accident lui-même, les hospitalisations, le séjour en réanimation, les deux interventions chirurgicales, la trachéostomie, l'amnésie post-traumatique, la réadaptation fonctionnelle progressive, la verticalisation et la reprise de la marche avec des cannes, les troubles neuropsychologiques et la reprise progressive de son autonomie subis par Monsieur [S], qui selon lui caractérisent des souffrances endurées "de moyennes à assez importantes", de 4,5 sur une échelle de sept degrés.

Au regard de la réalité indéniable de ces souffrances, endurées par Monsieur [S] entre son accident le 26 août 2011 jusqu'au 13 décembre 2013, la Cour retiendra une indemnisation à hauteur de 18 000 euros.

La SNCF sera en conséquence, pour tenir compte de sa part de responsabilité, condamnée à payer aux consorts [R] à ce titre la somme de 18.000 X 20% = 3 600 euros.

(3) sur le préjudice esthétique temporaire

Monsieur [S] a subi des sutures des plaies du crâne, de l'abdomen et du scrotum puis une trachéostomie fermée, préjudices esthétiques temporaires que l'expert a retenu comme "modérés" à hauteur de 3/7 jusqu'au 10 mars 2012, puis de "léger à modéré" à hauteur de 2,5/7 jusqu'au 13 décembre 2013.

Au regard de ces éléments, les consorts [S]/[X] évaluent correctement le préjudice subi par l'intéressé, à hauteur de la somme de 3 000 euros.

La SNCF sera en conséquence condamnée à leur payer, en indemnisation et compte tenu de sa part de responsabilité, la somme de 3 000 X 20% = 600 euros.

Sur la créance de la CPAM

La CPAM a pris le risque au titre de la législation sur les accidents de travail et a versé à Monsieur [S] diverses prestations.

L'article 454-1 alinéa 1er du code de la sécurité sociale dispose alors que si la lésion dont est atteint l'assuré social est imputable à une personne autre que l'employeur ou ses préposés, la victime ou ses ayants droit conserve contre l'auteur de l'accident le droit de demander la réparation du préjudice causé, conformément aux règles de droit commun, dans la mesure où ce préjudice n'est pas réparé par application du Livre IV du même code. L'alinéa 2 énonce que les caisses primaires d'assurance maladie sont tenues de servir à la victime ou à ses ayants droit les prestations et indemnités prévues par ce livre, sauf recours de leur part contre l'auteur responsable de l'accident. L'alinéa 3 précise que si la responsabilité du tiers auteur de l'accident est entière ou si elle est partagée avec la victime, la caisse est admise à poursuivre le remboursement des prestations mises à sa charge à due concurrence de la part d'indemnité mise à la charge du tiers qui répare l'atteinte à l'intégrité physique de la victime, à l'exclusion de la part d'indemnité, de caractère personnel, correspondant aux souffrances physiques ou morales par elle endurées et au préjudice esthétique et d'agrément.

La CPAM, dans son dernier état de débours notifié le 19 mars 2021, justifie d'un décompte des débours versés en faveur de Monsieur [S] au titre de ses hospitalisations à la Pitié Salpêtrière, au centre de rééducation et au centre hospitalier de [Localité 23], au titre des frais médicaux, pharmaceutiques, d'appareillage et de transport à hauteur de la somme totale de 164.424,15 euros, non comprise la franchise sur ces frais, laissée à la charge de Monsieur [S] à hauteur de 115,50 euros, portant le montant total des dépenses de santé à hauteur de 164 539,65 euros.

Au regard de la part de responsabilité de la SNCF, celle-ci ne peut être tenue à paiement de ces frais au-delà de la somme de 164 539,65 X 20% = 32 907,93 euros.

Alors que les consorts [S]/[X] ont obtenu, par priorité, le remboursement de l'entière franchise de 115,50 euros, la SNCF sera condamnée à rembourser à la CPAM la somme de 32 907,93 - 115,50 = 32 792,43 euros au titre des frais de santé de Monsieur [S].

La CPAM mentionne également, dans son état de débours du 19 mars 2021, les indemnités journalières versées à Monsieur [S] à hauteur de 23 653,91 + 3 323,81 = 26 977,72 euros.

La SNCF sera en conséquence condamnée à lui rembourser la somme de 26 977,72 X 20% = 3 595,54 euros.

Ces condamnations porteront intérêts au taux légal à compter du présent arrêt, faute pour la CPAM de justifier de la date de la demande de remboursement adressée à la SNCF.

Sur les dépens et frais irrépétibles

La SNCF, tenue à indemnisation, sera condamnée aux dépens de l'instance d'appel, avec distraction au profit des conseils des consorts [S]/[X] et de la CPAM qui l'ont réclamée, conformément aux dispositions de l'article 696 du code de procédure civile.

Tenue aux dépens, la SNCF sera également condamnée à payer la somme équitable de 5 000 euros aux consorts [S]/[X], d'une part, et la somme de 2 000 euros à la CPAM, d'autre part, en indemnisation des frais exposés en cause d'appel et non compris dans les dépens, en application de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS,

La Cour,

Vu le jugement du tribunal de grande instance de Paris du 27 octobre 2015 (RG n°13/4725),

Vu l'arrêt de la Cour de céans du 14 mars 2019,

CONDAMNE la SA SNCF Voyageurs à payer à Madame [L] [F], veuve [S], Monsieur [M] [Z], Madame [U] [X] en son nom propre et en sa qualité de représentante légale de ses enfants [T] et [G] [Z], les sommes, avec intérêts au taux légal à compter du présent arrêt, de :

- 115,50 euros au titre des dépenses de santé actuelles,

- 911,30 euros au titre des frais divers,

- 300 euros au titre de l'assistance aux opérations d'expertise,

- 2 028 euros au titre de l'assistance d'une tierce personne,

- 2 295 euros au titre du déficit fonctionnel temporaire,

- 3 600 euros au titre des souffrances endurées,

- 600 euros au titre du préjudice esthétique temporaire,

CONDAMNE la SA SNCF Voyageurs à payer à la CAISSE PRIMAIRE d'ASSURANCE MALADIE (CPAM) du Val de Marne les sommes, avec intérêts au taux légal à compter du présent arrêt, de :

- 32 907,93 euros au titre des frais de santé,

- 3 595,54 euros au titre des indemnités journalières versées à Monsieur [C] [S],

CONDAMNE la SA SNCF Voyageurs aux dépens d'appel, avec distraction au profit de la SCP BAECHLIN et de la SELARL BOSSU & Associés,

CONDAMNE la SA SNCF Voyageurs à payer les sommes de 5 000 euros à Madame [L] [F], veuve [S], Monsieur [M] [Z], Madame [U] [X] en son nom propre et en sa qualité de représentante légale de ses enfants [T] et [G] [Z] et 2 000 euros à la CAISSE PRIMAIRE d'ASSURANCE MALADIE (CPAM) du Val de Marne.

LE GREFFIER LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 4 - chambre 10
Numéro d'arrêt : 16/02225
Date de la décision : 09/03/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-03-09;16.02225 ?
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