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09/03/2023 | FRANCE | N°19/07988

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 7, 09 mars 2023, 19/07988


Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS









COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 7





ARRET DU 09 MARS 2023



(n° , 6 pages)







Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 19/07988 - N° Portalis 35L7-V-B7D-CALER



Décision déférée à la Cour : Jugement du 07 Juin 2019 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS - RG n° F 17/04953





APPELANTE



Madame [W] [G]
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[Adresse 1]

Représentée par Me Antoine MORABITO, avocat au barreau de PARIS, toque : B0927





INTIMEE



Société EMILIO PUCCI FRANCE

[Adresse 2]

[Adresse 2]

Représentée par Me Jean-Clau...

Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 7

ARRET DU 09 MARS 2023

(n° , 6 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 19/07988 - N° Portalis 35L7-V-B7D-CALER

Décision déférée à la Cour : Jugement du 07 Juin 2019 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS - RG n° F 17/04953

APPELANTE

Madame [W] [G]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Représentée par Me Antoine MORABITO, avocat au barreau de PARIS, toque : B0927

INTIMEE

Société EMILIO PUCCI FRANCE

[Adresse 2]

[Adresse 2]

Représentée par Me Jean-Claude CHEVILLER, avocat au barreau de PARIS, toque : D0945

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 14 Décembre 2022, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Laurent ROULAUD, Conseiller, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :

Madame Bérénice HUMBOURG, Présidente de chambre

Madame Guillemette MEUNIER, Présidente de chambre

Monsieur Laurent ROULAUD, Conseiller

Greffier, lors des débats : Madame Joanna FABBY

ARRET :

- CONTRADICTOIRE,

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Guillemette MEUNIER, Présidente de chambre, et par Madame Marie-Charlotte BEHR, Greffière à laquelle la minute a été remise par le magistrat signataire.

FAITS, PROC''DURE ET PR''TENTIONS DES PARTIES

Mme [W] [G] a été engagée par la société LVMH Fashion Group France par contrat de travail à durée indéterminée à temps plein prenant effet le 1er août 2013 en qualité de vendeuse.

Les parties s'accordent sur le fait que la société Emilio Pucci France (ci-après désignée société EPF) appartenant au groupe LVMH est venue aux droits de la société LVMH Fashion Group France.

La société EPF employait à titre habituel au moins onze salariés.

Les relations de travail étaient soumises à la convention collective du commerce de détail non alimentaire.

Par courrier du 24 mars 2017, Mme [G] a été convoquée à un entretien préalable fixé le 7 avril 2017 en vue d'un éventuel licenciement.

Le 13 avril 2017, la société EPF a notifié à Mme [G] son licenciement pour faute simple.

Contestant le bien-fondé de son licenciement, Mme [G] a saisi le conseil de prud'hommes de Paris aux fins d'obtenir la condamnation de la société EPF au paiement de diverses sommes de nature salariale et indemnitaire.

Par jugement du 7 juin 2019, le conseil de prud'hommes a :

Débouté Mme [G] de l'ensemble de ses demandes,

Débouté la société EPF de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamné Mme [G] aux dépens.

Le 12 juillet 2019, Mme [G] a interjeté appel du jugement.

Selon ses conclusions transmises par la voie électronique le 10 septembre 2019, Mme [G] demande à la cour de :

Dire et juger sa demande recevable et bien fondée,

Infirmer le jugement,

Statuant à nouveau

Dire et juger que son licenciement est sans cause réelle et sérieuse,

A titre principal, ordonner sa réintégration et condamner la société EPF au paiement de la somme de 11.210,58 euros correspondant au paiement de ses salaires pour la période du 14 avril au 30 juin 2017 (2.102,92+9.089,66), outre 1.121,05 euros de congés payés afférents,

A titre subsidiaire, condamner la société EPF au paiement de la somme de 54.537,96 euros sur le fondement de l'article L. 1235-1 alinéa 3 du code du travail,

Condamner la société EPF à lui payer la somme de 2.500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamner la société EPF aux entiers dépens.

Selon ses conclusions transmises par la voie électronique le 29 novembre 2019, la société EPF demande à la cour de :

Dire l'appel recevable mais mal fondé,

En conséquence,

Confirmer le jugement en toutes ses dispositions, sauf en ce qu'il l'a déboutée de sa demande fondée sur les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

En conséquence,

Débouter purement et simplement Mme [G] de l'intégralité de ses demandes fins et conclusions,

Reconventionnellement,

Condamner Mme [G] à lui verser la somme de 2.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Pour un exposé des moyens des parties, la cour se réfère expressément aux conclusions transmises par la voie électronique.

L'instruction a été déclarée close le 8 décembre 2021.

MOTIFS :

Sur la rupture du contrat :

Aux termes de l'article L. 1235-1 du code du travail, en cas de litige relatif au licenciement, le juge, à qui il appartient d'apprécier la régularité de la procédure et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l'employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties, au besoin après toutes mesures d'instruction qu'il estime utiles ; si un doute subsiste, il profite au salarié. Ainsi, l'administration de la preuve en ce qui concerne le caractère réel et sérieux des motifs du licenciement n'incombe pas spécialement à l'une ou l'autre des parties, l'employeur devant toutefois fonder le licenciement sur des faits précis et matériellement vérifiables.

La lettre de licenciement du 13 avril 2017, qui fixe les limites du litige, est ainsi rédigé :

'Nous avons eu à déplorer depuis plusieurs mois une dégradation de votre comportement en boutique, tant vis-à-vis de votre hiérarchie que de vos collègues.

Nous avons été contraints le 3 février 2017, de vous notifier un avertissement toujours pour non-respect des règles de procédure et de bonne conduite en vigueur au sein de la maison Pucci.

En dépit de cet avertissement, que vous n'avez pas estimé devoir retirer auprès des services postaux, et qui vous demandait de faire preuve de respect envers les autres membres de l'équipe ainsi que des personnels extérieurs et notamment les agents de sécurité, nous avons reçu de nouvelles plaintes de Monsieur [X] relatives à votre agressivité commerciale et votre comportement agressif envers vos collègues.

Nous avons été également informés des SMS agressifs, voire menaçants que vous aviez adressés à votre collègue [S], au prétexte qu'elle avait transmis à votre supérieure hiérarchique une information qui vous déplaisait.

Monsieur [X] nous a également indiqué que vous persistiez à ne pas respecter les procédures de vente en boutique et à prendre des décisions sans consulter vos managers.

Monsieur [C] s'est également plaint de votre comportement à son égard en indiquant qu'il était

paniqué et déconcentré pendant toute la journée car vous l'agressiez sans cesse et lui parliez mal.

Enfin, vous avez eu une réaction très violente à l'encontre de Monsieur [X] lorsque celui-ci vous a demandé des explications à propos d'une vente, dont les circonstances sont pour le moins étranges, qui s'est déroulée le 28 février.

Une cliente de la boutique, Mme [E], bénéficiait d'un avoir qui datait du 6 juillet 2011 qu'elle n'avait jamais utilisé et qui était toujours répertorié en comptabilité.

Nous avons relevé que le 28 février 2017 vous aviez effectué une vente au profit de cette Mme [E] qui aurait été réglée à l'aide de l'avoir du 6 juillet 2011.

Après recherches, nous avons retrouvé la trace de Mme [E] que nous avons contactée dans le courant du mois de mars pour lui parler de son avoir datant de 2011.

Mme [E] s'est donc présentée en boutique le 14 mars.

Elle nous a indiqué à cette occasion qu'elle n'avait jamais été contactée par vous et qu'elle n'avait rien acheté le 28 février dernier.

Nous en avons donc déduit que vous avez fait profiter une de vos connaissances de cet avoir qui datait de 2011 et avez fait établir une fausse facture au nom de Mme [E].

Dans l'intervalle, la vente a été bloquée par vos collègues.

Depuis cet incident ceux-ci se sont plaints à nouveau de votre comportement agressif et de la tension qui régnait dans la boutique.

Vous ne nous avez fourni aucune explication plausible pour justifier de l'établissement de cette facture au nom de Mme [E] ne vous connait pas et qui n'a jamais commandé de sac.

Face à votre comportement envers vos collègues de travail et suite à la manipulation irrégulière que vous avez opérée à l'occasion de cette vente du 28 février 2017, nous sommes amenés par la présente à vous notifier votre licenciement en raison d'agissements fautifs répétés et ce en dépit d'un précédent avertissement'.

Ainsi, il est reproché à Mme [G] :

- un comportement agressif à l'égard du personnel,

- le non-respect des procédures,

- l'établissement d'une fausse facture au nom de Mme [E].

En défense, Mme [G] soutient que les faits sont prescrits, ne sont pas établis par l'employeur et qu'elle n'a jamais fait l'objet de l'avertissement mentionné dans la lettre de licenciement.

En l'espèce, l'employeur justifie avoir adressé à Mme [G] l'avertissement mentionné dans la lettre de licenciement par courrier du 3 février 2017, celui-ci étant revenu avec la mention postale 'pli avisé et non réclamé'. Dans ce courrier, l'employeur reprochait à la salariée de ne pas respecter les procédures en vigueur dans le magasin.

L'employeur reproche à la salariée un comportement agressif à l'égard du personnel de la boutique dans laquelle cette dernière travaillait.

A l'appui de ses allégations, il produit des attestations de salariés de l'entreprise et plus précisément de Mme [V] (directrice de boutique), M. [X] (directeur adjoint de boutique), Mmes [S] [B], [D] et [F] (vendeuses), ainsi que de M. [C] (agent de sécurité).

Il ressort de ces attestations concordantes que Mme [G] avait un comportement agressif et harcelant à l'égard de ces six salariés, de nature à 'terroriser' certains membres de celle-ci, et notamment qu'elle :

- avait quitté le brief organisé par M. [X] le 25 janvier 2017 de manière impulsive et insolente (attestation de M. [X]),

- avait adressé le 31 janvier 2017 à Mme [S] [B] un message menaçant et très agressif à son égard avec des images de couteaux, de pioches et de pistolets et que celle-ci était terrorisée (attestations de M. [X] et de Mme [B]),

- s'était emportée violemment contre M. [X] et Mme [V] lorsque ceux-ci lui avaient demandé des explications relatives à la facture du 28 février 2017 au nom de Mme [E], l'appelante étant alors devenue 'agressive et menaçante' (attestations de M. [X], de Mme [V]),

- a adressé le 28 janvier 2017 des messages agressifs sur What'sapp à Mme [D] l'accusant faussement de transmettre des informations personnelles à la directrice et, de manière générale, qu'elle se comportait mal à l'égard de Mme [D], provoquant quotidennement des altercations avec elle (attestations de Mmes [D] et [F]),

- agressait sans cesse et parlait mal à M. [C] (attestation de M. [C]).

En premier lieu, Mme [G] soutient que ces faits ne sont pas établis sans produire le moindre élément à l'appui de ses dénégations.

Or, il ressort des déclarations concordantes des six salariés de l'entreprise que Mme [G] a eu un comportement inapproprié à leur égard et que, par suite, les faits qu'ils décrivent sont établis.

En deuxième lieu, Mme [G] soutient que ces faits sont prescrits.

Selon l'article L. 1332-4 du code du travail, aucun fait fautif ne peut donner lieu à lui seul à l'engagement de poursuites disciplinaires au-delà d'un délai de deux mois à compter du jour où l'employeur en a eu connaissance, à moins que ce fait ait donné lieu dans le même délai à l'exercice de poursuites pénales.

Si un fait ne peut donner lieu à lui seul à une sanction disciplinaire au-delà de ce délai de deux mois, l'employeur peut néanmoins invoquer une faute prescrite lorsqu'un nouveau fait fautif non prescrit est constaté à condition toutefois que les deux fautes procèdent d'un comportement identique.

Il ressort des attestations précitées que Mme [G] a notamment adressé un message menaçant à Mme [S] [B] le 31 janvier 2017. Or, ce fait n'est pas prescrit puisque l'employeur a engagé les poursuites disciplinaires à l'encontre de l'appelante le 24 mars 2017 en lui adressant une convocation à un entretien préable en vue d'un éventuel licenciement.

De même, les autres faits mentionnés dans les attestations précités peuvent être invoqués par l'employeur au soutien du licenciement disciplinaire dans la mesure où ces faits caractérisent des fautes similaires procédant d'un même comportement.

***

Il résulte de ce qui précède que Mme [G] a eu un comportement agressif et inapproprié à l'égard de six salariés de l'entreprise. Ces faits justifient à eux seuls le licenciement pour faute simple de l'appelante.

Dès lors, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres griefs mentionnés dans la lettre de licenciement, la cour considère que le licenciement de Mme [G] est bien-fondé.

Par suite, Mme [G] sera déboutée de sa demande de réintégration et de ses demandes pécuniaires subéquentes formulées à titre principal (rappel de salaire fondé sur la décision de réintégration sollicitée) et à titre subsidiaire (indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse).

Le jugement sera donc confirmé de ces chefs.

Sur les demandes accessoires :

Mme [G] qui succombe dans la présente instance, doit supporter les dépens d'appel et être condamnée à payer à la société EPF la somme de 200 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile au titre de la procédure d'appel. Mme [G] sera en revanche déboutée de sa demande sur ce fondement.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant publiquement par arrêt contradictoire et rendu en dernier ressort, mis à disposition au greffe,

CONFIRME le jugement en toutes ses dispositions,

Y ajoutant,

CONDAMNE Mme [W] [G] à verser à la société Emilio Pucci France la somme de 200 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au titre de la procédure d'appel,

DEBOUTE les parties de leurs autres demandes,

CONDAMNE Mme [W] [G] aux dépens d'appel.

La greffière, La présidente.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 7
Numéro d'arrêt : 19/07988
Date de la décision : 09/03/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-03-09;19.07988 ?
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