Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE
délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 6 - Chambre 11
ARRET DU 14 MARS 2023
(n° , 10 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 20/01180 - N° Portalis 35L7-V-B7E-CBNTF
Décision déférée à la Cour : Jugement du 17 Janvier 2020 -Conseil de Prud'hommes - Formation de départage de PARIS - RG n° 14/09481
APPELANTE
AKTO Opérateur de compétences venant aux droits de l'association OPCA INTERGROS
[Adresse 2]
[Localité 3]
Représentée par Me François MILLET, avocat au barreau de PARIS, toque : A0788
INTIME
Monsieur [P] [C] [Y]
[Adresse 1]
[Localité 4]
Représenté par Me Sabine SAINT SANS, avocat au barreau de PARIS, toque : P0426
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 19 Janvier 2023, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Anne HARTMANN, Présidente de chambre, chargée du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :
Madame Anne HARTMANN, Présidente de chambre,
Madame Isabelle LECOQ-CARON, Présidente de chambre,
Madame Marie-Christine HERVIER, Présidente de chambre,
Greffier, lors des débats : Madame Alice BLOYET
ARRET :
- contradictoire
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Madame Anne HARTMANN, Présidente de chambre, et par Madame Manon FONDRIESCHI, Greffière présente lors du prononcé.
RAPPEL DES FAITS, PROCÉDURE ET PRETENTIONS DES PARTIES
M. [P] [Y] a été engagé selon un contrat de qualification à durée déterminée du 7 novembre 1996 au 31 juillet 1998 par l'Association OPCA Intergros aux droits de laquelle est intervenu en cours de procédure l' AKTO Opérateur de compétences qui s'est poursuivi par contrat à durée indéterminée à compter du 7 novembre 1996, pour occuper initialement le poste d'assistant administratif, niveau 4, échelon 1.
Il a été promu conseiller assistant grand comptes, le 1er janvier 2001 et responsable grands comptes le 1er janvier 2004.
Par avenant du 1er janvier 2007, il a exercé les fonctions de responsable développement réseau.
Après avoir été convoqué, par courrier du 30 janvier 2014 à un entretien préalable à un éventuel licenciement fixé au 10 février 2014, par courrier du 13 février 2014, M. [Y] a été licencié pour faute grave.
Les relations contractuelles entre les parties étaient soumises à la convention collective du commerce de gros.
A la date du licenciement, M. [Y] avait une ancienneté de 17 ans et 3 mois et l'association occupait à titre habituel plus de 10 salariés.
Contestant la légitimité de son licenciement et réclamant diverses indemnités, outre des rappels de salaires ainsi que des dommages et intérêts, M. [Y] a saisi, le 15 juillet 2014, le conseil de prud'hommes de Paris, qui par jugement rendu le 17 janvier 2020 en sa formation de départage, auquel la cour se réfère pour l'exposé de la procédure antérieure et des prétentions initiales des parties, a statué comme suit :
Dit que la convention de forfait jour liant les parties est nulle ;
Dit que le licenciement de M. [P] [C] [Y] les sommes de :
-75.696 euros au titre de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
-38.487,69 euros au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement,
-18.926,70 euros brut à titre d'indemnité compensatrice de préavis
-1.892,67 euros au titre des congés payés afférents au préavis,
-1.225,50 euros brut au titre du rappel de salaire au titre du 13eme mois sur le préavis,
-122,55 euros au titre de congés payés afférents,
-315 euros brut au titre de l'avantage en nature pendant le préavis,
-31,50 euros de congés payés,
-2.648,75 euros au titre du rappel de salaire au titre de la mise à pied,
-264,87 euros au titre des congés payés y afférents,
-90.292 euros au titre des heures supplémentaires,
-9.029,20 euros au titre des congés payés afférents,
-9.200 euros au titre de la prime d'activité,-
-920 euros de congés payés y afférents,
Rappelle que les sommes ayant la nature de salaire produisent intérêts à compter de la saisine de la juridiction prud'homale ;
Dit que les sommes ayant la nature de dommages intérêts seront assorties du taux légal à compter du jour du jugement ;
Dit que les intérêts dus pour une année entière se capitaliseront ;
Rejette la demande reconventionnelle de l'OPCA Intergros au titre de la violation de la clause de dédit formation,
Déboute les parties du surplus de leurs demandes ;
Condamne l'OPCA Intergros à payer à M. [P] [C] [Y] la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens ;
Ordonne l'exécution provisoire du jugement.
Par déclaration du 10 février 2020, l'association OPCA Intergros a interjeté appel du jugement rendu par le conseil de prud'hommes, notifié aux parties par lettre du greffe adressée aux partie le 17 janvier 2020.
Dans ses dernières conclusions adressées au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 6 mai 2020, AKTO, Opérateur de compétences, venant aux droits de l'OPCA Intergros demande à la cour de :
Infirmer la décision du Conseil de prud'hommes de Paris en sa formation de départage, en date du 17 janvier 2020,
En conséquence,
Constater que le licenciement de M. [Y] repose sur une faute grave,
Constater la validité de la convention de forfait-jours,
Rejeter l'ensemble des demandes de M. [Y],
Condamner M. [Y] à verser la somme de 16.611 euros à Intergros au titre de la violation de la clause de dédit-formation
Condamner M. [Y] à verser la somme de 3.000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile
Condamner M. [Y] aux entiers dépens.
Dans ses dernières conclusions adressées au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 29 juillet 2020, M. [P] [Y] demande à la cour de :
Fixer le salaire moyen à 6.308,90 €
Dire et juger que le licenciement de M. [Y] ne repose sur aucune cause réelle et sérieuse,
Dire et juger que la convention individuelle de forfait en jours est inopposable à M. [Y] ;
Dire et juger que la demande de paiement d'heures supplémentaires de M. [Y] est étayée ;
Constater le non-respect des dispositions relatives aux visites médicales périodiques
En conséquence,
Condamner Intergros à verser à M. [Y] les sommes suivantes :
Indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse : 126.160 € nets,
Indemnité conventionnelle de licenciement : 38.487,69 € nets
Indemnité compensatrice de préavis : 18.926,70 € bruts,
Congés payés afférents : 1.892,67 €,
Rappel de salaire au titre du 13ème mois (sur le préavis) : 1.225,50 €,
Congés payés afférents : 122,55 €,
Rappel de salaire relatif à l'avantage en nature du pendant le préavis (voiture) : 315 € bruts,
Congés payés afférents : 31,50 €,
Rappel de salaire au titre de la mise à pied : 2.648,75 €,
Congés payés afférents : 264,87 €,
Rappel pour heures supplémentaires : 90.292 €,
Congés payés afférents : 9.029,20 €,
Dommages intérêts pour travail dissimulé : 37.853,40 € (6 mois),
Prime exceptionnelle due au titre de l'activité 2013 : 9.200 €,
Congés payés afférents : 920 €,
Dommages-intérêts pour manquement à l'organisation de la visite médicale périodique : 6.308,90 €,
DIF : 1.152,90 €,
Article 700 du Code de Procédure Civile : 4.000 €,
Ordonner l'exécution provisoire intégrale de la décision à intervenir,
Intérêts légaux depuis la saisine (11 juillet 2014) et anatocisme,
Dépens.
Rejeter les demandes reconventionnelles d'Intergros
L'ordonnance de clôture a été rendue le 14 décembre 2022 et l'affaire a été fixée à l'audience du 19 janvier 2023.
Pour un plus ample exposé des faits, des prétentions et des moyens des parties, la cour se réfère à leurs conclusions écrites conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.
SUR CE, LA COUR :
Sur l'exécution du contrat de travail
Sur la validité de la convention de forfait-jours
Pour infirmation du jugement déféré qui a retenu la nullité de la convention de forfait-jours, la partie appelante fait valoir que M. [Y] est mal-venu de soutenir que la convention de forfait ne serait pas valable en ce qu'elle ne prévoirait pas les garanties nécessaires pour le suivi du temps de travail puisqu'il en a lui-même négocié les avenants relatifs à l'accord sur l'aménagement du temps de travail en sa qualité de salarié mandaté par le syndicat FO et qu'il n'a jamais contesté le mécanisme mis en place. Elle ajoute qu'en réalité les dispositions de l'accord de branche du commerce de gros sont largement similaires à celles de la convention collective de la métallurgie qui ont été approuvées par la Cour de cassation, que l'accord collectif conclu au sein de l'OPCA Intergros prévoyait bien l'ensemble des garanties imposées par cette dernière et que la convention de forfait-jours est parfaitement valable. Elle indique enfin que les garanties ont effectivement été mises en 'uvre puisque M. [Y] signait chaque mois le relevé de ses jours de travail et reconnaissait ne pas avoir excédé les durées maximales de travail ainsi que le temps de repos quotidien et hebdomadaire.
Pour confirmation de la décision, M. [Y] réplique la Cour de cassation a au contraire jugé que les dispositions de la convention collective du commerce de gros applicable en l'espèce, relatives à la convention de forfait en jours, ne permettent pas d'assurer la santé et la sécurité des salariés de sorte que les forfait-jours conclus dans ce cadre sont privés d'effet. Il souligne d'ailleurs qu'aucun entretien relatif au suivi de son forfait-jours n'a jamais été organisé, lequel est dès lors privé d'effet en l'absence de contrôle sérieux de l'amplitude des horaires et de la charge de travail.
***
Le droit à la santé et au repos est au nombre des exigences constitutionnelles.
Il résulte des articles 17, § 1, et 19 de la directive 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil du 4 novembre 2003 que les Etats membres ne peuvent déroger aux dispositions relatives à la durée du temps de travail que dans le respect des principes généraux de la protection de la sécurité et de la santé du travailleur.
Toute convention de forfait en jours doit être prévue par un accord collectif dont les stipulations assurent la garantie du respect de durées raisonnables de travail ainsi que des repos, journaliers et hebdomadaires.
En l'espèce, il est acquis aux débats que M. [Y] était soumis à une convention de forfait-jours de 218 jours travaillés reposant sur la convention collective du commerce de gros et de l'accord d'entreprise du 21 décembre 2001.
Il est constant que par décision du 26 septembre 2012, la Cour de cassation a invalidé ces dispositions de la convention collective au motif qu' un entretien annuel avec le supérieur hiérarchique est insuffisant pour garantir que l'amplitude et la charge du travail du salarié restent raisonnables.
L'accord collectif doit en effet assurer un suivi régulier de l'amplitude et de la charge de travail du salarié, ce que ne permet pas un simple entretien annuel.
Il est toutefois admis qu'en cas d'invalidation par la Cour de cassation des dispositions d'une convention de forfait conclue avant la publication de la loi Travail n° 2016-1088 du 8 août 2016 en raison de carences dans l'évaluation et le suivi de la charge de travail, il reste possible de continuer à appliquer les conventions individuelles en cours ou d'en conclure de nouvelles sur la base de cet accord, en comblant unilatéralement les lacunes de celui-ci, soit à l'initiative des partenaires sociaux pouvant conclure un avenant de sécurisation qui s'impose aux conventions ou à l'initiative de l'employeur qui doit pour cela établir un document de contrôle des jours travaillés (pouvant être renseigné par le salarié mais sous la responsabilité de l'employeur),s'assurer que la charge de travail est compatible avec le respect des temps de repos quotidiens et hebdomadaires, organiser un entretien annuel sur la charge de travail (qui doit être raisonnable), l'organisation du travail, l'articulation entre l'activité professionnelle et la vie personnelle ainsi que la rémunération.
C'est en vain dès lors que l'employeur se borne à invoquer que M. [Y] ne saurait contester la validité de sa convention dont il a participé à la négociation, que la jurisprudence de la Cour de cassation serait désormais obsolète du fait de l'intervention de la loi travail de 2016 , sans préciser quelles mesures correctives il aurait mis en place et à soutenir que les dispositions de l'accord de branche (sans faire état d'un éventuel avenant de sécurisation) ou à affirmer que l'accord conclu au sein de l'OPCA Intergros comportait l'ensemble des garanties prévues et qu'elles ont été mises en 'uvre par les relevés signés par le salarié tous les mois faisant apparaître les jours de travail.
La cour en déduit ainsi que l'ont retenu les premiers juges que ni l'accord de branche ni l'accord d'entreprise ne prévoyaient de mécanismes de protection de la santé et de la sécurité des salariés efficients. Les fiches de suivi produites aux débats se limitant à indiquer les jours travaillés dans le mois, sans contrôle effectif des heures travaillées et sans entretien régulier sur la charge de travail et l'articulation entre l'activité personnelle et la vie personnelle et familiale sont insuffisantes au regard des dispositions légales et jurisprudentielles. C'est par conséquent à juste titre que la convention de forfait jours a été déclarée nulle.
Il s'ensuit que M. [Y] est en droit de réclamer le paiement des heures supplémentaires éventuellement réalisées en vertu du droit commun.
Sur les heures supplémentaires
Sur la prescription de la demande
Pour infirmation partielle du jugement, l'appelante soutient que la demande de rappels de salaires au titre des heures supplémentaires est prescrite sur la période antérieure au 13 février 2011.
Pour confirmation de la décision, M. [Y] réplique qu'en vertu des dispositions transitoires de la loi du 14 juin 2013, il est en droit de solliciter un rappel de salaire à compter du 11 juillet 2009.
La loi n° 2013-504 du 14 juin 2013 a modifié l'article L. 3245-1 du code du travail en réduisant à 3 ans le délai de prescription de l'action en paiement des salaires qui était auparavant de 5 ans.
L'article 21 V de la même loi prévoit que « Les dispositions du code du travail prévues aux III et IV du présent article s'appliquent aux prescriptions en cours à compter de la date de promulgation de la présente loi, sans que la durée totale de la prescription puisse excéder la durée prévue par la loi antérieure » et que « Lorsqu'une instance a été introduite avant la promulgation de la présente loi, l'action est poursuivie et jugée conformément à la loi ancienne ».
En l'espèce M. [Y] a introduit son action devant le conseil de prud'hommes le 15 juillet 2014, soit postérieurement à l'entrée en vigueur de la loi nouvelle.
A la date de la promulgation de la loi nouvelle, soit au 17 juin 2013, la prescription quinquennale sur la demande de rappel de salaires dus à compter du 15 juillet 2009 n'était pas acquise, de sorte que le nouveau délai de 3 ans a commencé à courir à cette date sans toutefois que la durée totale de la prescription puisse excéder la durée de 5 ans prévue par la loi antérieure. Il en résulte que l'action du salarié engagée par la saisine de la juridiction prud'homale le 15 juillet 2014 n'est pas prescrite pour les salaires exigibles à compter du mois de juillet 2009.
Enfin il est constant que le délai de prescription des salaires court à compter de la date à laquelle la créance salariale est devenue exigible, que pour les salariés payés au mois, la date d'exigibilité du salaire correspond à la date habituelle du paiement des salaires en vigueur dans l'entreprise et concerne l'intégralité du salaire afférent au mois considéré.
En conséquence l'action en paiement sur les heures supplémentaires accomplies à compter du mois de juillet 2009 n'est pas atteinte par la prescription, de sorte que la demande est recevable.
Sur le fond
L'article L.3121-27 du code du travail dispose que la durée légale de travail effectif des salariés à temps complet est fixée à 35 heures par semaine.
L'article L.3121-28 du même code précise que toute heure accomplie au delà de la durée légale hebdomadaire ou de la durée considérée comme équivalente est une heure supplémentaire qui ouvre droit à une majoration salariale ou, le cas échéant, à un repos compensateur équivalent.
En application de l'article L.3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l'ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales précitées. Après analyse des pièces produites par l'une et l'autre des parties, dans l'hypothèse où il retient l'existence d'heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l'importance de celles-ci et fixe les créances salariales s'y rapportant.
En l'espèce, à l'appui de sa demande, M. [Y] présente les éléments suivants :
- un décompte journalier de ses heures de travail tenant compte de ses jours d'absence (pièce 21)
- des nombreux courriels qui attestent notamment de son amplitude de travail et notamment qu'il pouvait être amené à travailler tard le soir;(pièce 22).
M. [Y] présente ainsi des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il dit avoir réalisées, permettant ainsi à l'employeur qui assure le contrôle des heures effectuées d'y répondre utilement.
A cet effet, l'employeur fait valoir que le salarié a omis de nombreux jours d'absence et des journées consacrées au suivi de sa formation EDHEC,qu'il ne démontre pas l'amplitude réelle de ses journées et que surtout les courriel produits sous la pièce 22 ne sont pas probants; que le tableau produit n'est corroboré par aucun élément extérieur et enfin que les heures effectuées n'ont jamais été commandées.
La cour rappelle de première part que les courriels, aussi nombreux soient-ils, sont à eux-seuls insuffisants pour déterminer avec certitude l'amplitude d'une journée de travail et de seconde part que l'employeur ne peut se dispenser du paiement des heures supplémentaires au motif qu'il ne les aurait pas commandées puisqu'en réalité il ne contrôlait pas la charge de travail du salarié.
En conséquence, eu égard aux éléments présentés par le salarié et aux observations faites par l'employeur, la Cour a la conviction que le salarié a exécuté des heures supplémentaires qui n'ont pas été rémunérées mais, après analyse des pièces produites, dans une moindre mesure que ce qui est réclamé de telle sorte que par infirmation du jugement déféré, l' AKTO venant aux droits de l'OPCA sera condamnée à verser à M. [Y] la somme de 59.206,67 euros en paiement des heures supplémentaires entre juillet 2009 et le licenciement, outre la somme de 5.920,66 euros de congés payés afférents.
Sur la demande d'indemnité pour travail dissimulé
Aux termes de l'article L. 8221-5 du code du travail, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016, applicable à la cause, est réputé travail dissimulé par dissimulation d'emploi salarié le fait pour tout employeur :
1° Soit de se soustraire intentionnellement à l'accomplissement de la formalité prévue à l'article L. 1221-10, relatif à la déclaration préalable à l'embauche ;
2° Soit de se soustraire intentionnellement à l'accomplissement de la formalité prévue à l'article L. 3243-2, relatif à la délivrance d'un bulletin de paie, ou de mentionner sur ce dernier un nombre d'heures de travail inférieur à celui réellement accompli, si cette mention ne résulte pas d'une convention ou d'un accord collectif d'aménagement du temps de travail conclu en application du titre II du livre Ier de la troisième partie ;
3° Soit de se soustraire intentionnellement aux déclarations relatives aux salaires ou aux cotisations sociales assises sur ceux-ci auprès des organismes de recouvrement des contributions et cotisations sociales ou de l'administration fiscale en vertu des dispositions légales.
Il est admis que la dissimulation d'emploi salarié n'est caractérisée que s'il est établi que l'employeur a agi de manière intentionnelle.
Le seul fait d'avoir soumis à tort un salarié à une convention de forfait nulle ou privée d'effet ne suffit pas, en soi, à caractériser le caractère intentionnel d'une dissimulation d'emploi salarié.
En l'espèce, s'il apparaît que l'employeur s'est mépris sur les conditions de validité et d'exécution de la convention de forfait, rien ne permet d'établir qu'il a effectivement cherché en outre à dissimuler les heures supplémentaires dont l'obligation au paiement ne résulte que de l'invalidité de cette convention de forfait. La demande d'indemnité pour travail dissimulé, par confirmation du jugement déféré,sera donc rejetée.
Sur la rupture du contrat de travail
Sur le pouvoir de licencier du signataire de la lettre de licenciement
Pour infirmation du jugement déféré qui a validé la procédure de licenciement, M. [Y] soutient que son licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse pour différentes raisons mais, à titre préalable au motif que la lettre de licenciement a été signée par M. [F] [W] en qualité de directeur général de l'association OPCA Intergros, sans qu'il soit justifié notamment par les statuts de l'association qu'il en avait les pouvoirs. Il soutient que la seule production du Règlement intérieur retenue par les premiers juges ne permet pas de démontrer la légitimité du signataire de la lettre de licenciement.
L'association appelante n'a pas, à hauteur de cour, conclu sur ce point, ni produit aux débats le Règlement intérieur ou encore ses statuts.
Il est constant qu'en présence d'un licenciement poursuivi au sein d'une association, en cas de contestation, il appartient aux juges du fond de déterminer quel est l'organe compétent pour procéder au licenciement et de vérifier que le signataire de la lettre de licenciement était régulièrement habilité à le faire au regard des statuts et le cas échéant du règlement intérieur.
Il est de droit que dès lors que les statuts d'une association disposent que son président en est le représentant légal auprès des tiers pour tous les actes de la vie sociale, et à défaut d'une disposition spécifique des statuts attribuant cette compétence à un autre organe de l'association, il entre dans les attributions de son président de mettre en 'uvre la procédure de licenciement d'un salarié.
De la même façon, il est admis que seul le titulaire du pouvoir de licencier, peut déléguer cette prérogative à un autre collaborateur (responsable de la gestion du personnel, directeur général, directeur des ressources humaines, directeur d'établissement') selon les conditions prévues aux statuts et à condition que ceux-ci ne le prohibent pas.
Au constat en l'espèce, qu'il n'est pas justifié du pouvoir du signataire de la lettre de licenciement de M. [Y], le licenciement prononcé est privé de cause réelle et sérieuse.
Sur les conséquences financières
M. [Y] est en droit de prétendre aux indemnités de rupture ainsi qu'aux sommes suivantes accordées par les premiers juges et non contestées dans leur quantum :
-une indemnité compensatrice de préavis de 18.926,70 euros correspondant à trois mois de salaire majorés de 1.892,67 euros de congés payés, et un rappel au titre du 13è mois sur le préavis de 1.225,50 euros outre 122,50 euros de congés payés ainsi qu' un rappel de salaire relatif à l'avantage en nature de 315 euros outre les congés payés afférents de 31,50 euros.
- un rappel de salaire au titre de la mise à pied de 2.648,75 euros outre les congés payés de 264,87 euros.
- une indemnité conventionnelle de licenciement d'un montant de 38.487,69 euros au regard d'une ancienneté de 17,5 années.
Pour infirmation du jugement déféré quant à l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, M. [Y] réclame que celle-ci soit portée à la somme de 126.160 euros représentant 20 mois de salaire au regard du préjudice subi après près de 18 années d'ancienneté, précisant que la Fondation au sein de laquelle il a retrouvé du travail a été mise en redressement judiciaire puis que son contrat a été rompu et qu'il a ensuite été au chômage pendant près d'une année.
La partie appelante conclut au débouté de cette demande faisant observer que M. [Y] ne justifie pas de son préjudice alors même qu'il avait retrouvé un travail dès le 24 juin 2014.
En application de l'article L1235-3 du code du travail, dans sa rédaction issue de l'ordonnance 2007-329 du 12 mars 2007, si un licenciement intervient pour une cause qui n'est pas réelle et sérieuse et qu'il n'y a pas réintégration du salarié dans l'entreprise, il est octroyé à celui-ci, à la charge de l'employeur, une indemnité qui ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois.
A la date du licenciement, M. [Y] âgé de 38 ans, a perçu les 6 derniers mois avant la rupture, une rémunération totale brute de 37.853,40 euros et bénéficiait au sein de l'entreprise d'une ancienneté de 17,5 ans. Il est établi qu'il a dès le 24 juin 2014 retrouvé un emploi et qu'il n'a perdu qu'en 2018 suite au redressement judiciaire de son nouvel employeur. Son préjudice a été justement évalué par les premiers juges à la somme de 75.696 euros, ils seront confirmés.
Conformément aux dispositions de l'article L1235-4 du code du travail, il y a lieu, d'ordonner d'office le remboursement par l'AKTO venant aux droits de l'OPCA Intergros à Pôle Emploi des indemnités de chômage éventuellement versées à M. [Y] dans la limite de six mois d'indemnités.
Sur la demande de rappel de prime au titre de l'année 2013
Pour infirmation du jugement déféré s'agissant de la prime réclamée par M. [Y] pour l'exercice 2013, l'association appelante fait valoir que celle-ci avait un caractère exceptionnel et que du fait de son attitude hostile le salarié ne pourrait y prétendre.
Pour confirmation de la décision, M. [Y] fait valoir que cette prime versée chaque année à chaque salarié, représentait deux mois de salaire proratisés en fonction du temps de présence et constituait un usage d'entreprise.
Il est de droit qu' une gratification devient un élément de salaire, et cesse d'être une simple libéralité, dès lors que son usage est général, fixe et constant.
S'il est justifié que M. [Y] a perçu cette prime entre 2009 et 2012 (selon un montant variable), il ne démontre pas que son paiement constituait un usage d'entreprise, faute de répondre aux critères de constance, de généralité ou de fixité, la seule mention de celle-ci dans la table des matières de l'accord NAO étant insuffisante pour considérer que l'ensemble des cadres la percevait.
La demande de paiement de cette prime sera par conséquent, par infirmation du jugement déféré, rejetée.
Sur la demande d'indemnité pour manquement à l'organisation de la visite médicale périodique
S'il est constant que l'employeur a été défaillant dans son obligation d'organisation des visites médicales d'embauche et périodique, la cour retient que M. [Y] ne justifie pas d'une difficulté de santé en lien avec ce manquement de sorte qu'il n'a subi aucun préjudice de ce fait. C'est à bon droit qu'il a été débouté de sa demande de ce chef. Le jugement déféré est confirmé sur ce point.
Sur la demande d'indemnité au titre du DIF (droit individuel de formation)
Pour infirmation du jugement déféré, M. [Y] réclame l'indemnisation de son droit au DIF perdu en raison de son licenciement.
Pour confirmation de la décision, la partie appelante s'oppose à cette demande en rappelant que la lettre de licenciement a expressément précisé qu'il appartenait à l'intimé de demander à utiliser dans les trois mois ses droits acquis au titre du DIF.
Au constat que la lettre de licenciement mentionne en effet que le droit au DIF de M. [Y] s'élevait à 126 heures et les conditions dans lesquelles il était en droit de les utiliser y compris auprès d'un nouvel employeur, il se déduit une absence de manquement de l'OPCA. C'est à bon droit que le salarié a été débouté de sa demande de ce chef.
Sur la demande de l'association appelante au titre du dédit-formation
Pour infirmation du jugement déféré, l'association appelante soutient qu' à l'occasion de son départ, le salarié a violé la clause de dédit-formation qui avait été conclue en contre-partie du financement de son action de formation auprès de l'EDHEC. Elle réclame par conséquent le remboursement de la somme de 16.611 euros à ce titre.
Pour confirmation de la décision, M. [Y] réplique que cette demande est infondée puisque son licenciement est sans cause réelle et sérieuse.
Il est constant qu'une clause de dédit-formation peut être définie comme celle par laquelle le salarié s'engage à rester au service de l'employeur pendant un délai déterminé, en contrepartie de la prise en charge par ce dernier de frais de formation.
Par avenant en date du 2 novembre 2011, une clause de dédit-formation a été régularisée entre les parties au regard d'une formation suivie par M. [Y] auprès de l'EDHEC.
Il est toutefois de droit qu'une clause de dédit-formation ne peut être mise en 'uvre lorsque la rupture du contrat de travail est imputable à l'employeur. Il s'en déduit que la clause ne peut recevoir aucun effet si le licenciement est jugé comme dépourvu de cause réelle et sérieuse.
Par confirmation du jugement déféré, la partie appelante sera déboutée de sa demande de remboursement à ce titre.
Sur les autres dispositions
La cour rappelle que les créances salariales portent intérêts au taux légal à compter de la réception par l'employeur de sa convocation devant le conseil de prud'hommes tandis que les créances indemnitaires portent intérêts au taux légal à compter de la décision en fixant tout à la fois le principe et le montant, la capitalisation des intérêts étant ordonnée conformément aux dispositions de l'article 1343-2 du code civil.
Partie perdante en son recours l'AKTO, Opérateur de compétences, venant aux droits de l'OPCA Intergros est condamnée aux dépens d'instance et d'appel, le jugement étant confirmé sur ce point et à verser à M. [Y] une somme de 3.000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
CONFIRME le jugement déféré sauf en ce qui concerne le quantum de rappels d'heures supplémentaires accordé et la prime au titre de l'exercice 2013.
Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant :
CONDAMNE l'AKTO Opérateur de compétences venant aux droits de l'association OPCA Intergros à payer à M. [V] [Y] la somme de 59.206,67 euros en paiement des heures supplémentaires exécutées entre juillet 2009 et janvier 2014, outre la somme de 5.920,66 euros de congés payés afférents.
DEBOUTE M. [V] [Y] de sa demande de paiement de la prime exceptionnelle au titre de l'exercice 2013.
ORDONNE d'office le remboursement par l'AKTO, Opérateur de compétences venant aux droits de l'association OPCA Intergros à Pôle Emploi des indemnités de chômage éventuellement versées à M. [V] [Y] dans la limite de six mois d'indemnités.
CONDAMNE l'AKTO Opérateur de compétences venant aux droits de l'association OPCA Intergros à payer à M. [V] [Y] la somme de 3.000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile.
CONDAMNE l'AKTO Opérateur de compétences venant aux droits de l'association OPCA Intergros aux dépens d'appel.
La greffière, La présidente.