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29/03/2023 | FRANCE | N°18/11367

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 9, 29 mars 2023, 18/11367


REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 9



ARRET DU 29 MARS 2023



(n° ,11 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 18/11367 - N° Portalis 35L7-V-B7C-B6Q76



Décision déférée à la Cour : Jugement du 25 Juillet 2018 -Conseil de Prud'hommes - Formation de départage de VILLENEVE SAINT GEORGES - RG n° 18/00295





APPELANT



Monsieur [P] [G]

[Adresse 2]

[Adresse 2]



Représenté

par Me Nadia BOUZIDI-FABRE, avocat au barreau de PARIS, toque : B0515





INTIMEES



SAS TRANSAVIA FRANCE, prise en la personne de son représentant légal

[Adresse 1]

[Adresse 1]



Re...

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 9

ARRET DU 29 MARS 2023

(n° ,11 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 18/11367 - N° Portalis 35L7-V-B7C-B6Q76

Décision déférée à la Cour : Jugement du 25 Juillet 2018 -Conseil de Prud'hommes - Formation de départage de VILLENEVE SAINT GEORGES - RG n° 18/00295

APPELANT

Monsieur [P] [G]

[Adresse 2]

[Adresse 2]

Représenté par Me Nadia BOUZIDI-FABRE, avocat au barreau de PARIS, toque : B0515

INTIMEES

SAS TRANSAVIA FRANCE, prise en la personne de son représentant légal

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Représentée par Me Harold HERMAN, avocat au barreau de PARIS, toque : T03

Société AIR FRANCE, prise en la personne de son représentant légal

[Adresse 3]

[Adresse 3]

Représentée par Me Jérôme DANIEL, avocat au barreau de PARIS, toque : G0035

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 30 Novembre 2022, en audience publique et double rapporteur, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Philippe MICHEL, Président de chambre, et Monsieur Fabrice MORILLO, Conseiller, chargés du rapport.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :

Monsieur Philippe MICHEL, Président de chambre

Madame Valérie BLANCHET, Conseillère

Monsieur Fabrice MORILLO, Conseiller

Greffier, lors des débats : Madame Philippine QUIL

ARRET :

- contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au 29 mars 2023 au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,

- signé par Monsieur Philippe MICHEL, Président de chambre et par Madame Camille BESSON, Greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS ET PROCÉDURE

Le 10 novembre 2006, les compagnies aériennes Air France (la société Air France) et Transavia Hollande (compagnie aérienne charter et filiale néerlandaise du groupe Air France KLM) ont décidé de créer une nouvelle compagnie aérienne : la société Transavia France fonctionnant selon une offre commerciale 'Low cost'.

Afin d'accompagner le développement de sa filiale Low Cost, le 6 avril 2007, la société Air France et les organisations syndicales représentatives en son sein (dont SNPL France ALPA) ont conclu un accord collectif 'Relatif à la création de Transavia France', notamment, dans le souci d'exclure tout transfert de l'activité du Groupe Air France vers sa nouvelle filiale Low Cost.

La société Transavia France emploie habituellement au moins 11 salariés et ses relations de travail avec le personnel navigant technique sont régies par l'accord d'entreprise ACE PNT du 27 juin 2008 et ses avenants.

Afin de répondre aux problématiques de sureffectif de pilotes chez Air France et de favoriser le développement de Transavia avec l'exploitation de nouvelles lignes et d'avions supplémentaires, l'accord 'Accord Pilote -Transform 2015' du 19 novembre 2012 a été conclu pour permettre la mobilité temporaire des pilotes d'Air France vers Transavia par la voie conventionnelle, à la suite duquel un avenant n° 11 du 21 janvier 2013 a modifié temporairement certaines dispositions de l'Accord Collectif d'Entreprise du Personnel Naviguant Technique (ACE PNT) Transavia.

La société Air France et les organisations syndicales représentatives ont conclu le 10 décembre 2014 un 'accord relatif au détachement de pilotes Air France au sein de Transavia France'.

Cet accord a été prolongé par la signature d'un accord quadripartite (Air France, Transavia France, SNPL Air France et SNPL Transavia) le 19 décembre 2014 et par sa transposition le 10 janvier 2015 dans l'accord collectif PNT Transavia, sous forme d'un avenant n° 14 prévoyant, notamment une modification des règles d'attribution des postes de commandant de bord entre les pilotes Transavia France et les pilotes Air France.

Le 14 décembre 2016, le SNPL Transavia France ALPA a dénoncé l'avenant n°14 à l'ACE PNT Transavia et un avenant de substitution, avenant n°16 à l'ACE PNT Transavia, a été signé le 18 avril 2017.

C'est ainsi que M. [G], engagé par la société Transavia France en qualité d'officier pilote de ligne B737/800 par contrat de travail à durée indéterminée du 20 avril 2009 et nommé commandant de bord par avenant du 9 juin 2011, a saisi le conseil de prud'hommes de Villeneuve-Saint-Georges le 15 décembre 2015 en invoquant une situation de co-emploi à l'égard de la société Transavia France et la société Air France entraînant une violation du principe d'égalité de traitement entre lui-même et les pilotes de la société Air France ainsi qu'une violation de l'obligation de sécurité de résultat, afin d'obtenir la nullité de certaines dispositions conventionnelles, sa reprise d'ancienneté acquise au sein de la société Transavia France par la société Air France et la condamnation de la société Transavia France et la société Air France au paiement de diverses sommes à titre de dommages et intérêts en raison des différents préjudices causés par l'atteinte à ses droits.

Par jugement du 25 juillet 2018, le conseil de prud'hommes de Villeneuve Saint Georges, en sa formation de départage, a débouté le salarié de l'intégralité de ses demandes et l'a condamné à payer à chacune des sociétés Transavia France et Air France la somme de 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Le 9 octobre 2018, M. [G] a interjeté appel du jugement qui lui a été notifié le 11 septembre 2018.

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 26 juin 2019, il demande à la cour de :

- Infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

et, statuant à nouveau :

- Juger que la société Air France est son co-employeur,

- Dire nulles les dispositions conventionnelles suivantes :

° Accord quadripartite

° Avenant n°14

° Avenant n°16

SUR L'ÉGALITÉ DE TRAITEMENT

Sur la reprise de l'ancienneté liée à la liste de classement professionnel :

- Ordonner son inscription sur la liste de classement professionnel de la société Air France, sous astreinte de 150 euros par jour de retard,

- Ordonner l'application des accords collectifs en vigueur au sein de la société Transavia France sous astreinte de 150 euros par jour de retard

- Condamner la société Transavia France et la société Air France à lui payer des dommages et intérêts à hauteur de 250 000 euros pour violation du principe d'égalité de traitement,

- Ordonner la nullité des dispositions conventionnelles excluant la reprise d'ancienneté des salariés de la société Transavia France qui concluent un contrat de travail avec la société Air France,

- Juger qu'il est en droit de se prévaloir de son ancienneté acquise au sein de la société Transavia France auprès de la société Air France,

Sur l'accès aux postes de commandant de bord:

- Ordonner nullité des dispositions conventionnelles détaillant les modalités d'accès au poste de commandant de bord,

- Ordonner l'application d'un mécanisme de promotion commun aux pilotes de la société Air France et aux pilotes de la société Air France pour accéder aux postes de commandant de bord au sein de la société Air France, sous astreinte de 150 euros par jour de retard,

Sur la répartition des postes de commandant de bord:

- Prononcer la nullité des dispositions conventionnelles détaillant les règles de répartition des postes de commandant de bord entre les salariés de la société Transavia France et les salariés de la société Air France,

- Ordonner l' application d'un mécanisme de répartition des postes de commandant de bord conforme aux règles de carrière applicables au sein de la société Transavia France, sous astreinte de 150 euros par jour de retard,

Sur le processus de sélection au poste de commandant de bord au sein d'AF:

- Prononcer la nullité des dispositions conventionnelles subordonnant l'intégration des pilotes historiques de la société Transavia France au sein de la société Air France à la réussite de la sélection Air France,

- Condamner la société Transavia France et la société Air France à lui payer des dommages et intérêts à hauteur de 75 000 euros pour violation du principe d'égalité de traitement,

Sur la répartition des « toutes les opportunités » offertes:

- condamner la société Transavia France et la société Air France à lui payer des dommages et intérêts à hauteur de 82 094 euros pour le préjudice de carrière résultant de la violation du principe d'égalité de traitement

- Prononcer la nullité des dispositions conventionnelles détaillant la méthode de répartition des postes de commandant de bord,

- enjoindre à la société Transavia France et à la société Air France d'appliquer un mécanisme de répartition des postes de toutes les opportunités conforme aux règles de carrière applicables au sein de la société Transavia France, sous astreinte de 150 euros par jour de retard,

Sur la réparation du préjudice moral :

- condamner la société Transavia France et la société Air France à lui payer des dommages et intérêts à hauteur de 5 000 euros pour atteinte à la dignité,

SUR L'OBLIGATION DE SÉCURITÉ DE RÉSULTAT

- Condamner in solidum la société Transavia France et la société Air France à lui verser la somme de 82 094 euros à titre de dommages et intérêts pour non-respect de l'obligation de sécurité de résultat, avec intérêts légaux depuis la date du 'jugement' à intervenir,

SUR L'ARTICLE 700 DU CODE DE PROCÉDURE CIVILE

Condamner la société Transavia France et la société Air France à lui verser la somme de 7 000 euros sur le fondement de ce texte,

V. SUR LES AUTRES DEMANDES

- Dire que les condamnations porteront intérêts de droit avec capitalisation de ceux-ci.

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 2 avril 2019, la société Transavia France demande à la cour de confirmer le jugement entrepris, de débouter l'appelant de ses demandes et de condamner ce dernier à lui verser la somme de 1 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.

Dans ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 12 octobre 2022, la société Air France demande à la cour d'ordonner la radiation de l'affaire pour défaut d'exécution du jugement assorti de l'exécution provisoire par l'appelant, d'ordonner sa mise hors de cause en tant que personne morale distincte n'ayant pas la qualité d'employeur de l'appelant, de constater l'irrecevabilité de la contestation de l'appelant pour défaut d'intérêt à agir, de confirmer le jugement entrepris, de rejeter l'ensemble des demandes de l'appelant et de condamner ce dernier à lui verser la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

L'instruction a été clôturée le 22 novembre 2022, et l'affaire plaidée à l'audience du 30 novembre 2022.

MOTIFS DE LA DÉCISION

SUR LES EXCEPTIONS DE PROCÉDURE

Sur la demande de radiation de l'affaire

Rappelant les dispositions de l'article 524, alinéa 1er, du code de procédure civile selon lesquelles:

'Lorsque l'exécution provisoire est de droit ou a été ordonnée, le premier président ou, dès qu'il est saisi, le conseiller de la mise en état peut, en cas d'appel, décider, à la demande de l'intimé et après avoir recueilli les observations des parties, la radiation du rôle de l'affaire lorsque l'appelant ne justifie pas avoir exécuté la décision frappée d'appel ou avoir procédé à la consignation autorisée dans les conditions prévues à l'article 521, à moins qu'il lui apparaisse que l'exécution serait de nature à entraîner des conséquences manifestement excessives ou que l'appelant est dans l'impossibilité d'exécuter la décision'.

la société Air France fait valoir que l'appelant ne s'est pas acquitté de la condamnation prononcée à son encontre sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile alors que celle-ci est assortie de l'exécution provisoire.

Elle sollicite, en conséquence, la radiation de l'affaire.

Cela étant, il résulte des dispositions de l'ancien article 526 du code de procédure civile, applicable à l'espèce, comme de l'article 524 nouveau, que la radiation de l'affaire ne peut être demandée qu'au premier président de la cour d'appel ou, lorsqu'il est saisi, au conseiller de la mise en état.

La cour, statuant au fond, ne pouvant ordonner la radiation de l'affaire pour défaut d'exécution des dispositions du jugement entrepris assorties de l'exécution provisoire, la demande de la société Air France sera rejetée.

Sur la mise hors de cause de la société Air France

Rappelant que la juridiction prud'homale n'est compétente que dans le cadre d'un litige individuel s'élevant à l'occasion d'un contrat de travail, la société Air France demande à être mise hors de cause dans la mesure où elle n'est pas l'employeur de l'appelant.

Mais, la juridiction prud'homale, juge du contrat de travail, est seule compétente pour statuer, non seulement, sur tout litige né à l'occasion de l'exécution ou de la rupture du contrat de travail mais également sur toute contestation relative à l'existence même d'un tel contrat.

Ainsi, dès lors que l'appelant revendique une situation de co-emploi à l'égard de la société Transavia France et la société Air France, il justifie d'un intérêt à agir à l'encontre de cette dernière devant la juridiction prud'homale.

Le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a écarté la mise hors de cause de la société Air France.

Sur le défaut d'intérêt à agir de l'appelant

La société Air France soutient que l'appelant, qui n'est pas salarié détaché de la société Air France, ne peut pas demander à la cour de constater que son employeur, la société Transavia France, a la qualité d'employeur à l'égard des salariés détachés et encore moins prétendre tirer des conséquences de ce constat à l'encontre de la société Air France avec laquelle il n'est pas lié, sans enfreindre le principe selon lequel nul ne plaide par procureur.

Cela étant, dans le dispositif de ses conclusions, l'appelant ne demande pas à la cour de constater que la société Transavia France a la qualité d'employeur à l'égard des salariés détachés de la société Air France mais avance simplement cette thèse pour en déduire qu'il est légitime à comparer sa situation individuelle avec celle de salariés de la société Air France.

L'appelant ne faisant que comparer sa situation avec celle des salariés dans les motifs de ses conclusion, il sera déclaré recevable en ses demandes.

AU FOND

Sur l'égalité de traitement

L'appelant soutient que le principe d'égalité de traitement doit s'appliquer entre les salariés de la société Air France et ceux de la société Transavia France en raison, en premier lieu, de l'existence de deux accords collectifs communs entre les sociétés Transavia France et Air France (19 novembre 2012 et 10 décembre 2014), constituant des sources uniques de comparaison entre les travailleurs des deux entités ayant des fonctions identiques, en deuxième lieu, de l'existence d'un dédoublement des liens contractuels organisés par l'accord du 10 décembre 2014 qui a pour conséquence inéluctable de rendre les travailleurs détachés par la société Air France salariés de la société Transavia France, permettant ainsi de comparer les droits et avantages entre eux, et en troisième lieu, de l'existence d'une situation de co-emploi caractérisée par un dédoublement du

lien de subordination juridique à l'égard des salariés détachés par la société Air France avec la société Transavia France mais aussi par une immixtion dans la gestion sociale et économique de la société Transavia France par la société Air France.

En ce qui concerne plus particulièrement le co-emploi, il soutient, ainsi que la confusion d'intérêts est établie par le fait que la société Air France détient 60 % du capital de la société Transavia France, que les postes d'achat les plus importants sont centralisés au sein de la société Air France, qu'en effet, tant le montant du loyer des avions (la majorité de la flotte faisant l'objet d'un leasing) que les couvertures carburant sont gérés par la société Air France, que les salariés de la société Transavia France sont contraints d'adhérer à la mutuelle de la société Air France, que dans le cadre des dispositions liées à la pandémie de Covid-19, la société Transavia France pouvait bénéficier des prêts accordés par le Gouvernement à la société Air France.

La confusion d'activité résulterait du fait que les deux sociétés exercent une activité identique et qu'il existe une permutabilité du personnel et des avions entre les deux sociétés, que la stratégie de développement de la société Transavia France est décidée par la société Air France, que l'attribution de nouvelles lignes commerciales au profit de la société Transavia France est soumise à l'approbation de la société Air France, que toute décision fondamentale de développement se négocie directement au dessus de la tête de la société Transavia France et de ses propres dirigeants, par ailleurs largement entourés de représentants d'Air France dans ses instances exécutives (Conseil de Surveillance et Comité paritaire).

La confusion de direction serait caractérisée par la permutabilité des dirigeants des deux sociétés.

Il fait également valoir que l'immixtion permanente de la société Air France dans la gestion économique et sociale de la société Transavia France se caractérise par une politique de recrutement gouvernée par Air France, une politique salariale harmonisée avec les pratiques de rémunération de la société Air France, par le fait que le président directeur général de la société Transavia France a prêté allégeance à sa société mère et à leur tout-puissant syndicat, le SNPL, lors d'une réunion du comité d'entreprise du 12 décembre 2012.

Cela étant, les moyens avancés par l'appelant ne permettent pas de déduire que les salariés de la société Transavia France et ceux détachés de la société Air France se trouvent dans une situation comparable pour en tirer la conclusion que des différences de statuts entre eux caractériseraient une inégalité de traitement illicite au désavantage des premiers.

En effet, sur le moyen tiré d'une source unique de droit, l'accord 'Transform 2015 Accord cadre pilote' du 19 novembre 2012, l'accord du 10 décembre 2014 'Accord relatif au détachement de pilotes Air France au sein de Transavia France' les avenants n° 11 à l'accord collectif d'entreprise du 27 juin 2008, signé le 21 janvier 2013, et l'avenant numéro 14 à l'accord collectif d'entreprise du personnel navigant du 27 juin 2008, signé 10 janvier 2015, ont été respectivement conclus par chacune des sociétés en ce qui la concerne avec ses propres organisations syndicales représentatives, n'étaient destinés à s'appliquer qu'au personnel technique navigant de chacune des compagnies et répondaient à des objectifs distincts ne pouvant pas être confondus, et ce même s'ils reposent sur une cause commune.

Ainsi, l'accord 'Transform 2015 Accord cadre pilote' signé le 19 novembre 2012 par Air France et les organisations syndicales représentatives est destiné à mettre en oeuvre un plan de réduction des effectifs des commandants de bord et pilotes au sein de la société Air France sans recours à des mesures de licenciement grâce, d'une part, à un plan de départs volontaires, et d'autre part, à une mobilité elle-même fondée sur le volontariat des pilotes d'Air France vers Transavia France.

L'accord relatif au détachement de pilotes Air France au sein de Transavia France du 10 décembre 2014 a été signé par la compagnie Air France et les organisations syndicales représentatives du personnel Air France, a pour objectif d'organiser la mobilité transversale des pilotes d'Air France au sein de la compagnie Transavia France, filiale d'Air France pour en assurer le développement industriel et commercial et ne vise que le PNT AF (personnel navigant technique Air France) selon son article 3 'champ d'application'. À cet effet, il définit les conditions du détachement du personnel navigant technique Air France auprès de Transavia France par l'organisation d'un double lien contractuel spécifique à ces salariés sous la forme d'un transfert de la responsabilité opérationnelle de ces pilotes au profit de la société Transavia France qui devra donc en assurer la gestion administrative et du maintien à Air France de son pouvoir disciplinaire et de décision sur toute situation pouvant avoir des conséquences sur le contrat de travail (insuffisance professionnelle ou une inaptitude médicale du PNT) ainsi que de la gestion des carrières de ses pilotes. Contrairement à ce qu'énonce l'appelant, il n'a aucune portée sur le statut PNT Transavia résultant des accords collectifs conclus au sein de cette compagnie aérienne.

Les avenants numéros 11 et 14 à l'accord collectif d'entreprise du personnel navigant technique (ACE PNT) du 27 juin 2008 signés par la société Transavia France et le syndicat national des pilotes de Ligne (SNPL France ALPA) ont pour objectif de procéder à des modifications temporaires, et par voie de conséquence à durée déterminée, de certaines dispositions conventionnelles de l'ACE PNT, notamment, en ce qui concerne l'avenant numéro 11, celles prévoyant la nature et la durée des contrats de travail susceptibles d'être proposés à des PNT sous la forme exclusive de contrat de travail à durée interminée, les conditions de promotion, la liste de classement professionnel, les conditions d'ouverture de postes s'appliquant aux pilotes historiques de la compagnie, et en ce qui concerne l'avenant numéro 14, celles relatives au recrutement de PNT par la société Transavia France, à la promotion des pilotes historiques de la société Transavia France, à la rémunération pour passage au grade de commandant de bord, aux suites d'un échec de carrière des pilotes historiques de la société Transavia France au sein d'Air France, à la liste de classement professionnel, à la rémunération des instructeurs et à la retraite supplémentaire.

La répartition entre pilotes d'Air France volontaires et pilotes Transavia de postes de commandant de bord offerts chaque saison IATA et la dérogation aux principes de recrutements par contrat de travail à durée indéterminée destinée uniquement à permettre le détachement des pilotes Air France pour une durée déterminée de trois ans figurant page 4 de l'avenant numéro 11 et le gréement des postes officier pilote de ligne chez Transavia mentionné page 4 et 5 de l'avenant numéro 14 est une mesure d'adaptation de l'accord collectif d'entreprise destinée à permettre l'intégration des pilotes d'Air France au sein de Transavia sans pour autant modifier le statut lui-même des PNT Transavia résultant de l'accord collectif d'entreprise du personnel navigant technique du 27 juin 2008 en vigueur au sein de Transavia.

L'accord quadripartite du 19 décembre 2014 (Air France, Transavia France, SNPL Air France et SNPL Transavia France) a pour effet, en premier lieu, de prévoir une répartition des postes de commandant de bord entre les pilotes détachés Air France et pilotes historiques Transavia jusqu'à la mise en ligne du 40e avion en respectant une trame de six pilotes d'origine Air France et, par dérogation aux règles de carrière, de un pilote historique Transavia France et, en second lieu, à réserver la liste de classement professionnel Transavia France aux pilotes historiques Transavia France pour des postes autres que la fonction de commandant de bord, notamment TTA, instructeurs, autres desiderata etc....

Cet accord, bien que signé par les deux compagnies aériennes et leurs syndicats de pilotes de Ligne représentatifs et modifiant le titre II de l'ACE PNT Transavia France, porte sur deux points très précis qui constituent de simples mesures d'adaptation . Il ne peut de ce fait être considéré comme ayant opéré une fusion entre les accords collectifs d'Air France dont ceux du 19 novembre 2012 et du 10 décembre 2014 et les accords collectifs de Transavia France à savoir l'ACE PNT du 27 juin 2008 et ses avenants autres que ceux-visés, qui ferait de ceux-ci une source commune.

C'est donc par des motifs pertinents reposant sur une analyse fidèle des différents accords collectifs applicables au sein de la société Air France et de la société Transavia France que les premiers juges ont dit que ces accords conclus par chacune des deux sociétés avec les syndicats représentatifs en leur sein ne constituent pas une source commune aux salariés des deux sociétés en ce que, d'abord, le champ d'application de ces accords ne s'étend pas aux deux sociétés mais se limite à chaque fois à la société dans le cadre de laquelle ils ont été signés, ensuite et surtout, en ce que ces accords n'instituent pas des règles relatives aux conditions d'emploi, de formation professionnelle et de travail qui seraient communes à tous les salariés, et enfin, en ce que si les accords au sein de la société Transavia France visent également les salariés de la société Air France, c'est justement pour préciser que les règles applicables au sein de la société Transavia France ne s'appliquent pas à eux et que les règles autrefois stipulées de manière très générale dans l'accord ACE PNT de la société Transavia France souffraient d'exception concernant les salariés de la société Air France appelés à être détachés en nombre.

En ce qui concerne, le dédoublement du lien contractuel, comme justement relevé par la société Transavia France, le dédoublement du lien contractuel instauré par l'accord du 10 décembre 2014 ne place en aucune façon les salariés d'Air France et les salariés de Transavia dans une même situation d'emploi parce qu'il ne concerne que les salariés d'Air France et ne s'applique pas aux salariés de Transavia qui ne sont pas eux-mêmes en situation de détachement et qui ne peuvent, de ce fait, ni se prévaloir de deux contrats de travail ni d'un dédoublement de leur lien contractuel entre la société Transavia France et la société Air France.

En outre, l'accord du 10 décembre 2014 prévoit que la société Transavia France, employeur de l'appelant, n'exerce que la gestion administrative des salariés détachés, la société Air France gardant ses prérogatives propres à l'employeur à l'égard de ces derniers, notamment, la gestion de leur carrière, la conservation de leur dossier historique et un droit d'information systématique sur le dossier courant conservé par l'opérateur où le pilote exerce son activité, l'exercice du pouvoir disciplinaire et plus généralement le pouvoir de prendre toute décision susceptible d'avoir une conséquence sur l'exécution et la poursuite du contrat de travail.

Dans ces conditions, le dédoublement du lien contractuel instauré par l'accord du 10 décembre 2014 ne permet pas à l'appelant de se prévaloir du principe d'égalité de traitement entre lui-même et les salariés d'Air France.

En ce qui concerne le co-emploi, l'appelant n'alléguant aucun lien de subordination avec la société Air France, il convient de rappeler que, hors l'existence d'un lien de subordination, une société faisant partie d'un groupe ne peut être qualifiée de co-employeur du personnel employé par une autre que s'il existe, au-delà de la nécessaire coordination des actions économiques entre les sociétés appartenant à un même groupe et de l'état de domination économique que cette appartenance peut engendrer une immixtion globale et permanente de cette société dans la gestion économique et sociale de la société employeur, conduisant à la perte totale d'autonomie d'action de cette dernière.

En l'espèce, les circonstances invoquées par l'appelant ne dépassent pas le cadre de la coordination des actions économiques entre deux sociétés appartenant à un même groupe et de l'état de domination économique que cette appartenance peut engendrer, ne serait-ce que la participation majoritaire de l'une d'elles dans le capital de l'autre.

Ainsi, dans le domaine social, la société Transavia France dispose de toute l'autonomie dans la gestion de son personnel qui ne se limite pas au seul personnel navigant technique mais qui comprend aussi des employés, des agents de maîtrise, des cadres et du personnel navigant commercial puisqu'elle exerce, en toute indépendance d'Air France, son pouvoir de recruter, de gérer les carrières et la rémunération et de sanctionner ses salariés, de négocier les accords collectifs avec ses organisations syndicales représentatives prévoyant des dispositions propres à son personnel. En ce qui concerne les personnels navigants techniques, il est exact que la société Transavia France a accepté de partager avec la société Air France ses prérogatives en matière de recrutement de cette catégorie de personnel. Ainsi, la convention cadre entre Air France et Transavia France relative à la filière de recrutement spécifique des pilotes des filiales de mai 2014 prévoit qu'en cas de besoins en pilotes, la société Transavia France recrutera exclusivement des pilotes sélectionnés par Air France. Mais, le caractère temporaire de cette exception et son domaine limité à une seule catégorie des salariés de la société Transavia France (les PNT) ne permettent pas de conclure à une immixtion totale et permanente d'Air France dans le domaine social de la société Transavia France. Il en est de même pour la participation de deux pilotes Air France au conseil de surveillance Transavia, cette participation, au surplus paritaire et non majoritaire, entrant dans la cadre de la collaboration entre deux sociétés du même groupe. Les dispositions de l'avenant n° 14 du 10 janvier 2015 selon lesquelles les pilotes Air France accéderont aux postes de commandant de bord Transavia France qui leur seront réservés dans le cadre d'un acte de carrière conformément aux règles de carrière en vigueur à Air France et les pilotes « historiques » Transavia France accéderont aux postes de Commandant de Bord qui leur sont réservés dans le respect de la Liste de Classement Professionnel Transavia France ne sont que la mise en oeuvre des modalités de détachement conformément aux règles applicables à ce type de situation juridique. Les dispositions de cet avenant et de l'avenant 11 prévoyant une gratification lors d'une promotion commandant de bord 'aux fins d'harmonisation avec les pratiques de rémunération Air France' sont présumées résulter du seul accord intervenu entre la société Transavia France et les organisations syndicales représentatives alors qu'aucune pièce ne démontre une intervention de la société Air France à ce sujet.

Par ailleurs, la société Transavia France exerce son activité de transport selon une offre distincte et complémentaire, tant en ce qui concerne les destinations desservies que les catégories de passagers visés, de celle de la société Air France avec ses moyens humains et techniques et ses conditions d'exploitation propres, ce qui n'exclut pas une nécessaire collaboration dans un but de coordination économique et de réduction des coûts sous la forme, par exemple, de prêts ou de mise à disposition d'avions, de la centralisation des achats les plus importants, de la négociation unique des loyers des avions des deux compagnies afin de peser sur le loueur, de la mise en commun des contrats de mutuelle employeur dans le même but de négocier plus favorablement les contrats avec les assureurs.

Enfin, en dehors d'autres éléments de nature à révéler une mainmise de la direction d'Air France sur la direction de Transavia au point de faire perdre toute capacité de décision à cette dernière, le fait qu'une partie des dirigeants de la société Transavia proviennent du groupe ne saurait caractériser une perte totale d'autonomie de cette dernière. Il sera d'ailleurs rappelé que la circonstance selon laquelle la politique du groupe décidée par la société mère a une incidence sur l'activité économique et sociale de sa filiale, sur sa politique de développement et sa stratégie commerciale, s'inscrit dans la nécessaire coordination économique entre sociétés d'un même groupe.

La cour relève également que l'appelant fonde son argumentation sur une critique des accords collectifs de la société Air France et de la société Transavia France organisant la mobilité des pilotes Air France dont il dénonce les conséquences dommageables et dont il sollicite la nullité. Une telle contestation échappe à la connaissance de la juridiction prud'homale saisie d'un litige individuel du travail, car elle ne peut être portée que dans le cadre d'une instance relative à un conflit collectif du travail à laquelle doivent être appelés tous les signataires des accords concernés.

C'est donc par une exacte appréciation des faits de la cause à partir d'une fidèle analyse des pièces du dossier que les premiers juges ont écarté les moyens tirés d'une source commune de droit, d'un dédoublement du lien contractuel entre la société Air France et la société Transavia France et d'une situation de co-emploi de la société Air France à l'égard des salariés de la société Transavia France et ont rejeté l'ensemble des demandes de l'appelant reposant sur une inégalité de traitement entre lui-même et les pilotes de la société Air France.

Le jugement entrepris sera donc confirmé sur ce point.

Sur la violation de l'obligation de sécurité de résultat

L'appelant fait valoir qu'il a subi des risques psycho-sociaux en ce que les accords de détachement des 19 décembre 2012 et 10 décembre 2014 ont profondément modifié les conditions de travail des salariés dits historiques de la société Transavia France, ont bouleversé la composition de la masse salariale de l'entreprise dans laquelle ces salariés travaillaient depuis de nombreuses années, le tout ayant entraîné des relations sociales altérées et une souffrance toujours présente qui se sont heurtées au mépris affiché de la Direction et à l'absence d'effets des alertes.

Mais, comme justement répliqué par la société Transavia France, au-delà des ressentis individuels qui devraient donner lieu à un devoir d'abstention du pilote concerné en cas de difficultés, il n'existe aucun élément objectif de nature à caractériser un manquement de la compagnie au titre de l'obligation de sécurité en matière de transport aérien.

La cour ajoute que l'existence de revendications sociales au sein d'une entreprise, y compris dans le domaine du transport aérien, et les éventuelles tensions résultant de l'insatisfaction des salariés à faire reconnaître ces revendications, ne caractérisent pas un quelconque manquement de l'employeur dans son obligation de sécurité.

La cour ajoute que les conditions d'exercice de l'activité professionnelle des pilotes de ligne détachés de la société Air France et des pilotes historiques de la société Transavia France sont absolument identiques de sorte que la circonstance selon laquelle l'un a un statut administratif différent de l'autre ne caractérise pas un risque psycho-social.

Le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a débouté l'appelant de ses demandes en dommages-intérêts pour manquement de l'employeur à son obligation de sécurité.

Sur les frais non compris dans les dépens

Conformément aux dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, l'appelant, qui succombe en son appel, sera condamné à verser à chacune des sociétés Transavia France et Air France la somme de 500 euros au titre des frais exposés par les intimées devant la cour qui ne sont pas compris dans les dépens.

PAR CES MOTIFS

La cour,

REJETTE la demande de radiation de l'affaire formée par la société Air France,

REJETTE le moyen d'irrecevabilité des demandes de M. [P] [G] soulevé par la société Air France,

CONFIRME le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

Y ajoutant,

CONDAMNE M. [P] [G] à verser à chacune des sociétés Transavia France et Air France la somme de 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE M. [G] aux dépens d'appel,

La Greffière Le Président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 9
Numéro d'arrêt : 18/11367
Date de la décision : 29/03/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-03-29;18.11367 ?
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