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12/04/2023 | FRANCE | N°19/07782

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 6, 12 avril 2023, 19/07782


REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS





COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 6 - Chambre 6



ARRET DU 12 AVRIL 2023



(n° 2023/ , 7 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 19/07782 - N° Portalis 35L7-V-B7D-CAKFO



Décision déférée à la Cour : Jugement du 16 Mai 2019 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS - RG n° 18/05693





APPELANT



Monsieur [X] [P]

[Adresse 3]

[Localité 5]



Représenté

par Me Johan ZENOU, avocat au barreau de PARIS, toque : E1821



(bénéficie d'une aide juridictionnelle Partielle numéro 2019/047869 du 14/10/2019 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de PARIS...

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 6

ARRET DU 12 AVRIL 2023

(n° 2023/ , 7 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 19/07782 - N° Portalis 35L7-V-B7D-CAKFO

Décision déférée à la Cour : Jugement du 16 Mai 2019 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS - RG n° 18/05693

APPELANT

Monsieur [X] [P]

[Adresse 3]

[Localité 5]

Représenté par Me Johan ZENOU, avocat au barreau de PARIS, toque : E1821

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Partielle numéro 2019/047869 du 14/10/2019 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de PARIS)

INTIMÉE

SELARL FIDES prise en la personne de Me [Z] [R] ès qualités de mandataire liquidateur de SARL STEWIL

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représenté par Me Karine HOLLMANN-AGARD, avocat au barreau de PARIS, toque : P0284

INTERVENANTE

Association AGS CGEA IDF EST

[Adresse 1]

[Localité 6]

Non représentée

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 27 février 2023, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Monsieur Stéphane THERME conseiller chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Christine DA LUZ, Présidente de chambre

Madame Nadège BOSSARD, Conseillère

Monsieur Stéphane THERME, Conseiller

Greffier : Madame Julie CORFMAT, lors des débats

ARRÊT :

- réputé contradictoire,

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile,

- signé par Madame Christine DA LUZ, Présidente de chambre et par Madame Julie CORFMAT, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

RAPPEL DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE :

M. [P] a été engagé par la société Stewil dans le cadre d'un contrat à durée indéterminée du 11 avril 1996, en qualité de coupeur.

L'entreprise exerce une activité de confection et d'habillement.

L'entreprise compte moins de onze salariés.

La convention collective applicable est la convention collective nationale des industries de 1'habillement.

Le 2 juillet 2001, la caisse primaire d'assurance maladie a reconnu une maladie professionnelle de M. [P] : 'une tendinopathie des deux épaules, épaule douloureuse', avec un taux d'incapacité permanente de 5 %. Le taux d'incapacité permanente a ensuite été porté à 25 %.

Le 15 septembre 2015, M. [P] a été placé en arrêt de travail pour une rechute de sa maladie professionnelle.

Le 15 novembre 2017, lors de la visite de reprise de M. [P], le médecin du travail a rendu un avis d'inaptitude totale et définitive à son poste de coupeur, en précisant qu'il serait apte à un autre poste dans l'entreprise avec les restrictions suivantes : 'poste sans travail avec les membres supérieurs surélevés au-dessus du plan des épaules et des membres supérieurs, sans port de charges de supérieur à 5kg et sans port de charge répété'.

Le 5 décembre 2017, la qualité de travailleur handicapé a été reconnue à M. [P].

L'employeur a fait des propositions de poste à M. [P], qui les a refusées.

Par courrier du 16 mars 2018, M. [P] a été convoqué à un entretien préalable à une éventuelle mesure de licenciement.

M. [P] a été licencié par courrier du 6 avril 2018 pour inaptitude et refus injustifié du poste de reclassement proposé.

M. [P] a saisi le conseil de prud'hommes de Paris le 24 juillet 2018.

Par jugement du 16 mai 2019, le conseil de prud'hommes a :

Débouté M. [P] de l'ensemb1e de ses demandes ;

Débouté la société Stewil de sa demande d'article 700 du code de procédure civile ;

Condamné M. [P] aux dépens.

M. [P] a formé appel par acte du 05 juillet 2019.

La société Stewil a signifié des conclusions déposées au greffe le 7 janvier 2020.

Le conseiller de la mise en état a déclaré les conclusions de la société Stewil irrecevables, par ordonnance du 11 juin 2020. Cette décision a été déférée à la cour d'appel, qui a confirmé l'ordonnance du conseiller de la mise en état par arrêt du 18 mai 2021.

Par jugement du 02 juin 2021, la liquidation de la société Stewil a été ordonnée et la société FIDES, prise en la personne de Maître [Z], a été désignée liquidateur de la société.

M. [P] a mis en cause l'Unedic délégation AGS par acte du 28 septembre 2021 et le liquidateur de la société Stewil par acte du 28 octobre 2021.

La société FIDES, prise en la personne de Maître [Z], en sa qualité de liquidateur de la société Stewil a notifié des conclusions, déposées au greffe le 5 janvier 2022, dans lesquelles elle demande à la cour de :

Confirmer le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Paris le 16 mai 2019 ;

Débouter M. [P] de l'intégralité de ses demandes ;

Condamner M. [P] au paiement de la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, et aux entiers dépens.

Le 10 février 2022 le conseiller de la mise en état a dit les conclusions du liquidateur de la société Stewil recevables.

Par conclusions déposées au greffe et notifiées le 24 mars 2022, auxquelles la cour fait expressément référence, M. [P] demande à la cour de :

Infirmer dans toutes ses dispositions le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Paris en date du 16 mai 2019,

En conséquence,

De requalifier le licenciement pour inaptitude d'origine professionnelle en licenciement sans cause réelle et sérieuse,

En conséquence, d'inscrire au passif de la société Atelier Parisien Confection sous l'enseigne commerciale Stewil les créances salariales de M. [P] suivantes :

5 400 euros bruts, à titre d'indemnité compensatrice de préavis et 540 euros au titre des congés payés y afférents,

11 700 euros nets, à titre de rappel de l'indemnité spéciale de licenciement conformément de l'article L. 1226-14 du code du travail,

1 904,09 euros nets, à titre de rappel de salaire lié au maintien de salaire durant sa maladie professionnelle,

190,40 euros nets, au titre des congés payés y afférent,

29 700 euros nets à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

21 600 euros nets à titre de dommages et intérêts pour violation de l'obligation de reclassement,

5 000 euros nets à titre de dommages et intérêts pour violation de l'obligation de loyauté dans le contrat de travail,

3 000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile,

Ces sommes majorées des intérêts au taux légal à compter de la demande, subsidiairement à compter du jugement à intervenir,

Dire que les condamnations prononcées porteront intérêts au taux légal, à compter de la demande introductive d'instance.

Dire que les intérêts des capitaux échus pour une année entière, produiront eux-mêmes intérêts, conformément aux dispositions de l'article 1343-2 du code civil,

D'ordonner l'opposabilité de l'arrêt à intervenir aux AGS CGEA Ile de France Est.

L' AGS n'a pas constitué avocat.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 3 janvier 2023.

MOTIFS

Sur le licenciement pour inaptitude

L'article L. 1226-2 en sa version applicable à l'instance dispose que : 'Lorsque le salarié victime d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle est déclaré inapte par le médecin du travail, en application de l'article L. 4624-4, à reprendre l'emploi qu'il occupait précédemment, l'employeur lui propose un autre emploi approprié à ses capacités, au sein de l'entreprise ou des entreprises du groupe auquel elle appartient le cas échéant, situées sur le territoire national et dont l'organisation, les activités ou le lieu d'exploitation assurent la permutation de tout ou partie du personnel.

Cette proposition prend en compte, après avis des délégués du personnel, les conclusions écrites du médecin du travail et les indications qu'il formule sur les capacités du salarié à exercer l'une des tâches existant dans l'entreprise. Le médecin du travail formule également des indications sur l'aptitude du salarié à bénéficier d'une formation le préparant à occuper un poste adapté.

L'emploi proposé est aussi comparable que possible à l'emploi précédemment occupé, au besoin par la mise en oeuvre de mesures telles que mutations, aménagements, adaptations ou transformations de postes existants ou aménagement du temps de travail. '

L'article L. 1226-12 du code du travail dispose que : 'Lorsque l'employeur est dans l'impossibilité de proposer un autre emploi au salarié, il lui fait connaître par écrit les motifs qui s'opposent au reclassement.

L'employeur ne peut rompre le contrat de travail que s'il justifie soit de son impossibilité de proposer un emploi dans les conditions prévues à l'article L. 1226-10, soit du refus par le salarié de l'emploi proposé dans ces conditions, soit de la mention expresse dans l'avis du médecin du travail que tout maintien du salarié dans l'emploi serait gravement préjudiciable à sa santé ou que l'état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans l'emploi.

L'obligation de reclassement est réputée satisfaite lorsque l'employeur a proposé un emploi, dans les conditions prévues à l'article L. 1226-10, en prenant en compte l'avis et les indications du médecin du travail.

S'il prononce le licenciement, l'employeur respecte la procédure applicable au licenciement pour motif personnel prévue au chapitre II du titre III.'

M. [P] a été déclaré inapte à son poste de coupeur par avis du médecin du travail du 15 novembre 2017, qui a également indiqué qu'il serait apte à un poste sans travail avec les membres supérieurs surélevés au dessus du plan des épaules, sans travail de force avec les membres supérieurs, sans mouvement répétitif des épaules et des membres supérieurs, sans port de charge supérieure à 5kg et sans port de charge répété.

La société Stewil a ensuite eu des échanges avec le médecin du travail pour envisager un poste de reclassement. Ce praticien a émis un avis défavorable à un poste 'd'assistant' qui avait été envisagé par l'employeur, compte tenu des mouvements répétitifs du poste liés à la mise en sachet de vêtements.

La société Stewil a tenu compte de cet avis et a adressé à M. [P] une nouvelle proposition de reclassement à un poste d'assistant administratif, le 8 février 2018.

M. [P] a répondu le 12 février 2018 qu'il avait suivi une scolarité en Tunisie jusqu'à l'âge de 12 ans et a estimé ne pas être en mesure d'écrire le français ; le 14 février il a ajouté ne pas être en mesure de lire le français.

Le 26 février suivant la société Stewil lui a répondu avoir constaté de réels progrès et certaines capacités le concernant, ainsi qu'une aptitude à l'utilisation de logiciels de traitement de texte de base ; elle s'est engagée à lui donner la formation adéquate pour ce poste aménagé, attirant son attention sur l'absence d'autre poste disponible dans l'entreprise.

M. [P] a refusé cette proposition de reclassement le 27 février 2018.

Par courrier du 8 mars 2018, l'employeur a renouvelé sa proposition de reclassement, en supprimant de celle-ci certaines tâches que le salarié ne souhaitait pas exécuter : la gestion du courrier, le classement des documents administratifs et la préparation et l'impression des étiquettes. M. [P] l'a de nouveau refusée le 9 mars 2018.

Compte tenu de ce refus, la société Stewil a mis en oeuvre la procédure de licenciement.

Contrairement à ce que soutient le salarié, l'employeur n'était pas tenu de solliciter à nouveau le médecin du travail, dès lors que le poste proposé était compatible avec les préconisations que le médecin du travail avait mentionnées à l'avis d'inaptitude, qui ne nécessitait aucun des gestes concernés par celles-ci.

Comme le fait valoir l'intimée, de nombreux courriers ont été échangés entre les parties, M. [P] a reçu des informations et a exprimé son point de vue, ce qui démontre une certaine capacité de compréhension. L'appelant n'établit pas avoir été aidé pour leur rédaction et, compte tenu de ces éléments, la seule attestation de la précédente gérante de l'entreprise est insuffisante à justifier des difficultés qu'il invoque.

La société Stewil a proposé un premier poste, puis un second compatible avec les restrictions médicales, dont elle a ensuite accepté de réduire les tâches. Elle justifie qu'elle est une petite structure, de moins de onze salariés, d'autres postes n'étant pas disponibles dans l'entreprise.

L'employeur a respecté son obligation de reclassement en proposant un poste compatible avec les indications du médecin du travail, qui a été refusé par le salarié sans motif justifié, ce qui a motivé le licenciement.

Le licenciement est fondé par une cause réelle et sérieuse.

Le jugement qui a débouté M. [P] de ses demandes relatives à l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse à l'indemnité compensatrice de préavis et d'indemnité spéciale de licenciement sera confirmé de ces chefs.

Sur la violation de l'obligation de reclassement

M. [P] demande des dommages et intérêts pour violation de l'obligation de reclassement.

La société Stewil a respecté son obligation en adressant à M. [P] une proposition conforme aux prescriptions du médecin du travail, et en proposant de l'aménager.

La demande de dommages et intérêts doit être rejetée.

Le jugement sera confirmé de ce chef.

Sur la rappel de salaire

M. [P] forme une demande de rappel de salaire, faisant valoir que l'employeur n'a pas repris le versement du maintien du salaire tel que prévu par la convention collective, à hauteur de 90% du salaire pendant 90 jours et de 70% du salaire par la suite.

Le liquidateur de la société Stewil explique que le salarié n'a pas adressé les décomptes des indemnités journalières régulièrement à la caisse de sécurité sociale, voire même les arrêts de travail, et qu'un rattrapage a été effectué lorsque les éléments sont parvenus.

La convention collective prévoit le versement d'une indemnité journalière dont le montant, qui inclut les prestations brutes de la sécurité sociales, est égal à 70% du salaire de référence.

M. [P] formule des calculs de sommes sur la base de 70% de son salaire brut, en ne prenant en compte qu'une partie des sommes qui ont été versées par la caisse primaire d'assurance maladie au cours des mois concernés, de sorte que ses éléments de demande sont erronés.

L'intimée justifie quant à elle des versements qui ont été effectués par la garantie complémentaire souscrite au profit du salarié.

La demande formée par M. [P] doit en conséquence être rejetée.

Le jugement sera confirmé de ce chef.

Sur la mauvaise foi dans l'exécution du contrat de travail

M. [P] expose que l'employeur a été de mauvaise foi en prétendant que le refus du poste de reclassement proposé était abusif.

L'employeur a respecté son obligation de reclassement et le salarié ne justifiait pas d'un motif à son refus.

La demande de dommages et intérêts doit être rejetée

Le jugement sera confirmé de ce chef.

Sur les dépens et frais irrépétibles

M. [P] qui succombe supportera les dépens.

L'équité et la situation économique des parties justifient qu'aucune somme ne soit allouée sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour,

CONFIRME le jugement en toutes ses dispositions,

CONDAMNE M. [P] aux dépens,

DÉBOUTE les parties de leur demande sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 6
Numéro d'arrêt : 19/07782
Date de la décision : 12/04/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-04-12;19.07782 ?
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