Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE
délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 6 - Chambre 3
ARRET DU 12 AVRIL 2023
(n° , 6 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 20/01382 - N° Portalis 35L7-V-B7E-CBOVB
Décision déférée à la Cour : Jugement du 07 Novembre 2019 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS - RG n° 19/04002
APPELANT
Monsieur [L] [N]
chez Monsieur [M],
[Adresse 1]
[Localité 4]
Représenté par Me Julien BOUZERAND, avocat au barreau de PARIS, toque : P0570
INTIMEE
SAS PRO ONET
[Adresse 2]
[Localité 3]
Représentée par Me Isabelle CALVO PARDO, avocat au barreau de PARIS, toque : C0877
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 01 Février 2023, en audience publique, les avocats ne s'étant pas opposés à la composition non collégiale de la formation, devant Madame Fabienne ROUGE, Présidente, chargée du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :
Madame Fabienne ROUGE, présidente
Madame Anne MENARD, présidente
Madame Véronique MARMORAT, présidente
Greffier, lors des débats : Sarah SEBBAK, stagiaire en préaffectation sur poste
ARRÊT :
- Contradictoire
- mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile,
- signé par Madame Fabienne ROUGE, présidente et par Madame Sarah SEBBAK, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSE DU LITIGE
Monsieur [L] [N] a été engagé en qualité d'agent de service, pour une durée mensuelle de travail de 97 heures, moyennant une rémunération mensuelle de 925 euros bruts par mois par la SASU PRO'ONET par contrat oral à durée indéterminée en date du 3 novembre 2014.
À cette occasion, la société PRO'ONET formulait, pour le compte de son nouveau salarié, une demande d'autorisation de travail, permettant à Monsieur [N] de travailler légalement. Monsieur [N] obtenait un titre de séjour régulier.
Suivant avenant à durée indéterminée en date du 31 juillet 2017, le temps de travail de Monsieur [N] était porté à 151,67 heures mensuelles.
La moyenne de sa rémunération était d'un montant de 1 534,90 euros bruts.
La convention collective applicable était celle des entreprises de propreté et services associés du 26 juillet 2011.
Par courrier recommandé avec avis de réception en date du 9 novembre 2018, la société PRO'ONET lui notifiait son licenciement énonçant les motifs suivants :
« Par courrier recommandé , nous vous avons convoqué à un entretien préalable à un éventuel licenciement devant se tenir le 6 novembre 2018 et auquel vous ne vous êtes pas rendu , sans justifier de votre absence .
Nous sommes au regret de vous informer que nous avons décidé de procéder à votre licenciement pour faute grave. Nous vous rappelons les faits qui nous contraignent à prendre cette mesure :
Vos absences injustifiées depuis le 8 octobre 2018, perturbent gravement le fonctionnement de la société. Nos courriers du 10 octobre et 22 octobre 2018, par lesquels nous vous mettions en demeure de justifier de votre absence ou de réintégrer votre poste sont restés sans réponse.
Compte tenu de la gravité de votre faute et de ses conséquences, votre maintien dans l'entreprise s'avère impossible.
Votre licenciement prend donc effet immédiatement dés réception de cette lettre... »
Par Jugement en date du 7 novembre 2019, notifié aux parties le 15 janvier 2020, le Conseil de Prud'hommes de PARIS a débouté monsieur [L] [N] de l'ensemble de ses demandes et la SASU PRO ONET de ses demandes reconventionnelles.
Monsieur [N] en a interjeté appel.
Par conclusions récapitulatives déposées par RPVA, le 29 avril 2020 , auxquelles il convient de se reporter en ce qui concerne ses moyens, monsieur [N] demande à la cour d'infirmer le jugement , de déclarer discriminatoire son licenciement du 9 novembre 2018 et de condamner la SASU PRO'ONET à lui verser les sommes suivantes avec intérêts au taux légal et anatocisme :
- Indemnité de licenciement : 1 559,31 €
- Indemnité en raison d'une mesure discriminatoire : 9 355, 86 € ;
- Indemnité de préavis 3 118, 62 € ;
- Congés payés y afférant : 311,86 € ;
- dommages et intérêts pour le préjudice matériel lié à son licenciement : 9 355,86 €
- dommages et intérêts pour préjudice moral : 5 000 €
A titre subsidiaire :
- déclarer sans cause réelle et sérieuse son licenciement du 9 novembre 2018 ;
condamner la SASU PRO'ONET à lui verser les sommes de suivantes :
- Indemnité de licenciement : 1 559,31 € ;
- Indemnité de préavis 3 118, 62 €
- Congés payés y afférant : 311,86 € ;
- dommages-intérêts pour le préjudice matériel subi à raison de son licenciement :
En cas de non application des barèmes issus de l'ordonnance du 22 septembre 2017, la somme de 9 355,86 € ;
En cas de prise en compte des barèmes, la somme de 7 796,55 € ;
- dommages et intérêts pour préjudice moral : 5 000 €.
En tout état de cause :
condamner la SASU PRO'ONET à verser à monsieur [N] la somme de 3.600 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.
Par conclusions récapitulatives déposées par RPVA, le 15 juillet 2020, auxquelles il convient de se reporter en ce qui concerne ses moyens, la SASU PRO'ONET demande à la cour de confirmer le jugement en ce qu'il a débouté monsieur [L] [N] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions et de condamner monsieur [L] [N] à régler à la SASU PRO'ONET la somme de 2 000,00 euros au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile, ainsi qu'aux entiers dépens.
La Cour se réfère, pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des moyens et des prétentions des parties, à la décision déférée et aux dernières conclusions échangées en appel.
MOTIFS
Sur la discrimination
Par application de l'article L.1132-1 du code du travail, aucune personne ne peut être écartée d'une procédure de recrutement ou de l'accès à un stage ou à une période de formation, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, telle que définie par l'article 1er de la loi du 27 mai 2008, notamment en matière de rémunération, au sens de l'article L. 3221-3, de mesures d'intéressement ou de distribution d'actions, de formation, de reclassement, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat en raison de son origine, de son sexe, de ses m'urs, de son orientation sexuelle, de son âge, de sa situation de famille ou de sa grossesse, de ses caractéristiques génétiques, de son appartenance ou de sa non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation ou une race, de ses opinions politiques, de ses activités syndicales ou mutualistes, de ses convictions religieuses, de son apparence physique, de son nom de famille ou en raison de son état de santé ou de son handicap.
L'article L 1134 - 1 du code du travail prévoit qu'en cas de litige relatif à l'application de ce texte, le salarié concerné présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'une discrimination directe ou indirecte telle que définie par l'article 1er de la loi du 27 mai 2008; au vu de ces éléments, il incombe à l'employeur de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination.
Le juge forme sa conviction, après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.
Monsieur [N] soutient que son licenciement est fondé sur son état de santé , puisqu'il indique avoir informé son employeur de son arrêt maladie intervenu au Mali par courriers des 2 et 26 octobre 2018.
Il en conclut que son employeur était nécessairement informé de son arrêt maladie et qu'il a été licencié pour ce motif.
Il est établi que monsieur [N] avait déposé une demande de congés payés annuels pour la période du 3 septembre au 7 octobre 2018, qui avait été acceptée. Le 8 octobre 2018, monsieur [N] ne se présentait pas à son poste de travail.
Monsieur [N] justifie avoir posté les documents intitulés 'certificat d'arrêt de travail datés des 2 et 25 octobre , les 2 et 26 octobre 2018 " mais n'apporte aucune preuve de la date de réception de ses courriers par son employeur.
Celui-ci se fonde sur ce qu'il appelle un aveu judiciaire de la reconnaissance de l'employeur d'avoir reçu son courrier du 26 octobre pour soutenir que son licenciement est fondé sur son état de santé.
Il sera constaté qu'il interprète mal les termes suivants ' suite à notre précédent courrier recommandé dont nous avons reçu un accusé réception , nous n'avons toujours pas de justificatif de vos absences injustifiées depuis le 8 octobre 2018". L'employeur indique avoir reçu l'accusé réception de sa mise en demeure .
L'employeur reconnaît avoir reçu un des courriers de monsieur [N] mais plusieurs mois après le licenciement.
À défaut d'élément permettant d'établir tant le contenu du courrier que la date de réception par le destinataire, monsieur [N] ne prouve pas que la société PRO'ONET était informée, à la date du licenciement, de son état de santé.
La société quant à elle démontre que sa mise en demeure daté du 10 octobre 2018 a été signée le 15 octobre 2018 au vu de l'avis de réception qui lui est revenu.
Dés lors l'employeur démontre que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination.
Le jugement qui n'a pas retenu la discrimination sera confirmé et le salarié sera débouté de ses demandes fondées sur ce point.
Sur le licenciement pour faute grave
La faute grave est celle qui résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié qui constitue une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise et justifie son départ immédiat. L'employeur qui invoque la faute grave pour licencier doit en rapporter la preuve ;à défaut de faute grave, le licenciement pour motif disciplinaire doit reposer sur des faits précis et matériellement vérifiables présentant un caractère fautif réel et sérieux.
Monsieur [N] soutient que son employeur savait nécessairement qu'il se trouvait au Mali et dans l'incapacité de reprendre son travail pour des raisons médicales et de répondre à d'éventuels courriers adressés à son adresse en France.
L'employeur de Monsieur [N] indique ne pas avoir reçu son courrier du 2 octobre 2018, et n'avoir reçu le courrier du 26 octobre 2018 que plusieurs mois après son licenciement.
Il résulte des pièces versées aux débats que l'employeur lui a écrit par courrier recommandé avec avis de réception en date du 10 octobre 2018, le mettant en demeure de reprendre son poste, ce courrier a été signé le 15 octobre 2018.
L'employeur qui ignorait que le salarié avait autorisé son colocataire à prendre son courrier a légitimement pensé que monsieur [N] n'entendait pas répondre à cette mise en demeure.
En l'absence de réponse de son salarié, et compte tenu de son absence persistante, la société PRO'ONET convoquait monsieur [N] à un entretien préalable, suivant courrier recommandé avec avis de réception en date du 22 octobre 2018, dont le salarié accusait réception le 29 octobre 2018.
Au vu de ces deux envois recommandés signés, l'employeur qui n'avait ni explication, ni justificatif constatait l'absence du salarié à l'entretien du 6 novembre .
La Convention collective nationale des entreprises de propreté et services associés du 26 juillet 2011 stipule en son article 4.9.1, relatif aux absences pour maladie ou accident que:
« Le salarié doit informer le plus rapidement possible son employeur de son absence pour maladie ou accident et devra en justifier par certificat médical expédié dans les 3 jours, le cachet de la poste faisant foi, sauf situation imprévisible et insurmontable. »
Par courriers des 2 et 26 octobre 2018, Monsieur [N] a adressé à son employeur les certificats médicaux du docteur [B], afin de l'informer de son état de santé et transmettre un certificat d'arrêt de travail.
Dans ses conclusions de première instance, l'employeur de Monsieur [N] estimait ne pas avoir reçu son courrier du 2 octobre 2018 et n'avoir reçu le courrier du 26 octobre 2018 que plusieurs mois après son licenciement.
Les avis de réception signés sont versés aux débats. Il était évident que l'employeur était dans l'ignorance d'un quelconque arrêt maladie, et qu'il ne pouvait supposer une quelconque difficulté, aucun de ses courriers ne lui ayant été retourné.
De la même manière, un mois après la mesure de licenciement, et n'obtenant aucune nouvelle de Monsieur [N] malgré ses démarches, la société PRO'ONET lui a fait parvenir ses documents de fin de contrat par courrier recommandé avec avis de réception du 12 décembre 2018. Là encore, il lui a été accusé réception.
À titre subsidiaire, Monsieur [N] estime que la sanction prise par son employeur est disproportionnée, et qu'en tout état de cause, l'absence du salarié à son retour de congé ne constitue pas une faute grave puisque cette dernière ne résulte pas d'une volonté délibérée du salarié, puisqu'il était malade .
Il convient de se placer à la date du licenciement pour apprécier si celui-ci relève d'une cause réelle et sérieuse ou d'une faute grave .
Le Conseil de prud'hommes, a, à juste titre, constaté que pendant environ un mois , la société PRO'ONET n'a reçu aucune nouvelle ni aucune justification des absences de son salarié, alors même qu'elle avait reçu la confirmation de ce qu'il avait reçu les courriers recommandés qu'elle lui avait envoyés.
Compte tenu de la taille de la société qui occupe habituellement 6 salariés, tous embauchés pour effectuer des tâches précises en fonction des marchés obtenus par la société, et qui justifie avoir dû sous traiter le travail de monsieur [N] pendant son absence autorisée démontre ainsi que l'absence non connue de tout salarié provoque nécessairement une désorganisation de l'entreprise.
Le jugement sera confirmé.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant par arrêt contradictoire prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues par l'article 450 du code de procédure civile,
CONFIRME le jugement en toutes ses dispositions,
Vu l'article 700 du code de procédure civile
CONDAMNE monsieur [N] à payer à la société PRO ONET en cause d'appel la somme de 200 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
LAISSE les dépens à la charge de monsieur [N].
LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE