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14/04/2023 | FRANCE | N°18/02672

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 13, 14 avril 2023, 18/02672


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS







COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 13



ARRÊT DU 14 AVRIL 2023



(n° , 10 pages)





Numéro d'inscription au répertoire général : S N° RG 18/02672 - N° Portalis 35L7-V-B7C-B5DMA



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 06 décembre 2017 par le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de BOBIGNY RG n° N16-01997



APPELANT

Monsieur [H] [X]

[Adresse 4]

[Localité 7]

comparant

en personne, assisté de Me Anne-Sophie DERÔME, avocat au barreau de PARIS, toque : B0638

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2020/47353 du 28/01/2021 accordée par le bureau d'a...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 13

ARRÊT DU 14 AVRIL 2023

(n° , 10 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S N° RG 18/02672 - N° Portalis 35L7-V-B7C-B5DMA

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 06 décembre 2017 par le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de BOBIGNY RG n° N16-01997

APPELANT

Monsieur [H] [X]

[Adresse 4]

[Localité 7]

comparant en personne, assisté de Me Anne-Sophie DERÔME, avocat au barreau de PARIS, toque : B0638

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2020/47353 du 28/01/2021 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de PARIS)

INTIMEES

SASU [11]

[Adresse 2]

[Localité 6]

représentée par Me Valéry ABDOU, avocat au barreau de LYON, toque : 2 substituée par Me Julie DELATTRE, avocat au barreau de PARIS, toque : D1946

SAS [9]

[Adresse 8]

[Localité 3]

représentée par Me Ralph BOUSSIER, avocat au barreau de PARIS, toque : P0141 substitué par Me Capucine POTIER, avocat au barreau de PARIS, toque : P0141

CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE

[Adresse 1]

[Localité 5]

représentée par Me Florence KATO, avocat au barreau de PARIS, toque : D1901 substituée par Me Amy TABOURE, avocat au barreau de PARIS, toque : D1901

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 09 janvier 2023, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Monsieur Gilles REVELLES, Conseiller, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Laurence LE QUELLEC, Présidente de chambre

Monsieur Gilles REVELLES, Conseiller

Madame Natacha PINOY, Conseillère

Greffier : Madame Alice BLOYET, lors des débats

ARRET :

- CONTRADICTOIRE

- prononcé

par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, initialement prévu au 03 mars 2023 et prorogé au 07 avril 2023, puis au 14 avil 2023, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

-signé par Madame Laurence LE QUELLEC, Présidente de chambre et par Madame Fatma DEVECI, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

La cour statue sur l'appel interjeté par [H] [X] (l'assuré) d'un jugement rendu le 6 décembre 2017 par le tribunal des affaires de sécurité sociale de Bobigny dans un litige l'opposant à la S.A.S. [10] (l'employeur) et la S.A.S.U. [12] (la société utilisatrice), en présence de la caisse primaire d'assurance maladie de la Seine-Saint-Denis (la caisse).

FAITS, PROCÉDURE, PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES :

Les faits ont été exposés dans l'arrêt rendu le 3 septembre 2021 par la cour d'appel de Paris auquel il est renvoyé.

Il sera simplement rappelé que l'assuré, titulaire d'un contrat de travail intérimaire conclu avec la société employeur, missionné par cette dernière auprès de la société utilisatrice en qualité d'électricien ouvrier, a été victime le 27 août 2013 d'un accident qui a été pris en charge au titre de la législation sur les risques professionnels par la caisse le 13 septembre 2013. L'état de santé de l'assuré a été déclaré consolidé au 6 février 2015 avec un taux d'IPP de 12 %. L'assuré a saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale de Bobigny aux fins de faire reconnaître la faute inexcusable de son employeur dans la survenance de cet accident du travail.

Par jugement du 6 décembre 2017, le tribunal a :

- dit que l'employeur n'avait pas commis de faute inexcusable à l'origine de l'accident subi par l'assuré ;

- débouté l'assuré ;

- rejeté toutes conclusions plus amples ou contraires ;

- dit n'y avoir lieu à l'application de l'article 700 du code de procédure civile.

L'assuré a interjeté appel de ce jugement le 14 février 2018 et sur cet appel, par arrêt du 3 septembre 2021, la cour d'appel de Paris a :

- infirmé le jugement du tribunal des affaires de sécurité sociale de Bobigny du 6 décembre 2017 en toutes ses dispositions ;

Statuant à nouveau,

- jugé que l'accident du travail subi le 27 août 2013 par l'assuré a pour origine la faute inexcusable de l'entreprise utilisatrice ;

- fixé au maximum prévu par la loi la majoration de la rente allouée à l'assuré ;

- ordonné une expertise médicale judiciaire confiée au docteur [U] [V] dont elle a développé la mission ;

- ordonné la consignation par la caisse auprès du régisseur de la cour dans les 60 jours de la notification de l'arrêt de la somme de 1 200 euros à valoir sur la rémunération de l'expert ;

- alloué à l'assuré une provision de 1 500 euros à valoir sur son indemnisation ;

- dit que la caisse devra verser directement la majoration de la rente ainsi que l'indemnité provisionnelle accordée ;

- dit que la caisse pourra recouvrer le montant des majoration, provision et indemnisations à venir, accordées à l'assuré à l'encontre de l'employeur et condamné ce dernier à ce titre, ainsi qu'au remboursement du coût de l'expertise ;

- condamné la société utilisatrice à rembourser à l'employeur le montant des indemnisations allouées sur le fondement de l'article L. 452-3 du code de la sécurité sociale, ainsi qu'au titre des éventuels préjudices personnels non couverts par le Livre IV du même code, et l'intégralité de la rente majorée ;

- condamné la société utilisatrice à payer à l'assuré la somme de 2 000 euros au titre des frais irrépétibles ;

- condamné la société utilisatrice aux dépens ;

- renvoyé l'affaire à l'audience de la chambre 6.13 du 4 avril 2022 ;

- dit que la notification de sa décision vaudra convocation régulière des parties à cette audience.

L'expert a déposé son rapport le 11 mars 2022.

Par ses conclusions écrites après expertise, soutenues oralement et déposées à l'audience par son conseil, l'assuré demande à la cour, au visa des articles L. 452-3 du code de la sécurité sociale, 1382 ancien et 1240 du code civil et 700 du code de procédure civile, de :

- le recevoir en ses demandes, fins et conclusions et l'en déclarer bien fondé ;

- fixer le montant des indemnisations qui lui seront allouées à la somme de 72 740 euros se décomposant ainsi :

1. préjudice d'assistance par tierce personne : 5 460 euros ;

2. préjudice résultant du déficit fonctionnel temporaire : 4 280,10 euros ;

3. préjudice résultant des souffrances endurées : 15 000 euros ;

4. préjudice d'agrément de la vie : 15 000 euros ;

a. subsidiairement cette somme sera ajoutée au préjudice moral ;

5. préjudice esthétique : 6 000 euros ;

6. préjudice sexuel : 7 000 euros ;

7. préjudice lié à la réduction d'autonomie (réserver) ;

8. préjudice lié à la perte d'une chance de promotion professionnelle et de promotion sociale : 20 000 euros ;

- condamner l'employeur, la société utilisatrice et la caisse in solidum au paiement de ces sommes ;

- rappeler que ces sommes seront réglées directement par la caisse à l'assuré et en tant que de besoin l'y condamner ;

- fixer les frais irrépétibles d'appel complémentaires qui auraient été exposés si l'appelant n'avait pas bénéficié de l'aide juridictionnelle à la somme de 9 000 euros ;

- subsidiairement, fixer les frais irrépétibles d'appel à une somme qui ne peut être inférieure à la part contributive de l'État, majoré de 50% (arrêt du 21 septembre 2021 + expertise + présente instance) ;

- condamner la société utilisatrice, l'employeur et la caisse in solidum à verser ce montant dû au titre des frais irrépétibles à maître [G] [W] [Adresse 14] ;

- les condamner in solidum à verser au titre des frais irrépétibles exposés par l'assuré en première instance la somme de 2 000 euros ;

- condamner la société utilisatrice et l'employeur in solidum aux entiers dépens, y compris de première instance, dont distraction au profit de maître Derôme ;

- dire que les condamnations porteront intérêt au taux d'intérêt légal à compter de la date de saisine du tribunal des affaires de sécurité sociale, avec capitalisation.

Par ses conclusions écrites après expertise, soutenues oralement et déposées à l'audience par son conseil, l'employeur demande à la cour de :

- le recevoir en ses conclusions et l'y dire bien-fondé ;

- ramener l'indemnisation de l'assuré à de plus justes proportions et dans les termes des présentes écritures et selon le détail ci-après :

* assistance par tierce personne : 3 822 €

* déficit fonctionnel temporaire : 2 983,10 €

* souffrances endurées : 9 000 €

* préjudice esthétique temporaire : 2 000 €

* préjudice esthétique permanent : 500 €

- débouter l'assuré de ses demandes formulées au titre des préjudices suivants non justifiés :

* préjudice d'agrément,

* préjudice sexuel,

* frais d'aménagement du logement,

* perte de chance de promotion professionnelle ;

- déduire la provision déjà versée ;

- débouter l'assuré de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile ou à tout le moins la réduire à de plus justes proportions ;

- condamner la société utilisatrice à le relever et garantir des conséquences financières résultant de l'action de l'assuré tant en principal, frais et intérêts, qu'au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Par ses conclusions écrites après expertise, soutenues oralement et déposées à l'audience par son conseil, la société utilisatrice demande à la cour de :

- limiter l'indemnisation au titre de l'assistance tierce personne à 3 822 € ;

- limiter l'indemnisation au titre du déficit fonctionnel temporaire total et partiel à 2 983,10 € ;

- limiter l'indemnisation au titre des souffrances endurées à 9 000 € ;

- limiter l'indemnisation au titre des préjudices esthétiques temporaires à 2 000 € ;

- limiter l'indemnisation au titre du préjudice esthétique permanent à 500 € ;

- rejeter la demande formulée au titre du préjudice d'agrément et subsidiairement, le limiter à hauteur de 1 000 € ;

- rejeter la demande formulée au titre du préjudice sexuel ;

- débouter le requérant de la demande formulée au titre des frais d'aménagement du logement ;

- rejeter la demande formulée au titre de la perte de chance de promotion professionnelle ;

- limiter à 1 500 € la somme accordée au titre de l'article 700 ;

- débouter l'assuré de la demande formulée au titre de l'annulation de la décision du tribunal le déboutant de la demande formulée au titre de l'article 700 ;

- limiter la condamnation aux dépens à la seule procédure d'appel.

Par ses conclusions écrites après expertise, soutenues oralement et déposées à l'audience par son conseil, la caisse demande à la cour, au visa des articles L. 452-4 et L. 452-1 et suivants du code de la sécurité sociale, de :

- débouter l'assuré de ses demandes d'indemnisation au titre du préjudice d'agrément et de la perte de chance professionnelle ;

- lui donner acte de ce qu'elle s'en rapporte à la sagesse de la cour quant à l'indemnisation des souffrances endurées ;

- limiter l'indemnisation du déficit fonctionnel temporaire à la somme de 2 979,65 € ;

- limiter l'indemnisation de la tierce personne temporaire à la somme de 4 329,60 € ;

- rappeler qu'elle avancera les sommes éventuellement allouées à l'assuré dont elle récupérera le montant sur l'employeur, en ce compris les frais d'expertise ;

- débouter l'assuré de sa demande de condamnation de la caisse au paiement d'un article 700 et aux dépens ;

- condamner tout succombant aux entiers dépens.

Oralement la caisse fait valoir qu'il y a une erreur sur la date de consolidation dans le rapport d'expertise, laquelle est intervenue le 6 février 2015.

Il est fait référence, pour un exposé complet des moyens et arguments des parties, aux écritures déposées à l'audience du 9 janvier 2023.

SUR CE :

Le rapport d'expertise complémentaire a été déposé le 11 mars 2022 au greffe de la cour.

Il ressort de ce rapport que l'assuré a été victime d'une chute d'un échafaudage dans le cadre d'un accident du travail le 27 août 2013. Il a présenté une fracture de la vertèbre cervicale C6 et a été opéré le jour même d'une arthrodèse C6-C7. Les suites ont été simples et il a été hospitalisé jusqu'au 2 septembre 2013. Il a gardé un collier cervical en mousse pendant 45 jours, puis a commencé des séances de rééducation à partir du 27 novembre 2013. L'évolution a été marquée par des répercussions psychologiques nécessitant une prise en charge avec une psychologue. Sur le plan orthopédique, il a eu un suivi régulier jusqu'au 11 septembre 2014. Son état a été considéré comme consolidé le 6 février 2015 (conformément aux pièces versées, l'expert ayant retenu à tort le 7 février 2015) avec une IPP de 12 %. Il a été déclaré inapte à son poste de travail par la médecine du travail, le 30 septembre 2015. Il est né le 7 août 1980. Il est marié et père de 3 enfants (respectivement âgés de 11, 6 et 2 ans au moment de l'accident). Il mesure 1m76 et pèse 111 kilos le jour de l'expertise.

- Sur les postes de préjudice :

L'article L. 452-3 du code de la sécurité sociale dispose qu'indépendamment de la majoration de rente qu'elle reçoit en vertu de l'article précédent, la victime a le droit de demander à l'employeur devant la juridiction de sécurité sociale la réparation du préjudice causé par les souffrances physiques et morales par elle endurées, de ses préjudices esthétiques et d'agrément ainsi que celle du préjudice résultant de la perte ou de la diminution de ses possibilités de promotion professionnelle.

- Sur l'indemnisation des souffrances morales et physiques endurées :

L'assuré sollicite de ce chef la somme de 15 000 euros en se fondant sur l'avis de l'expert qui évalue le préjudice à 3,5/7. Il ajoute que malgré les antalgiques et antidouleurs à hautes doses il a été longtemps sans bouger et que ces médicaments ont créé une dépendance et une accoutumance et a dû suivre une cure de désintoxication (électrodes et patchs). Il fait valoir qu'avant l'accident il pesait une centaine de kilos tout en muscle et qu'aujourd'hui, il pèse 115 kilos sans tonicité ni muscle. Il s'appuie également sur le choc initial (chute de presque deux mètres sur un sol dur), l'hospitalisation, les douleurs post fracturaires, le port de la minerve, la longueur de la rééducation (70 séances) en dehors de celle effectuée à l'hôpital, la nécessité d'un suivi kinésithérapeutique, la permanence de la douleur, l'angoisse du mouvement, la prise de graisse, les cauchemars, un probable syndrome dépressif réactionnel, un suivi par un psychologue qui ont fortement aggravé le préjudice des douleurs ressenties.

L'employeur et l'entreprise utilisatrice proposent le versement d'une somme qui ne saurait excéder 9 000 euros en faisant valoir que la demande de l'assuré est disproportionnée au regard des sommes habituellement allouées pour un préjudice évalué à 3,5/7, soit entre 4 000 et 8 000 euros pour 3/7 et entre 8 000 et 20 000 euros pour 4/7. L'entreprise utilisatrice observe que la prise de poids n'est pas démontrée.

La caisse s'en rapporte sur cette indemnisation.

Les souffrances physiques et morales non indemnisées au titre du déficit fonctionnel permanent sont réparables en application de l'article L. 452-3 du code de la sécurité sociale.

En l'espèce, l'expert dans son rapport a fixé à 3,5/7 l'importance des souffrances endurées compte tenu du fait accidentel, de la fracture de C6, de l'hospitalisation, de l'intervention chirurgicale, du port du collier cervical, des séances de rééducation et des répercussions psychologiques.

Eu égard aux faits de l'espèce, de la gravité des lésions, de la durée des hospitalisations, la nature de l'intervention chirurgicale et des longues périodes de rééducation avant la consolidation, il y a lieu d'accorder à l'assuré la somme de 10 000 euros à titre de réparation de ce préjudice.

- Sur l'indemnisation du préjudice esthétique temporaire et définitif :

L'assuré sollicite l'indemnisation de ce chef de préjudice à hauteur de 6 000 euros. L'employeur et la société utilisatrice proposent 2 500 euros, et la caisse demande de le ramener à de plus justes proportions.

L'expert dans son rapport a retenu un préjudice esthétique temporaire de 2,5/7, en tenant compte du port du collier cervical. Il a également retenu un préjudice esthétique permanent de 0,5/7 en tenant compte de la cicatrice d'intervention (5 cm de long sur 1 mm d'épaisseur « à la limite de la visibilité »). L'expert a mentionné la doléance de l'assuré qui évoque une prise de poids importante mais ne lui a pas fait connaître son poids avant les faits en cause.

Il y a lieu en conséquence d'allouer à l'assuré à titre de réparation de ce préjudice les sommes de 2 000 euros pour le préjudice temporaire et de 500 euros pour le préjudice permanent.

- Sur l'indemnisation du déficit fonctionnel temporaire :

Aux termes du rapport d'expertise il apparaît que l'assuré a subi cinq périodes de déficit fonctionnel temporaire :

1 - déficit fonctionnel temporaire de 100 % pendant 6 jours du 27/08/2013 au 02/09/2013 ;

2 - déficit fonctionnel temporaire de 40 % pendant 44 jours du 03/09/2013 au 17/10/2013 ;

3 - déficit fonctionnel temporaire de 30 % pendant 43 jours du 18/10/2013 au 30/11/2013 ;

4- déficit fonctionnel temporaire de 25 % pendant 284 jours du 01/12/2013 au 11/09/2014 ;

5- déficit fonctionnel temporaire de 15 % pendant 147 jours du 12/09/2014 au 06/02/2015.

L'assuré a été déclaré consolidé à la date du 6 février 2015.

Il sollicite à titre de réparation de ce préjudice la somme de 4 280,10 euros sur la base de 33 euros par jour.

L'employeur et la société utilisatrice proposent la somme de 2 983,10 euros sur la base des pourcentages retenus par le médecin-expert et d'un forfait journalier de 23 euros par jour. La caisse propose les mêmes bases que l'employeur et la société utilisatrice mais fait état d'une somme de 2 979, 65 euros.

Au regard des éléments du dossier et du rapport d'expertise, il y a lieu de retenir les périodes et les pourcentages retenus par le médecin-expert ainsi qu'une base forfaitaire de 25 euros par jour et d'allouer en conséquence à l'assuré la somme de :

(25 € x 100% x 6 jours = 150 €) + (25 € x 40% x 44 jours = 440 €) + (25 € x 30% x 43 jours = 322,50 €) + (25 € x 25% x 284 jours = 17 775 €) + (25 € x 15% x 147 jours = 551,25 €) = 3 238,75 euros à titre de réparation intégrale de ce chef de préjudice.

- Sur l'assistance temporaire par une tierce personne :

L'expert dans son rapport a retenu une aide par tierce personne de 1 heure 30 par jour du 3 septembre au 17 octobre 2013, soit 44 jours, de 1 heure par jour du 18 octobre au 30 novembre 2013, soit 43 jours, et de 4 heures par semaine du 1er décembre 2013 au 11 septembre 2014, soit 40,4 semaines portées à 41 semaines.

L'assuré sollicite la réparation de ce préjudice en se fondant sur le rapport d'expertise, sur la base d'un taux horaire de 20 euros, portant le montant total d'indemnisation à 5 460 euros.

L'employeur et l'entreprise utilisatrice demandent que ce poste soit évalué sur la base d'un taux de 14 euros de l'heure conformément aux préconisations de l'expert. Elles demandent ainsi que l'indemnisation de ce préjudice soit évaluée à 3 822 euros.

La caisse demande de la même manière que le taux horaire soit fixé à 16 euros selon la jurisprudence habituelle et que la cour suive les préconisations de l'expert quant à l'estimation des besoins d'assistance en maintenant le nombre de semaine à 40,4.

La gravité et la nature du handicap de l'assuré nécessitent un soin particulier qui justifie de retenir un taux horaire de 18 euros par jour et d'allouer en conséquence à l'assuré, sur la base des périodes retenues par le médecin-expert, les sommes suivantes :

Au titre des périodes du 03/09/2013 au 17/10/2013, à raison de 1 heure 30 par jour : 44 jours x 1,5 heure x 18 € = 1 188 euros ;

Au titre de la période du 18/10/2013 au 30/11/2013, à raison de 1 heure par jour : 43 jours x 1 heure x 18 € = 774 euros.

Au titre de la période du 01/12/2013 au 11/09/2014, à raison de 4 heures par semaine : 41 semaines x 4 heures x 18 € = 2 952 euros.

Soit la somme totale de 4 914 euros à titre de réparation intégrale de ce préjudice.

- Sur l'indemnisation du préjudice sexuel :

Ce préjudice recouvre trois aspects pouvant être altérés séparément ou cumulativement, partiellement ou totalement : l'aspect morphologique lié à l'atteinte aux organes sexuels, le préjudice lié à l'acte sexuel (libido, perte de capacité physique, frigidité), et la fertilité (fonction de reproduction), comme l'a jugé la Cour de cassation (Civ. 2, 17 juin 2010, n° 09-15.842).

En l'espèce, l'assuré sollicite le paiement de la somme de 7 000 euros en réparation de ce préjudice qu'il considère comme établi au regard du rapport d'expertise judiciaire qui relève « une baisse de la libido ». Il fait valoir que cette baisse de libido s'explique par la douleur sous-jacente qui lui fait perdre sa confiance, à la prise d'antalgique et la honte physique liée « à la prise de poids et de graisse ». Il ajoute que ce manque d'appétence sexuelle a eu des répercussions sur le choix de vie de famille et qu'il n'aura jamais le quatrième enfant qu'il désirait avec son épouse avant l'accident.

La caisse sollicite que la demande d'indemnisation soit ramenée à de plus justes proportions.

L'employeur et la société utilisatrice s'opposent à cette demande dont ils sollicitent que l'assuré soit débouté au motif que l'accident n'a pas eu pour conséquence une impossibilité mécanique à la procréation et que l'expert n'a fait que reprendre les dires de l'assuré relativement à sa sexualité et sa baisse de libido.

Il y a lieu cependant de rappeler que le préjudice sexuel ne se limite pas à la seule fertilité de la victime et que l'expert dans son rapport a relevé l'existence d'un préjudice sexuel en raison d'une baisse de libido.

Dans ces conditions, au regard de l'âge de l'assuré, de sa situation familiale et de la nature de son handicap, il y a lieu de lui allouer la somme de 3 500 euros à titre de réparation intégrale de ce préjudice.

- Sur l'indemnisation du préjudice d'agrément :

Le préjudice d'agrément se limite à l'impossibilité pour la victime de continuer de pratiquer régulièrement une activité spécifique sportive ou de loisirs et inclut la limitation de la pratique antérieure.

L'assuré sollicite la somme de 15 000 euros en réparation de ce préjudice en invoquant sa pratique du football et la détérioration de sa vie avec ses enfants dont il ne peut plus s'occuper comme auparavant. À titre subsidiaire, l'assuré demande que ce préjudice soit indemnisé au titre du préjudice moral, lequel serait porté à 30 000 euros.

L'employeur et la caisse s'y opposent, en l'absence de justificatif produit par l'assuré et au regard de la nature du préjudice invoqué. La société utilisatrice s'y oppose également et propose à titre subsidiaire 1 000 euros au titre du préjudice d'agrément.

En l'espèce, l'assuré ne produit aucune pièce justificative de nature à établir la réalité d'une pratique régulière et réelle d'une activité sportive avant l'accident et il convient en conséquence de le débouter de cette demande.

- Sur la perte de chance de promotion professionnelle :

L'assuré demande à être indemnisé de ce chef de préjudice par le paiement de la somme de 20 000 euros en faisant valoir qu'à la date à laquelle il a dû cesser son activité, il n'était âgé que de 33 ans. Il souligne qu'il travaillait en intérim en qualité d'électricien de formation. Il était à l'échelon 0 et ne pouvait que progresser. Il a été arrêté dans son ascension. L'impossibilité de continuer dans cette voie le prive nécessairement de toute perspective d'avancement. Le 30 septembre 2015, il a été déclaré inapte par la médecine du travail à son travail d'électricien mais apte à tout poste de travail ne comportant ni station debout prolongée ni manutention manuelle, ni travail en hauteur ni posture pénible. La MDPH lui a attribué une carte de priorité. Il ajoute qu'il a tenté de se reconvertir et a suivi une formation de gestion de paie mais n'a pas trouvé d'emploi et ne pouvait, en tout état de cause, pas rester assis longtemps à un poste de travail. De plus, les médicaments dont il a besoin ne sont pas compatibles avec une concentration et des horaires de travail continus. Il a dû contracter un emprunt pour acquérir un véhicule et suivre une formation comme VTC. Toutefois, il ne peut pas rester assis longtemps au volant et les endormissements liés aux médicaments sont incompatibles avec la conduite. Il est donc limité dans ses choix professionnels et il subira une pénibilité et une dévalorisation sur le marché du travail.

L'employeur, la société utilisatrice et la caisse s'opposent à cette demande en rappelant en substance que les préjudices invoqués entrent dans la rente déjà majorée et que selon la jurisprudence de la Cour de cassation, il appartient à la victime de démontrer la réalité et le sérieux de la chance perdue en établissant que la survenance de l'événement dont elle a été privée était certaine avant la survenance de l'accident. Ils soulignent que l'assuré n'avait aucune qualification et ne prévoyait aucune formation qualifiante ou professionnelle qui aurait été interrompue du fait de l'accident.

Il résulte en effet des éléments invoqués par l'assuré qu'il ne forme qu'une constatation de la pénibilité accrue au travail et de la dévalorisation sur le marché du travail mais qu'il n'établit pas la perte d'une chance certaine de promotion professionnelle dont il aurait été privé du fait de l'accident.

Il en résulte que sa demande d'indemnité au titre de la perte de chance promotionnelle n'est pas fondée. Il en sera débouté.

- Sur les frais d'aménagement du logement, véhicule et tierce personne à venir :

L'assuré invoque ces préjudices au titre d'une « réduction d'autonomie » pour en réserver sa demande.

Aucune demande chiffrée n'étant évoquée pas plus que l'existence d'un préjudice actuel et certain, il y a lieu de rappeler que les réserves sont de droit.

- Sur le règlement des sommes allouées à l'assuré :

Les sommes qui seront versées à l'assuré tiendront compte de la provision déjà versée.

La réparation des préjudices est versée directement à l'assuré par la caisse qui en récupère le montant auprès de l'employeur, provision et frais d'expertise compris. Il n'y a pas lieu de condamner « en tant que de besoin » la caisse à payer ces sommes, la cour ayant déjà dit que la caisse versera les indemnisations à l'assuré et les récupérera sur l'employeur.

- Sur les rapports entre l'employeur et la société utilisatrice :

Il est rappelé que dans son arrêt du 3 septembre 2021, cette cour n'a retenu aucune faute de l'employeur et a jugé que les circonstances de l'accident démontraient que celui-ci procédait des seuls manquements de l'entreprise utilisatrice. La cour a condamné en conséquence l'entreprise utilisatrice à rembourser à l'employeur l'intégralité des indemnisations allouées à l'assuré, y compris la rente majorée.

- Sur les demandes accessoires :

Les demandes de l'assuré au titre des dépens et de l'article 700 du code de procédure civile formées in solidum à l'encontre de la caisse ne sont pas recevables, la caisse n'étant pas liée à l'employeur et la société utilisatrice dans la faute qui a été recherchée à leur encontre.

L'employeur sera condamné aux dépens.

La procédure devant les juridictions de sécurité sociale étant sans représentation obligatoire, aucune distraction ne peut être prononcée.

Il apparaît équitable d'octroyer à Maître [G] [W] la somme de 3 000 euros en application de l'article 700.2° du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles. L'employeur sera condamné à verser la somme fixée au titre des frais irrépétibles.

Le jugement ayant été infirmé en toutes ses dispositions, la cour a déjà alloué la somme de 2 000 euros au titre des frais irrépétibles dans son arrêt du 21 septembre 2021.

La société utilisatrice sera condamnée à garantir l'employeur de ces deux dernières condamnations.

PAR CES MOTIFS :

LA COUR,

FIXE l'indemnisation des préjudices personnels subis par [H] [X] du fait de la faute inexcusable de la société S.A.S. [10], en qualité d'employeur, commise par la S.A.S. [13], en sa qualité de société utilisatrice, à :

- 10 000 euros au titre des souffrances endurées ;

- 2 000 euros au titre du préjudice esthétique temporaire ;

- 500 euros au titre du préjudice esthétique permanent ;

- 3 238,75 euros au titre du déficit fonctionnel temporaire ;

- 4 914 euros au titre de l'assistance temporaire par une tierce personne ;

- 3 500 euros au titre du préjudice sexuel ;

RAPPELLE qu'il convient de déduire la somme de 1 500 euros déjà allouée à [H] [X] à titre de provision ;

RAPPELLE que ces sommes seront avancées par la caisse primaire d'assurance maladie de la Seine-Saint-Denis qui en récupérera le montant auprès de la société S.A.S. [10], en sa qualité d'employeur, en application des dispositions de l'article L. 452-3 du code de la sécurité sociale, y compris les frais d'expertise ;

RAPPELLE que la société S.A.S. [10], en sa qualité d'employeur, sera intégralement garantie par la S.A.S. [13], en sa qualité de société utilisatrice, seule responsable de la faute inexcusable de l'employeur ;

DIT que ces sommes produiront intérêts au taux légal à compter du présent arrêt avec capitalisation des intérêts dus pour une année entière ;

DÉBOUTE [H] [X] de ses demandes au titre du préjudice d'agrément et de la perte de chance de promotion professionnelle ;

RAPPELLE que les réserves sont de droit ;

REJETTE les demandes de condamnations in solidum dirigées à l'encontre de la C.P.A.M. de la Seine-Saint-Denis ;

CONDAMNE la société S.A.S. [10], en sa qualité d'employeur, à payer à Maître [G] [W] la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700.2° du code de procédure civile ;

DIT n'y avoir lieu à condamnation au profit de [H] [X] au titre des frais irrépétibles de première instance ;

CONDAMNE la société S.A.S. [10] aux dépens d'appel ;

DIT que la société S.A.S. [10], en sa qualité d'employeur, sera intégralement garantie par la S.A.S. [13], en sa qualité de société utilisatrice, des condamnations aux dépens et au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

La greffière La présidente


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 13
Numéro d'arrêt : 18/02672
Date de la décision : 14/04/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-04-14;18.02672 ?
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