Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE
délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 6 - Chambre 6
ARRET DU 10 MAI 2023
(n° 2023/ , 7 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 19/12300 - N° Portalis 35L7-V-B7D-CBD7Q
Décision déférée à la Cour : Jugement du 19 Novembre 2019 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS - RG n° F19/02311
APPELANTE
SNC HOTELIERE DE MONTPARNASSE
[Adresse 1]
[Adresse 1]
Représentée par Me Marie-Catherine VIGNES, avocat au barreau de PARIS, toque : L0010
INTIMÉES
Madame [L] [E]
[Adresse 2]
[Adresse 2]
SYNDICAT CGT PULLMAN [Localité 3]
[Adresse 1]
[Adresse 1]
Représentés par Me Thomas FORMOND, avocat au barreau de PARIS, toque : C2615
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 06 mars 2023, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Monsieur Christophe BACONNIER, Président de chambre, chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Monsieur Christophe BACONNIER, Président de chambre
Madame Nadège BOSSARD, Conseillère
Monsieur Stéphane THERME, Conseiller
Greffier : Madame Julie CORFMAT, lors des débats
ARRÊT :
- contradictoire,
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile,
- signé par Monsieur Christophe BACONNIER, Président de chambre et par Madame Julie CORFMAT, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
RAPPEL DES FAITS, PROCEDURE ET MOYENS DES PARTIES
La société Hôtelière de Montparnasse a employé Mme [L] [E], par contrat de travail à durée déterminée à compter du 19 septembre 2005 en qualité de femme de chambre puis par contrat à durée indéterminée à partir du 15 avril 2008.
Les relations contractuelles entre les parties étaient soumises à la convention collective nationale des hôtels, cafés et restaurants.
Mme [E] a saisi le 15 juillet 2015 le conseil de prud'hommes de Paris pour former les demandes suivantes :
« Reconnaissance ancienneté au 19 septembre 2005
- Rappel de salaires (prime d'ancienneté) : 2.780,64 €
- Congés payés afférents : 270,86 €
- Complément indemnité de licenciement : 2.756,94 €
- Complément indemnité de départ volontaire : 5.233,16 €
- Article 700 du Code de Procédure Civile : 1.500,00 €
- Intérêts au taux légal
- Dépens
- Exécution provisoire article 515 C.P.C. »
Le syndicat CGT Pullman [Localité 3] est intervenu dans l'instance et a demandé des dommages et intérêts pour l'atteinte portée à l'intérêt collectif de la profession.
Courant 2017, la société Hôtelière de Montparnasse a mis en place un plan de départ volontaire auquel Mme [E] a adhéré. Elle est sortie des effectifs de l'entreprise le 15 mai 2017.
Par jugement du 19 novembre 2019, auquel la cour se réfère pour l'exposé de la procédure antérieure et des prétentions initiales des parties, le conseil de prud'hommes a rendu la décision suivante :
« Condamne la société HOTELIERE DE MONTPARNASSE à payer à Madame [L] [E] les sommes suivantes:
- 2.780,64 € à titre de rappel de salaire au titre de la prime d'ancienneté,
- 278,06 € à titre de CP afférents,
- 2.759,94 € à titre de complément d'indemnité de licenciement,
- 5.233,16 € à titre de complément d'indemnité de départ volontaire,
- 500 € au titre de l'article 700 du CPC.
Condamne la société HOTELIERE DE MONTPARNASSE à payer au syndicat CGT PULLMAN MONTPARNASSE les sommes suivantes :
- 500 € à titre de dommages-intérêt pour atteinte aux intérêts de la profession ;
- 500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
Rappelle que les sommes ayant la nature de salaire produisent intérêts à compter de la saisine de la juridiction prud'homale ;
Dit que les sommes ayant la nature de dommages-intérêts seront assorties du taux légal à compter du jour du jugement et que les intérêts échus, dus au moins pour une année entière, produiront intérêt à compter de la saisine de la juridiction prud'homale ;
Déboute les parties du surplus de leurs demandes ;
Condamne la société aux dépens ;
Ordonne l'exécution provisoire du jugement. »
La société Hôtelière de Montparnasse a relevé appel de ce jugement par déclaration transmise par voie électronique le 13 décembre 2019.
La constitution d'intimée de Mme [E] a été transmise par voie électronique le 09 février 2022 et celle du syndicat CGT Pullman [Localité 3] le 17 février 2022.
L'ordonnance de clôture a été rendue à la date du 7 février 2022.
L'affaire a été appelée à l'audience du 6 mars 2023.
Par conclusions communiquées par voie électronique en date du 12 mars 2020, la société Hôtelière de Montparnasse demande à la cour de :
«. A titre principal
1/De dire et juger que l'action de Madame [E] prescrite sur le fondement de l'article L.1471-1 du Code du travail et L. 3245-1 du Code du travail,
Par conséquent, de dire et juger que toutes les demandes afférentes ne sauraient aboutir et infirmer le jugement en qu'il a condamné la Société à payer à Madame [E] :
- 1.844,63 € au titre d'un rappel de salaire pour la prime d'ancienneté ;
- 184,46 € au titre des congés payés afférents ;
- 3.013,74 € au titre du complément de l'indemnité légale de licenciement ;
- 8.549,38 € au titre du complément d'indemnité de départ volontaire ;
- 500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
Rejeter de ce fait l'ensemble des demandes prescrites de Madame [E] et du Syndicat CGT PULLMAN MONTPARNASSE.
2/ Dire et juger qu'il n'y a pas lieu à reprise d'ancienneté sur le fondement de l'article L. 1243-11 du Code du travail
Par conséquent, de dire et juger que toutes les demandes afférentes ne sauraient aboutir et infirmer le jugement en qu'il a condamné la Société à payer à Madame [E]:
- 2.780,64 € à titre de rappel de salaire au titre de la prime d'ancienneté,
- 278,06 € à titre de CP afférents,
- 2.759,94 € à titre de complément d'indemnité de licenciement,
- 5.233,16 € à titre de complément d'indemnité de départ volontaire,
- 500 € au titre de l'article 700 du CPC,
Rejeter de ce fait l'ensemble des demandes de Madame [E] et du Syndicat CGT PULLMAN MONTPARNASSE.
3/ Dire et juger que la Société a payé à Madame [E] en exécution du jugement attaqué un rappel de prime d'ancienneté indu (pour la période d'avril 2013 à mai 2017) et en conséquence condamner Madame [E] à la restitution de la prime d'ancienneté indûment perçue soit 1.397,64 euros, outre 139,76 euros au titre des congés payés afférents.
II 'A titre subsidiaire
1/ Dire et juger que Madame [E] n'a pas le droit à un rappel de prime d'ancienneté sur le fondement de l'accord d'entreprise interne du 15/04/2010 au 15/03/2013 à la Société car elle ne justifie pas des conditions prévues à cet effet
Par conséquent, de dire et juger que toutes les demandes afférentes ne sauraient aboutir et infirmer le jugement en ce qu'il a condamné la Société à payer à Madame [E] :
- 2.780,64 € à titre de rappel de salaire au titre de la prime d'ancienneté,
- 278,06 € à titre de CP afférents,
Rejeter de ce fait l'ensemble des demandes de Madame [E] et du Syndicat CGT PULLMAN MONTPARNASSE.
III-A titre infiniment subsidiaire
Si la Cour d'appel de Paris devait juger que Madame [E] est recevable dans sa demande de reprise d'ancienneté, réduire le quantum d'éventuelles condamnations compte tenu de la prescription des articles L.1243-11 du Code du travail et L. 3245-1 du Code du travail
Par conséquent réduire le quantum des condamnations comme suit à 1€ symbolique au titre des intérêts portés à la profession au bénéfice du Syndicat CGT
Et débouter Madame [E] et le Syndicat du surplus de leurs demandes.
IV-En tout état de cause
Condamner Madame [E] et le Syndicat au versement de 1.500 € chacun à la Société sur le fondement de l'article 700 du CPC. »
Mme [E] et le syndicat CGT Pullman [Localité 3] n'ont pas fait déposer de conclusions.
Lors de l'audience, l'affaire a été examinée et mise en délibéré à la date du 10 mai 2023 par mise à disposition de la décision au greffe (Art. 450 CPC).
MOTIFS
Vu le jugement du conseil de prud'hommes, les pièces régulièrement communiquées et les conclusions des parties auxquelles il convient de se référer pour plus ample information sur les faits, les positions et prétentions des parties.
Il résulte du dernier alinéa de l'article 954 du code de procédure civile que la partie qui ne conclut pas ou qui, sans énoncer de nouveaux moyens, demande la confirmation du jugement est réputée s'en approprier les motifs.
La cour constate que Mme [E] verse deux pièces en sus de la côte « textes et jurisprudence » :
- le récapitulatif des accords conclus ' dernier accord enregistré NAO 2011
- l'accord majoritaire portant sur les mesures d'accompagnement social du projet de réhabilitation de l'hôtel PPM.
Le conseil de prud'hommes a condamné la société Hôtelière de Montparnasse à payer à Mme [E] les sommes suivantes :
- 2.780,64 € à titre de rappel de salaire au titre de la prime d'ancienneté,
- 278,06 € à titre de CP afférents,
- 2.759,94 € à titre de complément d'indemnité de licenciement,
- 5.233,16 € à titre de complément d'indemnité de départ volontaire,
après avoir retenu les motifs suivants :
« Sur le rappel de salaire au titre de la prime d'ancienneté :
Le chapitre 14 du récapitulatif des accords Pullman [Localité 3] du 29 juin 2011 prévoit que s'ajoute au salaire de base brut mensuel de référence, une prime d'ancienneté calculée au prorata du temps de présence et versée chaque mois, à compter de 5 ans de présence continue.
La société soutient que la salariée ne justifie pas des cinq ans de présence continue en raison de périodes d'interruption entre les contrats déterminées d'usage.
Cependant les fiches de paye du 31 août 2005 au 15 mai 2017 produites établissent que la société a bien employé la salariée sans période d'interruption de manière continue pendant douze années.
Il en résulte que la demande de rappel de salaire doit être accueillie. Elle sera calculée, année par année en fonction de l'accord d'entreprise du 29 juin 2011. Mme [L] [E] produit le détail de ce calcul. Elle est fondée à demander un rappel de salaire au titre de l'ancienneté à hauteur de 2 780,64 euros, outre 278,06 euros de congés payés afférents.
La Société HOTELIERE DE MONTPARNASSE sera en conséquence condamnée au paiement de ces sommes.
Sur le rappel de salaire au titre du complément d'indemnité légale de licenciement :
L'article R. 1234-2 du Code du travail, dans sa version applicable au litige, antérieure aux ordonnances du 22 septembre 2017 dispose « L'indemnité de licenciement ne peut être inférieure à un cinquième de mois de salaire par année d'ancienneté auquel s'ajoutent deux quinzièmes de mois par année au-delà de dix ans d'ancienneté ».
Au regard de l'ancienneté de la salariée, la somme due au titre de l'indemnité légale de licenciement, recalculée en fonction du salaire de référence, avec intégration de la prime d'ancienneté et déduction faite du montant déjà versé, est de 2759,94 €.
La Société HOTELIERE DE MONTPARNASSE sera en conséquence condamnée au paiement de cette somme.
Sur le rappel de salaire au titre du complément d'indemnité de départ volontaire :
L'article 32 et 3 de l'accord majoritaire portant les mesures d'accompagnement du projet de réhabilitation de l'hôtel PULLMAN [Localité 3] du 12 janvier 2017 prévoit une indemnité de départ volontaire, qui tient compte de l'ancienneté réelle au prorata.
La salariée est fondée à demander un rappel de salaire au titre de l'indemnité volontaire de départ de 5233,16 euros, correspondant à la différence entre l'indemnité perçue et l'indemnité due intégrant l'ancienneté.
La société HOTELIERE DE MONTPARNASSE sera en conséquence condamnée au paiement de ces sommes. »
La société Hôtelière de Montparnasse demande à titre principal à la cour de juger que l'action de Mme [E] est prescrite sur le fondement de l'article L.1471-1 du code du travail et L. 3245-1 du code du travail.
La société Hôtelière de Montparnasse soutient les moyens suivants :
« Aux termes de l'article L. 3245-1 du code de travail :
« L'action en paiement ou en répétition du salaire se prescrit par trois ans à compter du jour où celui qui l'exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer. La demande peut porter sur les sommes dues au titre des trois dernières années à compter de ce jour ou, lorsque le contrat de travail est rompu, sur les sommes dues au titre des trois années précédant la rupture du contrat. »
Or, Madame [E] a saisi le Conseil de prud'hommes de Paris le 15 juillet 2015.
En vertu des dispositions légales précitées, Madame [E] ne peut revendiquer aucun rappel de salaire antérieur au 15 juillet 2012. Elle sera donc déboutée de ses demandes antérieures à cette date dans la mesure où elles sont prescrites. »
« L'article L 1471-1 du Code du travail dispose que :
« Toute action portant sur l'exécution du contrat de travail se prescrit par deux ans à compter du jour où celui qui l'exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d'exercer son droit. »
Or, Madame [E] a saisi le Conseil de prud'hommes de Paris le 15 juillet 2015 d'une demande de reprise d'ancienneté au jour de signature de son premier contrat à durée déterminée d'usage soit le 19 septembre 2005.
Sur la période 19 septembre 2005 / 08 avril 2008 Madame [E] a travaillé selon plusieurs contrats à durée déterminée dont elle n'a jamais demandé la requalification en CDI.
Sa demande de reprise d'ancienneté ne peut porter que sur le contrat de travail à durée déterminée postérieur au 15 juillet 2013 en vertu de l'article L 1471-1 du Code du travail. Or, Madame [E] était déjà en CDI depuis le 15 avril 2008.
(...)
Elle ne saurait revendiquer les conséquences financières d'une reprise d'ancienneté antérieure au 15 juillet 2013 puisque sa demande est prescrite. Or, Madame [E] était déjà en CDI depuis le 15 avril 2008. »
La cour constate que ces moyens n'ont pas été débattus au premier degré et qu'ils peuvent être formés pour la première fois en appel au motif que le moyen tiré de la prescription constitue une fin de non-recevoir de l'article 122 du code de procédure civile.
A l'examen des pièces produites et des moyens débattus, la cour retient que la société Hôtelière de Montparnasse est bien fondée dans son moyen tiré de la prescription de l'action en paiement des salaires ou accessoires de salaires antérieurs au 15 juillet 2012.
Mme [E] n'ayant pas fait déposer de conclusions et n'ayant pas produit ni de décomptes ni de pièces, comme les bulletins de paie que le conseil de prud'hommes mentionne dans son jugement, qui auraient pu permettre à la cour de recalculer les rappels de salaire au titre de la prime d'ancienneté pour la période non prescrite, la cour retient que la société Hôtelière de Montparnasse est bien fondée dans sa demande d'infirmation du jugement en ce qui concerne les rappels de salaire au titre de la prime d'ancienneté.
La cour constate que les autres chefs du jugement relatifs au rappel de salaire au titre du complément d'indemnité légale de licenciement et au rappel de salaire au titre du complément d'indemnité de départ volontaire ont été retenus par voie de conséquence du fait de l'intégration de la prime d'ancienneté dans le salaire de référence.
La cour qui a infirmé le jugement en ce qui concerne la prime d'ancienneté, infirme donc le jugement en ce qui concerne les autres chefs du jugement relatifs au rappel de salaire au titre du complément d'indemnité légale de licenciement et au rappel de salaire au titre du complément d'indemnité de départ volontaire.
Compte tenu de ce qui précède, les demandes de Mme [E] sont toutes rejetées.
Les demandes du syndicat CGT Pullman [Localité 3] sont elles aussi rejetées dès lors qu'elles sont accessoires à celles de Mme [E] et qu'aucune atteinte aux intérêts de la profession ne peut être retenue.
Le jugement déféré est donc infirmé en toutes ses dispositions, et statuant à nouveau de ce chef, la cour déboute Mme [E] et le syndicat CGT Pullman [Localité 3] de toutes ses demandes.
La société Hôtelière de Montparnasse demande que soit ordonnée la restitution des sommes qu'elle a versées en exécution du jugement déféré assorti de l'exécution provisoire, avec des intérêts moratoires.
Cependant, la cour rappelle que le présent arrêt infirmatif constitue le titre ouvrant droit à la restitution des sommes versées en exécution du jugement, et que les sommes devant être restituées portent intérêt au taux légal à compter de la notification ou de la signification, valant mise en demeure, de la décision ouvrant droit à restitution.
Il s'ensuit qu'il n'y a pas lieu de statuer sur la demande de la société Hôtelière de Montparnasse de ce chef.
PAR CES MOTIFS
La cour,
INFIRME le jugement en toutes ses dispositions :
Statuant à nouveau et ajoutant,
DÉBOUTE Mme [E] de toutes ses demandes,
DÉBOUTE le syndicat CGT Pullman [Localité 3] de toutes ses demandes,
DIT n'y avoir lieu à statuer sur la demande de restitution des sommes versées en vertu de l'exécution provisoire attachée au jugement déféré à la cour ;
DÉBOUTE la société Hôtelière de Montparnasse de sa demande formée au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
CONDAMNE Mme [E] aux dépens de première instance et d'appel.
LA GREFFIÈRE LE PRÉSIDENT