Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE
délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 6 - Chambre 11
ARRET DU 16 MAI 2023
(n° , 11 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 20/02204 - N° Portalis 35L7-V-B7E-CBTLL
Décision déférée à la Cour : Jugement du 12 Février 2020 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de MEAUX - RG n° 17/00380
APPELANT
Monsieur [I] [Y]
[Adresse 1]
[Adresse 1]
Représenté par Me Manuella METOUDI, avocat au barreau de PARIS, toque : D1137
INTIMÉE
S.A.S. COOKIE CREATIONS
[Adresse 2]
[Adresse 2]
Représentée par Me Stéphane FERTIER, avocat au barreau de PARIS, toque : L0075
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 07 Mars 2023, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Anne HARTMANN, Présidente de chambre, chargée du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :
Madame Anne HARTMANN, Présidente de chambre,
Madame Isabelle LECOQ-CARON, Présidente de chambre,
Madame Catherine VALANTIN, Conseillère,
Greffier, lors des débats : Madame Alicia CAILLIAU
ARRET :
- contradictoire
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Madame Anne HARTMANN, Présidente de chambre, et par Madame Manon FONDRIESCHI, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
RAPPEL DES FAITS, PROCÉDURE ET PRETENTIONS DES PARTIES
M. [I] [Y] né en 1979, a été engagé par la SAS Cookie Créations, en qualité de préparateur emballeur selon un contrat de travail à durée déterminée à compter du 20 avril 2010 renouvelé une fois puis qui s'est poursuivi par un contrat à durée indéterminée en date du 01 avril 2011.
Suivant un avenant du 26 juillet 2011, le libellé de poste a été modifié pour devenir celui d'opérateur de production option emballage.
Les relations contractuelles entre les parties étaient soumises à la convention collective nationale des activités industrielles de boulangerie.
Par lettre datée du 11 décembre 2015, M. [Y] a été mis à pied à titre disciplinaire pour une journée.
Par courrier daté du 04 janvier 2016, il a été convoqué à un entretien préalable fixé au 14 janvier 2016 pour un licenciement économique.
Le 22 février 2016, il a accepté une proposition de reclassement en qualité de conducteur polyvalent et un avenant a été conclu.
En septembre 2016, il a été promu au poste de conducteur de ligne polyvalent confirmé.
Par courrier du 21 novembre 2016, M. [Y] a été convoqué à un entretien préalable fixé qu 2 décembre 2016. Par courrier du 16 décembre 2016, il a mis à pied pour 4 jours suite à une accusation de vol.
M. [Y] a contesté cette mise à pied et en a demandé l'annulation, celle-ci a toutefois été maintenue.
M. [Y] a été convoqué à un entretien préalable fixé au 02 mars 2017, puis licencié pour faute grave par lettre datée du 13 mars 2017.
A la date du licenciement, M. [Y] avait une ancienneté de 6 ans et 10 mois et la société Cookie Créations occupait à titre habituel plus de dix salariés.
Contestant la légitimité de son licenciement et réclamant diverses indemnités, outre des dommages et intérêts et des rappels de salaires, M. [Y] a saisi le 19 mai 2017 le conseil de prud'hommes de Meaux qui, par jugement du 12 février 2020, auquel la cour se réfère pour l'exposé de la procédure antérieure et des prétentions initiales des parties, a statué comme suit :
- requalifie la rupture du contrat de travail pour faute grave de M. [Y] en un licenciement pour cause réelle et sérieuse,
- condamne la société cookie créations à payer à M. [Y] les sommes suivantes :
4402,06 euros au titre du préavis,
440,2 euros au titre des congés payés afférents,
3081,44 euros au titre de l'indemnité légale de licenciement,
293,47 euros à titre de rappels de salaire,
29,34 euros au titre des congés payés afférents,
- dit que ces sommes porteront intérêts aux taux légal à compter de la réception de la convocation devant le bureau de conciliation et que ces intérêts seront capitalisables au senzs de l'aarticle 1154 du code civil,
1200 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- dit que cette somme portera intérêts au taux légal à compter du prononcé du présent jugement et que ces intérêts seront capitalisables au sens de l'article 1154 du code civil,
- ordonne à la société cookie créations de remettre à M. [Y] un certificat de travail conforme à la présente décision, une attestation pôle emploi et un bulletin de salaire récapitulatif, le tout sous astreinte de 5 euros par jour de retard et par document à compter du 30e jour suivant la notification du présent jugement.
Par déclaration du 10 mars 2020, M. [Y] a interjeté appel de cette décision, notifiée le 14 février 2020.
Dans ses dernières conclusions adressées au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 21 février 2023, M. [Y] demande à la cour de :
- déclarer recevable M. [Y] en son appel et ses demandes,
- déclarer recevable mais mal fondée la société Cookie Créations en son appel incident et ses demandes,
- rejeter la demande de la société Cookie Créations d'écarter des débats les pièces versées au débat par M. [Y] n°52, 53, 61, 62, 63, 72, 81, 82, 83 et 85,
- confirmer le jugement sur l'objet de cet appel incident à savoir l'annulation de la mise à pied du 16 décembre 2016 et la condamnation de l'employeur au rappel de salaire s'y rapportant,
- confirmer la condamnation de la société Cookie Créations à verser à M. [Y] la somme de :
- 3081,44 euros au titre de l'indemnité légale de licenciement,
- 4402 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis,
- 440,20 euros au titre des congés payés s'y rapportant,
- infirmer le jugement en ce qu'il a débouté le salarié de ses demandes relatives au licenciement nul et à défaut sans cause réelle et sérieuse, d'annulation de la sanction du 11 décembre 2015 et du rappel de salaire et congés payés, de sa demande de reclassification, et de sa demande au titre de dommages intérêts pour violation des règles de sécurité,
statuer a nouveau,
à titre principal
- dire et juger le licenciement nul de M. [Y],
en conséquence de quoi,
- condamner la société Cookie Créations à la somme de 35.000 euros au titre de dommages et intérêts pour licenciement nul,
à titre subsidiaire,
- dire et juger le licenciement sans cause réelle et sérieuse de M. [Y],
en conséquence de quoi,
- condamner la société Cookie Créations à la somme de 26.412,36 euros au titre de l'indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse,
en tout état de cause,
- annuler la mise à pied du 11 décembre 2015 et 16 décembre 2016 illégitime et disproportionnée,
- ordonner que M. [Y] relève de la catégorie des agents de maîtrise,
- condamner la société cookie créations à verser à M. [Y] les sommes suivantes :
- 73,36 euros au titre de rappel de salaire de la mise à pied du 11 décembre 2015,
- 7,33 euros au titre des congés payés s'y rapportant,
- 293,47euros au titre de rappel de salaire de la mise à pied du 16 décembre 2016,
- 29,34 euros bruts au titre des congés payés y afférents,
- 4.402,06 euros bruts au titre du préavis,
- 440,20 euros au titre des congés payés y afférents,
- 3.081,44 euros au titre de l'indemnité légale de licenciement,
- 5000 euros au titre de dommages intérêts pour violation des règles de sécurité tant physique que mentales,
- 2500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- ordonner que les condamnations prononcées porteront intérêt légal à compter du prononcé du jugement et qu'ils seront majorés selon l'article l 313-3 du code monétaire et financier,
- ordonner la capitalisation des intérêts sur le fondement de l'article 1343-2 du code civil,
- débouter la société société Cookie Créations de l'ensemble de ses demandes,
- condamner la société société cookie créations aux dépens y compris les frais et honoraires de recouvrement forcé par voie d'huissier de justice.
Dans ses dernières conclusions adressées au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 16 février 2023, la société Cookie Créations demande à la cour de :
- infirmer le jugement du 12 février 2020 en ce qu'il a :
- annulé la mise à pied conservatoire du 16 décembre 2016,
- requalifié la rupture du contrat de travail pour faute grave de M. [Y] en un licenciement pour cause réelle et sérieuse,
- condamné la société Cookie Créations à payer à M. [Y] les sommes suivantes :
- 4.402 euros au titre du préavis,
- 440,20 euros au titre des congés payés y afférents,
- 3081,44 euros au titre de l'indemnité légale de licenciement,
- 293,47 euros à titre de rappel de salaire,
- 29,34 euros au titre des congés payés y afférents,
- 1.200 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
statuant à nouveau,
- écarter des débats les pièces adverses n°52, 53, 61, 62, 63, 72, 81, 82, 83 et 85,
- juger les demandes de M. [Y] infondées,
en conséquence,
- rejeter l'ensemble des demandes formulées par M. [Y],
- condamner M. [Y] à verser à la société Cookie Créations 2.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner M. [Y] aux entiers dépens.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 22 février 2023 et l'affaire a été fixée à l'audience du 07 mars 2023.
Pour un plus ample exposé des faits, des prétentions et des moyens des parties, la cour se réfère à leurs conclusions écrites conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.
SUR CE, LA COUR :
Sur la demande tendant à ce que les pièces n° 52,53,61,62, 63,72,81,82,83 et 85 soient écartées des débats
La société intimée demande à la cour d'écarter les pièces précitées au motif que les quatre attestations de Mme [L] semblent avoir été écrites par des personnes différentes, que les trois témoignages de M. [U] présentent des écritures différentes comme celles de de M. [F] et que celle de M. [P] est incomplète. Elle soutient qu'il ne saurait s'agir d'une demande nouvelle irrecevable puisque celle-ci s'inscrit dans la démonstration du caractère fondé du licenciement et constitue une réponse aux nouvelles pièces produites par M. [Y] en appel.
M. [Y] s'oppose à cette demande en faisant valoir que les pièces N° 52,53, 61,63 et 72 ont été versées en première instance que la demande tendant à ce qu'elle soit écartées des débats, formulée à hauteur de cour, est nouvelle. Il indique que les pièces 81,82,83 et 85 ont été versées en avril 2022. Il souligne que toutes les pièces sont régulières et engagent leurs auteurs.
La cour retient que la demande tendant à ce que certaines pièces soient écartées des débats n'est pas une prétention au sens strict du terme mais un moyen de défense qui peut parfaitement être opposé en appel et a fortiori s'il s'agit de nouvelles pièces produites à hauteur de cour.
La cour rappelle en tout état de cause qu'il lui appartient d'apprécier le caractère probant des pièces produites aux débats qu'il n'y a pas lieu de déclarer irrecevables à ce stade du débat. Cette demande est par conséquent rejetée.
Sur l'exécution du contrat de travail
Sur la demande d'annulation des sanctions disciplinaires
En application de l'article L.1331-1 du code du travail, constitue une sanction toute mesure, autre que les observations verbales, prise par l'employeur à la suite d'un agissement du salarié considéré par l'employeur comme fautif, que cette mesure soit de nature à affecter immédiatement ou non la présence du salarié dans l'entreprise, sa fonction, sa carrière ou sa rémunération.
L'article L. 1333-1 du code du travail, en cas de litige, le conseil de prud'hommes apprécie la régularité de la procédure suivie et si les faits reprochés au salarié sont de nature à justifier une sanction. L'employeur fournit au conseil de prud'hommes les éléments retenus pour prendre la sanction. Au vu de ces éléments et de ceux qui sont fournis par le salarié à l'appui de ses allégations, le conseil de prud'hommes forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. Si un doute subsiste, il profite au salarié.
L'article L. 1333-2 du même code précise que le conseil de prud'homme peut annuler une sanction irrégulière en la forme ou injustifiée ou disproportionnée à la faute commise.
Sur l'annulation de la mise à pied du 11 décembre 2015
La mise à pied disciplinaire notifiée à M. [Y] le 11 décembre 2015 était ainsi libellée :
« (') Les faits évoqués sont :
-Le lundi 26 octobre 2015 vous avez à plusieurs reprises demandé à M. [H] [K] de réaliser des contrôles poids. Malgré vos demandes, M. [K] n'a pas réalisé ces contrôles. Vous lui avez donc redemander de faire les contrôles. A ce moment-là vous êtes retourné voir M. [K], qui a mal pris votre insistance et votre ton et a alors jeté un carton sur la machine et a quitté l'atelier pour aller dans les vestiaires. Par la suite, vous vous êtes mutuellement insultés et menacés avec M. [K] dans les vestiaires et dans la salle de pause.
Lors de l'entretien préalable à licenciement du 17 novembre 2015 nous vous avons entendu et avons pris note de vos regrets concernant votre comportement, ce qui nous laisse espérer une vraie amélioration dans votre comportement futur au sein de l'entreprise.
Néanmoins, nous considérons qu'il s'agit d'une faute grave que nous ne pouvons tolérer.
Nous prenons à votre égard une mesure de mise à pied disciplinaire d'une durée d'une journée que vous effectuerez le 24 décembre 2015.(...) ».
L'employeur s'appuie sur l'attestation de M. [K] qui certes reconnaît a minima qu'il y a eu une altercation qu'il qualifie toutefois de malentendu avec M. [Y] et pour laquelle il a lui-même été sanctionné de 5 jours de mise à pied dont il n'est ni établi ni même allégué que M. [K] a contesté cette dernière, ce qui confirme la réalité mais aussi la gravité de l'altercation.
La cour constatant que M. [Y] ne justifie pas avoir contesté cette sanction en son temps, retient à l'instar des premiers juges que celle-ci était justifiée et proportionnée.Le jugement est confirmé sur ce point.
Sur l'annulation de la mise à pied du 16 décembre 2016
La sanction disciplinaire était ainsi libellée « (') Le Jeudi 10 novembre 2016 a été retrouvé un carton vide de cookie 1091 dans les vestiaires hommes du côté emballage. Lors de votre arrivée vers 14 h30 vous avez eu vent de cette découverte. Pour clarifier cette situation vous vous êtes directement adressé à votre responsable de production Mme [N] [X] pour signaler que c'était vous qui aviez pris les 10 cookies se trouvant dans ce carton la veille. Mme [X] vous a demandé si vous les aviez pris pour les emmener chez vous et vous avez confirmé. Vous avez également précisé que vous n'aviez pu demander expressément l'autorisation à votre responsable hiérarchique, M. [R] [J], car vous ne l'avez pas trouvé, cependant celui-ci était dans l'atelier emballage à l'heure des faits en effet il est parti vers 22 h39. Vous avez alors pris la décision de prendre les cookies sans autorisation de votre hiérarchie.
Ce fait est qualifié de vol et constitue une infraction pénale.
La gravité de cet agissement altérant l'exemplarité dont vous devez faire preuve en tant que conducteur de ligne polyvalent confirmé et le bon fonctionnement de l'entreprise, nous vous avons convoqué le vendredi 02 Décembre 2016 à 10 heures pour un entretien préalable afin de recueillir vos explications : vous avez justifié votre acte en expliquant que par le passé, M. [J] vous demandait parfois de distribuer les gâteaux au personnel présent en fin de production lorsqu'il n'y en avait pas suffisamment pour réaliser un carton complet. Vous expliquez que le soir du 9 novembre 2016, vous avez distribué sans autorisation préalable de votre responsable, les cookies à deux intérimaires:[M] [T] et [I] [MY].
Cette version des faits s'oppose à celle que vous nous aviez proposée le 10 novembre 2016. De plus, [M] [T] était parti à 20 heures 30 le 9 novembre 2016 alors que vous étiez parti à 22h35. Il ne pouvait donc pas bénéficié des produits que vous prétendez avoir distribués.
Sans consigne de votre responsable, cet acte est qualifié de vol, notamment d'après la définition du code pénal que nous vous avons lu lors de l'entretien : Le vol est la soustraction frauduleuse de la chose d'autrui » Article 311-1 du code pénal. De plus, il est interdit de faire sortir de l'usine des produits de l'entreprise sans autorisation expresse du supérieur hiérarchique, ce qui est rappelé à la fois dans le règlement intérieur, dans le procès-verbal de la réunion du comité d'entreprise du 25 mai 2016 et dans une note datant du 06 juin 2013.
Les discussions ne nous ayant pas permis de remettre en cause notre appréciation, nous sommes dans l'obligation de vous sanctionner par une mise à pied disciplinaire d'une durée de quatre jours à compter du 19 décembre 2016 jusqu'au 22 décembre 2016.
Pendant cette période, votre contrat de travail sera suspendu. Ces journées de mise à pied entraîneront une retenue de salaire sur votre paie du mois de Janvier.(...) »
Il est reproché à M. [Y] qui ne le conteste pas, d' avoir pris les 10 derniers cookies 1091 d'un carton incomplet et d'avoir divergé dans ses explications, pour avoir d'abord reconnu auprès de sa responsable de production les avoir emportés chez lui sans autorisation et ensuite avoir soutenu les avoir remis à des intérimaires.
La cour retient que si l'employeur ne produit pas l'attestation de la chef de production Mme [X], M. [Y] ne justifie pas plus avoir remis les cookies litigieux à des intérimaires ni avoir sollicité l'autorisation de sa hiérarchie pour s'approprier ces gâteaux qui de fait étaient impropres à la vente. Il n'en reste pas moins que M. [Y] qui n'a pas sollicité l'autorisation de sa hiérarchie, ce qu'il aurait pu faire si comme il l'affirme il a remis les cookies à l'issue de la production vers 17 heures et non à son départ de la société vers 22 heures 25 alors que son responsable n'est parti qu'à 22 heures 39, a commis une faute, mais il convient d'admettre avec les premiers juges que la sanction prise était disproportionnée de sorte que c'est à juste titre qu'elle a été annulée. Le jugement est donc confirmé en ce qu'il a alloué à M. [Y] un rappel de salaire indûment retenu de 293,47 euros majorés de 29,34 euros de congés payés afférents.
Sur la contestation de la classification
Il est constant que l'existence d'une relation de travail subordonnée ne dépend ni de la volonté exprimée par les parties ni de la dénomination qu'elles ont donné à leur convention mais des conditions de fait dans lesquelles est exercée l'activité des salariés.
Il appartient au salarié qui se prévaut d'une classification conventionnelle différente de celle dont il bénéficie au titre de son contrat de travail, de démontrer qu'il assure de façon permanente, dans le cadre de ses fonctions, des tâches et responsabilités relevant de la classification qu'il revendique.
Pour infirmation du jugement déféré, M. [Y] soutient qu'il exerçait les fonctions d'agent de maîtrise en précisant qu'il formait des salariés.Il rappelle qu'il a occupé officiellement le poste d'adjoint chef d'atelier jusqu'au 22 février 2016, date à laquelle il a signé un contrat pour un poste de conducteur de ligne polyvalent confirmé.Il indique qu'il a été placé au OE7 au 31 octobre 2016 alors qu'il aurait du être classé TA
Pour confirmation de la décision, la société réplique que le degré 07 accordé à l'appelant selon son contrat de travail et la fiche de poste de septembre 2016 correspond en réalité au plus haut degré d'autonomie et de compétence attaché au statut employé-ouvrier dans lequel il avait débuté au niveau 02 et auquel il a toujours appartenu. Elle souligne au demeurant qu'il percevait un salaire supérieur au minimum mensuel conventionnel de TA.
Aux termes de l'article 138 de la convention collective applicable, la classification des emplois vise à peser chaque emploi pour l'évaluer afin de définir un positionnement pour chacun d'entre eux. L'article 140 prévoit une double pesée de l'emploi lequel s'étend sur une fourchette de niveau/ degré (un ou plusieurs niveaux, un ou plusieurs degrés).
Une pesée minimum et une pesée maximum sont réalisées afin de définir la fourchette de points déterminant le seuil et le plafond du positionnement de l'emploi.
Il est constant que l'évaluation des emplois se fait en fonction de 6 critères qui sont les connaissances requises, la technicité complexité, l'initiative/autonomie, la responsabilité, l'animation /encadrement et la communication avec des degrés de maîtrise dont la pesée permet de connaître le positionnement sur la grille de classification.
Il s'en déduit, ainsi que l'employeur le fait observer à juste titre, que le critère de l'encadrement n'est à lui seul pas suffisant dans la pesée à effectuer et la cour observe que le salarié ne démontre pas double pesée à l'appui, par comparaison entre les critères et ses fonctions réelles ainsi que leur valorisation en fonction de la grille de pesée, qu'il comptabilisait un total de points lui permettant d'accéder à la classification d'agent de maîtrise. C'est à bon droit qu'il a été débouté de sa demande de classification TA, le jugement déféré est confirmé sur ce point.
Sur la rupture du contrat de travail
Pour infirmation du jugement déféré, M. [Y] revendique la nullité du licenciement prononcé au motif que son contrat était suspendu au titre d'un arrêt pour accident du travail déclaré auprès de la CPAM le 2 mars 2017 et que seul un licenciement pour faute grave était possible de sorte que c'est à tort que le conseil de prud'hommes a retenu un licenciement pour cause réelle et sérieuse.
Pour infirmation du jugement déféré, la société Cookie Créations conteste la nullité du licenciement de M. [Y] soutenant que la CPAM a refusé de le prendre en charge au titre des risques professionnels. Elle ajoute au demeurant que le licenciement repose sur une faute grave avérée.
Aux termes des dispositions de l'article L1226-9 du code du travail au cours des périodes de suspension du contrat de travail consécutives à un accident du travail ou à une maladie professionnelle , l'employeur ne peut résilier le contrat de travail à durée indéterminée, sauf faute grave du salarié ou impossibilité pour des motifs étrangers à l'accident ou à la maladie. La résiliation du contrat effectuée en méconnaissance de cette disposition est nulle.
Il est de droit que ces règles protectrices s'appliquent dès lors que l'employeur a connaissance de l'origine professionnelle de la maladie ou de l'accident et de l'engagement d'une procédure pour faire reconnaître le caractère professionnel de l'accident. Cette connaissance s'apprécie à la date de la notification du licenciement.
Il n'est pas contesté en l'espèce que M. [Y] a déclaré le 2 mars 2017 un accident du travail pour lequel il a été mis en arrêt de travail le même jour et que l'employeur en a été avisé (pièce 46, salarié).Or il est établi que le salarié a été licencié pour faute grave par lettre du 13 mars 2017 et que la CPAM n'a informé l'employeur du refus de prise en charge du caractère professionnel de l'accident déclaré par M. [Y] qu'en date du 29 mai 2017.
Il s'en déduit que seul un licenciement pour faute grave pouvait être prononcé, peu importe que par la suite la CPAM ait rejeté le caractère professionnel de l'accident de travail de M. [Y] qui soutient avoir contesté cette décision et dont le recours serait toujours en cours.
La lettre de licenciement qui fixe les limites du litige était ainsi libellée :
« (') Comme nous vous l'avons expliqué lors de l'entretien préalable, nous avons reçu une plainte le 08 février 2017 dans laquelle il était fait état du comportement inacceptable que vous avez eu vis-à-vis de Mme [B] [O] :
* vous lui avez indiqué, le 2 septembre 2016, « ton père a violé ta mère pour t'avoir » ce qui a été à l'origine d'une altercation ;
*vous l'avez régulièrement insulté avec l'un de vos collègues en la traitant de « La Réunion », « La reine des neiges », « L'autre machin » ou encore « La grosse vache » et en insinuant qu'elle n'est bonne à rien ;
Ces insultes et votre comportement à son égard ont créé un profond mal-être chez Mme [B] [O].
Plus grave encore, la plainte fait état de ce que vous avez lancé des rumeurs en affirmant que, contrairement à ses collègues, Mme [B] [O] avait reçu une augmentation-rumeur lancée sans aucune raison et surtout sans fondement- et qu'elle aurait été surprise en train de faire des « cochonneries » avec un supérieur hiérarchique, M.[E] [S].
Les fais décrits dans cette plainte ont été confirmés par d'autres salariés.
Lors de l'entretien préalable du 02 mars 2017, vous avez nié, malgré l'évidence, les faits reprochés. Vous avez finalement reconnu avoir dit à Mme [B] [O] « ton père a violé ta mère pour t'avoir » et pour tenter de vous justifier, vous nous avez indiqué que « c'était en rigolant ».Votre attitude lors de cet entretien montre que vous n'avez manifestement pas pris la mesure de la gravité des faits qui vous sont reprochés.
Ces faits interviennent alors que nous avons déjà eu à vous sanctionner à plusieurs reprises en vous demandant, et vous laissant à chaque fois la chance de rétablir votre comportement.Ainsi, nous avons déjà été contraints de vous notifier une mise à pied disciplinaire d'une journée le 24 décembre 2015 pour des violences commises et des insultes proférées à l'encontre d'un autre salarié. Très récemment début décembre 2016, nous avons fait preuve d'extrême indulgence puisque malgré le fait que vous avez volé des gâteaux dans l'entreprise, nous vous avons notifié qu'une mise à pied de quatre jours du 19 au 22 décembre 2016.
Nous ne pouvons plus faire preuve de patience aujourd'hui d'autant que la santé et la sécurité de plusieurs salariés sont directement menacés du fait de votre comportement.
Du fait de la gravité des faits qui vous sont reprochés, du mal-être que cause votre comportement chez plusieurs salariés de l'entreprise, du risque imminent d'atteinte à leur santé et leur sécurité, de votre absence de prise de conscience quant à la gravité des faits et du fait qu'il ne s'agit pas de votre première faute disciplinaire, votre maintien même temporaire dans l'entreprise est impossible et nous sommes donc contraints de vous notifier votre licenciement pour faute grave.(...) ».
La faute grave est celle qui résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié qui constitue une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise même pendant la durée du préavis.
L'employeur qui invoque la faute grave pour licencier doit en rapporter la preuve.
Il est constant que le juge a le pouvoir de requalifier la gravité de la faute reprochée au salarié en restituant aux faits leur exacte qualification juridique conformément à l'article 12 du code de procédure civile ; qu'en conséquence, si le juge ne peut ajouter d'autres faits à ceux invoqués par l'employeur dans la lettre de licenciement, lorsque celui-ci intervient pour motif disciplinaire, il doit rechercher si ces faits, à défaut de caractériser une faute grave, comme le prétend l'employeur, ne constituent pas néanmoins une cause réelle et sérieuse de licenciement.
Au soutien de la preuve de la réalité des griefs qui lui incombe, l'employeur s'appuie essentiellement sur le courrier de plainte de Mme [B] [O] daté du 6 février 2017 par lequel cette dernière a fait part à l'employeur de son profond mal-être lié aux rumeurs lancées par l'appelant au sein de la société mettant en lien une augmentation dont elle aurait bénéficié et les cochonneries qu'elle aurait été surprise en train de faire avec son supérieur hiérarchique M. [S] et le courriel de ce dernier daté du 10 février 2017 adressé à Mme [N] [X] faisant état d'une rumeur remontant à décembre 2016 « lancé par [I] qui disait que [B] et moi, nous nous faisions des bisous dans la zone carton » qui l'aurait blessé et mis en colère. (pièce 12, société).
Il s'appuie également sur une attestation de Mme [D] datée du 6 mars 2017 qui confirme avoir entendu l'appelant dire « la Grosse » en parlant de Mme [O] et avoir entendu l'appelant dire qu'elle progressait dans l'entreprise parce qu'elle était gentille avec les hommes dans l'entreprise « les chefs et [A] [V] « (sous-entendu répondre aux faveurs de ces hommes »)(pièce 13, société). Les autres attestations versées par l'employeur se limitent à celle de M. [C] [W] et celle de M. [G] [Z] qui ne font qu'évoquer une rumeur d'augmentation accordée à Mme [O] (lancée par M. [Y] selon M. [Z]) sans autre détail.
M. [Y] conteste quant à lui fermement les propos qui lui ont été attribués. Il produit pour sa part différents témoignages de salariés qui pour certains ont attesté plusieurs fois, dont celui notamment de Mme [D] (qu'elle n'a vraisemblablement pas personnellement rédigé) par lequel d'abord en date du 25 avril 2018 (pièce 66, salarié), elle revient sur son témoignage initial précité du 6 mars 2017, sous-entendant que celui-ci aurait été rédigé par Mme [N] [X] et qu'elle aurait recopié sans bien en comprendre les termes en français, ce qui est peu crédible compte-tenu de l'attestation dont il s'agit. Mme [D] a fourni en outre une autre attestation (portant la même écriture) datée du lendemain dans laquelle elle met en cause Mme [O] laquelle lui aurait préparé un courrier pour dénoncer le harcèlement moral dont elle était victime de la part de M. [Y] pour le mettre en cause, mais qu'elle n'a jamais recopié. (pièce 67, salarié).
Si les témoignages produits par M. [Y] n'emportent pas tous la conviction totale de la cour et pas seulement car certains ont attesté plusieurs fois avec des écritures différentes mais sans contestation des signatures, il en ressort toutefois que M. [Y] et Mme [O] n'ont pas toujours eu de mauvaises relations (ce qui n'est pas contesté par la société) et que surtout il régnait dans l'entreprise une ambiance délétère et peu digne que l'employeur avait du mal à contenir.
Il se déduit toutefois du revirement du témoignage de Mme [D] que la position de l'employeur est fragilisée puisqu'il s'agissait du seul témoignage qui venait conforter la plainte de Mme [O], laquelle n'est pas corroborée par aucun autre élément, en l'absence de véritable enquête qui aurait dû être menée, le courriel de M. [S] faisant état d'une simple rumeur le concernant lancée par [I], relative à des bisous, étant insuffisant pour caractériser les faits reprochés à l'appelant. Or la cour rappelle que l'employeur supporte la charge de la preuve et qu'en l'espèce le doute doit profiter au salarié.
Par conséquent, par infirmation du jugement déféré, la cour retient que le licenciement de M. [Y] ne repose ni sur une faute grave ni sur une cause réelle et sérieuse.
En l'absence de faute grave, le licenciement prononcé pendant une suspension du contrat de travail consécutive à un accident du travail est en outre nul.
Ce licenciement ouvre droit aux indemnités de rupture, le jugement déféré est confirmé en ce qu'il a alloué à M. [Y] les sommes suivantes non contestées dans leur quantum et dont il demande la confirmation :
-3.081,44 euros au titre de l'indemnité légale de licenciement
- 4.402 euros majorés de 440,20 euros de congés payés afférents au titre de l'indemnité compensatrice de préavis.
Aux termes de l'article L.1235-3-1 du code du travail lorsque le juge constate que le licenciement est entaché d'une des nullités prévues au deuxième alinéa du présent article et que le salarié ne demande pas la poursuite de l'exécution de son contrat de travail ou que sa réintégration est impossible, le juge lui octroie une indemnité, à la charge de l'employeur, qui ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois.
Par infirmation du jugement déféré, la cour alloue à M. [Y] une indemnité de 13.000 euros pour licenciement nul.
Conformément aux dispositions de l'article L.1235-4 du code du travail, il y a lieu, d'ordonner d'office le remboursement par l'employeur à Pôle Emploi des indemnités de chômage éventuellement versées à M. [I] [Y] dans la limite de six mois d'indemnités.
Sur l'indemnité pour violation des règles de sécurité
Pour infirmation du jugement déféré, M. [Y] fait valoir que l'employeur doit veiller à ce que ses employés puissent travailler dans des conditions de sécurité et d'hygiène optimales conformes à la législation sociale. Il dénonce notamment le fait que bien qu'exposé à des températures extrêmes passant de fours aux congélateurs il ne bénéficiait pas d'équipement de protection adaptés (EPI). Il souligne que son dossier médical établit qu'il souffrait des articulations aux doigts et que rien n'était fait pour la protection de la santé mentale.
Pour confirmation du jugement, la société intimée réplique que le salarié ne précise pas quelles règles de sécurité n'auraient pas été respectées ou la faute commise, pas plus qu'il n'établit son préjudice. Elle souligne que l'appelant était affecté à l'emballage et non à la production de sorte qu'il n'était pas exposé aux différences de températures. Elle ajoute que le salarié ne s'est jamais plaint d'un non-respect des règles de sécurité.
Au constat que le dossier médical du salarié mentionne expressément que les EPI étaient bien fournis même si le casque AB était parfois remplacé par des bouchons, sans que le salarié ne s'en plaigne ni ne dénonce aucun autre manquement même en lien avec la santé mentale auprès du médecin du travail ou ne fasse remonter des réclamations à l'employeur, la cour retient, à l'instar des premiers juges, que les manquements de l'employeur par rapport à son obligation de sécurité ne sont pas établis et que c'est à bon droit qu'il a été débouté de sa demande d'indemnité de ce chef. Le jugement déféré est confirmé sur ce point.
Sur les autres dispositions
La cour rappelle que les créances salariales portent intérêts au taux légal à compter de la réception par l'employeur de sa convocation devant le conseil de prud'hommes tandis que les créances indemnitaires portent intérêts au taux légal à compter de la décision en fixant tout à la fois le principe et le montant, la capitalisation des intérêts étant ordonnée conformément aux dispositions de l'article 1343-2 du code civil.
Partie perdante, la société Cookie Créations est condamnée aux dépens d'instance et d'appel, le jugement déféré étant confirmé sur ce point et à verser à M. [Y] une somme de 2.000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
REJETTE la demande tendant à ce que les pièces n° 52,53,61,62, 63,72,81,82,83 et 85 soient écartées des débats.
CONFIRME le jugement déféré en ce qu'il a débouté M. [I] [Y] de sa demande de reclassification et de rappels de salaires subséquents, de sa demande d'annulation de la mise à pied du 11 décembre 2015 et de rappel de salaire subséquent et de sa demande pour manquement de l'employeur à son obligation de sécurité et en ce qu'il a alloué à M. [I] [Y] les sommes suivantes :
-3.081,44 euros à titre d'indemnité légale de licenciement,
-4.402 euros majorés de 440,20 euros de congés payés au titre de l'indemnité compensatrice de préavis.
-293,47 euros majorés de 29,34 euros de congés payés afférents à titre de rappel de salaire suite à l'annulation de la mise à pied de 4 jours prononcée le 16 décembre 2016.
L'INFIRME quant au surplus,
Et statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant :
JUGE que le licenciement de M. [I] [Y] est nul.
CONDAMNE la SAS Cookie Créations à verser à M. [I] [Y] une indemnité de 13.000 euros à titre d'indemnité pour licenciement nul.
ORDONNE d'office le remboursement à Pôle Emploi par la SAS Cookie Créations des indemnités de chômage éventuellement versées à M. [I] [Y] dans la limite de 6 mois d'indemnité.
RAPPELLE que les créances salariales portent intérêts au taux légal à compter de la réception par l'employeur de sa convocation devant le conseil de prud'hommes tandis que les créances indemnitaires portent intérêts au taux légal à compter de la décision en fixant tout à la fois le principe et le montant, la capitalisation des intérêts étant ordonnée conformément aux dispositions de l'article 1343-2 du code civil.
CONDAMNE la SAS Cookie Créations à verser à M. [I] [Y] une indemnité de 2.000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile.
CONDAMNE la SAS Cookie Créations aux dépens d'appel.
La greffière, La présidente.