Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE
délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 4 - Chambre 2
ARRET DU 17 MAI 2023
(n° , 11 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 19/06453 - N° Portalis 35L7-V-B7D-B7SZH
Décision déférée à la Cour : Jugement du 06 Mars 2019 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 18/03458
APPELANTE
Madame [N] [X]
née le 11 décembre 1971 à [Localité 6]
[Adresse 1]
[Localité 5]
Représentée par Me Michèle DESANTI de la SELARL DB AVOCATS CONSEILS, avocat au barreau de PARIS, toque : A0479
INTIME
SYNDICAT DES COPROPRIETAIRES [Adresse 1] pris en la personne de son syndic, la Société STARES FRANCE ' SASU inscrite au Registre du Commerce et des Sociétés de Paris, sous le numéro 885 132 068, dont le siège social est [Adresse 2]
à l'adresse de son établissement secondaire : [Adresse 3]
[Localité 4]
Représenté par Me Lionel BUSSON de la SELARL CABINET SABBAH & ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : P0466
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 28 Février 2023, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Mme Nathalie BRET, Conseillère, chargée du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :
M. Jean-Loup CARRIERE, Président de Chambre
Madame Muriel PAGE, Conseillère
Madame Nathalie BRET, Conseillère
Greffier, lors des débats : Mme Dominique CARMENT
ARRET :
- CONTRADICTOIRE
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par M. Jean-Loup CARRIERE, Président de Chambre, et par Mme Dominique CARMENT, Greffière présente lors du prononcé.
* * * * * * * * * * * *
FAITS & PROCÉDURE
L'immeuble en copropriété situé [Adresse 1] est composé de trois bâtiments, A, B et C.
Par acte notarié en date du 2 juillet 2015, Mme [N] [X] a acquis les lots 101 (appartement) et 102 (appartement), au sein du bâtiment B.
Par acte d'huissier de justice du 7 mars 2018, le syndicat des copropriétaires de l'immeuble situé [Adresse 1] a assigné Mme [N] [X] aux fins de la condamner à lui payer la somme en principal de 16.227,69 € au titre de charges de copropriété au 1er janvier 2018, la somme de 365,42 € au titre des frais de l'article 10-1 de la loi du 10 juillet 1965, outre des dommages-intérêts et les dépens.
Aux termes de ses conclusions récapitulatives notifiées par voie électronique le 6 novembre 2018, le syndicat des copropriétaires a demandé de :
- condamner Mme [N] [X] à lui payer les sommes de :
18.159,15 € au titre des charges de copropriété impayées au 1er octobre 2018, outre les intérêts au taux légal sur la somme de 3.476,38 € à compter du 17 mai 2016, date de la première mise en demeure, puis sur celle de 5.998,79 € à compter du 7 mars 2017, date de la seconde mise en demeure, puis sur celle de 15.824,41 € à compter du 12 septembre 2017, puis sur la somme de 16.227,69 € à compter du 7 mars 2018, date de l'assignation, et pour le surplus à compter de la signification du jugement à intervenir et ce, conformément aux dispositions des articles 10 et 30 de la loi du 10 juillet 1965, ainsi que la capitalisation des intérêts,
1.061,42 € au titre des frais nécessaires en application des dispositions de l'article 10-1 de la loi du 10 juillet 1965,
3.500 € à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi,
2.500 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- la débouter de l'ensemble de ses demandes,
- la condamner aux entiers dépens de l'instance lesquels pourront être recouvrés par Maître Lionel Buisson, avocat au barreau de Paris, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile,
- ordonner l'exécution provisoire.
Aux termes de ses conclusions récapitulatives n°2 notifiées par voie électronique le 16 octobre 2018, Mme [N] [X] a demandé au tribunal de :
- dire que les appels de fonds pour travaux - recherches de fuites - sondages, ravalement concernant les structures et réseaux du bâtiment A, en constituant par essence des parties communes spéciales, ne sauraient lui incomber en sa qualité de copropriétaire des deux lots composant le bâtiment B applicables aux charges de nature générale, la nature des charges de bâtiment étant définie par le règlement de copropriété,
- constater au surplus qu'il n'est pas justifié de la régularité des appels de fonds concernant les charges courantes,
- constater encore que des frais irréguliers sont imputés sur le compte de la copropriétaire,
- débouter en conséquence le syndicat des copropriétaires de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,
- faire injonction au syndicat des copropriétaires de lui adresser un compte expurgé des appels de fonds pour travaux ou charges courantes concernant exclusivement le bâtiment A,
- condamner le syndicat des copropriétaires au paiement d'une somme de 4.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- le condamner en tous les dépens.
Mme [N] [X] a notamment contesté des appels exceptionnels du chef de la trésorerie et de travaux qui concernaient le bâtiment A, estimant que le règlement de copropriété prévoit expressément une spécialisation par bâtiment des charges communes générales, qui fait obstacle à l'imputation des charges du bâtiment A aux copropriétaires du bâtiment B. Le syndicat des copropriétaires a fait notamment valoir que le règlement de copropriété ne prévoyait pas de parties communes spéciales de sorte qu'il ne pouvait y avoir de charges spéciales bâtiment.
Par un jugement du 6 mars 2019, le tribunal de grande instance de Paris a :
- condamné Mme [N] [X] à payer au syndicat des copropriétaires de l'immeuble situé [Adresse 1] les sommes de :
18.159,15 € au titre des appels de charges et de travaux arrêtés au 1er octobre 2018, avec intérêts au taux légal sur la somme de 15.824,41 € entre le 12 septembre 2017 et le 6 mars 2018, sur la somme de 16.227,69 € depuis le 7 mars 2018 et, sur le surplus, à compter du jugement,
174 € au titre des frais de l'article 10-1 de la loi du 10 juillet 1965,
2.000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile,
- ordonné la capitalisation des intérêts échus, dus pour une année entière, dans les conditions de l'article 1343-2 du code civil,
- rejeté la demande de Mme [N] [X] tendant à se voir adresser un compte expurgé des appels de fonds pour travaux et charges courantes concernant exclusivement le bâtiment A,
- débouté les parties du surplus de leurs demandes,
- condamné Mme [N] [X] aux dépens, lesquels pourront être recouvrés par Maître Lionel Busson, avocat, dans les conditions de l'article 699 du code de procédure civile pour ceux dont il a fait l'avance sans avoir reçu provision,
- ordonné l'exécution provisoire du jugement.
Mme [N] [X] a relevé appel de ce jugement par déclaration remise au greffe le 22 mars 2019.
La procédure devant la cour a été clôturée le 11 janvier 2023.
PRÉTENTIONS DES PARTIES
Vu les conclusions en date du 2 janvier 2023 par lesquelles Mme [N] [X], appelante, invite la cour, au visa des articles 10 de la loi n°65-557 du 10 juillet 1965, 45-1 du décret n°67-223 du 17 mars 1967, 1156 ancien et 1188 actuel du code civil, à :
- constater que le règlement de copropriété comporte une double échelle de tantièmes, l'une correspondant aux charges générales à tous les bâtiments, l'autre correspondant aux tantièmes spéciaux à chacun des bâtiments, une liste des charges de bâtiments, une clause autorisant la répartition par bâtiment, cette clause ayant été appliquée jusqu'à 2015,
- juger que les appels de fonds pour travaux- recherches de fuites- sondages, ravalement concernant les structures et réseaux, plus généralement tous travaux du bâtiment A doivent être repartis en tantièmes spéciaux à ce bâtiment et leur quote-part extraite de son compte individuel,
- dire au surplus qu'il n'est pas justifié en l'état de la régularité des appels de fonds concernant les charges courantes lesquelles incluent des dépenses liées aux travaux du bâtiment A,
- infirmer en toutes ses dispositions le jugement entrepris,
- infirmer encore le jugement entrepris en ce qu'il a retenu une somme de 174 € à titre de frais, en ce qu'il a ordonné l'application d'intérêts de surcroît capitalisés, et l'a condamnée au paiement d'une somme de 2.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'en tous les dépens,
en ce qui concerne les demandes du syndicat en cause d'appel
- débouter le syndicat des copropriétaires de son appel incident, de ses demandes additionnelles et de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions de première instance et d'appel,
- faire injonction au syndicat des copropriétaires de lui adresser un compte expurgé des appels de fonds pour travaux ou charges courantes concernant exclusivement le bâtiment A,
- condamner le syndicat des copropriétaires au paiement d'une somme de 6.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner le syndicat des copropriétaires en tous les dépens ;
Vu les conclusions en date du 25 novembre 2022 par lesquelles le syndicat des copropriétaires de l'immeuble sis [Adresse 1], intimé, invite la cour, au visa des articles 10, 10-1, 30 et 42 de la loi du 10 juillet 1965, 1231-6, 1240 et 1342-2 du code civil et 515, 699 et 700 du code de procédure civile, à :
- confirmer le jugement en date du 6 mars 2019 en ce qu'il a :
condamné Mme [N] [X] à lui payer les sommes de :
18.159,15 € au titre des charges de copropriété arrêtée au 1er octobre 2018, avec intérêts au taux légal sur la somme de 15.824,41 € entre le 12 septembre 2017 et le 6 mars 2018 sur la somme de 16.227,69 € depuis le 7 mars 2018 et sur le surplus à compter du jugement,
2.000 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
ordonné la capitalisation des intérêts échus, dus pour une année entière dans les conditions de l'article 1343-2 du code civil,
rejeté la demande de Mme [N] [X] tendant à se voir adresser un compte expurgé des appels de fonds pour travaux et charges courantes concernant exclusivement le bâtiment A,
condamné Mme [N] [X] aux dépens,
débouté Mme [N] [X] de l'ensemble de ses demandes,
ordonné l'exécution provisoire du jugement.
- réformer le jugement qui a été rendu le 6 mars 2019 en ce qu'il a l'a débouté de sa demande de dommages et intérêts,
y ajoutant,
- condamner Mme [N] [X] à lui payer les sommes de :
8.491,14 € au titre des charges de copropriété impayées entre le 1er janvier 2019 et le 1er octobre 2022, outre les intérêts au taux légal sur cette somme à compter de la signification de l'arrêt,
180 € au titre des frais nécessaires au sens de l'article 10-1 de la loi du 10 juillet 1965,
3.500 € à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi,
5.000 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner Mme [N] [X] aux entiers dépens de l'instance, lesquels pourront être recouvrés par Maître Lionel Busson, avocat au barreau de Paris, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile ;
SUR CE,
La cour se réfère, pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des moyens échangés et des prétentions des parties, à la décision déférée et aux dernières conclusions échangées en appel ;
En application de l'article 954 alinéa 2 du code de procédure civile, la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif des conclusions ;
Sur l'analyse du règlement de copropriété relative à la répartition des charges
Mme [X] et le syndicat des copropriétaires s'opposent sur l'interprétation des clauses du règlement de copropriété quant à la répartition des charges, Mme [X] alléguant l'existence de charges communes spéciales ;
Aux termes de l'article 1 du décret du 17 mars 1967, 'Le règlement de copropriété mentionné par l'article 8 de la loi du 10 juillet 1965 susvisée comporte ... l'état de répartition des charges prévu au troisième alinéa de l'article 10 de ladite loi.
Cet état définit les différentes catégories de charges et distingue celles afférentes à la conservation, à l'entretien et à l'administration de l'immeuble, celles relatives au fonctionnement et à l'entretien de chacun des éléments d'équipement communs et celles entraînées par chaque service collectif.
L'état de répartition des charges fixe ... la quote-part qui incombe à chaque lot dans chacune des catégories de charges ...' ;
Si le règlement de copropriété ne comporte pas de spécialisation des charges dites 'générales' elles seront, quelle que soit la partie commune concernée, supportées par tous les copropriétaires en proportion de leurs tantièmes de copropriété ;
L'existence de bâtiments distincts n'est pas en elle-même de nature à justifier une répartition de charges par bâtiment ;
En l'espèce, le fait que Mme [X] ait acquis les lots, sans attendre d'avoir communication du règlement de copropriété, ne l'exonère pas de l'application de ce règlement à son égard ;
Le règlement de copropriété du 14 mai 1974 définit en pages 13 et suivantes les parties privatives et les parties communes ;
L'état descriptif de division, inclus dans l'acte notarié du règlement de copropriété en pages 15 à 17 :
- précise que l'immeuble est divisé en :
- 35 lots et partie du lot 16 en ce qui concerne le bâtiment A,
- 2 lots en ce qui concerne le bâtiment B,
- partie du lot 16 en ce qui concerne le bâtiment C,
- inclut des tableaux selon lesquels lesdits lots sont affectés de quotes-parts en 10.000èmes réparties :
- en colonne 5 : 'des parties communes générales',
- en colonne 6 : 'des charges par bâtiment' ;
L'article 5 du règlement de copropriété (page 26) stipule :
'Charges générales - définition - charges communes à tous les copropriétaires
Les charges communes à tous les copropriétaires comprennent les charges générales énoncées ci-après ainsi que les frais de chauffage central, s'il en existe, d'eau chaude, si elle est fournie et, le cas échéant, d'eau froide.
A Charges générales
a) Définition
Les charges générales comprennent :
1° Les impôts ...
2° Services communs :
Les honoraires du syndic ... de l'architecte ... du gardien ...
Les frais d'éclairage, de nettoyage et d'entretien des entrées et des parties communes.
L'achat, l'entretien et le remplacement des poubelles.
L'entretien et la réparation de la loge du gardien si elle existe et des autres locaux à usage des services communs.
Les frais d'entretien et de remplacement de l'installation électrique à usage commun, la location, la pose et l'entretien des compteurs à usage collectif.
La présente énumération est purement énonciative et non limitative.
3° Bâtiments :
Les charges d'entretien, de réparation et de reconstruction telles que :
Les frais de réparations de toute nature, grosses ou menues, à faire aux gros murs (sauf cependant les menues réparations à faire aux gros murs à l'intérieur des appartements), à la toiture, aux têtes de cheminées ...
Les réparations nécessitées par les engorgements dans les conduits des water-closets...
Les frais de ravalement des façades ...
Les frais d'entretien, de réparation et de reconstruction des balcons ...
Les primes d'assurances énumérées au chapitre relatif aux 'assurances'.
Et d'une manière générale, tous frais directs ou indirects d'entretien, de réparation ou de reconstruction des bâtiments.
b) Répartition
Conformément à l'article 10 de la loi du 10 juillet 1965, les charges générales énoncées à l'article précédent seront réparties entre tous les copropriétaires, au prorata des quotes-parts de propriété des parties communes générales attachées à chaque lot tant générales que de bâtiment, suivant le cas.
Néanmoins les copropriétaires qui aggraveraient les charges générales par leur fait ... supporteraient seuls l'intégralité des dépenses ainsi occasionnées.
B) Consommations d'eau froide ... Elles seront considérées comme des charges générales ; elles seront à ce titre réparties entre tous les copropriétaires au prorata des quotes-parts de propriété des parties communes générales ...
C) Charges relatives aux escaliers ... Cette répartition aura lieu de la manière suivante (tableau des parts d'entretien attachées à chaque lot en /10.000°)' ;
Ainsi le règlement de copropriété définit les parties communes sans les identifier par bâtiment et ne détermine pas de parties communes spéciales ;
Les charges définies dans l'article 5 sont communes à tous les copropriétaires et leur répartition est prévue au A b), B et C ainsi qu'il suit :
- les charges nommées 'impôts, services communs, consommations d'eau froide' sont réparties au prorata de quotes-parts de propriété selon le tableau en page 15 'quotes-parts en /10.000° des parties communes générales',
- les charges nommées 'bâtiment' sont réparties au prorata de quotes-parts de propriété selon le tableau en page 15 'quotes-parts en /10.000° des charges par bâtiment',
- les charges nommées 'escaliers' sont réparties au prorata de quotes-parts de propriété selon le tableau en page 29 'parts d'entretien attachées à chaque lot en /10.000°' ;
Les charges nommées 'bâtiment', comme les charges 'impôts, services communs, consommations d'eau froide' et comme les charges 'escaliers', sont réparties en /10.000° et il n'y a pas de 'charges pour chaque bâtiment' tel que l'allègue Mme [X] ;
Le règlement de copropriété a seulement prévu une répartition des charges en /10.000°, différente pour chacune de ces trois catégories de charges communes générales, et le seul fait que l'une de ces trois catégories soit nommée 'bâtiment' ne signifie pas, au regard de la lecture de ce règlement, qu'il existe des charges communes spéciales par bâtiment ;
Concernant le lot 16 qui est pour partie dans le bâtiment A et pour partie dans le bâtiment C, les charges sont aussi réparties en /10.000° selon les quotes-parts précisées dans les tableaux évoqués ci-avant ;
Les charges d'entretien et de conservation de l'immeuble ne peuvent être réparties par bâtiment que si le règlement de copropriété le prévoit et l'existence de bâtiments distincts n'est pas en elle-même de nature à justifier une répartition des charges par bâtiment si le règlement de copropriété ne crée pas de parties communes spéciales;
Les pratiques sur la répartition des charges, qui ont pu être suivies antérieurement à 2016 et qui, selon les écritures du syndicat des copropriétaires, sont conformes aux prévisions du règlement de copropriété, ne sont pas de nature à remettre en question les dispositions du règlement de copropriété ni son interprétation et ne valent pas une reconnaissance par le syndicat des copropriétaires de l'existence de parties communes spéciales tel que l'allègue Mme [X] ;
L'allégation de Mme [X] selon laquelle la ruine du bâtiment A aurait pour origine des défauts d'entretien et des fuites en provenance des installations privatives des lots du bâtiment A ne modifie pas l'interprétation du règlement de copropriété ; le fait que Mme [X] reproche au syndicat des copropriétaires de ne pas avoir engagé d'action à l'encontre des propriétaires des installations privatives défaillantes est insuffisant à justifier que les charges au titre des réparations subséquentes ne pourraient pas lui être imputées au motif que ses lots sont dans le bâtiment B ; et les manquements que Mme [X] imputent au syndicat des copropriétaires ne peuvent justifier le non paiement de ses charges ;
Si Mme [X] estime que le syndicat est en infraction par rapport à l'article 209 II de la loi du 23 novembre 2018, qui impose si le règlement de copropriété ne prévoit pas de parties communes spéciales d'en formaliser, ledit syndicat fait observer que Mme [X] n'a pas contesté les assemblées générales du 19 décembre 2019 (pièce 108 SDC) et du 17 décembre 2020 (pièce 110 SDC), au cours desquelles les copropriétaires ont rejeté la demande de Mme [X] de 'mise en conformité du règlement de copropriété par la mention expresse des parties communes spéciales à chacun des bâtiments et à des charges spéciales qui leur sont attachées' ;
Ainsi il convient de considérer que le règlement de copropriété ne détermine pas de parties communes spéciales, ni de charges spéciales, que les charges de conservation, d'entretien et d'administration des parties communes ne sont pas réparties par bâtiment et que les appels de fonds discutés par Mme [X] doivent être supportés par tous les copropriétaires y compris par elle-même ;
Le jugement est donc confirmé en ce qu'il a rejeté la demande de Mme [N] [X] tendant à se voir adresser un compte expurgé des appels de fonds pour travaux et charges courantes concernant exclusivement le bâtiment A ;
Sur la demande du syndicat en paiement des charges et des frais
Aux termes de l'article 10 de la loi du 10 juillet 1965, les copropriétaires sont tenus de participer aux charges entraînées par les services collectifs et les éléments d'équipements communs en fonction de l'utilité que ces services et éléments présentent à l'égard de chaque lot, ils sont tenus de participer aux charges relatives à la conservation, à l'entretien et à l'administration des parties communes proportionnellement aux valeurs relatives des parties privatives comprises dans leurs lots ;
L'approbation des comptes du syndic par l'assemblée générale rend certaine, liquide et exigible la créance du syndicat des copropriétaires relative à chaque quote-part de charges ; les provisions pour charges sont exigibles le premier jour de chaque trimestre ou le premier jour fixé par l'assemblée générale et les sommes afférentes aux dépenses pour travaux sont exigibles selon les modalités votées en assemblée générale ;
Selon l'article 14-1 de la même loi, pour faire face aux dépenses courantes de maintenance, de fonctionnement et d'administration des parties communes et des équipements communs de l'immeuble, le syndicat des copropriétaires vote, chaque année, un budget prévisionnel et les copropriétaires paient au syndicat des provisions égales au quart du budget voté sauf
modalités différentes adoptées par l'assemblée générale ; cette provision est exigible le premier jour de chaque trimestre ou le premier jour de la période fixée par l'assemblée générale ;
Aux termes de l'article 10-1 de la loi du 10 juillet 1965, sont imputables au seul copropriétaire concerné les frais nécessaires exposés par le syndicat, notamment les frais de mise en demeure, de relance et de prise d'hypothèque à compter de la mise en demeure, pour le recouvrement d'une créance justifiée à l'encontre d'un copropriétaire ainsi que les droits et émoluments des actes des huissiers de justice et le droit de recouvrement et d'encaissement à la charge du débiteur ;
En vertu des dispositions conjuguées des articles 1353 nouveau du code civil (article 1315 ancien) et 9 du code de procédure civile, il appartient au syndicat des copropriétaires de prouver que le copropriétaire est redevable de la somme réclamée dans sa totalité ;
Le syndicat des copropriétaires verse aux débats notamment les pièces suivantes :
- un extrait de la matrice cadastrale justifiant de la qualité de copropriétaire de Mme [X] des lots 101 et 102,
- les procès-verbaux des assemblées générales des 29 août 2013, 18 mars 2014, 10 juin 2014, 29 janvier 2015, 30 juin 2015, 26 janvier 2016, 19 décembre 2016, 30 novembre 2017, 18 décembre 2018, 6 juin 2019, 19 décembre 2019, 24 février 2020, 17 décembre 2020 et 8 septembre 2021, approuvant les comptes des exercices et les budgets prévisionnels,
- les appels de fonds,
- le décompte des sommes dues,
- les courriers intitulés mises en demeure,
- le contrat de syndic,
- le règlement de copropriété ;
En première instance, le syndicat sollicitait la somme de 18.159,15 € au titre des charges de copropriété impayées au 1er octobre 2018 et la somme de 1.061,42 € au titre des frais et en appel, il sollicite la somme de 8.491,15 € au titre des charges de copropriété impayées entre le 1er janvier 2019 et le 1er octobre 2022 et la somme de 180 € au titre des frais ;
Il convient d'étudier la demande d'actualisation sans la distinguer de la demande en première instance et considérer que le syndicat sollicite la somme de 26.650,30 € (18.159,15 + 8.491,15) au titre des charges de copropriété impayées au 1er octobre 2022 et la somme de 1.241,42 € (1.061,42 + 180) au titre des frais ;
Selon le décompte (pièce 86), à la date du 1er octobre 2022 (appel du 4ème trimestre 2022 et du fonds de travaux Alur inclus), il était dû la somme de 30.224,71 € dont :
- 26.650,30 € au titre des charges,
- 1.241,42 € au titre des frais,
- 2.332,99 € (2.000 + 71,74 + 450 + 71,74 + 300 -125,42 - 240 - 696 + 500,93) non sollicitée par le syndicat comme ne faisant pas partie des frais ;
Le détail des charges correspond aux appels de fonds et aux relevés de charges produits ; les budgets afférents ont été votés aux assemblées générales ;
Le montant des charges impayées au 1er octobre 2022 s'élève donc à la somme de 26.650,30 € ;
Il y a lieu de déduire le versement effectué par Mme [X] postérieurement au 1er octobre 2022, soit la somme de 510,68 € le 26 octobre 2022 ;
Ainsi il résulte des pièces produites par le syndicat qu'à la date du 26 octobre 2022, Mme [X] était redevable de la somme de 26.139,62 € (26.650,30 - 510,68) au titre des charges arrêtées au 1er octobre 2022 (appel du 4ème trimestre 2022 et du fonds de travaux Alur inclus) ;
Le jugement est donc infirmé en ce qu'il a condamné Mme [N] [X] à payer au syndicat des copropriétaires la somme de 18.159,15 € au titre des appels de charges et de travaux arrêtés au 1er octobre 2018, avec intérêts au taux légal sur la somme de 15.824,41 € entre le 12 septembre 2017 et le 6 mars 2018, sur la somme de 16.227,69 € depuis le 7 mars 2018 et, sur le surplus, à compter du jugement ;
Et il y a lieu de condamner Mme [X] à payer au syndicat des copropriétaires la somme de 26.139,62 € au titre des charges arrêtées au 1er octobre 2022 (appel du 4ème trimestre 2022 et du fonds de travaux Alur inclus), outre les intérêts au taux légal sur la somme de 16.227,69 € à compter du 7 mars 2018, date de l'assignation, et pour le surplus à compter de la signification du présent arrêt ;
Au titre des frais relatifs à l'article 10-1 de la loi du 10 juillet 1965, le syndicat sollicite la somme de 1.241,42 € dont :
- la somme de 66 € au titre de la mise en demeure du 3 mars 2016, qu'il y a lieu d'écarter, le syndicat ne justifiant pas que cette lettre ait été adressée par lettre recommandée,
- la somme de 54 € au titre de la lettre de relance du 17 mai 2016, qu'il y a lieu d'écarter faute d'une mise en demeure antérieure,
- la somme de 125,42 € au titre de lettre de mise en demeure du 1er décembre 2016, qu'il y a lieu d'écarter aucune mise en demeure du 1er décembre 2016 n'étant produite,
- la somme de 66 € au titre de la mise en demeure du 7 mars 2017, qu'il y a lieu d'écarter, le syndicat ne justifiant pas que cette lettre ait été adressée par lettre recommandée,
- la somme de 54 € au titre d'honoraires, de 348 € au titre de frais de transmission du dossier à l'avocat, de 174 €, 174 € et 180 € au titre de frais de suivi de dossier de recouvrement, qu'il y a lieu d'écarter car il ne s'agit pas de frais nécessaires au sens de l'article 10-1 précité, mais des honoraires du syndic dans le cadre de ses diligences élémentaires ;
En conséquence, le jugement est infirmé en ce qu'il a condamné Mme [X] à payer au syndicat des copropriétaires la somme de 174 € au titre des frais de l'article 10-1 de la loi du 10 juillet 1965 ;
Et il y a lieu de débouter le syndicat des copropriétaires de sa demande au titre des frais de l'article 10-1 de la loi du 10 juillet 1965 ;
La capitalisation des intérêts en application de l'article 1343-2 nouveau du code civil (ancien article 1154) est de droit lorsqu'elle est demandée ; elle ne court qu'à compter de la demande qui en est faite ; en l'espèce elle a été demandée par le syndicat dès la première instance ;
Le jugement doit donc être confirmé en ce qu'il a ordonné la capitalisation des intérêts ;
Sur la demande au titre des dommages et intérêts
Mme [X] n'a pas payé les charges de copropriété à leur échéance pendant plusieurs années, n'effectuant que des règlements partiels et insuffisants ;
Le non paiement par Mme [X] de sa quote part de charges de copropriété provoque des difficultés de trésorerie à la copropriété tenue de faire l'avance des sommes dues à ses créanciers ;
Les manquements systématiques et répétés de Mme [X] à son obligation essentielle à l'égard du syndicat des copropriétaires de régler les charges de copropriété sont constitutifs d'une faute qui cause à la collectivité des copropriétaires, privée de sommes importantes nécessaires à la gestion et à l'entretien de l'immeuble, un préjudice financier, direct et certain, distinct de celui compensé par les intérêts moratoires ;
Sa mauvaise foi est confirmée par le fait qu'elle avait connaissance des difficultés de trésorerie de la copropriété, puisque selon le procès-verbal de l'assemblée générale du 30 novembre 2017 le syndic a informé les copropriétaires que du fait de deux copropriétaires défaillants, une partie des travaux votés en 2016 ne pourrait être effectuée tant que leur dette n'aura pas été réglée, sauf appel de fonds exceptionnel, et l'assemblée générale du 8 septembre 2021 a voté une avance destinée à couvrir le besoin en trésorerie du aux dettes de deux copropriétaires dont Mme [X] ;
Le jugement doit être infirmé en ce qu'il a débouté le syndicat des copropriétaires de sa demande de dommages et intérêts ;
Et il y a lieu de condamner Mme [X] à payer au syndicat la somme de 3.000 € de dommages-intérêts ;
Sur les dépens et l'application de l'article 700 du code de procédure civile
Le sens du présent arrêt conduit à confirmer le jugement sur les dépens et l'application qui y a été équitablement faite de l'article 700 du code de procédure civile ;
Mme [X], partie perdante, doit être condamnée aux dépens d'appel, ainsi qu'à payer au syndicat des copropriétaires la somme supplémentaire de 4.000 € par application de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel ;
Le sens du présent arrêt conduit à rejeter la demande par application de l'article 700 du code de procédure civile formulée par Mme [X] ;
PAR CES MOTIFS
LA COUR
Statuant par mise à disposition au greffe, contradictoirement,
Confirme le jugement sauf en ce qu'il a :
- condamné Mme [N] [X] à payer au syndicat des copropriétaires de l'immeuble situé [Adresse 1] les sommes de :
18.159,15 € au titre des appels de charges et de travaux arrêtés au 1er octobre 2018, avec intérêts au taux légal sur la somme de 15.824,41 € entre le 12 septembre 2017 et le 6 mars 2018, sur la somme de 16.227,69 € depuis le 7 mars 2018 et, sur le surplus, à compter du jugement,
174 € au titre des frais de l'article 10-1 de la loi du 10 juillet 1965,
- débouté le syndicat des copropriétaires de sa demande de dommages et intérêts ;
Statuant sur les chefs réformés et y ajoutant,
Condamne Mme [N] [X] à payer au syndicat des copropriétaires de l'immeuble situé [Adresse 1] :
- la somme de 26.139,62 € au titre des charges arrêtées au 1er octobre 2022 (appel du 4ème trimestre 2022 et du fonds de travaux Alur inclus), outre les intérêts au taux légal sur la somme de 16.227,69 € à compter du 7 mars 2018, et pour le surplus à compter de la signification du présent arrêt,
- la somme de 3.000 € au titre des dommages et intérêts ;
Déboute le syndicat des copropriétaires de sa demande au titre des frais de l'article 10-1 de la loi du 10 juillet 1965 ;
Condamne Mme [N] [X] aux dépens d'appel qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile, ainsi qu'à payer au syndicat des copropriétaires de l'immeuble situé [Adresse 1] la somme supplémentaire de 4.000 € par application de l'article 700 du même code en cause d'appel ;
Rejette toute autre demande.
LA GREFFIERE LE PRESIDENT