REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 5 - Chambre 10
ARRÊT DU 22 MAI 2023
(n° ,12 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général: 21/14837 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CEGYG
Décision déférée à la Cour: Jugement du 05 Septembre 2019 -Tribunal de Grande Instance de PARIS
APPELANTS
Monsieur [M] [A]
Domicilié [Adresse 6]
[Localité 4]
né le [Date naissance 1] 1935 à [Localité 7]
Représenté par Me Jacques BELLICHACH, avocat au barreau de PARIS, toque : G0334
Madame [B] [N] épouse [A]
Domiciliée [Adresse 6]
[Localité 4]
née le [Date naissance 2] 1941 à [Localité 7]
Représentée par Me Jacques BELLICHACH, avocat au barreau de PARIS, toque: G0334
INTIME
LE DIRECTEUR RÉGIONAL DES FINANCES PUBLIQUES D'ILE DE FRANCE
Le Directeur Régional des Finances Publiques d'Ile de France et du département de Paris
en ses bureaux du Pôle Fiscal Parisien
[Adresse 3],
[Adresse 3]
[Localité 5]
Représenté par Me Guillaume MIGAUD de la SELARL ABM DROIT ET CONSEIL AVOCATS E.BOCCALINI & MIGAUD, avocat au barreau de VAL-DE-MARNE, toque: PC430
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 06 Mars 2023, en audience publique, devant la Cour composée de :
Monsieur Edouard LOOS, Président
Monsieur Jacques LE VAILLANT, Conseiller
Madame Sylvie CASTERMANS, Magistrate honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles
qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l'audience par Monsieur Edouard LOOS Président dans les conditions prévues par l'article 804 du code de procédure civile.
Greffier, lors des débats : Madame Sylvie MOLLÉ
ARRÊT :
- contradictoire
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Edouard LOOS,Président et par Sylvie MOLLÉ, Greffier, auquel la minute du présent arrêt a été remise par le magistrat signataire.
FAITS ET PROCEDURE
Les sociétés en commandite par actions Valorest, Acanthe, Cimofat, Cimoflu et Valma sont les holdings animatrices du groupe [A], et regroupent les participations de chaque secteur d'activité, dont les marques sont Auchan, Leroy Merlin, Décathlon, Boulanger, saint-Maclou, Norauto etc, par sociétés interposées.
Les parts de ces sociétés holdings sont détenues par les 650 membres de la famille [A], soit directement, soit par l'intermédiaire de sociétés civiles interposées, ces associés étant regroupés au sein de l'association familiale [A], dite « AFM ».
Ces titres, réunis en une part d'AFM englobant indivisément les parts des cinq sociétés holdings, sont cessibles entre les membres de la famille [A] une fois l'année sur une bourse interne organisée chaque 1 juillet, au prix établi par un collège d'experts. Si un déséquilibre se fait jour entre l'offre et la demande par excès d'offres de vente, à concurrence d'1% de l'ensemble de ces titres, les experts sont de nouveau saisis pour déterminer, le cas échéant, un autre prix.
Une caisse de rachat, qui est une réserve financière, assure le paiement des offres de vente dans la proportion de 2% du capital des sociétés holdings, en cas de déséquilibre. Au-delà, le marché est ainsi, le règlement intérieur de l'AFM, en son article 2.1 expose que « le marché des titres de l'AFM est un marché fermé, intuitu personae...le volume des ordres de vente ne peut dépasser le volume des ordres d'achat, complété par les possibilités de réduction de capital de l'AFM que permettent ses réserves financières non investies dans les entreprises et constituées à cet effet (caisse de rachat). Au-delà de la caisse de rachat, le marché se ferme ».
Au paragraphe « utilisation de la caisse de rachat » il est stipulé «si l'excédent de vendeurs sur acheteurs est inférieur à 1% de la valeur de l'association : la caisse de rachat répond à son objectif de permettre la liberté des actionnaires et chacun est servi suivant sa demande. Si l'excédent de vendeurs sur acheteurs est supérieur à 1% de la valeur de l'association : un processus de « retour aux experts » est déclenché. Les experts modifient ou confirment alors la valeur. Une fois la nouvelle valeur définie, les vendeurs et acheteurs confirment leurs ordres. Si après confirmation des ordres,
' l'excédent de vendeurs sur acheteurs est inférieur à 2% de la valeur de l'association, les ordres de vente sont exécutés,
' l'excédent de vendeurs sur acheteurs est supérieur à 2% de la valeur de l'association: les ordres de vente sont servis jusqu'à 2% en fonction du pourcentage de propriété de chaque vendeur et du poids relatif de leurs ordres de vente,
' au-delà des 2%, que constitue la caisse de rachat, les ordres de vente non servis sont annulés. »
Selon le paragraphe 2-2 « la valeur du titre AFM « Tous dans tout », il est précisé « la valeur de l'AFM résulte de l'évaluation de chacune des entreprises de l'AFM. Ces évaluations sont déterminées par un collège d'experts indépendants. Elles s'imposent à l'ensemble des transactions entre actionnaires, et entre l'AFM et les actionnaires salariés des entreprises. » « un cours de base est établi par un collège d'experts désignés par le conseil de gérance...cette valeur tient compte de tous les éléments connus, à la date d'expertise, de l'évolution des entreprises, de leur position concurrentielle, de la trésorerie nette de l'AFM et de l'évolution du marché des capitaux. Ce cours est déterminé pour un faible volume de transactions. ».
Entre 2006 et 2012, les transactions se sont établies entre 0,17% et 0,59% du capital de ces sociétés, et portaient en 2008, 2009 et 2010 respectivement sur 0,17%, 0,27% et 0,54% de ce capital.
Les sociétés en commandite par actions Cimoflu et Valma faisaient l'objet d'une fusion 'absorption le 22 décembre 2009.
Monsieur [M] [A] et madame [B] [N], son épouse, détiennent 197.526 actions non cotées, dont en dernier lieu 147.117 actions en usufruit, le surplus en pleine propriété, des sociétés en commandite par actions Valorest, Acanthe, Cimofat, et jusqu'en 2009, Cimoflu et Valma, et l'usufruit de 12.400 sur 40.000 parts de la société civile Gastaflor, dont monsieur [M] [A] est le gérant, laquelle détient 1.936.508 actions des sociétés; Ce faisant, ils détiennent 1,43% du capital social des sociétés holding du groupe [A].
L'article 12 des statuts de la société en commandite par actions Valorest stipule : « la société a un caractère exclusivement familial et regroupe les descendants de Mr et Mme [H] [A]-[S] ou des sociétés familiales composées exclusivement entre les descendants de Mr et Mme [H] [A]-[S] . Elle a donc un caractère intuitu personae et entend agréer au préalable tout nouvel actionnaire commanditaire, sur décision de la gérance. Le conseil de gérance admet de nouveaux actionnaires commanditaires et agrée les souscriptions nouvelles des anciens actionnaires commanditaires.
L'admission d'actionnaires commanditaires nouveaux intervient par voie soit de virement d'actions anciennes cédées par les anciens titulaires, soit de souscriptions d'actions nouvelles. Le droit de souscription ne pourra être exercé qu'une fois par an le 1 juillet de chaque année, sauf dérogation accordée par la gérance. ».
L'article 17 spécifie : « toutes cessions ou transmissions d'actions ou de droits sur les actions, même par voie d'apport, entre vifs, volontaires ou forcées, à titre gratuit ou onéreux, même à un conjoint, à un ascendant ou à un descendant ou entre actionnaires commanditaires, doivent être préalablement autorisées par le conseil de gérance. Les transmissions à titre onéreux ne peuvent être effectuées qu'une fois par an sauf dérogation décidée par la gérance. ».
Le 6 alinéa de l'article 8 des statuts de la société civile Gastaflor dit que « à raison du caractère strictement familial de la société...en aucun cas une part d'intérêt ne pourra être détenue directement ou indirectement par une personne ne descendant pas en ligne directe de Mr et Mme [H] [A]-[S] . La présence des conjoints parmi les associés, tant en propriété qu'en usufruit, devra respecter les clauses d'agrément pouvant exister dans les statuts des sociétés dans lesquelles la présente société détient des participations », l'article 9 ajoutant que « les parts d'intérêt sont librement cédées à des descendants en ligne directe. Toute autre cession de parts qu'elle soit à un tiers ou à un associé est soumise à l'agrément de tous les associés et en conformité à l'article 8, alinéa 6 ».
Le 20 décembre 2012, l'administration fiscale proposait de rectifier la valeur des parts sociales déclarées par les époux [A] pour l'impôt de solidarité sur la fortune dû en 2009, 2010 et 2011, la valeur unitaire de la part de la société en commandite par actions Valorest, déclarée à concurrence de 16,04 euros, 24,68 euros, 26,43 euros respectivement ces années, parvenant à 20,55 euros, 30,74 euros et 33,67 euros, celle de la société en commandite par actions Acanthe, déclarée pour 26,38 euros, 40,76 euros et 42,73 euros respectivement selon ces années, parvenant à 33,13 euros, 50,06 euros et 54,19 euros, celle de la société en commandite par actions Cimofat, déclarée pour 12,61 euros, 18,62 euros, 19,55 euros selon les années, devenant 15,94 euros, 23,22 euros et 25,03 euros, celle de la société Valma, déclarée en 2009 pour 29,24 euros, étant rehaussée à 36,28 euros, enfin, celle de la société Cimoflu déclarée en 2009 pour 84,27 euros, étant redressée à 105,90 euros, par comparaison avec les cessions de titres intervenues sur la bourse interne de la famille [A] au cours des années 2008, 2009 et 2010.
Par ailleurs, la valeur des parts de la société civile Gastaflor, déclarée pour un total de 14.629.588 euros en 2009, de 14.416.752 euros en 2010, de 16.285.178 euros en 2011 compte tenu des réductions découlant du pacte d'actionnaires, étant redressée jusqu'à 22.042.566 euros en 2009, 21.667.312 euros en 2010 et 27.490.520 euros en 2011.
Elle a formé un rappel pour un total de 245.724 euros, ainsi déployés :
- 98.160 euros de droits et 16.490 d'intérêts moratoires pour l'impôt de solidarité sur la fortune de 2009,
- 95.219 euros de droits et 11.426 d'intérêts moratoires pour l'impôt de solidarité sur la fortune de 2010,
- 23.046 euros de droits et 1.383 d'intérêts moratoires pour l'impôt de solidarité sur la fortune de 2011.
Ces impositions ont été mises en recouvrement le 16 octobre 2015, et la réclamation élevée à leur encontre par les contribuables le 6 novembre 2015 a été rejetée le 26 avril 2016 par l'administration fiscale.
C'est dans ces conditions qu'ils ont fait assigner devant ce tribunal cette administration par exploit du 17 juin 2016 en décharge des impositions contestées.
* * *
Vu le jugement prononcé le 5 septembre 2019 par le tribunal de grande instance de Paris qui a statué comme suit :
Dit recevables les conclusions de l'administration fiscale signifiées le 6 juin 2019 ;
Dit recevables les conclusions de monsieur [M] [A] et madame [B] [N] signifiées le 12 juin 2019 ;
Dit la procédure de contrôle régulière ;
Infirme partiellement la décision de rejet de l'administration fiscale du 26 avril 2016 ;
Dit que la valeur des titres de la société civile Gastaflor doit résulter de la formule suivante : [(3 valeurs mathématiques + 1 valeur de productivité)/4] x 90% où la valeur mathématique parvient à 235.640.161 euros en 2009, 231.859.303 euros en 2010 et 248.598.692 euros en 2011, où la valeur de productivité est de 50.041.071 euros en 2009, 49.534.980 euros en 2010 et 83.170.782 euros en 2011, et où la proportion de 90% intègre la décote de minorité de 10% ;
Invite l'administration fiscale à calculer de nouveau l'impôt de solidarité sur la fortune dû par monsieur [M] [A] et madame [B] [N] pour les années 2009, 2010 et 2011 ;
Prononce la décharge des impositions mises à la charge de monsieur [M] [A] et madame [B] [N] dans cette mesure ;
Rejette le surplus des demandes formées par monsieur [M] [A] et madame [B] [N] ;
Rappelle l'exécution provisoire de droit ;
Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamne l'administration fiscale aux dépens.
Vu l'appel déclaré le 28 juillet 2021 par monsieur [M] [A] et madame [B] [N],
Vu les dernières conclusions signifiées le 25 avril 2022 par Mme [B] [N] veuve [M] [A] et par M. [W] [A], M. [G] [A], Mmes [O] [A], [E] [A] et [T] [A] en qualités d'héritiers de M. [M] [A],
Vu les dernières conclusion ssignifiées le 25 janvier 2022 par le Directeur Régional des Finances Publiques d'Île-de-France et de Paris,
Mme [B] [N] veuve [M] [A], M. [W] [A], M. [G] [A], Mmes [O] [A], [E] [A] et [T] [A] en qualités d'héritiers de M. [M] [A],
demandent à la cour de statuer comme suit:
A- Sur les sociétés en commandite par actions
1. Sur la régularité du jugement
- Il ressort expressément du règlement de la bourse d'échange intrafamiliale (pièce n°
6) que le prix de transaction est fixé par le collège d'experts pour un faible nombre de
titres, en lien avec la garantie de liquidité bénéficiant à 2% des titres.
- Il ressort également du rapport du 22 juin 2016 (pièce n°5), sur la détermination du
« cours » de transaction des SCA, que le collège d'experts indique formellement ne pas
tenir compte du risque de liquidité dans la fixation de ce prix conformément à la lettre
de mission qui lui est donnée par le collège des gérants des SCA.
- Il ressort encore du rapport du 22 juin 2016 (pièce n°5), que le « cours » de
transaction fixé par les experts ne peut intégrer les autres contraintes de liquidité compte
tenu du mode de détermination de ce « cours » (actif net réévalué) ; En effet, dès lors
que le prix fixé par les experts correspond à l'addition pure et simple du prix des actions
des sociétés filiales opérationnelles, il ne peut, par construction, intégrer des
contraintes qui grève les actions des holdings de tête (un seul jour de bourse par an,
clause d'agrément, règle d'indivision).
- Il ressort enfin de l'historique de la bourse d'échange familiale (pièce n° 7), que le
nombre total des offres d'achat est extrêmement faible : 0,27 %, 0,59 %, 1,11% et
0,57 % des actions AFM en 2009, 2010, 2011 et 2012.
Ainsi, en affirmant qu'il ressort de l'examen des pièces du dossier que le prix de
l'action fixé par le collège d'expert tient compte des contraintes de liquidité, alors
qu'elles établissent l'exact contraire, le tribunal a dénaturé ces pièces.
2. Sur la pertinence des termes de comparaison
- Le prix des transactions intervenant sur la bourse annuelle d'échange, qui est déterminé
par un collège d'experts, d'après des directives d'évaluation fixées par les dirigeants des
SCA, ne constitue pas un prix de marché. Un prix fixé à dires d'expert, qui n'est pas
librement négociable, n'exprime pas un prix de marché au motif que des transactions
sont réalisées au prix fixé par les experts.
- Ce prix, qui correspond en l'espèce à la valeur mathématique des actions des SCA,
n'est détachable ni du cadre conventionnel dans lequel ces transactions interviennent, ni
de la garantie limitée de liquidité à laquelle est associé le prix fixé à dire d'experts.
- Des titres, qui en vertu du règlement de cette bourse annuelle, peuvent être cédés au
prix fixé par les experts et bénéficier d'une garantie collective de liquidité limitée à 2 %
de la valeur des sociétés en cause, n'ont pas les mêmes caractéristiques que les titres ne
bénéficiant pas de ces garanties de prix et de liquidité.
- Le prix fixé à dires d'expert n'est donc pas transposable aux actions qui ne sont pas
confrontées au même risque de liquidité, élément essentiel de la valorisation d'une
action non cotée.
- Il ne suffit pas de se référer à la vente de quelques milliers de titres intervenue sur la
bourse intrafamiliale au prix fixé à dires d'expert,
et ce d'autant moins lorsque, comme en l'espèce, les termes de comparaison cités
par l'administration ne portent manifestement pas sur un volume de titres
comparables à ceux en litige et sont donc insusceptibles d'établir la justification du
rehaussement de valeur.
Ainsi, en l'absence de référence, dans la proposition de rectification, à des comparables
intrinsèquement similaires, il doit être jugé que l'administration ne rapporte pas la
preuve qui lui incombe de l'insuffisance de valorisation qu'elle reproche au
contribuable, en contrariété avec les dispositions de l'article L 17 2ème alinéa du Livre
des procédures fiscales.
3. Sur le bien-fondé d'une décote par rapport au « cours » fixé par les experts
- Risque de liquidité
Le « cours » de transaction fixé par les experts ne peut, à l'évidence, intégrer le risque
de liquidité puisque ce « cours » s'applique précisément à la proportion de titres (2%)
qui bénéficie d'une garantie de liquidité. Ce « cours » exprime le prix de l'action liquide
et non l'inverse.
L'existence de la bourse d'échange intrafamiliale atténue la contrainte de liquidité pour
environ 2 à 2,5 % de l'ensemble des titres des SCA conformément à l'objectif
recherché, mais au-delà de ce pourcentage, le risque de liquidité, c'est-à-dire le risque
de ne pas pouvoir vendre et l'incertitude sur les délais de réalisation ne sont pas
contestables.
En l'espèce, si le pourcentage d'actions détenues par le contribuable et la SC dont il est
associé (1,43 %) était inférieur à la limite d'intervention de la Caisse de rachat, ce
pourcentage excédait très largement le volume annuel des ventes sur la bourse interne
(plus de trois fois) et le nombre d'actions en litige représentait à lui seul 58,1% du
nombre maximum de titres éligibles sur la bourse interne.
L'administration ne peut prétendre en conséquence que les 2 134 034 actions AFM en
litige ne présentaient aucun risque de liquidité.
L'administration ne peut davantage soutenir que les titres étaient assurés de pouvoir être
vendus au prix de transaction fixé par les experts dès lors que la mise en vente des seuls
titres détenus par le contribuable et la société civile GASTAFLOR aurait entrainé la
suspension de la bourse intrafamiliale et le processus de révision du prix prévu par le
règlement de la bourse interne.
- Limites à la libre cession
Il doit être également tenu compte du fait que la bourse d'échange n'ouvre qu'un seul
jour par an, que les titres des SCA ne peuvent être vendus distinctement l'un de l'autre
et que la cession des actions est soumise à agrément, ce qui constitue indéniablement
une contrainte mise à la libre cessibilité justifiant en tout état de cause l'application a
minima d'une décote de 15 %.
- Le contribuable justifie par ailleurs que le prix de cession fixé par le collège d'experts
n'intègre aucune décote qui ferait double emploi avec celle qu'il défend.
- Enfin, l'administration ne démontre pas en quoi la stabilité de l'actionnariat, qui
bénéficie aux sociétés opérationnelles, viendrait compenser le fait que les actionnaires
des SCA ne peuvent pas vendre librement leurs actions.
En conséquence, la décote appliquée par le contribuable est justifiée dans son principe
et son montant.
En tout état de cause, l'administration, qui se limite à contester le principe de
l'application de toute décote, sans défendre un montant de décote qu'elle estimerait plus
adapté aux titres en cause, n'établit pas que les valeurs des SCA ont été sous-évaluées
pour l'application des dispositions des articles 885 S et 666 du Code Général des
Impôts.
B- Sur la SC GASTAFLOR
- Le contribuable n'a jamais soutenu que la décote de minorité qu'il revendique pour
valoriser sa participation dans la société GASTAFLOR trouverait sa justification dans
le fait que cette société ne détiendrait elle-même qu'une participation minoritaire dans
les SCA.
La décote revendiquée par le contribuable trouve son fondement dans la circonstance
qu'il est associé minoritaire de cette société civile et qu'il n'a de ce fait, ni le contrôle
de cette société, ni la possibilité d'accéder à ses actifs, ni celui de décider la distribution
de dividendes à son profit, ni la faculté de pouvoir vendre librement ses titres.
L'administration ne peut pas soutenir, pour la première fois en appel, que la décote de
holding de 25% tiendrait compte du caractère minoritaire de la participation, dès lors
qu'elle a justifié l'adoption de ce pourcentage par la prise en compte de l'incidence de
la valeur de rendement dans la formule majoritaire (3VP+0VP)/4 = 25% de décote.
L'administration ne peut pas revenir sur cette appréciation qu'elle a exprimée et
exprime toujours dans ses écritures devant la Cour.
Subsidiairement, cette prise de position lui est opposable en application de l'article L 80
B, 1° du Livre des Procédures Fiscales.
- Le caractère minoritaire des titres GASTAFLOR implique :
' Soit d'appliquer une décote de 25 % à la formule majoritaire (3VM+1VP)/4
' Soit, a minima, d'appliquer la formule minoritaire (2VM+VP)/3 dès lors que
l'administration, qui supporte la charge de la preuve conformément au 2ème
alinéa de l'article L 17 du LPF, n'établit pas la preuve d'une sous-évaluation à
hauteur des montants correspondant à cette formule de valorisation
(2VM+1VP)/3 qu'elle a elle-même considéré comme étant justifiée.
- En tout état de cause, si la Cour devait juger que la valeur des parts en litige devait
être déterminée selon la seule valeur mathématique comme le défend l'administration,
la décote de holding doit être majorée d'une décote de minorité de 15%.
En conséquence, il est demandé à la Cour :
D'infirmer le jugement
De prononcer la décharge des impositions
De Condamner l'administration fiscale à payer une somme de 5 000 € au titre de
l'article 700 du code de procédure civile ;
De condamner l'administration fiscale aux dépens d'instance, dont le montant pourra
être recouvré par Maitre [R] [Z], conformément aux dispositions de
l'article 699 du code de procédure civile.
Le Directeur Régional des Finances Publiques d'Île-de-France et de Paris demande à la cour de statuer comme suit:
S'agissant des SCA':
- confirmer le jugement entrepris ';
S'agissant de la SC Gastaflor ':
- réformer le jugement en ce qu'il a retenu la formule suivante [(3 valeurs mathématiques + 1 valeur de productivité)/4] x 90'% ;
- retenir la formule suivante : VM (telle que retenue par le jugement) - 25 % ;
-'débouter les consorts [A] de toutes leurs demandes, fins et prétentions';
et y faisant droit':
-'condamner les consorts [A] en tous les dépens de première instance et d'appel.
- condamner les consorts [A] à une somme de 3 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure
civile.
SUR CE, LA COUR
a) Sur la valeur des parts des sociétés en commandite par actions Valorest, Acanthe, Cimofat, Cimoflu et Valma
Les consorts [A] soutiennent, au visa des articles L.17 et L.80 B 1° du livre des procédures fiscales, qu'une décote d'illiquidité doit être appliquée à la valorisation unitaire des sociétés visées aux motifs que les particularités du présent marché intrafamilial à savoir le renforcement du risque de liquidité et les limites à la cession de titres, respectivement dus, à la révision du « cours » puis la fermeture du marché en cas d'insuffisance d'offres d'achat par rapport aux ventes, et les clauses d'agrément, la règle d'indivisibilité « Tous dans tout », le prix de cession fixé par des tiers puis la période de cession limitée à un jour par an, justifient l'application d'une décote sur la valorisation des titres. Cette valorisation résulte des termes de comparaison portant sur des volumes de titres comparables et donc en cas de disproportion massive entre les volumes de titre, la comparaison n'est pas pertinente et est dénuée de fondement. Au surplus, l'application d'une décote est opposable à l'administration en raison de sa position sur des situations identiques à l'espèce.
Le DGFPI soutient, au visa des articles 666, 758, 885 S du code général des impôts, L.17 et L 57 du livre des procédures fiscales, que l'administration est fondée à redresser la valorisation des parts déclarée par les requérants dès lors qu' elle est inférieure à leur valeur vénale réelle. Celle-ci est déterminée à partir des termes de comparaison similaire ou à défaut, à partir d'autres méthodes permettant d'obtenir une valeur aussi proche de celle issue de la méthode habituelle. Si l'administration reconnait le caractère réducteur du présent marché, elle estime qu'il n'est pas aussi contraignant pour justifier l'application d'une décote d'illiquidité dès lors que la juxtaposition des ordres de vente et d'achat est certaine et que la faiblesse des échanges constatée sur la décennie emporte liquidité du marché en raison de la garantie de la caisse de rachat qui n'a jamais été sollicitée et donc l'impossibilité d'aboutir à une fermeture du marché. En outre, les actionnaires disposent d'un droit de retrait assimilable à une promesse de rachat de sorte qu'ils ne sont pas prisonniers de leurs parts. L'application d'une décote dans une autre situation ne lui est pas opposable en l'espèce puisque les conditions des contribuables ne sont pas identiques.
Ceci étant exposé, les consorts [A] ne soutiennent plus que la valeur des SCA doit être déterminée sur la base d'une méthode multicritères mais que le prix de transaction fixé par le collège d'experts doit être ajusté par une décote d'illiquidité afin de prendre en compte les caractéristiques des titres faisant l'objet du litige. Ils renoncent en conséquence à défendre l'irrégularité pour défaut de motivation suffisante des rehaussements de la valeur
des SCA.
Selon l'article 885 D du code général des impôts, dans sa version applicable au
litige :
'L'impôt de solidarité sur la fortune est assis et les bases d'imposition déclarées selon les mêmes règles et sous les mêmes sanctions que les droits de mutation par décès sous réserve
des dispositions particulières du présent chapitre.'
L'article 885 S du même code ajoute que « la valeur des biens est déterminée suivant les règles en vigueur en matière de droits de mutation par décès. »
L'article 666 de ce code indique que « les droits proportionnels ou progressifs
d'enregistrement et la taxe proportionnelle de publicité foncière sont assis sur les valeurs ».
L'article 758 ajoutant que « pour les transmissions à titre gratuit des biens meubles, autres que les valeurs mobilières cotées et les créances à terme, la valeur servant
de base à l'impôt est déterminée par la déclaration détaillée et estimative des parties, sans
distraction des charges, sauf ce qui est dit aux articles 764, 767 à 770 et 773 à 776 bis. »
Si aucun prix n'est connu, la valeur de titres non cotés en bourse doit être mesurée, pour déterminer l'assiette de l'impôt de solidarité sur la fortune, en tenant compte de tous les éléments d'une façon aussi proche que possible de celle qu'aurait entraîné le jeu de l'offre et de la demande dans un marché réel à la date du fait générateur de l'impôt.
Dans la présente espèce, les sociétés en commandite ont un caractère familial, les cessions d'actions s'effectuent lors d'une bourse annuelle, le 1er juillet, à laquelle intervient unecaisse de rachat dans la limite de 2 % du capital des sociétés, étant précisé qu'au-delà de cepourcentage, les cessions doivent intervenir au profit d'acheteurs définis par l'article 12 des
statuts. Le prix en est fixé par un collège d'experts, quels que soient la forme de la mutation
et le nombre d'actions objet de celle-ci, et les contraintes spécifiques qui leur sont attachées
font partie des éléments d'appréciation pris en considération par les experts. Le prix serapproche le plus possible de celui qu'aurait entraîné, dans un marché réel, le jeu normal de
l'offre et de la demande. La valeur ainsi fixée a été reprise par l'administration fiscalecomme critère de comparaison.
Les consorts [A] sont ainsi mal fondés à soutenir que la valorisation retenue par la bourse interne ne pourrait pas être adoptée alors qu'elle a pris en compte les cessions de titres SCA intervenues le 1er juillet de l'année précédente. Les termes de comparaison ont dés lors étéadaptés puisqu'ils ont porté sur des cessions de titres affectés des mêmes risques deliquidité et de limites à la libre cession mis en avant par les appelants. La bourse interne constitue un marché réel et le prix déterminé par les experts correspond à celui du marché réel , même si le jeu de l'offre et de la demande est restreint.
Sans nécessité d'ordonner une expertise, la demande de décote sollicitée par les appelants doit être rejetée puisque ces éléments ont déjà été pris en compte dans l'évaluation retenue par la bourse interne .
Le jugement déféré doit être confirmé de ce chef.
b) Sur la valeur des parts de la société civile Gastaflor
Les consorts [A] soutiennent, au visa des articles 885 S, 666 du code général des impôts, L.17 et L 57 du livre des procédures fiscales, que l'intimé ne motive pas suffisamment la proposition de redressement et ne rapporte pas la preuve d'une sous-évaluation de ces parts au motif que la valorisation doit refléter les caractéristiques de la société, de ses actifs et de la participation tout en évitant une application multiple des décotes qui recouvrent le même objet.
Le DGFPI soutient que la formule appliquée par les requérants n'est pas fondée aux motifs que le cumul entre une combinaison de valeurs et une décote aboutit à diminuer excessivement la valeur des parts, alors que la décote globale de 25 % effectuée sur la valeur mathématique des titres des sociétés civiles prend suffisamment en compte les suggestions d'une détention même minoritaire. Les sociétés visées étant des holdings passives, il n'a pas lieu de recourir à une combinaison de valeurs, la seule valeur mathématique est suffisante. Dès lors que la valorisation des parts de sociétés civiles correspond à la réévaluation de ses participations faute de cessions comparables, aucune décote ne peut être appliquée sur la valeur mathématique des sociétés civiles, faute de distorsion entre la valeur de leur actif et la valeur des participations détenues. Toutefois, au cas particulier de l'espèce, il reconnait l'application d'une décote de 15 % pour illiquidité (désormais portée à 25 %). La formule retenue est donc VM-25%. Il critique la proposition des réquerants visant à appliquer une deuxième formule au motif que la valorisation initiale des parts aboutirait à une décote de plus de 50 % sur la valeur mathématique pure, ce qui est manifestement décorrélé de la réalité économique.
Ceci étant exposé, l'article 885 G du code général des impôts dispose que :
« les biens ou droits grevés d'un usufruit, d'un droit d'habitation ou d'un droit d'usage
accordé à titre personnel sont compris dans le patrimoine de l'usufruitier ou du titulaire du
droit pour leur valeur en pleine propriété.
Les consorts [A] détiennent l'usufruit de 12 400 parts sur 40 000 de la société Gastaflor.
La société Gastaflor détient 1 936 508 titres de chacune des sociétés en commandite ainsi que 1 930 681 titres de la société NC Claris, 1 936 508 titres de la société Soderec, 5 827 titres de la société Claris France et 1 024 368 titres de la société Norauto.
Le redressement a été opéré en tenant compte de la seule valeur mathématique des sociétés civiles, à laquelle a été appliquée une décote de 15% pour non-liquidité des titres.
L'administration fiscale accepte désormais l'application d'une décote de 25 % sur la seule
valeur mathématique .
L'actif des sociétés civiles est constitué par des participations minoritaires dans les
3 sociétés en commandite par actions Valorest, Acanthe, Cofimat, Cimoflu et Valma.
La formule proposée par les appelants pour la société civile Gastoflor selon laquelle VM correspond à la valeur mathèmatique des SCA et VP porte sur sa valeur de productivité doit être écartée dés lors que les société civile a une productivité faible ayant pour objet la perception desdividendes. De plus, ainsi que celà a été ci dessus rappelé, la valeur mathématique correspond à la valorisation faite par les experts de la bourse interne qui intègre déjà les paramètres tenant au fonctionnement du pacte familial et aux contraintes et limitations des conditions de vente. L'application de ce calcul multi-critères avec décote conduit à tenir compte à deux reprises desdites contraintes et conduit à sous- évaluer la valeur des participations avec une minoration del'ordre de 50% .Il convient dès lors de retenir la valeur mathématique proposée par l'administration fiscale (3VM +VP) /4 qui tient uniquement compte de la valeur des titres des SCA détenus par les sociétés civiles avec application d'une décote de 25% qui permet d'harmoniser les diverses détentions sur un
profil minoritaire au sein des sociétés civiles.
Il se déduit de ce qui précède que le jugement déféré doit être confirmé en toutes ses dispositions sauf concernant la détermination des parts de la société civile .
c) Sur l'article 700 du code de procédure civile;
La cour n'estime pas devoir entrer en voie de condamnation de ce chef
PAR CES MOTIFS :
La cour,
CONFIRME le jugement déféré sauf concernant la valeur des parts de la société civile qui
devra être calculée selon la formule suivante: (3VM +1VP /4) -25%
REJETTE toutes autres demandes;
CONDAMNE solidairement Mme [B] [N] veuve [M] [A], M. [W] [A], M. [G] [A], Mmes [O] [A], [E] [A] et [T] [A] M. [X] [L] et Mme [F] [C] épouse [L] aux dépens.
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,
S.MOLLÉ E.LOOS