REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 5 - Chambre 10
ARRÊT DU 22 MAI 2023
(n° , 5 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 22/06619 - N° Portalis 35L7-V-B7G-CFSG7
Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 02 Mars 2022 -TJ de CRETEIL RG n° 21/00388
APPELANT
Monsieur [J] [H]
Domicilié [Adresse 3]
[Localité 4]
né le [Date naissance 1] 1974 à [Localité 6]
Représenté par Me Stéphane FERTIER de l'AARPI JRF AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : L0075
Assisté par Me Bertrand DE CAMPREDON de la SELARL GOETHE AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, Avocat plaidant ;
INTIMEE
S.A.S.U. EDELIS
Ayant son siège social
[Adresse 2]
[Localité 5]
Prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
Représentée par Me Patricia HARDOUIN de la SELARL SELARL 2H Avocats à la cour, avocat au barreau de PARIS, toque : L0056
Assistée par Maître AMICHAUD DABIN Armelle, Avocat plaidant du barreau de Toulouse
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 27 Février 2023, en audience publique, devant la Cour composée de :
Monsieur Edouard LOOS, Conseiller
Mme Christine SIMON-ROSSENTHAL,
Monsieur Jacques LE VAILLANT,
qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l'audience par Monsieur LOOS dans les conditions prévues par l'article 804 du code de procédure civile.
Greffier, lors des débats : Madame Sylvie MOLLÉ
ARRÊT :
- contradictoire
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Edouard LOOS, Président et par Sylvie MOLLÉ, Greffier présent lors du prononcé.
FAITS ET PROCEDURE
Le 3 avril 2002, par l'intermédiaire de la société EBG Finance, Monsieur [J] [H] a signé un contrat de réservation préliminaire aux fins d'achat, en l'état futur d'achèvement, d'un bien immobilier situé dans la résidence du Vieux Port, à [Localité 7] (02), pour un montant de 108 960 euros TTC, auprès de la société 4M Promotion devenue Edelis, dans le but de réaliser un investissement immobilier lui permettant de défiscaliser les revenus de ce bien.
L'acte de vente en l'état futur d'achèvement a été conclu en la forme authentique par acte reçu par Me [G] [I], notaire à [Localité 8], le 21 octobre 2002.
Le financement de l'acquisition a été assuré par un prêt de 108 960 euros consenti par la Bnp Paribas le 23 septembre 2002.
Par acte d'huissier de justice en date du 8 décembre 2020, Monsieur [H] a fait assigner la société Edelis soutenant en substance qu'il avait été démarché par la société EBG Finance afin de procéder à un investissement immobilier locatif dans le cadre du régime fiscal ' Besson', mais que cette société, mandataire de la société Edelis, avait manqué à ses obligations d'information et de conseil, en surévaluant l'immeuble à vendre, en n'attirant pas son attention sur son faible rendement locatif due à la situation défavorable du marché locatif de [Localité 7] et en ne l'avertissant pas des risques financiers de l'opération.
* * *
Vu l' ordonnance prononcée le 2 mars 2022 par le le juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Créteil qui a statué comme suit :
- Déclare les demandes irrecevables comme prescrites,
- Condamne Monsieur [J] [H] aux dépens et à payer à la société Edelis la somme de 500 (cinq cent) euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Vu l'appel déclaré le 30 mars 2022 par Monsieur [H],
Vu les dernières conclusions signifiées le 24 novembre 2022 par M. [J] [H],
Vu les dernières conclusions signifiées le 9 février 2023, par la société Edelis,
M. [H] demande à la cour de statuer comme suit :
Vu l'article 2224 du code civil, les articles 31 et 700 du code de procédure civile,
- Infirmer l'ordonnance du juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Créteil du 2 mars 2022 (RG n° 21/00388) en ce qu'elle a :
Déclaré les demandes irrecevables comme prescrites,
Condamne Monsieur [H] aux dépens et à payer à la société Edelis France la somme de 500 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
Et par conséquent, statuant à nouveau,
- Déclarer recevable l'action formée à l'encontre de la société Edelis en sa qualité de promoteur-vendeur de l'opération d'investissement,
- Juger non prescrite l'action indemnitaire diligentée à l'égard d'Edelis par Monsieur [H],
En tout état de cause,
- Condamner Edelis règlement de la somme de 2 000 euros au titre des disposition de l'article 700 du code de procédure civile,
- Condamner Edelis aux entiers dépens de première instance et d'appel dont le recouvrement sera effectué par la Selarl JRF & Associés représentée par Maître Stéphane Fertier conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
La société Edelis demande à la cour de statuer comme suit :
Vu les articles 2222 et 2224 du code civil, les articles 32 et 122 du code de procédure civile, l'Ordonnance du 2 mars 2022 du juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Créteil,
Au principal,
- Juger que les actes authentiques de vente ont été signés entre Monsieur [J] [H] et la société 4M Promotion le 21 octobre 2002.
- Juger que Monsieur [J] [H] a assigné la société Edelis par acte en date du 8 décembre 2020.
Par conséquent,
- Confirmer l'ordonnance rendue le 2 mars 2022 par le Juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Créteil en ce qu'elle a jugé irrecevables les demandes de Monsieur [J] [H].
- La confirmer encore en ce qu'elle a condamné Monsieur [J] [H] au paiement de la somme de 500 euros au bénéfice de la Sas Edelis sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens de l'incident.
A titre subsidiaire,
Si par extraordinaire la Cour venait à considérer l'action de monsieur [H] non prescrite,
- Juger que Monsieur [H] allègue d'un défaut conseil reposant sur la simulation fiscale qui lui a été remise par Groupe EBF Finances.
- Juger que la Sas Edelis a donné mandat à Groupe EBG Finance de vendre les biens de la Résidence Vieux Port sans lui donner mandat de commercialiser le dispositif fiscal de Robien et d'établir la simulation fiscale.
Par conséquent, statuant à nouveau,
- Infirmer l'ordonnance rendue le 2 mars 2022.
- Juger irrecevable pour défaut de qualité à agir l'action de Monsieur [H] dirigée à l'encontre de la Sas Edelis.
- Confirmer l'ordonnance en ce que Monsieur [H] a été condamné au paiement de la somme de 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de l'incident devant le Juge de la mise en état.
En tout état de cause,
- Condamner Monsieur [J] [H] au paiement de la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens dont le recouvrement sera poursuivi par la Selarl 2H Avocats, en la personne de Maître Patricia Hardouin, par application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
SUR CE, LA COUR
M. [J] [H] soutient, au visa de l'article 2224 du code civil, que l'action n'est pas prescrite au motif que le point de départ de la prescription d'une action en réparation du préjudice constitué par la perte de chance de ne pas contracter est le jour de réalisation du dommage, soit en l'espèce, le jour du débouclage de l'opération. Les investisseurs ne peuvent avoir conscience des risques liés à l'opération qu'à la revente du bien puisque c'est à ce moment qu'ils découvrent que le produit de vente ne couvre pas les frais engagés dans l'opération. Ni les carences locatives, ni la baisse de loyers ne sont susceptibles de révéler ce déséquilibre négatif. L'omission d'informations sur les risques, renforcés par la surévaluation du bien immobilier, support de l'opération, est constitutive du manquement à l'obligation d'information et de conseil imputable à l'intimée.
La société Edelis soutient en revanche, au visa de l'article 2224 du code civil, que l'action est prescrite aux motifs que le point de départ de la prescription est le jour de la conclusion du contrat de vente ou l'année de la première location respectivement pour la surévaluation du bien, le défaut d'information sur les risques, et pour le défaut d'information sur le contexte local. Il revenait au requérant de se renseigner sur la valeur réelle du bien immobilier, sur la réalité du marché locatif et sur les risques encourus dès lors qu'il dispose d'une faculté de rétractation.
Ceci étant exposé, l'article 2224 du code civil est ainsi rédigé :
'Les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer.'
La prescription quinquennale est également applicable à la demande fondée sur le dol sauf à préciser que, en application de l'article 1144 du code civil, le point de départ de l'action se situe au jour de la découverte du dol.
Concernant la surévaluation du bien immobilier au jour de son acquisition et l'état du marché locatif, il appartenait à l'appelant de se renseigner sur l'estimation du bien immobilier et les perspectives locatives au jour de son acquisition le 21 octobre 2002. Sagissant du défaut d'information et de conseil et d'un préjudice fondé sur la perte de chance de ne pas contracter, le point de départ de la prescription se situe au jour de la conclusion du contrat soit le 21 octobre 2002. L'assignation ayant été délivrée le 8 décembre 2020, les demandes se trouvent ainsi prescrites sur ce fondement.
Concernant le grief relatif à l'impossibilité d'obtenir la rentabilité promise, il doit être relevé que l'appelant ne se situe sur le terrain de la perte locative puisque M. [H] admet n'avoir connu que trés peu de désarrois locatifs.
Selon M. [H], le point de départ de la prescription doit se situer au jour du débouclage de l'opération en avril 2016 et au plus tard lorsqu'il a sollicité une estimation de son bien le 1er trimestre 2020.
Si le point de départ de la prescription peut être reporté au jour de la connaissance du principe du dommage et non nécessairement de son montant, M. [H] a adhéré au dispositif fiscal dit 'Loi Besson' et les documents signés par ce dernier envisagent une rentabilité adossée à une durée locative de 10 années. Dans l'hypothèse même retenue par l'appelant de report du point de départ de la prescription au jour du débouclage de l'opération, cette dernière se situerait à l'expiration du délai de 10 années suivant la première mise en location intervenue en février 2004. L'action introduite le 8 décembre 2020 se trouve ainsi prescrite.
Le point de départ de la prescriptin ne peut pas se situer au jour où l'investisseur dédide de faire procéder à une estimation immobilière car il dépendrait d'une décision purement subjective et potestative.
L'ordonnance déférée doit ainsi être confirmée.
La cour n'estime pas devoir allouer une somme complémentaire à la société Edelis sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La cour,
CONFIRME l'ordonnance déférée ;
REJETTE toutes autres demandes ;
CONDAMNE M. [H] aux dépens et accorde à maître Hardouin, avocat, le bénéfice des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,
S.MOLLÉ E.LOOS