Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE
délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 6 - Chambre 11
ARRET DU 23 MAI 2023
(n° , 8 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 20/01860 - N° Portalis 35L7-V-B7E-CBRHI
Décision déférée à la Cour : Jugement du 04 Février 2020 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS - RG n° F 19/08117
APPELANTE
Madame [M] [K]
[Adresse 1]
[Localité 4]
Représentée par Me Marlone ZARD, avocat au barreau de PARIS, toque : B0666
INTIMEE
SARL BOULANGERIE DE LA ROTONDE
[Adresse 2]
[Localité 3]
Représentée par Me Marie-Catherine VIGNES, avocat au barreau de PARIS, toque : L0010
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 23 Mars 2023, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Isabelle LECOQ-CARON, Présidente de chambre, chargée du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :
Madame Isabelle LECOQ-CARON, Présidente de chambre,
Madame Anne HARTMANN, Présidente de chambre,
Madame Catherine VALANTIN, Conseillère,
Greffier, lors des débats : Madame Manon FONDRIESCHI
ARRET :
- contradictoire
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Madame Isabelle LECOQ-CARON, Présidente de chambre, et par Madame Manon FONDRIESCHI, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
RAPPEL DES FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES
Mme [M] [K], née en 1996, a été engagée par la SARL Boulangerie de la Rotonde, par un contrat de travail à durée indéterminée à compter du 22 août 2016 en qualité de vendeuse en application de la convention collective nationale de la boulangerie pâtisserie.
Mme [K] a été victime d'un accident du travail le 15 septembre 2017 et a été placée en arrêt maladie jusqu'au mois de mai 2018.
Elle a été en congé maternité à partir du 11 mai 2018, puis en congé parental du 1er septembre 2018 au 1er février 2019.
Mme [K] a ensuite été en arrêt de travail à compter du 1er février 2019, son dernier arrêt de travail courait jusqu'au 7 avril 2019.
Elle a sollicité en avril 2019 une rupture conventionnelle.
La société Boulangerie de la Rotonde lui a fait parvenir le 12 avril 2019 une lettre de mise en demeure pour absence injustifiée.
Mme [K] a pris acte de la rupture de son contrat de travail par lettre du 13 mai 2019.
A la date de la rupture, Mme [K] avait une ancienneté de plus de 2 ans et la société Boulangerie de la Rotonde occupait à titre habituel plus de dix salariés.
Soutenant que la prise d'acte de la rupture doit produire les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse et réclamant diverses indemnités, outre des rappels de salaire, le paiement d'heures supplémentaires, et des dommages et intérêts pour non respect de l'obligation de sécurité, exécution déloyale du contrat de travail, et préjudice moral, ainsi que la remise de documents, Mme [K] a saisi le 11 septembre 2019 le conseil de prud'hommes de Paris qui, par jugement du 4 février 2020, auquel la cour se réfère pour l'exposé de la procédure antérieure et des prétentions initiales des parties, a statué comme suit :
- dit que la prise d'acte produit les effets d'une démission,
- condamne la société boulangerie de la Rotonde à payer à Mme [K] les sommes suivantes:
- 4.476,58 euros à titre de rappel d'indemnité compensatrice de congés payés,
- 116,11 euros au titre des heures supplémentaires,
- 11,61 euros au titre des congés payés afférents,
- 1.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- ordonne la remise des documents de fin de contrat et un bulletin de paie conformes au présent jugement,
- déboute Mme [K] du surplus de ses demandes,
- condamne la société boulangerie de la Rotonde aux dépens.
Par déclaration du 27 février 2020, Mme [K] a interjeté appel de cette décision, notifiée le 13 février 2020.
Dans ses dernières conclusions adressées au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 12 janvier 2021, Mme [K] demande à la cour de :
- la déclarer recevable et bien fondée en son appel et ses prétentions,
- confirmer le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Paris en date du 4 février 2020 en ses dispositions qui lui sont favorables : « condamne la sarl boulangerie de la rotonde à payer à Mme [K] les sommes suivantes :
4476,58 euros à titre de rappel d'indemnité compensatrice de congés payés
116,11 euros au titre des heures supplémentaires
11.61 euros au titre des congés payés afférents
1.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile
ordonne la remise des documents de fin de contrat et un bulletin de paie conforme au présent jugement »,
- infirmer le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Paris en date du 4 février 2020 en ce qu'il a :
* dit que la prise d'acte produit les effets d'une démission,
* débouté Mme [K] du surplus de ses demandes et notamment en ce qu'il a refusé de :
condamner la société boulangerie de la rotonde à lui verser :
la somme de 3.078 euros (2 mois de salaire) au titre de l'indemnité compensatrice de préavis et 307,8 euros à titre des congés payés y afférents,
la somme de 1.058,37 euros au titre de l'indemnité légale de licenciement,
la somme de 4.618,35 euros (3 mois de salaire) au titre des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
condamner la société au versement de 13.368 euros à titre de rappel de salaire pendant l'accident de travail outre 1.336,8 euros de congés payés afférents,
condamner la société au versement de 20.000 euros à titre de dommages et intérêts pour non-respect de son obligation de sécurité,
condamner la société au versement de 10.000 euros à titre de dommages et intérêts pour l'exécution déloyale du contrat de travail,
condamner la société au versement de 15.000 euros à titre de dommages et intérêts pour le préjudice moral,
En conséquence, statuant de nouveau il est demandé a la cour de :
- dire et juger que la prise d'acte de Mme [K] produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse,
- condamner en conséquence la société boulangerie de la rotonde à lui verser :
* la somme de 3.078 euros (2 mois de salaire) au titre de l'indemnité compensatrice de préavis et 307,8 euros à titre des congés payés y afférents,
* la somme de 1.058,37 euros au titre de l'indemnité légale de licenciement,
* la somme de 4.618,35 euros (3 mois de salaire) au titre des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
- condamner la société au versement de 13.368 euros à titre de rappel de salaire pendant l'accident de travail outre 1.336,8 euros de congés payés afférents,
- condamner la société au versement de 20.000 euros à titre de dommages et intérêts pour non-respect de son obligation de sécurité,
- condamner la société au versement de 10.000 euros à titre de dommages et intérêts pour l'exécution déloyale du contrat de travail,
- condamner la société au versement de 15.000 euros à titre de dommages et intérêts pour le préjudice moral,
- ordonner la remise de l'ensemble des documents ordonnée par la cour d'appel d'une astreinte de 100 € par jour de retard,
- condamner la société à régler à Mme [K] la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner la société aux intérêts légaux sur toutes les sommes auxquelles elle sera condamnée à payer,
- condamner la société au paiement des entiers dépens,
- prononcer l'exécution provisoire de la décision à venir sur le fondement de l'article 515 du code de procédure civile et R. 1454-14, R. 1454-28 du code du travail.
Dans ses dernières conclusions adressées au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 06 juillet 2021, la société Boulangerie de la Rotonde demande à la cour de':
- la recevoir en ses présentes écritures et l'y dire bien fondée,
- confirmer en toutes ses dispositions le jugement du conseil de prud'hommes de Paris du 4 février 2020,
En tout état de cause,
- rejeter l'ensemble des demandes de Mme [K],
- condamner Mme [K] à verser à la société boulangerie de la Rotonde la somme de 2.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 08 février 2023 et l'affaire a été fixée à l'audience du 23 mars 2023.
Pour un plus ample exposé des faits, des prétentions et des moyens des parties, la cour se réfère à leurs conclusions écrites conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.
MOTIFS DE LA DÉCISION
La cour relève que les chefs de jugement condamnant la SARL Boulangerie de la Rotonde à payer à Mme [K] les sommes de 4.476,58 euros à titre de rappel d'indemnité compensatrice de congés payés, de 116,11 euros au titre des heures supplémentaires et de 11.61 euros au titre des congés payés afférents ne sont pas critiqués.
Sur le rappel de salaires
Pour infirmation de la décision entreprise, Mme [K] soutient que durant l'arrêt de travail subséquent à son accident du travail, la société Boulangerie de la Rotonde s'est bornée à la placer en «'absences non rémunérées'», alors même qu'il convenait de considérer cette période comme un temps de travail effectif et non comme des absences.
La société Boulangerie de la Rotonde réplique qu'elle n'avait pas à la rémunérer pendant son arrêt maladie puisqu'elle touchait des indemnités journalières de la sécurité sociale, que les bulletins indiquant qu'elle était en absence non rémunérée entre septembre et décembre 2017 ne sont qu'une simple erreur matérielle du cabinet comptable ne lui ayant causé aucun préjudice, que ses bulletins de salaire à compter de janvier 2018 font mention d'un arrêt de travail à la suite d'un accident du travail.
Il est acquis que Mme [K] a été placée en arrêt de travail à compter du 15 septembre 2017 jusqu'au 30 avril 2018, période pendant laquelle elle a dû percevoir des indemnités journalières, ce qu'elle ne contredit pas. Elle ne s'explique pas sur ce point et ne précise nullement le fondement sur lequel elle réclame un rappel de salaire sur cette période. C'est donc à juste titre que les premiers juges l'ont déboutée de sa demande à ce titre. La décision entreprise sera confirmée de ce chef.
Sur le manquement à l'obligation de sécurité
Pour infirmation de la décision sur ce point, Mme [K] soutient, au visa des articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail, que ses conditions de travail ont été en constante dégradation ; que l'envoi tardif de ses attestations de salaire et le refus d'envoyer l'accord de congé parental à la CPAM ont contribué à la mettre, avec son nouveau-né en danger.
La société Boulangerie de la Rotonde réplique que Mme [K] ne fait état d'aucun manquement d'information ou de formation à la sécurité, ni à l'emploi de moyens relatifs aux risques professionnels encourus, ni d'aucune dégradation de son état de santé.
En application de l'article L.4121-1 du code du travail dans sa rédaction applicable, l'employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs.
Ces mesures comprennent :
1° Des actions de prévention des risques professionnels et de la pénibilité au travail,
2° Des actions d'information et de formation,
3° La mise en place d'une organisation et de moyens adaptés.
L'employeur veille à l'adaptation de ces mesures pour tenir compte du changement des circonstances et tendre à l'amélioration des situations existantes.
L'article L. 4121-2 du même code précise que l'employeur met en oeuvre les mesures prévues à l'article L. 4121-1 sur le fondement des principes généraux de prévention suivants:
1° Eviter les risques ;
2° Evaluer les risques qui ne peuvent pas être évités ;
3° Combattre les risques à la source ;
4° Adapter le travail à l'homme, en particulier en ce qui concerne la conception des postes de travail ainsi que le choix des équipements de travail et des méthodes de travail et de production, en vue notamment de limiter le travail monotone et le travail cadencé et de réduire les effets de ceux-ci sur la santé ;
5° Tenir compte de l'état d'évolution de la technique ;
6° Remplacer ce qui est dangereux par ce qui n'est pas dangereux ou par ce qui est moins dangereux ;
7° Planifier la prévention en y intégrant, dans un ensemble cohérent, la technique, l'organisation du travail, les conditions de travail, les relations sociales et l'influence des facteurs ambiants, notamment les risques liés au harcèlement moral et au harcèlement sexuel, tels qu'ils sont définis aux articles L. 1152-1 et L. 1153-1, ainsi que ceux liés aux agissements sexistes définis à l'article L. 1142-2-1 ;
8° Prendre des mesures de protection collective en leur donnant la priorité sur les mesures de protection individuelle ;
9° Donner les instructions appropriées aux travailleurs
La salariée affirme par simples allégations que l'employeur a manqué à son obligation de sécurité sans nullement préciser un quelconque élément de fait et doit être, en conséquence, déboutée de sa demande de dommages-intérêts. La décision sera confirmée de ce chef.
Sur l'exécution déloyale du contrat de travail
Pour infirmation de la décision sur ce point, Mme [K] soutient essentiellement que la société Boulangerie de la Rotonde a commis de graves manquements tout au long de l'exécution du contrat de travail, en ne lui transmettant pas les documents dont elle avait besoin malgré ses nombreuses relances ; que la société a fini par être sommée par l'inspection du travail de régulariser cette situation.
La société Boulangerie de la Rotonde réplique que les faits allégués par Mme [K] sont les mêmes que ceux à l'origine de sa demande relative à la violation de l'obligation de sécurité, et qu'elle ne produit aucune pièce à l'appui de sa demande.
En application de l'article L.1222-1 du code du travail, le contrat de travail est présumé exécuté de bonne foi, de sorte que la charge de la preuve de l'exécution de mauvaise foi dudit contrat incombe à celui qui l'invoque.
Il résulte des pièces versées au dossier que Mme [K] a dû à de nombreuses reprises procéder à des réclamations auprès de son employeur en raison du non-versement régulier du salaire, de l'absence de fiche de paye, de l'absence d'attestation de salaires durant les arrêts de travail consécutifs à son accident du travail du 15 septembre 2017. A cet égard, l'inspecteur du travail a demandé par courrier du 24 octobre 2017 à la société de régulariser la situation. Or il appert que Mme [K] affirme que les difficultés ont persisté postérieurement à cette date et produit à cet effet plusieurs emails de réclamation. L'employeur qui a la charge de la preuve, ne justifie pas qu'il a procédé régulièrement aux paiements des salaires dans un intervalle qui ne doit pas être supérieur à un mois comme rappelé par l'inspecteur du travail, ni qu'il a été diligent en établissant les attestations de salaire réclamées par la salariée dans les meilleurs délais. De la même façon, alors que Mme [K] était en congé maternité depuis le 12 mai 2018, elle a dû réclamer à son employeur la transmission de l'attestation de salaire sans que celui-ci ne justifie avoir fait le nécessaire. En outre, alors que la salariée était en congé parental du 1er septembre 2018 au 1er avril 2019 et qu'elle a été placée en arrêt de travail le 1er février 2019, elle a du solliciter de son employeur un courrier pour la CPAM sur sa situation relative à son congé parental et également une attestation de salaire. A cet égard, la CPAM avait relancé le 30 octobre 2019 l'employeur pour qu'il télétransmette une attestation de salaire relative à l'arrêt maladie du 1er février 2019 et qu'il joigne la lettre d'accord du congé parental. Contrairement à ce qu'il soutient, celui-ci ne justifie nullement avoir envoyé une quelconque réponse à la CPAM.
C'est en vain que l'employeur produit une attestation de salaire pour le paiement des indemnités journalières en date du 5 février 2019 qui n'est pas signée et dont il n'est pas établi qu'elle a bien été transmise ainsi qu'une attestation de salaire avec la mention manuscrite 'prolongation' sans date de prolongation, signée le 21 décembre 2017 et 'envoyée le 29/11".
Il s'ensuit que la société a manqué à son obligation d'exécution loyale du contrat de travail en obligeant Mme [K] à multiplier les démarches pour être remplie de ses droits et ce malgré le rappel de l'inspecteur du travail, privant ainsi la salariée de la perception dans les délais de ses revenus. Il convient en réparation du préjudice causé, par infirmation de la décision déférée, de condamner la société à verser à Mme [K] la somme de 2.000 euros de dommages-intérêts.
Sur le préjudice moral
Mme [K] qui sollicite la réparation du préjudice moral causé par les manquements de son employeur ne rapporte pas la preuve d'un préjudice distinct de celui déjà réparé par les dommages-intérêts octroyés ci-dessus. Elle sera déboutée de cette demande et la décision critiquée sera confirmée de ce chef.
Sur la prise d'acte de la rupture
Pour infirmation de la décision déférée, Mme [K] fait valoir que son employeur a manqué à ses obligations et invoque à l'appui de sa demande les retards ou l'absence de transmission de documents à la CPAM, les retards ou l'absence de paiement des salaires et de transmission de bulletins de salaire, le non-paiement des heures supplémentaires, la non remise des documents de la mutuelle. Elle soutient que la prise d'acte de la rupture de son contrat de travail doit produire les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse compte tenu de la gravité de ces manquements.
L'intimée réplique qu'elle a toujours fait le nécessaire pour transmettre à la CPAM les éléments nécessaires à la prise en charge de la salariée ; que s'agissant du non paiement de la journée du 15 septembre 2017, il s'agit d'une erreur de l'expert comptable qui a été corrigée lors du solde de tout compte ; qu'elle a toujours payé les heures supplémentaires; qu'elle a appris incidemment que la salariée bénéficiait de la couverture maladie universelle et a régularisé sa situation en lui versant la somme de 758,75 euros qui avait été prélevée sur ses salaires ; qu'elle n'a pas manqué à son obligation de sécurité ; qu'en tout état de cause les faits sont anciens et ne peuvent justifier la prise d'acte.
Il résulte de la combinaison des articles L.1231-1, L.1237-2 et L.1235-1 du code du travail que la prise d'acte permet au salarié de rompre le contrat de travail en cas de manquement suffisamment grave de l'employeur qui empêche la poursuite du contrat de travail.
En cas de prise d'acte de la rupture du contrat de travail par le salarié, cette rupture produit, soit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, si les faits invoqués la justifiaient, soit, dans le cas contraire, d'une démission. Il appartient au salarié d'établir les faits qu'il allègue à l'encontre de l'employeur.
L'écrit par lequel le salarié prend acte de la rupture du contrat de travail en raison de faits qu'il reproche à son employeur ne fixe pas les limites du litige ; le juge est tenu d'examiner les manquements de l'employeur invoqués devant lui par le salarié, même si celui-ci ne les a pas mentionnés dans cet écrit.
En l'espèce, la cour a retenu ci-avant que l'employeur n'avait pas exécuté loyalement le contrat de travail. Les manquements de l'employeur dans le paiement des salaires, la remise des bulletins de paie et la transmission des attestations de salaire pour les périodes d'arrêt de travail de la salariée sont d'une gravité de nature à empêcher la poursuite du contrat de travail, en ce qu'ils ont été réitérés à plusieurs reprises durant la relation de travail de telle sorte que la prise d'acte de rupture du contrat de travail doit produire les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse. La décision critiquée sera infirmée de ce chef.
Sur les conséquences financières
Eu égard à son ancienneté et du montant de sa rémunération non contredite par l'employeur, Mme [K] est en droit de percevoir la somme de 3.078 euros d'indemnité compensatrice de préavis outre celle de 307,80 euros de congés payés afférents ainsi que celle de 1.058,37 euros d'indemnité légale de licenciement.
En application de l'article L.1235-3 du code du travail dans sa rédaction issue de la loi n°2008-217 du 29 mars 2018, si le licenciement d'un salarié survient pour une cause qui n'est pas réelle et sérieuse, le juge peut proposer la réintégration du salarié dans l'entreprise, avec maintien de ses avantages acquis. Si l'une ou l'autre des parties refuse cette réintégration, le juge octroie au salarié une indemnité à la charge de l'employeur, dont le montant, eu égard à son ancienneté, est compris entre 3 mois et 3,5 mois de salaire.
Agée de 22 ans au jour de la rupture, Mme [K] justifie qu'elle a été embauchée par contrat à durée déterminée à temps partiel du 22 novembre 2019 au 28 décembre 2019. Eu égard à ces éléments et en réparation de la perte injustifiée de son emploi, il convient de lui allouer la somme de 4.618,35 euros.
Sur les indemnités chômage
En application de l'article L.1235-4 du code du travail, le juge ordonne le remboursement par l'employeur fautif aux organismes intéressés de tout ou partie des indemnités de chômage versées au salarié licencié, du jour de son licenciement au jour du jugement prononcé, dans la limite de six mois d'indemnités de chômage par salarié intéressé. Ce remboursement est ordonné d'office lorsque les organismes intéressés ne sont pas intervenus à l'instance ou n'ont pas fait connaître le montant des indemnités versées.
En l'espèce, il convient d'ordonner le remboursement par la société Boulangerie de la Rotonde des indemnités de chômage versées à Mme [K] dans la limite de 6 mois.
Sur les documents de fin de contrat
La société Boulangerie de la Rotonde devra remettre à Mme [K] un certificat de travail, une attestation Pôle Emploi, un bulletin de salaire récapitulatif et un solde de tout compte conformes à la présente décision dans un délai de deux mois à compter de sa signification sans qu'il y ait lieu à astreinte.
Sur les frais irrépétibles
La société Boulangerie de la Rotonde sera condamnée aux entiers dépens et devra verser à Mme [K] la somme de 2.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La Cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire et mis à disposition au greffe,
CONFIRME le jugement déféré en ce qu'il a débouté Mme [M] [K] de ses demandes de rappel de salaire, de dommages-intérêts au titre de l'obligation de sécurité et du préjudice moral ;
INFIRME le jugement déféré pour le surplus et dans la limite des chefs de jugement critiqués ;
Statuant à nouveau ;
JUGE que la prise d'acte de la rupture du contrat de travail par Mme [M] [K] produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse à effet au 13 mai 2019 ;
CONDAMNE la SARL Boulangerie de la Rotonde à verser à Mme [M] [K] les sommes suivantes :
- 2.000 euros de dommages-intérêts au titre de l'exécution déloyale du contrat de travail ;
- 3.078 euros d'indemnité compensatrice de préavis ;
- 307,80 euros de congés payés afférents ;
- 1.058,37 euros d'indemnité légale de licenciement ;
- 4.618,35 euros d'indemnité au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
RAPPELLE que les sommes de nature salariale porteront intérêts au taux légal à compter de la date de réception par l'employeur de sa convocation devant le bureau de conciliation du conseil des prud'hommes, les autres sommes à caractère indemnitaire porteront intérêts au taux légal à compter de la décision qui les alloue ;
CONDAMNE le remboursement par la SARL Boulangerie de la Rotonde à Pôle Emploi des indemnités de chômage versées à Mme [M] [K], dans la limite de six mois ;
CONDAMNE la SARL Boulangerie de la Rotonde à remettre à Mme [M] [K] un certificat de travail, une attestation Pôle Emploi, un bulletin de salaire récapitulatif et un solde de tout compte conformes à la présente décision dans un délai de deux mois à compter de sa signification sans qu'il y ait lieu à astreinte ;
CONDAMNE la SARL Boulangerie aux entiers dépens ;
CONDAMNE la SARL Boulangerie de la Rotonde à verser à Mme [M] [K] la somme de 2.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
La greffière, La présidente.