Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE
délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 6 - Chambre 11
ARRET DU 23 MAI 2023
(n° , 8 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/01149 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CDCFR
Décision déférée à la Cour : Jugement du 26 Novembre 2020 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de SENS - RG n° 19/00121
APPELANT
Monsieur [Y] [T]
[Adresse 1]
[Localité 2]
Représenté par Me Jean-Christophe YAECHE, avocat au barreau de PARIS, toque : C0237
INTIMEE
S.A.S. FIMM
[Adresse 4]
[Localité 3]
Représentée par Me Catherine SANONER, avocat au barreau d'AUXERRE
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 28 Mars 2023, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Isabelle LECOQ-CARON, Présidente de chambre, chargée du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :
Madame Isabelle LECOQ-CARON, Présidente de chambre,
Madame Anne HARTMANN, Présidente de chambre,
Madame Catherine VALANTIN, Conseillère,
Greffier, lors des débats : Madame Manon FONDRIESCHI
ARRET :
- contradictoire
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Madame Isabelle LECOQ-CARON, Présidente de chambre, et par Madame Manon FONDRIESCHI, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
RAPPEL DES FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES
M. [Y] [T], né en 1966, a été engagé par la société du Colombier par un contrat de travail à durée indéterminée à compter du 5 avril 1988 en qualité de soudeur OIII.
La société Colombier a par la suite fusionné avec la SAS FIMM, spécialisée dans la fabrication de matériel de manutention standard et sur mesure (chariots, diables, servantes, escabeaux, remorques) à destination des professionnels.
Les relations contractuelles entre les parties étaient soumises à la convention collective de la métallurgie de l'Yonne.
M. [T] était délégué syndical.
A la suite d'un accident du travail, il a été arrêté du 24 octobre 2016 au 30 avril 2019. A l'issue de la visite de reprise du 7 mai 2019, il a été déclaré inapte par le médecin du travail, inaptitude confirmée lors d'une deuxième visite du 15 mai 2019.
Par lettre datée du 21 juin 2019, M. [T] a été licencié pour inaptitude et impossibilité de reclassement.
M. [T] a contesté la procédure de licenciement par courrier du 5 juillet 2019, auquel la société FIMM a répondu le 22 juillet 2019.
A la date du licenciement, M. [T] avait une ancienneté de plus 31 ans et la société FIMM occupait à titre habituel plus de dix salariés.
Contestant la régularité de la procédure de licenciement et la légitimité de ce dernier et réclamant diverses indemnités, outre des rappels de salaires, et des dommages-intérêts pour discrimination, en réparation de la perte de l'emploi due à la faute inexcusable de l'employeur, et pour exécution déloyale du contrat de travail, M. [T] a saisi le 4 octobre 2019 le conseil de prud'hommes de Sens qui, par jugement du 26 novembre 2020, auquel la cour se réfère pour l'exposé de la procédure antérieure et des prétentions initiales des parties, a statué comme suit :
- déboute M. [T] de l'ensemble de ses demandes,
- déboute la société FIMM de sa demande reconventionnelle,
- condamne les parties à leurs éventuels propres dépens.
Par déclaration du 19 janvier 2021, M. [T] a interjeté appel de cette décision, notifiée par lettre du greffe adressée aux parties le 04 janvier 2021.
Dans ses dernières conclusions adressées au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 19 mars 2021, M. [T] demande à la cour de :
- dire recevable et bien fondé l'appel interjeté par M. [T] à l'encontre du jugement du conseil de prud'hommes de sens en date du 26 novembre 2020 rendu entre lui-même et la société FIMM,
- déclarer bien fondé cet appel,
- infirmer ledit jugement en toutes ses dispositions et, statuant à nouveau :
- condamner la société FIMM à verser à M. [T], à titre de rattrapage de salaire, la somme de 406,09 €, outre la somme de 40,60 € à titre de congés payés afférents,
- condamner la société FIMM à verser à M. [T], à titre de complément d'indemnité de licenciement, la somme de 4.054,33 €,
- condamner la société FIMM à verser à M. [T], à titre de dommages et intérêts pour licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse, la somme de 27.600 €,
- condamner la société FIMM à verser à M. [T], à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi au titre de la discrimination syndicale, la somme de 13.800€,
- condamner la société FIMM à verser à M. [T], à titre de dommages et intérêts en réparation de l'exécution déloyale du contrat de travail, la somme de 13.800 €,
- condamner la société FIMM à remettre à M. [T] un certificat de travail conforme, reprenant la totalité des différents postes occupés par M. [T] au titre de son contrat de travail et prononcer une astreinte, pour la remise de ce document, d'un montant de 50 € par jour de retard à compter du quinzième jour à partir de la signification à partie de l'arrêt à intervenir,
- condamner la société FIMM à verser à M. [T], à titre de l'article 700 du code de procédure civile, la somme de 3.000 €,
- condamner la société FIMM aux entiers dépens, dont distraction au profit de Me Yaeche, avocat, en application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
Dans ses dernières conclusions adressées au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 15 juin 2021, la société FIMM demande à la cour de':
- confirmer dans son intégralité le jugement du conseil de prud'hommes de Sens du 26 novembre 2020 à l'exception de son rejet de la demande de la société FIMM de lui accorder un article 700 du code de procédure civile,
et statuant à nouveau :
- débouter M. [T] de l'ensemble de ses demandes présentées à hauteur d'appel,
- condamner M. [T] à verser à la société FIMM la somme de 3.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 14 décembre 2022 et l'affaire a été fixée à l'audience du 28 mars 2023.
Pour un plus ample exposé des faits, des prétentions et des moyens des parties, la cour se réfère à leurs conclusions écrites conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur la discrimination syndicale
Pour infirmation de la décision déférée, M. [T] soutient en substance avoir subi une discrimination liée à son statut de délégué syndical et fait valoir que son employeur a modifié son emploi de délégué syndical sans son accord formalisé par la signature d'un avenant à chaque modification.
La société FIMM réplique que le salarié n'apporte ni arguments ni documents au soutien de cette demande ; que son taux horaire a augmenté depuis son embauche ; que ses nombreux mandats comme délégué du personnel ou membre du comité d'entreprise et délégué syndical n'ont posé aucune difficulté.
Aux termes de l'article L.1132-1 du code du travail dans sa rédaction applicable, aucune personne ne peut être écartée d'une procédure de recrutement ou de l'accès à un stage ou à une période de formation, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, telle que définie par l'article 1er'de la loi n°'2008-496 du 27'mai'2008, notamment en matière de rémunération, au sens de l'article'L.3221-3, de mesures d'intéressement ou de distribution d'action, de formation, de reclassement, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat en raison de ses activités syndicales.
L'article L.1134-1 du code du travail prévoit qu'en cas de litige relatif à l'application de ce texte, le salarié concerné présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'une discrimination directe ou indirecte telle que définie par l'article 1er de la loi n°'2008-496 du 27'mai'2008, au vu desquels, il incombe à l'employeur de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination, et le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.
En l'espèce, à l'appui de sa demande, M. [T] embauché en qualité de soudeur statut ouvrier niveau III et déclaré inapte à son poste de soudeur ainsi qu'à 'un poste d'ouvrier nécessitant une manutention répétée et des gestes répétés des membres supérieurs' ne présente aucun élément de fait laissant supposer l'existence d'une discrimination.
C'est donc à juste titre que les premiers juges l'ont débouté de sa demande à ce titre. La décision sera confirmée de ce chef.
Sur l'exécution déloyale du contrat de travail
Pour infirmation de la décision sur ce point, M. [T] fait valoir essentiellement que les variations sur des postes de travail divers ont constitué une exécution déloyale du contrat de travail lui ayant fait subir un préjudice important.
La société FIMM soutient avoir toujours exécuté loyalement ses obligations contractuelles envers M. [T].
En application de l'article L.1222-1 du code du travail, le contrat de travail est présumé exécuté de bonne foi, de sorte que la charge de la preuve de l'exécution de mauvaise foi dudit contrat incombe à celui qui l'invoque.
En l'espèce, M. [T] ne produit aucune pièce établissant une quelconque déloyauté de son employeur dans l'exécution du contrat de travail.
De surcroît, la société FIMM établit que M. [T] a bénéficié d'un contrat spécifique d'initiation à la vie professionnelle puis d'un contrat d'adaptation à un emploi au poste de monteur emballeur et enfin d'un contrat à durée indéterminée. En outre comme elle le souligne à juste titre, son coefficient 215 démontre l'exécution d'un ensemble d'opérations très qualifiées et complexes résultant de plusieurs formations et d'une certification en soudure. Elle établit également qu'il a pu bénéficier de formations dans d'autres domaines tels que l'électricité ou le métier de magasinier et qu'il a effectué un stage de 140 heures dans le cadre d'un congé individuel de formation en initiation électrique de systèmes solaires.
C'est donc à juste titre que les premiers juges l'ont débouté de sa demande à ce titre. La décision sera confirmée de ce chef.
Sur les rappels de salaire
Pour infirmation de la décision critiquée, M. [T] soutient que la société a opéré une retenue sur son salaire du mois de juin 2019 d'une semaine en prenant en considération le 2ème avis d'inaptitude du 15 mai 2019 au lieu du 1er avis du 7 mai 2019.
La société FIMM soulève l'irrecevabilité de cette demande n'ayant pas été mentionnée dans la requête initiale de M. [T] et subsidiairement elle rétorque que le point de départ du délai d'un mois ne court qu'à partir du constat définitif d'inaptitude, en l'occurrence à partir du 15 mai 2019.
L'article 8 du décret n°2016-66 du 20 mai 2016 relatif à la justice prud'homale et au traitement judiciaire du contentieux du travail a implicitement abrogé l'article R.1452-6 du code du travail qui édictait la règle d'unicité des demandes, pour toutes les instances introduites devant le conseil de prud'hommes à compter du 1er août 2016.
En application de l'article R. 1452-2 du code du travail dans sa rédaction issue du décret n°2017-1008 du 10 mai 2017, la requête par laquelle est formée la demande en justice remise ou adressée au greffe du conseil de prud'hommes comporte les mentions prescrites à peine de nullité à l'article 58 du code de procédure civile. En outre, elle contient un exposé sommaire des motifs de la demande et mentionne chacun des chefs de celle-ci. Elle est accompagnée des pièces que le demandeur souhaite invoquer à l'appui de ses prétentions. Ces pièces sont énumérées sur un bordereau qui lui est annexé.
L'article 70 du code de procédure civile dispose que les demandes reconventionnelles ou additionnelles ne sont recevables que si elles se rattachent aux prétentions originaires par un lien suffisant.
Il convient de relever comme le soutient la société FIMM que l'irrecevabilité des demandes de la salariée telle que soutenue devant la cour avait déjà été soulevée devant le conseil de prud'hommes qui n'a pas statué sur ce point.
La demande de rappel de salaire présentée en cours de procédure devant le conseil de prud'hommes initialement saisi d'une contestation du licenciement pour inaptitude se rattache à cette dernière par un lien suffisant en ce que la première est fondée sur la reprise du salaire à l'issue du mois suivant la déclaration d'inaptitude jusqu'à son licenciement, objet du litige.
Il s'ensuit que la demande du salarié est recevable. Il sera ajouté en ce sens à la décision des premiers juges.
En application de l'article R. 4624-42 du code du travail dans sa version issue du décret n°2016-1908 du 27 décembre 2016, le médecin du travail ne peut constater l'inaptitude médicale du travailleur à son poste de travail que :
1° S'il a réalisé au moins un examen médical de l'intéressé, accompagné, le cas échéant, des examens complémentaires, permettant un échange sur les mesures d'aménagement, d'adaptation ou de mutation de poste ou la nécessité de proposer un changement de poste;
2° S'il a réalisé ou fait réaliser une étude de ce poste ;
3° S'il a réalisé ou fait réaliser une étude des conditions de travail dans l'établissement et indiqué la date à laquelle la fiche d'entreprise a été actualisée ;
4° S'il a procédé à un échange, par tout moyen, avec l'employeur.
Ces échanges avec l'employeur et le travailleur permettent à ceux-ci de faire valoir leurs observations sur les avis et les propositions que le médecin du travail entend adresser.
S'il estime un second examen nécessaire pour rassembler les éléments permettant de motiver sa décision, le médecin réalise ce second examen dans un délai qui n'excède pas quinze jours après le premier examen. La notification de l'avis médical d'inaptitude intervient au plus tard à cette date.
Le médecin du travail peut mentionner dans cet avis que tout maintien du salarié dans un emploi serait gravement préjudiciable à sa santé ou que l'état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans un emploi.
En l'espèce, il résulte de l'avis d'inaptitude du 7 mai 2019 que le médecin du travail a déclaré M. [T] 'inapte au poste de soudeur ainsi qu'à un poste d'ouvrier nécessitant manutention répétée et gestes répétés des membres supérieurs. M. [T] peut effectuer un travail administratif et/ou organisationnel. Une formation est envisagée pour reconversion et en cours d'étude. A revoir avant deux semaines.'
Le 15 mai 2019, à l'issue d'une 2ème visite médicale, le médecin du travail a conclu à l'inaptitude de M. [T] dans les même termes.
En conséquence, la cour retient que le médecin du travail a considéré le 7 mai 2019 qu'un second examen était nécessaire. La notification du 2ème avis médical est intervenue le même jour que l'examen, soit le 15 mai 2019 conformément au texte sus-visé de telle sorte que la reprise du paiement du salaire en l'absence de licenciement, devait intervenir au plus tard le 15 juin 2019.
En conséquence, c'est à juste titre que les premiers juges ont débouté M. [T] de sa demande de rappel de salaire et la décision entreprise sera confirmée de ce chef.
Sur la rupture du contrat de travail
Sur la régularité des élections et de la consultation des délégués du personnel
M. [T] soutient que l'élection des délégués du personnel a été irrégulière faute de notification du résultat à l'inspection du travail, que partant la consultation de ces représentants est également irrégulière, qui plus est au vu du nombre de délégués titulaires et suppléants qui ne correspondait pas à celui légalement exigé. Il fait par ailleurs valoir qu'aucun avis n'a été rendu, puisqu'aucun vote n'a eu lieu.
La société FIMM répond que le résultat des élections a été transmis à la DIRECCTE ; qu'aucun formalisme n'est imposé à l'employeur pour transmettre aux délégués du personnels les éléments d'information utiles ou pour les consulter.
Il résulte des éléments du dossier que par courrier recommandé avec accusé de réception du 30 novembre 2017, la société FIMM a adressé à la DIRECCTE les procès-verbaux relatifs aux élections des délégués du personnel des 10 et 24 novembre 2017.
En application de l'ordonnance n°2017-1386 du 22 septembre 2017 relative à la nouvelle organisation du dialogue social et économique dans l'entreprise et favorisant l'exercice et la valorisation des responsabilités syndicales, le comité social et économique est mis en place au terme du mandat des délégués du personnel ou des membres élus du comité d'entreprise, de la délégation unique du personnel, de l'instance regroupée mise en place par accord du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail, lors du renouvellement de l'une de ces institutions, et au plus tard le 31 décembre 2019.
En application de l'article L. 2314-7 du code du travail dans sa version applicable, des élections partielles sont organisées à l'initiative de l'employeur si un collège électoral n'est plus représenté ou si le nombre des délégués titulaires est réduit de moitié ou plus.
Ces dispositions ne sont pas applicables lorsque ces événements interviennent moins de six mois avant le terme du mandat des délégués du personnel.
En l'espèce, selon le procès-verbal des élections des délégués du personnel en date des 10 et 24 novembre 2017, un délégué titulaire a été élu pour chacun des collèges ouvriers / employés d'une part et d'autre part techniciens / agents de maîtrise / ingénieurs et cadres, tandis qu'un seul membre suppléant a été élu pour le 2ème collège. Mme [S] membre suppléante du 2ème collège, a démissionné le 20 août 2018 et la titulaire de ce même collège, Mme [H] a démissionné à compter du 24 janvier 2019 de telle sorte que seul M. [U] membre titulaire du 1er collège (ouvriers / employés) restait délégué du personnel. Il s'ensuit que le 2ème collège électoral n'était plus représenté à compter du 24 janvier 2019, soit plus de 6 mois avant le terme prévu des mandats (24 novembre 2019). Pour autant, l'employeur n'a pas pris l'initiative d'organiser des élections.
Dès lors la société FIMM ne peut sérieusement soutenir que l'ordonnance du 22 septembre 2017 sus-visée prévoyant la mise en place des CSE au plus tard le 31 décembre 2019, elle n'a 'pas jugé utile d'organiser des élections partielles entre temps et ce d'autant que l'institution des délégués du personnel était encore représentée par un membre titulaire', et le seul fait que les élections au CSE aient eu lieu les 15 et 29 novembre 2019 ne saurait régulariser l'organe de représentation des salariés.
Dès lors la consultation du délégué du personnel le 3 juin 2019 sur les recherches de reclassement de M. [T] déclaré inapte à la suite d'un accident du travail est irrégulière.
Il s'ensuit que le licenciement pour inaptitude d'origine professionnelle ayant été prononcé en méconnaissance des dispositions de l'article L. 1226-10 du code du travail, il est dépourvu de cause réelle et sérieuse sans qu'il soit utile d'examiner les autres moyens soutenus par le salarié qui est bien fondé à solliciter une indemnité dont le montant est fixé conformément aux dispositions de l'article L. 1235-3 du même code.
Au jour du licenciement, M. [T] était âgé de 54 ans et bénéficiait de plus de 31 ans d'ancienneté. Il ne justifie pas de sa situation postérieurement à la rupture du contrat de travail. Eu égard à ces éléments et en réparation de la perte injustifiée de son emploi, il convient d'allouer à M. [T] la somme de 27.600 euros en application de l'article L. 1235-3 du code du travail. La décision critiquée sera infirmée de ce chef.
Sur le complément de l'indemnité de licenciement
M. [T] soutient que son indemnité de licenciement doit être calculée sur la base de l'ancienneté qu'il a acquise à la date d'expiration de son préavis exécuté ou non, qu'il avait ainsi une ancienneté de 31 ans et 6 mois et est fondé à solliciter la somme de 4.054,33 euros à titre de complément d'indemnité de licenciement.
La société FIMM rétorque que ce calcul est erroné du fait que son salaire moyen de référence est de 2.128 euros bruts et qu'en tout état de cause, l'ancienneté n'inclut pas le préavis non exécuté en raison de l'inaptitude.
Il est constant que si le droit à l'indemnité de licenciement naît à la date où le licenciement est notifié, l'évaluation du montant de l'indemnité est faite en tenant compte de l'ancienneté à l'expiration du contrat, soit à la fin du délai de préavis.
En application de l'article R.1234-4 du code du travail, le salaire à prendre en considération pour le calcul de l'indemnité de licenciement est, selon la formule la plus avantageuse pour le salarié:
1° Soit la moyenne mensuelle des douze derniers mois précédant le licenciement, ou lorsque la durée de service du salarié est inférieure à douze mois, la moyenne mensuelle de la rémunération de l'ensemble des mois précédant le licenciement ;
2° Soit le tiers des trois derniers mois. Dans ce cas, toute prime ou gratification de caractère annuel ou exceptionnel, versée au salarié pendant cette période, n'est prise en compte que dans la limite d'un montant calculé à due proportion.
Il résulte de la fiche individuelle relative aux salaires perçus par le salarié non contredite par celui-ci, étant observé qu'aucune des parties n'a cru utile de produire les bulletins de salaire, que la période de référence la plus favorable au salarié correspond aux 12 mois précédant le licenciement et qu'en conséquence, le salaire à prendre en considération est de 2.128,68 euros.
La cour ayant retenu que le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse, il convient d'évaluer le montant de l'indemnité spéciale de licenciement en tenant compte de l'ancienneté à l'expiration du délai de préavis de 4 mois, en l'espèce en application de la convention collective, de telle sorte que M. [T], qui avait 31 ans et 6 mois d'ancienneté à l'expiration du contrat, aurait dû percevoir à titre d'indemnité spéciale de licenciement, la somme de 41.154,48 euros et non 40.683,25 euros. En conséquence, la société FIMM sera condamnée à lui verser la somme de 471,23 euros au titre du solde restant du.
Sur les indemnités chômage
En application de l'article L.1235-4 du code du travail, dans les cas prévus notamment à l'articles L.1235-3, le juge ordonne le remboursement par l'employeur fautif aux organismes intéressés de tout ou partie des indemnités de chômage versées au salarié licencié, du jour de son licenciement au jour du jugement prononcé, dans la limite de six mois d'indemnités de chômage par salarié intéressé. Ce remboursement est ordonné d'office lorsque les organismes intéressés ne sont pas intervenus à l'instance ou n'ont pas fait connaître le montant des indemnités versées.
En l'espèce, il convient d'ordonner le remboursement par la société FIMM des indemnités de chômage versées à M. [T] dans la limite de 6 mois.
Sur les documents de fin de contrat
La société FIMM devra remettre à M. [T] un certificat de travail, une attestation Pôle Emploi, un bulletin de salaire récapitulatif et un solde de tout compte conformes à la présente décision dans un délai de deux mois à compter de sa signification sans qu'il y ait lieu à astreinte.
Sur les frais irrépétibles
La société FIMM sera tenue aux entiers dépens et devra verser à M. [T] la somme de 3.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La Cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire et mis à disposition au greffe,
INFIRME partiellement le jugement déféré ;
Statuant à nouveau et y ajoutant ;
REJETTE l'exception d'irrecevabilité ;
JUGE que la demande de rappel de salaire est recevable ;
CONDAMNE la SAS FIMM à verser à M. [Y] [T] les sommes suivantes :
- 27.600 euros d'indemnité au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
- 471,23 euros au titre du reliquat d'indemnité spéciale de licenciement ;
RAPPELLE que les sommes à caractère indemnitaire porteront intérêts au taux légal à compter de la décision qui les alloue ;
ORDONNE le remboursement par la SAS FIMM à Pôle Emploi des indemnités de chômage perçus par M. [Y] [T] dans la limite de 6 mois ;
CONDAMNE la SAS FIMM à remettre à M. [Y] [T] un certificat de travail, une attestation Pôle Emploi, un bulletin de salaire récapitulatif et un solde de tout compte conformes à la présente décision dans un délai de deux mois à compter de sa signification sans qu'il y ait lieu à astreinte ;
CONFIRME le jugement pour le surplus ;
CONDAMNE la SAS FIMM aux entiers dépens dont distraction au profit de Maître Yaeche, avocat, en application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile;
CONDAMNE la SAS FIMM à verser à M. [Y] [T] la somme de 3.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
La greffière, La présidente.