Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE
délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 6 - Chambre 11
ARRET DU 23 MAI 2023
(n° , 9 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/01155 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CDCGD
Décision déférée à la Cour : Jugement du 15 Octobre 2020 -Conseil de Prud'hommes - Formation de départage de Longjumeau - RG n° 19/00567
APPELANT
Monsieur [U] [K]
[Adresse 2]
[Localité 1]
Représenté par Me Aurélie GUILLARD, avocat au barreau de PARIS, toque : P0496
INTIMEE
La société ELOGEN venant aux droits de la société AREVA H2GEN
[Adresse 4]
[Localité 3]
Représentée par Me Emeric SOREL, avocat au barreau de PARIS, toque : K0168
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 28 Mars 2023, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Isabelle LECOQ-CARON, Présidente de chambre, chargée du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :
Madame Isabelle LECOQ-CARON, Présidente de chambre,
Madame Anne HARTMANN, Présidente de chambre,
Madame Catherine VALANTIN, Conseillère,
Greffier, lors des débats : Madame Manon FONDRIESCHI
ARRET :
- contradictoire
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Madame Isabelle LECOQ-CARON, Présidente de chambre, et par Madame Manon FONDRIESCHI, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
RAPPEL DES FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES
M. [U] [K], né en 1970, a été engagé par la SAS Areva H2GEN en qualité de directeur industrie, statut cadre position III B selon contrat de travail à durée indéterminée à compter du 1er mars 2016.
La convention collective applicable est celle des ingénieurs et cadres de la métallurgie.
La SAS Areva H2GEN est une société spécialisée dans la fabrication d'électrolyseurs PEM (Proton Exchange Membrane) permettant de produire de l'hydrogène.
Par lettre datée du 1er mars 2019, M. [K] a été convoqué à un entretien préalable fixé au 11 mars 2019, avant d'être licencié pour insuffisance professionnelle par lettre datée du 14 mars 2019. Il a été dispensé de l'exécution de son préavis de 3 mois.
Par courrier du 15 mars 2019, M. [K] a contesté les griefs évoqués lors de son entretien préalable.
Le 11 avril 2019, la société Areva H2GEN a répondu au courrier de M. [K] et a maintenu les griefs de licenciement.
A la date du licenciement, M. [K] avait une ancienneté de trois ans et la société H2GEN occupait à titre habituel plus de dix salariés.
Contestant son licenciement et réclamant diverses indemnités, outre des dommages et intérêts pour harcèlement moral, des rappels de salaires pour heures supplémentaires, et des rappels de salaires, M. [K] a saisi le 30 septembre 2019 le conseil de prud'hommes de Longjumeau qui, par jugement du 15 octobre 2020, auquel la cour se réfère pour l'exposé de la procédure antérieure et des prétentions initiales des parties, a statué comme suit :
- dit que le licenciement de M. [K] ne repose pas sur une cause réelle et sérieuse,
- condamne la société Areva H2GEN prise en la personne de son représentant légal à régler à M. [K] les sommes suivantes :
* 26.986,68 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
* 16.192 euros à titre de rappel de salaire sur la rémunération variable,
* 1.619,20 euros au titre des congés payés afférents,
* 1.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- déboute M. [K] de ses autres demandes,
- condamne la société Areva H2GEN prise en la personne de son représentant légal à remettre à M. [K] les documents administratifs conformes au présent jugement,
- rappelle l'exécution provisoire de droit pour les sommes visées par les dispositions de l'article R.1454-28 du code du travail et dit qu'il n'y a pas lieu de prononcer une exécution provisoire autre que celle de droit,
- dit que les sommes allouées porteront intérêts au taux légal à compter du 30 septembre 2019, date de la saisine du conseil,
- met les entiers dépens de la présente instance à la charge de la société Areva H2GEN.
La société Areva H2GEN a été rachetée par le groupe GTT en octobre 2020, et a été rebaptisée SAS Elogen qui vient donc aux droits de la société Areva H2GEN.
Par déclaration du 18 janvier 2021, M. [K] a interjeté appel de cette décision, notifiée par lettre du greffe adressée aux parties le 15 décembre 2020.
Dans ses dernières conclusions adressées au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 15 novembre 2022, M. [K] demande à la cour de :
- réformer le jugement en ce qu'il a :
- condamné la société Areva H2GEN (nouvellement dénommée Elogen) prise en la personne de son représentant légal à régler à M. [K] les sommes suivantes :
- 26.296,68 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
- 1.500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- débouté M. [K] de ses autres demandes,
Et statuant à nouveau,
- dire et juger que M. [K] a été victime de faits de harcèlement moral à compter de la prise de fonction de M. [X] jusqu'au mois de mars 2019,
en conséquence,
- condamner la société Elogen à payer à M. [K] la somme de 50.000 € en réparation du préjudice subi à raison de ce harcèlement moral pendant l'exécution de son contrat de travail,
- condamner la société Elogen à payer à M. [K] la somme de 74.528,95 € à titre de rappel de salaires pour les heures supplémentaires accomplies entre le 1e octobre 2016 et le 15 mars 2019 en raison de la privation d'effet de la convention de forfaits-jours,
- condamner la société Elogen à payer à M. [K] somme de 7.452,89 € d'indemnité de congés-payés afférents,
A titre principal,
- juger nulle la mesure de licenciement intervenue à l'encontre de M. [K],
en conséquence,
- condamner la société Elogen à payer à M. [K] la somme de 100.000 € à titre de dommages-intérêts en réparation des préjudices subis du fait de la nullité et la rupture du contrat,
A titre subsidiaire,
- condamner la société Elogen à payer la somme de 37.916,92 €, à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse en raison d'un salaire de référence évalué à 9.479,23 € et subsidiairement la somme de 30.934,64€ si le salaire de référence retenu est fixé à 7773,66 €,
- condamner la société Elogen à payer à M. [K] la somme de 8.000 € en réparation du préjudice subi du fait des circonstances vexatoires entourant la rupture de son contrat de travail,
- condamner la société Elogen à payer à M. [K] la somme de 8.000 € par application de l'article 700 du code de procédure civile,
en tout état de cause,
- dire que les condamnations produiront intérêts au taux légal à compter de l'arrêt à intervenir avec capitalisation des intérêts,
- condamner la société Elogen à payer à M. [K] la somme de 4.000 € par application de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais irrépétibles d'appel,
- condamner la société aux entiers dépens d'appel.
Dans ses dernières conclusions adressées au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 12 décembre 2022, la SAS Elogen demande à la cour de':
- constater que le licenciement de M. [K] repose sur une cause réelle et sérieuse,
- constater qu'aucun fait de harcèlement moral n'est caractérisé à l'encontre de M. [K],
- constater que la convention de forfait annuel en jours de M. [K] est valable,
- constater que M. [K] n'a pas réalisé d'heures supplémentaires,
- constater qu'aucun rappel de rémunération variable n'est du au titre des années 2017 et 2018,
- constater que le caractère vexatoire des circonstances du licenciement n'est pas établi,
en conséquence,
- réformer le jugement rendu le 15 octobre 2020 par le conseil de prud'hommes de Longjumeau en ce qu'il a condamné la société au paiement des sommes suivantes :
- 26.986,68 euros à titre de dommage et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
- 16.192 euros à titre de rappel de salaire sur la rémunération variable,
- 1.619,20 euros au titre des congés payés afférents,
- 1.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- confirmer le jugement rendu le 15 octobre 2020 par le conseil de prud'hommes de Longjumeau en ce qu'il a débouté M. [K] de ses demandes suivantes :
- 50.000 euros à titre de dommages-intérêts pour harcèlement moral pendant l'exécution du contrat de travail,
- 62.397,37 euros à titre de rappel de salaire pour les heures supplémentaires accomplies entre le 1er octobre 2016 et le 15 mars 2019,
- 6.239,73 euros au titre des congés payés y afférents,
- 100.000 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement nul,
- 8.000 euros à titre de dommages-intérêts pour circonstances vexatoires entourant la rupture,
- condamner M. [K] à verser à la société la somme de 1.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens,
- dire que les condamnations sont brutes de charges sociales.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 25 janvier 2023 et l'affaire a été fixée à l'audience du 28 mars 2023.
Pour un plus ample exposé des faits, des prétentions et des moyens des parties, la cour se réfère à leurs conclusions écrites conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur la convention de forfait jours et les heures supplémentaires
Pour infirmation de la décision critiquée, M. [K] fait valoir que la convention de forfait jours était dépourvue d'effet pour défaut d'exécution des obligations de l'employeur ; qu'il est bien fondé à demander paiement des heures supplémentaires.
La société intimée réplique que la convention de forfait de M. [K] était parfaitement valable, que la société Areva H2GEN avait mis en place un dispositif de suivi de la charge de travail des salariés bénéficiant d'une convention de forfait et avait des entretiens annuels d'évaluation ; qu'en tout état de cause, les heures prétendues ne sont pas précisément prouvées, les tableaux du salarié reposant sur ses affirmations non étayées et établissant le nombre d'heures supplémentaires par jour et non par semaine.
En application des articles L.3121-38 et suivants du code du travail dans leur rédaction issue de la loi n°2008-780 du 20 août 2008, et des articles L.3121-53 et suivants du code du travail dans leur version issue de la loi n°2016-1088 du 8 août 2016, la conclusion de conventions individuelles de forfait, en heures ou en jours, sur l'année est prévue par un accord collectif d'entreprise ou d'établissement ou, à défaut, par une convention ou un accord de branche. Cet accord collectif préalable détermine les catégories de salariés susceptibles de conclure une convention individuelle de forfait, ainsi que la durée annuelle du travail à partir de laquelle le forfait est établi, et fixe les caractéristiques principales de ces conventions. La conclusion d'une convention individuelle de forfait requiert l'accord du salarié. La convention est établie par écrit. Peuvent conclure une convention de forfait en jours sur l'année, dans la limite de la durée annuelle de travail fixée par l'accord collectif prévu à l'article L. 3121-39, d'une part les cadres qui disposent d'une autonomie dans l'organisation de leur emploi du temps et dont la nature des fonctions ne les conduit pas à suivre l'horaire collectif applicable au sein de l'atelier, du service ou de l'équipe auquel ils sont intégrés et d'autre part, les salariés dont la durée du temps de travail ne peut être prédéterminée et qui disposent d'une réelle autonomie dans l'organisation de leur emploi du temps pour l'exercice des responsabilités qui leur sont confiées. Un entretien annuel individuel est notamment organisé par l'employeur, avec chaque salarié ayant conclu une convention de forfait en jours sur l'année. Il porte sur la charge de travail du salarié, l'organisation du travail dans l'entreprise, l'articulation entre l'activité professionnelle et la vie personnelle et familiale, ainsi que sur la rémunération du salarié.
Vu l'accord national du 28 juillet 1998 sur l'organisation du temps de travail dans la métallurgie.
En l'espèce, l'employeur ne justifie pas et, au demeurant ne soutient pas, qu'il s'est assuré régulièrement que la charge de travail de M. [K] était raisonnable et permettait une bonne répartition de son temps de travail étant relevé que le salarié n'a pas bénéficié d'un entretien annuel individuel à cet effet.
Il s'ensuit que la clause du contrat de travail de M. [K] qui prévoyait un forfait annuel de 218 jours travaillés lui est inopposable. En conséquence, il est fondé à solliciter le paiement des heures supplémentaires réalisées.
L'article L.3121-27 du code du travail dispose que la durée légale de travail effectif des salariés à temps complet est fixée à 35 heures par semaine.
L'article L.3121-28 du même code précise que toute heure accomplie au delà de la durée légale hebdomadaire ou de la durée considérée comme équivalente est une heure supplémentaire qui ouvre droit à une majoration salariale ou, le cas échéant, à un repos compensateur équivalent.
En application de l'article L.3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l'ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales précitées. Après analyse des pièces produites par l'une et l'autre des parties, dans l'hypothèse où il retient l'existence d'heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l'importance de celles-ci et fixe les créances salariales s'y rapportant.
En l'espèce, à l'appui de sa demande, le salarié présente les éléments suivants :
- un décompte détaillé des heures supplémentaires réalisées pour la période du 1er octobre 2016 au 15 mars 2019 ;
- des attestations de collègues relatives à ses heures d'arrivée et de départ du bureau ;
- des mails adressés tardivement ou tôt le matin.
M. [K] présente ainsi des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il dit avoir réalisées, permettant ainsi à son employeur qui assure le contrôle des heures effectuées d'y répondre utilement.
A cet effet, la société ne produit aucun élément.
En conséquence, eu égard aux éléments présentés par le salarié et à la défaillance de l'employeur, la cour a la conviction que M. [K] a exécuté des heures supplémentaires qui n'ont pas été rémunérées et après analyse des pièces produites, par infirmation du jugement déféré, condamne la société Elogen à verser au salarié de 74.528,95 euros à titre de rappel de salaires pour les heures supplémentaires accomplies entre le 1er octobre 2016 et le 15 mars 2019 outre la somme de 7.452,89 euros de congés payés afférents.
Sur le harcèlement moral
Pour infirmation de la décision entreprise, M. [K] soutient en substance qu'il a subi des faits répétés constitutifs de harcèlement moral de la part de sa direction et invoque à cet égard la destruction des procédures passées sans justification ou communication préalable créant une charge de travail excessive, l'isolement, la fixation d'objectifs irréalistes, le retrait de responsabilités, le dénigrement.
La société Elogen réplique que M. [K] ne présente aucun élément probant susceptible de constituer une situation de harcèlement moral ; que les faits invoqués ne visent que l'organisation générale de la société et non des manquements commis à l'encontre du salarié.
Aux termes de l'article L.1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.
Dès lors que sont caractérisés ces agissements répétés, fussent sur une brève période, le harcèlement moral est constitué indépendamment de l'intention de son auteur.
En application des articles L.1152-1 et L.1154-1 du code du travail, pour se prononcer sur l'existence d'un harcèlement moral, il appartient au juge d'examiner l'ensemble des éléments présentés par le salarié, en prenant en compte les documents médicaux éventuellement produits, et d'apprécier si les faits matériellement établis pris dans leur ensemble, laissent supposer l'existence d'un harcèlement moral au sens de l'article L.1152-1 du code du travail. Dans l'affirmative, il revient au juge d'apprécier si l'employeur prouve que les agissements invoqués ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement. Sous réserve d'exercer son office dans les conditions qui précèdent, le juge apprécie souverainement si le salarié établit des faits qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement et si l'employeur prouve que les agissements invoqués sont étrangers à tout harcèlement.
En l'espèce, à l'appui de sa demande, M. [K] présente les éléments suivants :
- des attestations selon lesquelles :
* dès sa prise de fonction, le nouveau directeur général a retiré à M. [K] la compétence et les ressources pour le suivi des affaires 'en détruisant' les deux postes de chargé d'affaires sans en avertir les collaborateurs concernés ( attestations de M. [L], directeur technique des projets et membre du CODIR, M. [F] directeur Engineering );
* le directeur général a demandé à M. [K] de lui fournir des plannings de réalisation dont il divisait ensuite le temps par deux de manière unilatérale et sans prendre en compte les contraintes techniques réelles, allant même jusqu'à reprocher à M. [K] de ne pas être en mesure de tenir les délais ainsi imposés ; cela a fait l'objet d'attaques répétées de la part du directeur général à l'encontre de M. [K] au cours de nombreuses réunions du CODIR qui se sont tenues entre mars 2018 et mars 2019 ; qu'il a même été violemment pris à partie ; que M. [X] (nouveau directeur général) lui a dit : ' tes plannings sont toujours faux, il faut les réduire de moitié !', ce qui a amené M. [K] a répondre avec les larmes aux yeux 'Arrête de m'agresser de cette façon ou je vais craquer' ; 'tout ça ne te concerne pas et n'est visiblement pas de ta compétence' ; 'tu n'y comprends rien', 'je m'en branle', 'tu n'es pas digne de confiance', ' je n'ai pas confiance en toi', ' tu n'es pas l'homme de la situation' (attestations de M. [L], Mme [T] responsable administratif et financier);
* M. [K] a dû changer de bureau pour se retrouver au rez-de-chaussée alors qu'il était auparavant à côté du Président de la société ; il a lui été refusé l'installation d'une imprimante personnelle alors même que ses collaborateurs en disposaient (attestations de M. [L]) ;
* dans l'entreprise depuis 2006, M. [F] ne supportait plus le climat anxiogène et de dénigrements incessants ainsi que les méthodes de management de M. [X] (nouveau directeur général), et le dénigrement dont celui-ci faisait preuve à son encontre et à celui de M. [K] ;
Les faits ainsi présentés par le salarié et matériellement établis, pris dans leur ensemble, laissent supposer l'existence d'un harcèlement moral. Il appartient donc à l'employeur que les agissements ainsi décrits ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.
A cet effet, l'employeur rétorque qu'il avait pleinement le pouvoir de modifier ou supprimer des postes pour optimiser le service de production sans ce que cela ne puisse lui être reproché, qu'il s'agissait de surcroît de modifications minimes ; que les attestations produites ne sont pas objectives comme émanant d'une salariée en conflit avec la société et d'anciens salariés ; que M. [K] se borne à décrire un comportement généralisé et non des faits spécialement dirigés à son encontre ce qui n'est pas constitutif de harcèlement moral ; qu'en réalité, contrainte de constater l'incapacité de M. [K] à occuper seul le poste de directeur industrie, la société a, au cours de son entretien d'évaluation et en accord avec lui recentré ses missions sur le service de production ; que n'observant aucune amélioration dans le comportement de son salarié, la société a fait intervenir un consultant extérieur à partir du mois de novembre 2018 pour assister M. [K] et l'aider dans l'exercice de ses fonctions.
Sur ce, la cour retient que la mission du consultant auquel la société Areva H2Gen a eu recours précise que 'souhaitant affermir sa position sur le marché et en devenir un des acteurs majeurs, la direction de la société souhaite consolider l'organisation et le fonctionnement de son unité de production tout en l'adaptant à une augmentation progressive de sa capacité de fabrication ; pour atteindre cet objectif, elle souhaite missionner une société extérieure pour accompagner orienter et soutenir la direction industrielle en charge de l'unité de production des Ulis'; qu'il n'est nullement fait référence à une quelconque difficulté du directeur industrie ; que les conclusions du cabinet du consultant ne sont ni évoquées, ni produites aux débats ; que le fait M. [K] ait pu accepter que ses fonctions soient réorientées vers la direction de production ne vaut pas reconnaissance par celui-ci d'une quelconque insuffisance professionnelle étant observé que lors de l'évaluation de mars 2018, le salarié avait mis en exergue son 'implication forte en production et industrialisation, résultats faibles liés aux manques de moyens et de compétences' sans être contredit par son responsable hiérarchique qui lui attribuait la note A correspondant à une performance au-dessus de la moyenne s'agissant de la rigueur (soucieux de la qualité de son travail), de la qualité (respectueux des règles, procédures, confidentialité, engagements et délais), de la gestion (souci d'une utilisation optimale des moyens alloués, sensibilité à la rentabilité des opérations), de l'autonomie (capacité à se prendre en charge, à assumer des responsabilités liées à son poste, esprit de décision), du dynamisme et de la capacité de travail (capacité à se mobiliser et puissance de travail, réactivité), de l'esprit d'équipe (capacité à travailler en groupe, disponibilité vis-à-vis de l'équipe), les autres Items étant notés B ; qu'il n'est pas établi que l'organisation du service production justifiait le déménagement du salarié dans un bureau situé au rez de chaussée, de surcroît sans imprimante, alors qu'il était jusqu'alors au même étage que les autres membres de la direction ; que l'employeur n'établit pas que les agissements invoqués par le salarié sont étrangers à tout harcèlement moral et qu'ils sont justifiés par une réorganisation nécessaire du service du salarié eu égard à ses difficultés au demeurant non démontrées ; qu'en outre, aucun élément ne met en doute la valeur probante des attestations produites par le salarié révélant le management irrespectueux du supérieur hiérarchique de M. [K] à son égard.
En conséquence, le harcèlement moral subi par M. [K] est établi. La cour dispose des éléments suffisants pour évaluer le préjudice causé par les faits de harcèlement en ce qu'ils ont dégradé les conditions de travail de M. [K] à la somme de 3.000 euros que la société devra verser au salarié. La décision critiquée sera infirmée de ce chef.
Sur la rupture du contrat de travail
Pour infirmation de la décision en ce qu'elle a débouté le salarié de sa demande de nullité du licenciement, M. [K] soutient qu'il a été victime de harcèlement moral et qu'il l'a en outre relaté à sa hiérarchie de telle sorte que son licenciement est nul.
La société Elogen conteste l'existence de harcèlement moral et réplique que l'insuffisance professionnelle de M. [K] est établie.
L'article L.1152-2 du même code dispose qu'aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié pour avoir subi ou refusé de subir des agissements répétés de harcèlement moral ou pour avoir témoigné de tels agissements ou les avoir relatés.
L'article L.1152-3 du même code précise que toute rupture du contrat de travail intervenue en méconnaissance des dispositions des articles L. 1152-1 et L. 1152-2, toute disposition ou tout acte contraire est nul.
Au vu des éléments du dossier et des développements ci-avant, il appert que le licenciement de M. [K] pour 'insuffisance professionnelle' est intervenu en méconnaissance de l'interdiction de faire subir à son salarié des agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.
Il s'ensuit que le licenciement est nul. La décision critiquée sera infirmée de ce chef.
En application de l'article L. 1235-3-1 du code du travail, lorsque le licenciement est entaché de nullité pour harcèlement moral, le juge lui octroie une indemnité, à la charge de l'employeur qui ne peut être inférieure aux salaires des 6 derniers mois.
En l'espèce, M. [K], âgé de 49 au moment de la rupture et bénéficiant de 3 ans d'ancienneté, justifie avoir perçu des indemnités chômage jusqu'en juillet 2020.
Au vu des bulletins de salaire produits et eu égard au paiement des heures supplémentaires auquel la cour a fait droit, il convient, par infirmation de la décision entreprise, de condamner la société Elogen à verser à M. [K] la somme de 50.000 euros en réparation de son licenciement abusif.
Sur les indemnités de chômage
En application de l'article L.1235-4 du code du travail, dans les cas prévus aux articles L. 1132-4, L. 1134-4, L. 1144-3, L. 1152-3, L. 1153-4, L. 1235-3 et L. 1235-11, le juge ordonne le remboursement par l'employeur fautif aux organismes intéressés de tout ou partie des indemnités de chômage versées au salarié licencié, du jour de son licenciement au jour du jugement prononcé, dans la limite de six mois d'indemnités de chômage par salarié intéressé.
Ce remboursement est ordonné d'office lorsque les organismes intéressés ne sont pas intervenus à l'instance ou n'ont pas fait connaître le montant des indemnités versées.
Il convient de condamner la société Elogen à rembourser à Pôle Emploi les indemnités de chômage verser à M. [K] dans la limite de 6 mois.
Sur les conditions du licenciement
Contrairement à ce que soutient le salarié, le courrier du 11 avril 2019, qui lui a été adressé par M. [X] en réponse à ses contestations en date du 15 mars 2018, des griefs exposés lors de l'entretien préalable, lui rappelant que, dispensé d'exécuter son préavis, il ne devait pas se rendre dans les locaux de l'entreprise sans l'en informer préalablement ou le Président, ne caractérise nullement des conditions vexatoires alléguées par le salarié.
En outre, le courriel de M. [Z] adressé le 11 mars 2019 à M. [K] selon lequel 'le lundi 4 mars, lors de son passage dans l'atelier, M. [E] [R] (l') a informé de la directive suivante : à partir de maintenant tu viens me voir directement sans passer par [U] pour régler les problèmes' n'est pas suffisamment explicite pour établir le caractère vexatoire des conditions dans lesquelles serait intervenu le licenciement de M. [K].
En conséquence, c'est à juste titre que les premiers juges ont débouté M. [K] de sa demande de dommages-intérêts. La décision sera confirmée de ce chef.
Sur les frais irrépétibles
La société Elogen sera condamnée aux entiers dépens. Le jugement ayant en outre condamné la société à verser à la somme de 1.500 euros au salarié au titre des frais irrépétibles sera confirmé et elle devra lui verser la somme de 2.000 euros au titre des frais exposés et non compris dans les dépens en cause d'appel.
PAR CES MOTIFS
La Cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire et mis à disposition au greffe,
CONFIRME le jugement déféré en ce qu'il a débouté M. [U] [K] de sa demande de dommages-intérêts au titre des conditions vexatoires du licenciement et en ce qu'il a condamné la SAS Areva H2GEN aux entiers dépens et à verser à M. [U] [K] la somme de 1.500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;
L'INFIRME pour le surplus ;
Statuant à nouveau et y ajoutant ;
JUGE le licenciement de M. [U] [K] nul ;
CONDAMNE la SAS Elogen venant aux droits de la SAS Areva H2GEN à verser à M. [U] [K] les sommes suivantes :
- 3 000 euros de dommages-intérêts au titre du harcèlement moral ;
- 74 528,95 euros au titre des heures supplémentaires pour la période du 1er octobre 2016 au 15 mars 2019 ;
- 7 452,89 euros de congés payés afférents ;
- 50 000 euros d'indemnité au titre du licenciement nul ;
RAPPELLE que les sommes de nature salariale porteront intérêts au taux légal à compter de la date de réception par l'employeur de sa convocation devant le bureau de conciliation du conseil des prud'hommes, les autres sommes à caractère indemnitaire porteront intérêts au taux légal à compter de la décision qui les alloue ;
CONDAMNE la SAS Elogen venant aux droits de la SAS Areva H2GEN à rembourser à Pôle Emploi les indemnités de chômage dans la limite de 6 mois ;
CONDAMNE la SAS Elogen venant aux droits de la SAS Areva H2GEN aux entiers dépens ;
CONDAMNE la SAS Elogen venant aux droits de la SAS Areva H2GEN à verser à M. [U] [K] la somme de 2.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel.
La greffière, La présidente.