Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE
délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 6 - Chambre 11
ARRET DU 23 MAI 2023
(n° , 9 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/01227 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CDCWF
Décision déférée à la Cour : Jugement du 08 Décembre 2020 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS - RG n° F20/01602
APPELANT
Monsieur [B] [Z]
[Adresse 1]
[Localité 4]
Représenté par Me Delphine BORGEL, avocat au barreau de PARIS, toque : D2081
INTIMEE
LA FONDATION COGNACQ-JAY Pris en son établissement HÔPITAL DE [6]
[Adresse 2]
[Localité 3]
Représentée par Me Véronique MARTIN BOZZI, avocat au barreau de PARIS, toque : L0305
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 28 Mars 2023, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Isabelle LECOQ-CARON, Présidente de chambre, chargée du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :
Madame Isabelle LECOQ-CARON, Présidente de chambre,
Madame Anne HARTMANN, Présidente de chambre,
Madame Catherine VALANTIN, Conseillère,
Greffier, lors des débats : Madame Manon FONDRIESCHI
ARRET :
- contradictoire
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Madame Isabelle LECOQ-CARON, Présidente de chambre, et par Madame Manon FONDRIESCHI, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
RAPPEL DES FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES
M. [B] [Z], né en 1984, a été engagé par l'hôpital [6] par un contrat de travail à durée indéterminée à compter du 1er février 2010 en qualité de dosimétristre. En application d'une cession d'actifs intervenue le 1er janvier 2015, le centre médical de [6] a été transféré à la fondation Cognacq Jay.
Les relations contractuelles entre les parties étaient soumises à la convention collective nationale des établissements privés d'hospitalisation, de soins, de cure et de garde non lucratifs du 31 octobre 1951.
Le 22 mars 2017, M. [Z] a été victime d'une électrisation alors qu'il manipulait les branchements d'un électromètre affichant un message d'erreur.
Après avoir renseigné le cahier de déclaration d'accident du travail, il a rencontré un médecin de l'hôpital qui n'a pas établi d'avis d'arrêt de travail.
Le 18 avril 2017, M. [Z] a fait l'objet d'un arrêt de travail.
La fondation Cognacq-Jay a fait une déclaration d'accident de travail que la CPAM a reconnu le 17 mai 2017.
Le 22 juillet 2019, lors de la visite médicale de reprise, le médecin du travail a conclu à l'inaptitude définitive de M. [Z] au poste de dosimétristre, avec obligation de reclassement.
Le 4 septembre 2019, le conseil social et économique a été réuni pour émettre un avis sur le licenciement pour inaptitude du salarié.
Par lettre datée du 05 septembre 2019, M. [Z] a été convoqué à un entretien préalable fixé au 13 septembre 2019 avant d'être licencié pour inaptitude par lettre datée du 16 septembre 2019 avec impossibilité de reclassement.
A la date du licenciement, M. [Z] avait une ancienneté de 9 ans et 7 mois et la fondation Cognacq-Jay occupe à titre habituel plus de dix salariés.
Contestant la légitimité de son licenciement et réclamant diverses indemnités, outre des dommages et intérêts pour manquement à l'obligation de sécurité et de santé, M. [Z] a saisi le 25 février 2020 le conseil de prud'hommes de Paris qui, par jugement du 8 décembre 2020, auquel la cour se réfère pour l'exposé de la procédure antérieure et des prétentions initiales des parties, a statué comme suit :
- se déclare incompétent au profit du tribunal judiciaire de Paris sur la demande de dommages et intérêts en réparation du préjudice prétendument subi et tendant à la reconnaissance d'une faute inexcusable de la part de la fondation Cognacq-Jay,
- déboute M. [Z] de l'ensemble de ses demandes,
- déboute la fondation Cognacq-Jay de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamne M. [Z] aux dépens.
Par déclaration du 20 janvier 2021, M. [Z] a interjeté appel de cette décision, notifiée le 23 décembre 2020.
Dans ses dernières conclusions adressées au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 02 mars 2023, M. [Z] demande à la cour de :
- infirmer le jugement :
- en ce qu'il s'est déclaré incompétent au profit du tribunal judiciaire de Paris pour la période d'avant l'accident du travail ;
- en ce qu'il a débouté M. [Z] de ses demandes ;
Et statuant à nouveau :
- dire que l'employeur a manqué à son obligation générale de santé sécurité prévue aux articles L4121-1 et L4121-2 du code du travail ainsi qu'à son obligation de loyauté ;
- dire que le licenciement pour inaptitude est dépourvu de cause réelle et sérieuse ;
- dire que doit être écarté le montant maximal d'indemnisation prévu par l'article L.1235-3 du code du travail en raison de son inconventionnalité, ce plafonnement violant les dispositions de l'article 24 de la charte sociale européenne, les articles 4 et 10 de la convention n° 158 de l'OIT et le droit au procès équitable ;
En conséquence,
- condamner la fondation à verser à M. [Z] les sommes suivantes :
- 30.000 euros de dommages et intérêts pour non-respect de l'obligation de sécurité santé et non respect de l'obligation de bonne foi,
- 55.615 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
- 51,48 euros au titre du reliquat de l'indemnité spéciale de licenciement,
- 4.634,53 euros au titre du reliquat de l'indemnité compensatrice de préavis et 463,45 euros de congés payés afférents,
- 3.000 euros au titre de l'indemnité de l'article 700 du code de procédure civile en première instance,
- condamner au paiement des intérêts légaux sur le montant des dommages et intérêts alloués à compter du jour de l'introduction de l'instance, à titre de réparation complémentaire,
- ordonner la capitalisation des intérêts,
- condamner la fondation aux dépens,
Y ajoutant :
- allouer à M. [Z] la somme de 2.500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel.
Dans ses dernières conclusions adressées au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 12 décembre 2022, la fondation Cognacq-Jay prise en son établissement hôpital [6] demande à la cour de':
- se déclarer incompétent au profit du tribunal judiciaire de Paris au sujet de la demande de M. [Z] à hauteur de 30.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice prétendument subi et tendant à la reconnaissance d'une faute inexcusable de la part de la fondation Cognacq-Jay / hôpital de [6],
- confirmer le jugement déféré,
- dire et juger que l'employeur n'a pas manqué à son obligation générale de sécurité,
- dire et juger que le licenciement pour inaptitude et impossibilité de reclassement est pourvu d'une cause réelle et sérieuse,
Subsidiairement,
- dire que doit être appliqué le montant maximal d'indemnisation prévu par l'article L.1235-3 du code du travail,
A titre infiniment subsidiaire,
- dire que le salarié ne justifie pas de son préjudice,
En conséquence :
- débouter M. [Z] de sa demande de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse à l'égard de la fondation Cognacq-Jay / hôpital de [6],
Subsidiairement :
- juger que M. [Z] n'est pas fondé à réclamer une indemnité supérieure à l'équivalent de 3 mois de salaire,
- juger que M. [Z] ne justifie d'aucun préjudice spécial,
- débouter M. [Z] de sa demande de dommages et intérêts pour violation de l'obligation de santé sécurité à l'égard de la fondation Cognacq-Jay / hôpital de [6],
à titre infiniment subsidiaire :
- juger que M. [Z] ne justifie en aucune façon le quantum de son préjudice exorbitant, dont le montant ne pourra qu'être réduit,
En tout état de cause :
- débouter M. [Z] de sa demande d'indemnité spéciale compensatrice de préavis à l'égard de la fondation Cognacq-Jay / hôpital de [6],
- débouter M. [Z] de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner à titre reconventionnel M. [Z] à payer à la fondation Cognacq-Jay la somme de 2.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile outre les éventuels dépens.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 08 mars 2023 et l'affaire a été fixée à l'audience du 28 mars 2023.
Pour un plus ample exposé des faits, des prétentions et des moyens des parties, la cour se réfère à leurs conclusions écrites conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur l'incompétence au profit du tribunal judiciaire
Pour infirmation de la décision entreprise, M. [Z] soutient essentiellement que le conseil de prud'hommes était compétent pour statuer sur la rupture du contrat de travail pour inaptitude et que la demande de dommages et intérêts relative au manquement de l'employeur en matière de santé et sécurité au travail relève de la responsabilité de l'employeur et du non respect de l'obligation de sécurité de l'article L 4121-1 du code du travail s'agissant des faits antérieurs à l'accident du travail.
La fondation Cognacq Jay réplique que M. [Z] sollicitant 30.000 euros à titre de réparation pour le préjudice subi dans le cadre de l'exécution de son contrat de travail, ce qui a expressément pour objet de voir reconnaître la responsabilité de son employeur au titre d'un manquement à son obligation de sécurité, il s'agit d'une demande de statuer sur les conséquences pécuniaires de l'accident de travail déclaré le 22 mars 2017, pour laquelle le tribunal judiciaire a une compétence exclusive.
Il est de droit que si l'indemnisation des dommages résultant d'un accident du travail, qu'il
soit ou non la conséquence d'un manquement de l'employeur à son obligation de sécurité, relève de la compétence exclusive du tribunal judiciaire, la juridiction prud'homale est seule compétente pour statuer sur le bien-fondé de la rupture contrat de travail et pour allouer, le cas échéant, une indemnisation au titre d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse.
En l'espèce, il a été jugé par le tribunal judiciaire de Melun que l'accident du travail dont a été victime M. [Z] est du à la faute inexcusable de l'employeur de telle sorte que c'est à juste titre que le conseil des prud'hommes a retenu qu'il n'était pas compétent pour connaître de la demande de dommages-intérêts du salarié fondée sur les manquements de l'employeur à son obligation de sécurité. La décision sera confirmée de ce chef.
Sur la demande de dommages-intérêts
M. [Z] sollicite des dommages-intérêts en invoquant le manquement de l'employeur à son obligation de sécurité et à l'exécution de bonne foi du contrat de travail.
La fondation réplique qu'elle n'a pas manqué à ses obligations.
La cour a retenu que la demande de dommages-intérêts résultant de l'accident du travail relevant de la compétence exclusive du tribunal judiciaire, c'était à juste titre que le conseil de prud'hommes s'était déclaré incompétent pour en connaître. Le moyen tiré du non respect de l'obligation de sécurité est donc rejeté.
En application de l'article L.1222-1 du code du travail, le contrat de travail est présumé exécuté de bonne foi, de sorte que la charge de la preuve de l'exécution de mauvaise foi dudit contrat incombe à celui qui l'invoque.
M. [Z] qui a développé exclusivement le moyen tiré de non-respect de l'obligation de sécurité, ne démontre pas que l'employeur a exécuté le contrat de mauvaise foi. Il sera donc débouté de sa demande de dommages-intérêts.
Sur le licenciement pour inaptitude
Pour infirmation de la décision entreprise, M. [Z] fait valoir que le manquement de son employeur à son obligation de sécurité est à l'origine de son inaptitude et de son licenciement ; qu'en outre, malgré les préconisations du médecin du travail, la fondation ne lui a fait aucune proposition de reclassement alors même que de nombreux postes étaient disponibles.
La fondation Cognacq-Jay rétorque qu'elle a respecté son obligation de sécurité et qu'elle a procédé à des recherches de reclassement en interne, sollicitant par mail l'ensemble des établissements de la fondation, et en externe les partenaires de la fondation, précisant les préconisations du médecin du travail.
En application de l'article L.4121-1 du code du travail dans sa rédaction applicable, l'employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs.
Ces mesures comprennent :
1° Des actions de prévention des risques professionnels et de la pénibilité au travail ;
2° Des actions d'information et de formation ;
3° La mise en place d'une organisation et de moyens adaptés.
L'employeur veille à l'adaptation de ces mesures pour tenir compte du changement des circonstances et tendre à l'amélioration des situations existantes.
Il est constant qu'est dépourvu de cause réelle et sérieuse le licenciement pour inaptitude lorsqu'il est établi que l'inaptitude est consécutive à un manquement préalable de l'employeur qui l'a provoquée.
Il est acquis que M. [Z] a été victime d'une décharge électrique sur son lieu de travail le 22 mars 2017 en manipulant un appareil de mesure utilisé quotidiennement.
Il résulte des éléments du dossier qu'à l'ouverture du service de radiothérapie, M. [Z], en qualité de dosimétristre, doit effectuer des mesures sur les appareils de traitement ; que sur chaque poste de traitement, un électromètre est branché sur le secteur et à un câble de mesures dont l'autre extrémité se trouve en salle de traitement ; que le dosimétristre connecte tous les matins cette extrémité en salle à une chambre de mesure afin de l'irradier par la suite ; que si la mesure obtenue paraît erronée le dosimétristre peut également changer la chambre de mesure afin de voir si elle présente un défaut ; que c'est au cours d'une de ces opérations que l'accident a eu lieu, causé par un câble défectueux.
Selon le procès-verbal du CHSCT réuni en séance extraordinaire le 17 mai 2017, le manager de M. [Z] a reconnu que le mieux aurait été de ne pas intervenir mais que 'pour sa défense [de M. [Z]], il y a la pression des traitements et que M. [Z] est intervenu dans cet état d'esprit'.
Selon le procès-verbal du CHSCT du 22 juin 2017, il appert que le message d'erreur était déjà apparu un ou deux jours précédents l'accident et avait disparu au redémarrage de l'appareil. Il n'est pas contredit par l'employeur qu'il n'existait pas dans le service de mode d'emploi pouvant expliquer les messages d'erreur, ni de consignes de sécurité écrites et affichées concernant l'utilisation des appareils du service, ni de gants isolants. Il n'est pas davantage contredit que le salarié a mis comme d'habitude en place l'appareil de mesure et qu'au vu du message d'erreur il a changé le câble faisant la connexion entre la chambre de mesure et l'électromètre, que cet accident a eu lieu avant l'ouverture du service de radiothérapie, en l'absence d'électricien et de cadre sur place. A l'issue de la réunion, le CHSCT a proposé la rédaction avec le constructeur des appareils d'une check list des messages d'erreurs et des actions à mener, des consignes de sécurités, EPI, et des actions de préventions par la médecine du travail concernant le risque électrique.
C'est en vain que l'employeur oppose le document unique d'évaluation des risques professionnels de 2015 mis à jour en 2016 et 2017 qui ne fait que conforter le risque électrique élevé et connu par lui pour les dosimétristes étant relevé que l'action envisagée selon le document mis à jour le 27 février 2017 était le rappel des consignes de sécurité lors des contrôles qualité. De même, c'est en vain que la fondation soutient que M. [Z] était titulaire d'un DUT mesures physiques option mesure et contrôle physico-chimique et qu'il avait également bénéficié de nombreuses formations alors même que la fondation admet également qu'elle avait souhaité proposer aux dosimétristes des formations sur des interventions basiques en électricité pour obtenir l'habilitation nécessaire pour intervenir sur les pannes électriques mais que la société ELEKTA compétente en cette matière, a refusé de dispenser cette formation en électricité compte tenu de la dangerosité des manipulations que cela impliquait en dehors de toute formation initiale d'électricien.
Enfin la procédure de maintenance dont se prévaut la fondation et selon laquelle tout dysfonctionnement quotidien relève de la maintenance journalière ne la dispensait pas de mettre en oeuvre tous les moyens nécessaires de nature à préserver la santé de ses salariés ce qu'elle n'a pas fait eu égard notamment à l'absence d'affichage des consignes de sécurité relatives à l'utilisation des appareils du service de radiothérapie et à proximité de ceux-ci ainsi que des gants isolants. La cour relève à l'instar de M. [Z], que postérieurement à l'accident, un document est affiché devant chaque appareil afin de solliciter la vigilance des utilisateurs avec l'indication de 'ne pas utiliser l'appareil dès lors qu'il y un message d'erreur, attendre 8H00 et prévenir le service technique'.
Il s'en déduit que la fondation Cognacq Jay a manqué à son obligation de sécurité ; que ce manquement est à l'origine directe de l'accident survenu le 22 mars 2017 et de l'inaptitude qui s'en est suivie de telle sorte que le licenciement pour inaptitude de M. [Z] est dépourvu de cause réelle et sérieuse. La décision entreprise sera infirmée de ce chef.
Sur les conséquences financières
M. [Z] sollicite les sommes de 4.634,53 euros au titre du reliquat de l'indemnité compensatrice de préavis et 463,45 euros de congés payés afférents en application de l'article L. 5213-9 du code du travail.
La fondation fait valoir que l'article L. 5213-9 du code du travail ne s'applique pas à l'indemnité compensatrice de préavis en cas de licenciement pour inaptitude d'origine professionnelle.
L'article L.5213-9 du code du travail dispose qu'en cas de licenciement, la durée du préavis déterminée en application de l'article L. 1234-1 est doublée pour les bénéficiaires du chapitre II, sans toutefois que cette mesure puisse avoir pour effet de porter au-delà de trois mois la durée de ce préavis.
Toutefois, ces dispositions ne sont pas applicables lorsque les conventions ou accords collectifs de travail ou, à défaut, les usages prévoient un préavis d'une durée au moins égale à trois mois.
La cour ayant retenu que le licenciement pour inaptitude est dépourvu de cause réelle et sérieuse, les dispositions de l'article L. 5213-9 sus-visé sont applicables.
M. [Z], reconnu travailleur handicapé le 5 décembre 2018, a déjà reçu la somme de 9.269,26 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis selon le solde de tout compte, correspondant à deux mois de salaire.
Il s'ensuit que par infirmation de la décision entreprise, la fondation Cognacq Jay devra verser à M. [Z] la somme de 4.634,53 euros au titre du reliquat de l'indemnité préavis outre 463,45 euros de congés payés afférents.
En outre, M. [Z] a perçu une indemnité de licenciement de 22.249,22 euros alors que selon les bulletins de salaire produits et les modalités de calcul présentées par le salarié, non contredites par l'employeur, il aurait du percevoir 22.400,70 euros. La fondation sera donc condamnée, par infirmation de la décision entreprise, à verser à M. [Z] la somme de 51,48 euros.
Sur la demande d'indemnité au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse, le salarié conteste l'application du barème prévu par l'article L.1235.3 du code du travail motifs pris que seule la juridiction prud'homale est à même de juger d'une indemnisation appropriée conforme à l'article 24 de la Charte des droits sociaux et à l'article 10 de la convention de l'OIT.
Aux termes de l'article 6 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, la loi doit être la même pour tous, soit qu'elle protège, soit qu'elle punisse.
Les stipulations de l'article 10 de la Convention n° 158 de l'Organisation internationale du travail, qui créent des droits dont les particuliers peuvent se prévaloir à l'encontre d'autres particuliers et qui, eu égard à l'intention exprimée des parties et à l'économie générale de la convention, ainsi qu'à son contenu et à ses termes, n'ont pas pour objet exclusif de régir les relations entre Etats et ne requièrent l'intervention d'aucun acte complémentaire, sont d'effet direct en droit interne.
Les dispositions des articles L. 1235-3, L. 1235-3-1 et L. 1235-4 du code du travail, dans leur rédaction issue de l'ordonnance n°2017-1387 du 22 septembre 2017, qui permettent raisonnablement l'indemnisation de la perte injustifiée de l'emploi et assurent le caractère dissuasif des sommes mises à la charge de l'employeur, sont de nature à permettre le versement d'une indemnité adéquate ou une réparation considérée comme appropriée au sens de l'article 10 de la Convention n° 158 de l'Organisation internationale du travail.
Il en résulte que les dispositions de l'article L. 1235-3 du code du travail sont compatibles avec les stipulations de l'article 10 de la Convention précitée.
Sous réserve des cas où est en cause un traité international pour lequel la Cour de justice de l'Union européenne dispose d'une compétence exclusive pour déterminer s'il est d'effet direct, les stipulations d'un traité international, régulièrement introduit dans l'ordre juridique interne conformément à l'article 55 de la Constitution, sont d'effet direct dès lors qu'elles créent des droits dont les particuliers peuvent se prévaloir et que, eu égard à l'intention exprimée des parties et à l'économie générale du traité invoqué, ainsi qu'à son contenu et à ses termes, elles n'ont pas pour objet exclusif de régir les relations entre Etats et ne requièrent l'intervention d'aucun acte complémentaire pour produire des effets à l'égard des particuliers.
Les dispositions de la Charte sociale européenne selon lesquelles les Etats contractants ont entendu reconnaître des principes et des objectifs poursuivis par tous les moyens utiles, dont la mise en 'uvre nécessite qu'ils prennent des actes complémentaires d'application et dont ils ont réservé le contrôle au seul système spécifique visé par la partie IV, ne sont pas d'effet direct en droit interne dans un litige entre particuliers.
L'invocation de son article 24 ne peut dès lors pas conduire à écarter l'application des dispositions de l'article L. 1235-3 du code du travail, dans leur rédaction issue de l'ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017.
En application de l'article L.1235-3 du code du travail dans sa rédaction issue de la loi n°2018-217 du 29 mars 2018, si le licenciement d'un salarié survient pour une cause qui n'est pas réelle et sérieuse, le juge peut proposer la réintégration du salarié dans l'entreprise, avec maintien de ses avantages acquis. Si l'une ou l'autre des parties refuse cette réintégration, le juge octroie au salarié une indemnité à la charge de l'employeur, dont le montant, eu égard à l'ancienneté du salarié, est compris entre 3 mois et 9 mois de salaire.
Au jour du licenciement, M. [Z], âgé de 35 ans, bénéficiait d'une ancienneté de 9 ans. Il justifie avoir perçu les indemnités chômage et avoir été recruté à durée déterminée en qualité de contractuel par l'académie de [Localité 5] en septembre 2020 pour assurer les fonctions d'enseignement en mathématiques et en sciences physiques.
En conséquence et au vu des bulletins de salaire produits, il convient de condamner la fondation Cognacq Jay à verser à M. [Z] la somme de 40.000 euros d'indemnité au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Sur les indemnités chômage
En application de l'article L.1235-4 du code du travail, dans les cas prévus aux articles L.1235-3, le juge ordonne le remboursement par l'employeur fautif aux organismes intéressés de tout ou partie des indemnités de chômage versées au salarié licencié, du jour de son licenciement au jour du jugement prononcé, dans la limite de six mois d'indemnités de chômage par salarié intéressé. Ce remboursement est ordonné d'office lorsque les organismes intéressés ne sont pas intervenus à l'instance ou n'ont pas fait connaître le montant des indemnités versées.
En l'espèce, il convient d'ordonner le remboursement par la fondation Cognacq Jay des indemnités de chômage versées à M. [Z] dans la limite de 6 mois.
Sur les frais irrépétibles
La fondation Cognacq Jay sera condamnée aux entiers dépens et devra verser à M. [Z] la somme de 2.500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile
PAR CES MOTIFS
La Cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire et mis à disposition au greffe,
INFIRME le jugement déféré sauf en ce que le conseil de prud'hommes s'est déclaré incompétent pour connaître de la demande de dommages-intérêts du salarié fondée sur les manquements de la fondation Congncq Jay à son obligation de sécurité ;
Statuant à nouveau et y ajoutant,
JUGE que le licenciement de M. [V] [Z] est dépourvu de cause réelle et sérieuse;
CONDAMNE la fondation Cognacq Jay à verser à M. [V] [Z] les sommes suivantes:
- 4.634,53 euros au titre du reliquat de l'indemnité compensatrice de préavis ;
- 463,45 euros de congés payés afférents ;
- 51,48 euros au titre du reliquat de l'indemnité spéciale de licenciement ;
- 40.000 euros d'indemnité au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
RAPPELLE que les sommes de nature salariale porteront intérêts au taux légal à compter de la date de réception par l'employeur de sa convocation devant le bureau de conciliation du conseil des prud'hommes, les autres sommes à caractère indemnitaire porteront intérêts au taux légal à compter de la décision qui les alloue ;
ORDONNE le remboursement par la fondation Cognacq Jay à Pôle Emploi des indemnités de chômage versées à M. [V] [Z] dans la limite de six mois ;
DÉBOUTE M. [V] [Z] de sa demande de dommages-intérêts ;
CONDAMNE la fondation Cognacq Jay aux entiers dépens ;
CONDAMNE la fondation Cognacq Jay devra verser à M. [V] [Z] la somme de 2.500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
La greffière, La présidente.