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26/05/2023 | FRANCE | N°17/03833

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 12, 26 mai 2023, 17/03833


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS







COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 12



ARRÊT DU 26 Mai 2023



(n° 415, 8 pages)





Numéro d'inscription au répertoire général : S N° RG 17/03833 - N° Portalis 35L7-V-B7B-B24PO



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 10 Février 2017 par le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de PARIS RG n° 15-02288



APPELANTE

Madame [F] [M]

[Adresse 1]

[Localité 3]

représentée

par Me Laurent SALAAM, avocat au barreau de PARIS, toque : A0386



INTIMÉES

CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE PARIS

Direction du contentieux et de la lutte contre la fraude

[Adresse 9]

[L...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 12

ARRÊT DU 26 Mai 2023

(n° 415, 8 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S N° RG 17/03833 - N° Portalis 35L7-V-B7B-B24PO

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 10 Février 2017 par le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de PARIS RG n° 15-02288

APPELANTE

Madame [F] [M]

[Adresse 1]

[Localité 3]

représentée par Me Laurent SALAAM, avocat au barreau de PARIS, toque : A0386

INTIMÉES

CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE PARIS

Direction du contentieux et de la lutte contre la fraude

[Adresse 9]

[Localité 4]

représenté par Me Florence KATO, avocat au barreau de PARIS, toque : D1901, substitué par Me Lucie DEVESA, avocat au barreau de PARIS, toque : D1901

Association [7]

[Adresse 5]

[Localité 2]

représentée par Me Marie CONTENT, avocat au barreau de PARIS, toque : J98, substituée par Me Manon JAMMET, avocat au barreau de PARIS, toque : J98

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 15 Mars 2023, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Monsieur Gilles BUFFET, Conseiller, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Sophie BRINET, Présidente de chambre

Madame Bathilde CHEVALIER, Conseillère

Monsieur Gilles BUFFET, Conseiller

Greffier : Madame Alisson POISSON, lors des débats

ARRET :

- CONTRADICTOIRE

- prononcé

par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Sophie BRINET, Présidente de chambre, et par Madame Claire BECCAVIN, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

La cour statue à la suite de l'arrêt rendu le 12 mars 2021, dans un litige opposant Mme [F] [M] à l'association [6], venant aux droits de l'association [7], en présence de la caisse primaire d'assurance maladie de Paris.

FAITS, PROCEDURE, PRETENTIONS DES PARTIES

Il est rappelé que Mme [F] [M], engagée comme éducatrice spécialisée par l'association [7], a été victime le 29 novembre 2012 vers 00h00 d'un accident du travail déclaré le 17 janvier 2013 par son employeur qui relate les circonstances suivantes: "Accident constaté le 29/11/2012 à 00h15. Nature de l'accident : une jeune fille a griffé Mme [M]. Siège des lésions : visage, dessous de l'oeil. Nature des lésions : griffures" ; que le certificat médical initial en date du 29 novembre 2012 fait état de "contusions multiples de la face. Plaie superficielle joue gauche" et prescrit des soins sans arrêt de travail jusqu'au 3 décembre 2012 ; que l'accident a été pris en charge par la caisse primaire d'assurance maladie de Paris au titre de la législation professionnelle par décision du 7 mai 2013 ; que, déclarée inapte à tout poste d'éducatrice ou poste administratif au sein de l'association [7] par la médecine du travail le 10 juin 2013, Mme [M] a été licenciée pour inaptitude et impossibilité de reclassement le 15 juillet 2013 ; que son état de santé a été déclaré consolidé à la date du 11 juin 2013 avec attribution d'un taux d'incapacité permanente partielle de 15 % au vu des conclusions médicales suivantes : "dépression partiellement réactionnelle à une agression mais également à un contexte professionnel, avec troubles du sommeil, de la concentration, perte de poids. Plus de séquelles physiques proprement dites" ; qu'en l'absence de conciliation possible, Mme [F] [M] a saisi le 23 avril 2015 le tribunal des affaires de sécurité sociale de Paris pour voir reconnaître la faute inexcusable de son employeur.

Par jugement du 10 février 2017, le tribunal a débouté Mme [F] [M] de ses demandes et rejeté les demandes formées au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Mme [M] a interjeté appel de ce jugement le 14 mars 2017, lequel lui avait été notifié le 25 février 2017.

Par arrêt du 12 mars 2021, la cour a :

- déclaré l'appel recevable,

- déclaré les demandes de Mme [F] [M] recevables,

- infirmé le jugement déféré,

- et statuant à nouveau:

-jugé que l'accident du travail dont Mme [F] [M] a été victime le 29 novembre 2012 est dû à la faute inexcusable de l'association [6] venant aux droits de l'association [7],

-fixé au maximum prévu par la loi la majoration de rente allouée à Mme [F] [M],

-avant dire droit sur la réparation des préjudices personnels de Mme [F] [M]:

-ordonné une expertise médicale judiciaire et désigné pour y procéder le docteur [T] [V] avec pour mission de :

-décrire les lésions occasionnées par l'accident du 29 novembre 2012,

-en tenant compte de la date de consolidation fixée par la caisse, et au regard des lésions imputables à l'accident du travail :

-fixer les déficits fonctionnels temporaires en résultant, total et partiels,

-les souffrances endurées, en ne différenciant pas dans le quantum les souffrances physiques et morales,

- le préjudice esthétique temporaire et permanent,

- le préjudice d'agrément existant à la date de consolidation, compris comme l'incapacité d'exercer certaines activités régulières pratiquées avant l'accident,

- le préjudice sexuel,

- dire si l'assistance d'une tierce personne avant consolidation a été nécessaire et la quantifier,

-dire si des frais d'aménagement du véhicule ou du logement ont été rendus nécessaires,

-donner toutes informations de nature médicale susceptibles d'éclairer la demande faite au titre de la perte de chance de promotion professionnelle,

-fournir tous éléments utiles de nature médicale à la solution du litige,

- ordonné la consignation par la caisse primaire d'assurance maladie de Paris auprès du Régisseur de la cour dans les 60 jours de la notification du présent arrêt de la somme de 1.200 euros à valoir sur la rémunération de l'expert,

- dit que l'expert devra de ses constatations et conclusions rédiger un rapport qu'il adressera au greffe social de la cour ainsi qu'aux parties dans les 4 mois après qu'il aura reçu confirmation du dépôt de la consignation,

- rappelé qu'aux termes de l'article R 144-6 du code de la sécurité sociale, les frais liés à une nouvelle expertise sont mis à la charge de la partie ou des parties qui succombent à moins que la cour, par décision motivée, n'en mette la totalité ou une fraction à la charge de l'autre partie,

- débouté Mme [F] [M] de sa demande d'indemnité provisionnelle à valoir sur l'indemnisation de ses préjudices personnels et moraux,

-dit que la caisse primaire d'assurance maladie de Paris devra verser directement à Mme [F] [M] la majoration de rente allouée,

-dit que l'association [6] venant aux droits de l'association [7] devra rembourser à la caisse primaire d'assurance maladie de Paris les sommes dont cette dernière sera tenue de faire l'avance au titre de la faute inexcusable,

-condamné l'association [6] venant aux droits de l'association [7] à rembourser à la caisse primaire d'assurance maladie de Paris le coût de l'expertise,

-condamné l'association [6] venant aux droits de l'association [7], à payer à Mme [F] [M] une somme de 2.000 euros en remboursement des frais irrépétibles qu'elle a exposés,

-débouté l'association [6] venant aux droits de l'association [7], de sa demande en frais irrépétibles,

-condamné l'association [6] venant aux droits de l'association [7] aux dépens d'appel,

- renvoyé l'affaire à l'audience du 5 novembre 2021.

Le docteur [V] a déposé son rapport le 15 octobre 2021.

L'association [6] a formé un pourvoi en cassation contre l'arrêt du 12 mars 2021.

Par arrêt du 12 janvier 2023, la Cour de cassation a rejeté ce pourvoi.

Aux termes de ses conclusions déposées à l'audience par son avocat qui s'y réfère, Mme [F] [M] demande à la cour de :

- condamner l'association [6] venant aux droits de l'association [7] à l'indemniser de l'intégralité des préjudices consécutifs à l'accident du travail et à la reconnaissance de la faute inexcusable commise à son encontre et lui verser les sommes suivantes :

- Déficit fonctionnel temporaire partiel : 965 euros,

- Souffrances endurées : 4.000 euros,

- Préjudice esthétique temporaire : 500 euros,

- Retentissement professionnel : 20.000 euros,

- déclarer la décision à intervenir opposable à la CPAM de Paris avec toutes conséquence de droit,

- condamner l'association [6] à payer à Mme [M] la somme de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

Aux termes de ses conclusions déposées à l'audience par son avocat qui s'y réfère, l'association [6] demande à la cour de :

- réduire à de plus justes proportions les sommes susceptibles d'être allouées à Mme [F] [M] au titre du déficit fonctionnel temporaire partiel et du préjudice esthétique temporaire,

- débouter Mme [F] [M] de sa demande au titre des souffrances endurées,

- débouter Mme [F] [M] de sa demande au titre de la perte de chance de promotion professionnelle,

- débouter Mme [F] [M] de sa demande à l'encontre de l'association [6], venant aux droits de l'association [7], au titre de l'article 700 du code de procédure civile et des dépens,

- condamner Mme [F] [M] à verser à l'association [6], venant aux droits de l'association [7], une somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner Mme [F] [M] aux entiers dépens, en ce compris les frais d'expertise judiciaire.

Aux termes de ses conclusions déposées à l'audience par son avocat qui s'y réfère, la caisse primaire d'assurance maladie de Paris demande à la cour de :

- limiter l'indemnisation du déficit fonctionnel temporaire à la somme de 849,20 euros,

- donner acte à l'assurance maladie de [Localité 8] de ce qu'elle s'en rapporte à la sagesse de la cour quant à l'indemnisation du préjudice esthétique temporaire et des souffrances endurées,

- débouter Mme [M] de ses demandes au titre de la perte de chance de promotion professionnelle,

- rappeler que l'assurance maladie de [Localité 8] avancera les sommes éventuellement allouées à Mme [M] dont elle récupérera le montant sur l'employeur, en ce compris les frais d'expertise,

- condamner tout succombant aux entiers dépens.

En application du deuxième alinéa de l'article 446-2 et de l'article 455 du code procédure civile, il est renvoyé aux conclusions des parties déposées à l'audience pour l'exposé de leurs moyens.

SUR CE,

Aux termes de l'article L.452-3 du code de la sécurité sociale, indépendamment de la majoration de rente qu'elle reçoit, la victime a le droit de demander à l'employeur la réparation du préjudice causé par les souffrances physiques et morales par elle endurées, de ses préjudices esthétiques et d'agrément ainsi que celle du préjudice résultant de la perte ou de la diminution de ses possibilités de promotion professionnelle. La réparation de ces préjudices est versée directement aux bénéficiaires par la caisse qui en récupère le montant auprès de l'employeur.

En application de cette disposition, telle qu'interprétée par le Conseil constitutionnel (décision n°2010-8 du 18 juin 2010 sur QPC) et la Cour de cassation (Cass. civ.2ème, 13 février 2014 n°13-10548, assemblée plénière 20 janvier 2023, n°20-23.673), peuvent également être indemnisés le déficit fonctionnel avant et après consolidation, l'assistance par tierce personne avant consolidation, les frais d'aménagement du véhicule et du logement, le préjudice sexuel, le préjudice permanent exceptionnel, le préjudice d'établissement, le préjudice scolaire, les dépenses de santé non prises en charge et les frais divers, postes de préjudice non couverts par le livre IV du code de la sécurité sociale. Les autres chefs de préjudices couverts par les dispositions du code de la sécurité sociale, même partiellement, ne peuvent faire l'objet d'une indemnisation complémentaire.

Les conclusions du docteur [V] sont les suivantes :

- accident du travail : le 29 novembre 2012,

- déficit fonctionnel temporaire total : aucun,

- déficit fonctionnel temporaire partiel : à 20% du 29 novembre 2012 au 10 juin 2013,

- tierce personne : non,

- souffrances endurées : 2/7,

- préjudice esthétique temporaire : 1/7,

- préjudice esthétique définitif : aucun,

- préjudice d'agrément : aucun,

- aménagement véhicule ou logement : non,

- retentissement professionnel : à la date de consolidation, inapte totalement à la reprise de son activité professionnelle dans son poste,

- préjudice sexuel : aucun.

Sur le déficit fonctionnel temporaire

Mme [F] [M] sollicite l'application d'un taux journalier de 25 euros, lequel est contesté par la caisse qui considère que le taux habituel en la matière est de 22 euros par jour. L'association [6] sollicite que la demande formulée par Mme [F] [M] soit ramenée à de plus justes proportions.

Le déficit fonctionnel temporaire peut être défini comme l'invalidité subie par la victime dans sa sphère personnelle pendant la maladie traumatique jusqu'à la consolidation. Il traduit l'incapacité fonctionnelle totale ou partielle que va subir la victime jusqu'à sa consolidation. Il correspond à la période d'hospitalisation de la victime mais aussi à la perte de qualité de vie et celle des joies usuelles de la vie courante et inclut le préjudice temporaire d'agrément et éventuellement le préjudice sexuel temporaire.

Le montant de 25 euros par jour proposé par Mme [F] [M] étant satisfactoire, le déficit fonctionnel temporaire partiel sera évalué à 965 euros (193 jours x 25 x 20%).

Sur les souffrances endurées

Mme [F] [M] fait valoir qu'elle a développé une dépression sévère réactionnelle à la suite de son agression sur son lieu de travail, avec troubles du sommeil, de la concentration, ayant été suivie par un psychiatre depuis le 14 janvier 2013 qui lui a prescrit un traitemant antidépresseur.

L'association [6] réplique que le retentissement psychologique n'est pas établi, qu'il existe un état antérieur, la dépression invoquée n'étant pas exclusivement liée à l'agression du 29 novembre 2012, tandis que Mme [F] [M] a déjà été indemnisée par le conseil des prud'hommes au titre du préjudice moral et physique imputable aux dysfonctionnements de l'association [7], de sorte qu'elle ne justifie d'aucun droit à une indemnité complémentaire.

La caisse s'en rapporte à la sagesse de la cour.

Ce poste de préjudice vise à indemniser les souffrances tant physiques que morales endurées par la victime du fait des atteintes à son intégrité, à sa dignité et à son intimité et des traitements, interventions, hospitalisations qu'elle a subis depuis l'accident jusqu'à la consolidation.

Il est rappelé que l'expert judiciaire évalue les souffrances endurée à 2/7 eu égard au fait traumatique initial, de l'absence de complication somatiques, de la prise en charge par le médecin traitant de la victime et par un psychiatre avec un traitement médicamenteux modéré.

Contrairement à ce que soutient l'association [6], l'expert fait un lien entre l'agression initiale ayant occasionné des contusions multiples du visage et une griffure superficielle de la joue qui ont eu des répercussions pyschologique négatives sur Mme [F] [M], ayant nécessité une prise en charge par son médecin traitant puis par un psychiatre du 14 janvier 2013 à juin 2013 avec prescription d'un traitement antidépresseur et anxiolytique.

Par conséquent, la réalité des souffrances endurées, qui ont été quantifiées par l'expert, est incontestable. Consécutives à l'accident du travail du 29 novembre 2012, elles n'ont pas été réparées par les indemnités allouées dans le cadre du procès prud'homal antérieur distinct de l'action en réparation de la faute inexcusable de l'employeur.

Eu égard aux constatations de l'expert judiciaire, les souffrances endurées seront réparées par l'allocation d'une indemnité de 3.500 euros.

Sur le préjudice esthétique temporaire

Mme [F] [M] sollicite une indemnité de 500 euros, s'appuyant sur les conclusions de l'expert. L'association [6] considère que ce montant est excessif et ne saurait excéder 200 euros, tandis que la caisse s'en rapporte à la sagesse de la cour.

L'expert judiciaire quantifie le préjudice esthétique temporaire à 1/7 durant une semaine pour la lésion de griffure et les contusions de la face rapportées qui néanmoins ne sont pas décrites, cette période étant suffisante pour que les lésions cutanées superficielles disparaissent.

Au regard de ces éléments, il convient de fixer ce poste de préjudice à 300 euros.

Sur la perte de promotion professionnelle

Mme [F] [M] fait valoir qu'elle a subi une perte de chance de promotion professionnelle, ayant été déclarée totalement inapte à la reprise de son activité professionnelle dans son poste à la date de consolidation ce qui a entraîné son licenciement pour inaptitude. Elle soutient que cette perte d'emploi est distincte du préjudice résultant du déclassement professionnel compensé par l'attribution d'une rente majorée et qu'elle se trouve en situation de précarité professionnelle, ne faisant plus que des missions en intérim.

L'association [6] réplique que Mme [F] [M] n'établit pas la réalité d'un préjudice de perte de chance de promotion professionnelle distinct de l'incidence professionnelle dont elle est déjà indemnisée par le versement d'une rente majorée au taux maximum autorisé par la loi en vertu de l'arrêt du 12 mars 2021, l'hypothèse d'une promotion professionnelle étant totalement virtuelle et hypothétique.

La caisse soutient que Mme [F] [M] fonde uniquement sa demande sur son inaptitude à la reprise de son activité professionnelle et son licenciement pour inaptitude, sans établir l'existence avérée d'une chance de promotion dont elle aurait été privée du fait de l'accident.

En vertu de l'article L.452-2 du code de la sécurité sociale, en cas de faute inexcusable de l'employeur, la victime ou ses ayants droit reçoivent une majoration du capital ou de la rente attribués.

Si l'article L. 452-3 du code de la sécurité sociale, tel qu'interprété par le Conseil constitutionnel dans sa décision n° 2010-8 QPC du 18 juin 2010, dispose qu'en cas de faute inexcusable, la victime d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle peut demander à l'employeur, devant la juridiction de sécurité sociale, la réparation des chefs de préjudice autres que ceux énumérés par le texte précité, c'est à la condition que ces préjudices ne soient pas déjà couverts par le livre IV du code de la sécurité sociale.

Or, si l'expert judiciaire retient qu'en ce qui concerne les possibilités de promotion professionnelle de Mme [F] [M], il y a lieu de considérer qu'elle était inapte totalement à la reprise de son activité professionnelle dans son poste à la date de consolidation, l'incidence professionnelle est réparée par l'allocation de la rente majorée.

Mme [F] [M], qui fait valoir qu'elle s'est trouvée dans une situation de précarité professionnelle, ne se prévaut d'aucune perte ou diminution d'une possibilité de promotion professionnelle, laquelle est seule susceptible de constituer un chef de préjudice distinct indemnisable.

Aussi, la demande formée à ce titre sera rejetée.

Sur l'action récursoire de la caisse primaire d'assurance maladie

Quelles que soient les conditions d'information de l'employeur par la caisse au cours de la procédure d'admission du caractère professionnel de l'accident ou de la maladie, la reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur par une décision de justice passée en force de chose jugée emporte l'obligation pour celui-ci de s'acquitter des sommes dont il est redevable à raison des articles L.452-1 à L. 452-3.

L'association [6] sera donc condamnée à rembourser à la caisse primaire d'assurance maladie de Paris les indemnités allouées à Mme [F] [M].

Sur les frais et dépens

L'association [6], qui succombe, sera condamnée aux dépens de la présente instance, incluant les frais d'expertise.

Une somme de 2.000 euros ayant déjà été allouée à Mme [F] [M] en application de l'article 700 du code de procédure civile, il convient de lui allouer une indemnité complémentaire à ce titre de 1.000 euros.

La demande formée par l'association [6] au titre de ses frais irrépétibles sera rejetée.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

Vu l'arrêt du 12 mars 2021,

FIXE les préjudices de Mme [F] [M] aux montants suivants :

- déficit fonctionnel temporaire partiel: 965 euros,

- souffrances endurées : 3.500 euros,

- préjudice esthétique temporaire : 300 euros,

Soit un montant total de 4.765 euros,

DIT que la caisse primaire d'assurance maladie du Paris devra verser directement cette somme à Mme [F] [M],

DÉBOUTE Mme [F] [M] de sa demande formée au titre de la perte de chance de promotion professionnelle,

CONDAMNE l'association [6] à rembourser à la caisse primaire d'assurance maladie de Paris l'ensemble des sommes qu'elle aura versées au profit de Mme [F] [M],

CONDAMNE l'association [6] aux dépens, incluant les frais d'expertise judiciaire,

CONDAMNE l'association [6] à payer à Mme [F] [M] la somme complémentaire de 1.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

DEBOUTE l'association [6] de sa demande formée sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

La greffière La présidente


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 12
Numéro d'arrêt : 17/03833
Date de la décision : 26/05/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-05-26;17.03833 ?
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