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19/06/2023 | FRANCE | N°21/14295

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 5 - chambre 10, 19 juin 2023, 21/14295


REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS







COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 5 - Chambre 10



ARRÊT DU 19 JUIN 2023



(n° , 9 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/14295 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CEFJT



Décision déférée à la Cour : Jugement du 18 Juin 2021 -Tribunal de Commerce de PARIS 04 RG n° 2019064908



APPELANTES



S.A.S. KERVITA

agissant poursuites et diligences en la personne de ses représentants légaux domici

liés en cette qualité audit siège

Ayant son siége social

[Adresse 2]

[Localité 4]

N° SIRET : 829 708 825



Représentée par Me Anne GRAPPOTTE-BENETREAU de la SCP SCP GRAPPOTTE BENE...

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 10

ARRÊT DU 19 JUIN 2023

(n° , 9 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/14295 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CEFJT

Décision déférée à la Cour : Jugement du 18 Juin 2021 -Tribunal de Commerce de PARIS 04 RG n° 2019064908

APPELANTES

S.A.S. KERVITA

agissant poursuites et diligences en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

Ayant son siége social

[Adresse 2]

[Localité 4]

N° SIRET : 829 708 825

Représentée par Me Anne GRAPPOTTE-BENETREAU de la SCP SCP GRAPPOTTE BENETREAU, avocats associés, avocat au barreau de PARIS, toque : K0111

Représentée par Me Jean-pierre FARGES du LLP GIBSON, DUNN & CRUTCHER, avocat au barreau de PARIS, toque : J034

S.A.S.U. POTOMAC TRANSACTIONS

prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège

Ayant son siége social

[Adresse 1]

[Localité 3]

N° SIRET : 823 334 289

Représentée par Me Audrey HINOUX de la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES, avocat au barreau de PARIS, toque : C2477

Représentée par Me Eric DEUBEL de l'ASSOCIATION VEIL JOURDE, avocat au barreau de PARIS, toque : T06

INTIMEES

S.A.S. KERVITA

agissant poursuites et diligences en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

Ayant son siége social

[Adresse 2]

[Localité 4]

N° SIRET : 829 708 825

Représentée par Me Anne GRAPPOTTE-BENETREAU de la SCP SCP GRAPPOTTE BENETREAU, avocats associés, avocat au barreau de PARIS, toque : K0111

Représentée par Me Jean-pierre FARGES du LLP GIBSON, DUNN & CRUTCHER, avocat au barreau de PARIS, toque : J034

S.A.S.U. POTOMAC TRANSACTIONS

prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège

Ayant son siége social

[Adresse 1]

[Localité 3]

N° SIRET : 823 334 289

Représentée par Me Audrey HINOUX de la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES, avocat au barreau de PARIS, toque : C2477

Représentée par Me Eric DEUBEL de l'ASSOCIATION VEIL JOURDE, avocat au barreau de PARIS, toque : T06

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 03 Avril 2023, en audience publique, devant la Cour composée de :

Monsieur Edouard LOOS, Président

Madame Christine SIMON-ROSSENTHAL, Présidente

Monsieur Jacques LE VAILLANT, Conseiller

qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l'audience par Madame Christine SIMON-ROSSENTHAL, Présidente dans les conditions prévues par l'article 804 du code de procédure civile.

Greffier, lors des débats : Madame Sylvie MOLLÉ

ARRÊT :

- contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Edouard LOOS, Président et par Sylvie MOLLÉ, Greffier présent lors du prononcé.

FAITS ET PROCÉDURE

La société Kervita est la société faîtière et unique actionnaire du groupe Domus Vi, opérateur privé dans le secteur de l'hébergement et des services d'aide à domicile pour personnes âgées.

Par mail du 8 janvier 2018, la société Kervita a adressé à la société Potomac Transactions (ci-après dénommée Potomac), cabinet de conseil en fusions et acquisitions, un contrat de recherche de sociétés cibles en synergie avec ses propres activités. Le contrat prévoyait au profit de la société Potomac une rémunération sous forme de « success fee » déterminée sur la valeur d'entreprise de la société acquise.

Par avenant du 15 avril 2018, les parties sont convenues des conditions de rémunération de la société Potomac.

Le 23 mars 2018, la société Domus VI a présenté, en liaison avec la société Potomac, une lettre d'offre indicative au dirigeant de la société [7] que cette dernière a refusée le 4 avril 2018.

Toutefois en juin 2019, la société Domus VI a acquis auprès d'Ackermans van Haaren, 71,7% de la société HPA, actionnaire unique de la société [7], pour un prix de 165 millions d'euros.

La société Potomac, confrontée au refus de la société Kervita de s'acquitter d'une commission de succès qu'elle évalue à 3,4 millions d'euros, fait valoir qu'elle a satisfait à ses obligations et qu'elle a été mise à l'écart des négociations intervenues depuis la lettre d'offre.

Par acte d'huissier de justice en date du 8 novembre 2019, la société Potomac Transactions a fait assigner la société Kervita devant le tribunal de commerce de Paris aux fins de paiement de sa commission et en réparation de son préjudice moral.

Par jugement du 18 juin 2021, le tribunal de commerce de Paris a statué comme suit :

- Déboute la Sas Potomac Transactions de sa demande de faire injonction à la Sas Kervita de produire l'ensemble de la documentation afférente à l'acquisition de 100% du capital social de la société HPA,

- Déboute la Sas Kervita de sa demande de résolution du contrat,

- Condamne la Sas Kervita à payer à la Sas Potomac Transactions la somme de 1 687 000 euros HT, outre les intérêts au taux légal à compter du 8 novembre 2019,

- Déboute la Sas Kervita de sa demande de prononcer la réduction des honoraires à 15% du montant de la provision dont le paiement est demandé par la Sas Potomac,

- Déboute la Sas Kervita de sa demande d'ordonner une expertise judiciaire pour fixer le montant des honoraires réduits,

- Déboute la Sas Potomac Transactions de sa demande de dommages et intérêts,

- Condamne la Sas Kervita à payer à la Sas Potomac Transactions la somme de 7 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- Condamne la Sas Kervita aux dépens, dont ceux à recouvrer par le greffe, liquidés à la somme de 109,22 euros dont 17,99 euros de TVA.

Par déclaration du 22 juillet 2021, la société Potomac Transactions a interjeté appel du jugement.

Par déclaration du 15 octobre 2021, la société Kervita a interjeté appel du même jugement.

Par ordonnance en date du 16 mai 2022, la cour d'appel de Paris a ordonné la jonction des deux procédures qui se poursuivent sous le numéro RG 21-14295.

Par dernières conclusions signifiées le 27 février 2023, la société Potomac Transactions demande à la cour de :

- Confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a condamné la Sas Kervita à verser une rémunération à la Sas Potomac ;

- Confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté la Sas Kervita de sa demande de résolution du contrat ;

- Infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté la Sas Potomac Transactions de sa demande de faire injonction à la Sas Kervita de produire l'ensemble de la documentation afférente à l'acquisition de 100 % du capital social de la société HPA ;

- Infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a limité la condamnation de la Sas Kervita à payer à la Sas Potomac Transactions la somme de 1 687 000 euros HT, outre les intérêts au taux légal à compter du 8 novembre 2019 ;

- Infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté la Sas Potomac Transactions de sa demande de dommages et intérêts ;

Statuant à nouveau :

- Condamner la Sas Kervita à payer à la Sas Potomac la somme de 3 373 321,62 euros HT soit la somme de 4 047 985,94 euros TTC au titre de sa rémunération, outre les intérêts au taux légal à compter du 8 novembre 2019 ;

- Condamner la Sas Kervita à payer à la Sas Potomac la somme de 30 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile de première instance ;

En tout état de cause,

- Débouter la Sas Kervita de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;

- Condamner la SAS Kervita à payer à la Sas Potomac la somme de 50 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile d'appel ;

- Condamner la Sas Kervita aux dépens de l'instance dont distraction au profit de Madame Audrey Hinoux en application de l'article 699 du code de procédure civile.

Par dernières conclusions signifiées le 14 février 2023, la société Kervita demande à la cour de :

Vu l'article 9 du code de procédure civile ; Vu les articles 1104, 1217, 1219, 1223, 1224, 1353 du code civil ;

- Déclarer recevable et fondé l'appel formé par la Sas Kervita ;

Y faisant droit,

A titre principal, infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a condamné la Sas Kervita à payer à la Sas Potomac Transactions la somme de 1 687 000 euros et en ce qu'il a débouté la Sas Kervita de sa demande de résolution du contrat,

Statuant à nouveau , ordonner la résolution du contrat conclu entre la Sas Kervita et la Sas Potomac Transactions à la date du 24 mars 2018 pour inexécution,

A titre subsidiaire, confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a estimé que la Sas Potomac Transactions ne pouvait prétendre qu'à 50 % de sa rémunération au vu des travaux effectivement accomplis, et limité la condamnation de la Sas Kervita à payer à la Sas Potomac Transactions la somme de 1 687 000 euros HT, outre les intérêts au taux légal à compter du 8 novembre 2019 ;

En toute hypothèse,

- Confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté la Sas Potomac Transactions de sa demande de faire injonction à la Sas Kervita de produire l'ensemble de la documentation afférente à l'acquisition de 100 % du capital social de la société HPA ;

- Confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté la Sas Potomac Transactions de sa demande de dommages et intérêts ;

- Infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a condamné la Sas Kervita à payer à la Sas Potomac Transactions la somme de 7 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens,

- Condamner la Sas Potomac Transactions à payer à la Sas Kervita la somme de 20 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- Condamner la Sas Potomac Transactions aux entiers dépens dont distraction au profit de la SCP Grappotte Benetreau en application de l'article 699 du code de procédure civile.

SUR CE,

Sur le droit à la commission de succès et sur la demande de résolution du contrat

La société Potomac Transactions, soutient au visa des articles 1103, 1104, 1227, 1224 du code civil, 200 et suivants du code de procédure civile, que sa commission de succès au titre du mandat et de l'avenant est due aux motifs qu'elle n'a commis aucun manquement pouvant justifier le bien-fondé d'une exception d'inexécution ou d'une résolution judiciaire du contrat. L'exception d'inexécution ne peut être retenue dès lors que la preuve d'un manquement suffisamment grave dans le cadre de sa mission n'est pas rapportée et que le prétendu défaut de diligence qui lui est reproché est provoqué par le mandant. La production par ce dernier d'une attestation de Monsieur [D] pour justifier un possible manquement n'est pas une probante. A contrario, elle démontre la réalité et la qualité de ses prestations depuis la recherche de cibles jusqu'à l'émission de la lettre d'offre au cédant. La demande de résolution du contrat pour inexécution contractuelle ne peut donc prospérer.

La société Kervita fait valoir que la société Potomac a démarché la société [7] avant la signature du contrat de mandat et soutient, au visa des articles 9 du code de procédure civile, 1219, 1224, 1227, 1229 et 1353 du code civil que la commission de succès n'est pas due aux motifs que la requérante a commis plusieurs manquements contractuels pouvant justifier le bien-fondé d'une exception d'inexécution ou d'une résolution judiciaire du contrat. Dès lors que la requérante ne rapporte pas la preuve qu'elle a satisfait à ses obligations de résultat à savoir la cession de parts, et à ses obligations de moyens à savoir ses missions d'assistance du mandant, la cour de céans doit retenir l'exception d'inexécution ou prononcer la résolution judiciaire du contrat. Elle considère que la requérante s'est contentée d'effectuer des missions insignifiantes et qu'elle est étrangère à la signature d'une période d'exclusivité avec le cédant puis à l'opération de cession. La requérante a donc manqué à ses obligations contractuelles et elle a fait preuve d'amateurisme comme en témoigne la lettre probante de Monsieur [D]. En conséquence, la requérante ne peut prétendre à une quelconque commission.

Ceci étant exposé, les sociétés Kervita et Potomac ont signé un contrat aux termes duquel, cette dernière s'engageait à assister la société Kervita dans la réalisation d'opérations d'acquisitions de groupes de maisons de retraite. L'assistance recouvrait les contacts préliminaires, l'obtention des informations en amont et en aval, la stratégie de négociations, la présentation d'options de structuration du projet à l'exclusion du conseil juridique, fiscal, comptable et technique. La rémunération comprenait deux montants, l'un de 7 500 euros à l'organisation du premier rendez-vous qui a été payé et l'autre de 15 000 euros à l'ouverture d'une période d'exclusivité qui n'a pas été payé et des honoraires de transaction (success fee) sous forme d'un pourcentage de la valeur d'entreprise, variable suivant le Montana de celle-ci.

Le contrat était prévu pour une durée d'un an prorogeable par tacite reconduction d'un durée de 6 mois sauf résiliation par l'une des parties. Un droit de suite était conféré au mandataire au terme duquel la commission de succès était due si dans les 12 mois suivant la résiliation ou le non-renouvellement du mandat, Kervita réalisait l'opération, soit en l'espèce, postérieurement au 25 juillet 2019, le contrat n'ayant pas été résilié.

Par avenant du 14 avril 2018, les parties ont précisé les termes de la rémunération d'avancement .

La société Kervita a signé en décembre 2018 avec HPS un accord portant sur une période d'exclusivité ayant mené à l'acquisition en juin 2019 auprès d'Ackermans Van Haaren de 71,7 % de HPA, propriétaire de [7].

Il convient de souligner que la société Kervita invoque le fait que Potomac aurait démarché la société [7] avant la conclusion du mandat sans en tirer de conséquence juridique et alors même qu'elle ne justifie d'aucune critique sur ce point avant et après la signature du mandat. Cet argument est dès lors inopérant.

La société Potomac verse aux débats les pièces suivantes :

- des mails de Potomac à Kervita en novembre et décembre 2007 identifiant un intérêt à l'acquisition de [7],

- la collecte par Potomac auprès de [7] des informations relatives au groupe,

- les suites à donner, au premier rendez-vous avec Kervita,

- la communication par Potomac à Kervita des attentes et points d'éclaircissement complémentaires manifestés par [7] et une recommandation quant à la participation du directeur financier de Kervita au prochain rendez-vous avec [7],

- une proposition de Potomac à Kervit quant aux indicateurs de valorisation, des échanges sur la structuration souhaitée de l'offre,

- des propositions de Potomac quant à la méthode et contenu d'une offre, la revue par Potomac de la lettre d'offre préparé par Kervita en mode surligné,

- le projet de lettre d'offre [7] transmis par Kervita le 23 mars 2018,

- des échanges de SMS par lesquels Kervita ne répond pas aux sollicitations de Potomac.

La société Kervita verse aux débats un courrier de M. [D], président de [7] daté du 3 mai 2019, qui fait part du peu de professionnalisme de Potomac et du peu de crédit à apporter à la lettre d'offre reçue en avril 2018 et de la conclusion d'une transaction du fait de l'initiative des managements réciproques.

Le rédacteur de la lettre indique qu'il écrit en réponse à la « lettre du 13 février dernier aux termes de laquelle vous exprimez le souhait de connaître les conditions dans lesquelles la société Potomac est entrée en rapport avec nous ».

Or, la société Kervita, au vu des pièces ci-dessus énumérées était parfaitement informée de ces conditions. M. [D] indique que le motif du rejet de l'offre du 23 mars 2008 est « la faiblesse de la proposition nous confirmant le peu de crédit qu'il faut apporter à cette offre peu professionnelle et éloignée des standards de la profession » sans indiquer ni justifier en quoi consistait cette faiblesse ni indiquer quels sont les standards invoqués. La société Kervita ne fournit d'ailleurs aucune explication sur ces deux points.

En outre, ce courrier ne peut être considéré comme une attestation répondant aux exigences de l'article 202 du code de procédure civile, en ce qu'il ne mentionne nullement l'état civil de son auteur, ni ses liens avec les parties au présent litige, ni même le fait qu'il ait connaissance des sanctions encourues en cas de fausse attestation, ni encore que ce document a vocation à être communiqué en justice, étant en outre précisé que le caractère probant de ce document est entaché par l'appartenance de [7] au groupe Kervita.

Ainsi, cette lettre est dépourvue de caractère probant.

La société Potomac justifie ainsi qu'elle a effectué un travail effectif entrant dans le cadre de sa mission et a été empêchée de poursuivre les contacts avec la société cible [7]. Il est précisé que Kervita avait soumis l'offre à son board pour ensuite invoquer sa médiocrité sans pour autant émettre de griefs à l'encontre de Potomac postérieurement au rejet de l'offre le 23 mars 2018 ni résilié le mandat, étant souligné en outre, d'une part qu'elle rappelle dans le préambule de l'avenant signé le 14 avril 2018, soit postérieurement au rejet de l'offre le 23 mars 2018 l'intérêt qu'elle porte à [7] et d'autre part, qu'elle a bénéficié de la poursuite du mandat par Potomac qui a continué à lui adresser des cibles potentielles d'acquisition (début juin 2018, sur un établissement dénommé Champ de la Dame, fin juin 2018, sur un établissement dénommé EPHAD [8], fin août 2018, sur un établissement dénommé [6], mi-septembre 2018, sur un établissement dénommé [5]).

Ce n'est que par courrier recommandé avec accusé de réception du 16 janvier 2019 que Kervita a refusé de procéder au règlement de la deuxième facture de 15 000 euros et invoqué que Potomac n'était pas à la hauteur de la mission confiée.

La demande de résolution du mandat qui est allé en outre jusqu'à son terme ne saurait être accueillie.

Le jugement entrepris sera dès lors confirmé en ce qu'il a débouté la société Kervita de sa demande de résolution du mandat.

Sur la limitation du montant de la commission

La société Potomac Transactions soutient, au visa de l'article 1103 et 1168 du code civil, que la limitation du montant de la commission à 1 687 000 euros hors taxes n'est pas fondée aux motifs que le juge n'a pas le pouvoir de réduire le montant de la commission contractuellement prévu. Ce montant dépend uniquement de la réalisation de la cession et non des prestations accomplies par le mandataire. Ainsi, l'article 1223 du code civil est inapplicable en l'espèce. A défaut, les conditions de sa mise en 'uvre ne sont pas réunies et l'intimée ne démontre pas le caractère excessif de la commission par rapport aux prestations fournies. Elle soutient que depuis la réforme du 1er octobre 2016, le défaut d'équivalence des prestations, à le supposer établi, n'entraîne pas l'annulation du contrat ou d'une partie de celui-ci. Le montant de sa commission est donc, à titre principal, de

3 380 821,62 euros HT et à titre subsidiaire, de 1 687 000 euros HT.

Elle soutient que sa demande de production des documents relatives à la cession totale des parts de la société cible, assortie d'une astreinte de 500 euros par jour de retard est fondée aux motifs que ces documents permettront de déterminer précisément, selon les termes du contrat, non seulement la valeur de l'entreprise cédée mais aussi le montant de la commission due. Elle estime que cette valeur est de 307 347 420 euros et que, conformément au contrat, sa commission est de 1,1% de cette valeur soit 3 373 321,62 euros après déduction de l'acompte de 7 500 euros.

La société Kervita soutient à titre subsidiaire, que la limitation du montant de la commission à 1 687 000 euros hors taxes est fondée au motif que le montant contractuellement prévu est excessif au regard des prestations réalisées. Le caractère excessif des honoraires s'apprécie au regard de la réalisation des objectifs fixés au mandataire ou si celui-ci a commis une faute dans l'exécution du mandat. Lorsque les honoraires sont excessifs, le juge peut réduire le montant convenu. Ce pouvoir de révision est d'ordre public et n'est pas remis en cause par la réforme du droit des contrats. L'article 1165 du code civil est inapplicable en l'espèce. Le silence du législateur sur le pouvoir de révision du juge en matière d'honoraires ne saurait être assimilé à une remise en cause de la jurisprudence. La totalité de la commission due étant inadéquate avec les prestations effectivement réalisées, le montant de la commission doit donc être limité à 1 687 000 euros HT.

Elle soutient que la demande de production des documents relatives à la cession totale des parts de la société cible, assortie d'une astreinte de 500 euros par jour de retard est infondée aux motifs que la requérante dispose de toutes les informations nécessaires pour déterminer le quantum.

Ceci étant exposé, si Potomac n'a pas participé au deuxième volet des travaux ayant abouti à l'acquisition par Kervita de [7], c'est du fait de la société Kervita qui ne peut s'exonérer du paiement de l'honoraire de résultat conventionnellement prévu par les parties alors qu'elle a volontairement poursuivi seule les négociations en écartant Potomac de celles-ci, ni en solliciter la réduction sur ce fondement comme l'a retenu à tort le tribunal.

Si la jurisprudence admet la possibilité pour le juge de réduire les honoraires prévus par les parties, même de façon forfaitaire, c'est uniquement s'ils apparaissent excessifs au regard du service rendu.

Or, en l'espèce, la société Kervita ne justifie pas du caractère excessif des honoraires conventionnellement prévue par les parties.

Aux termes de l'avenant du 15 avril 2018, il est prévu une commission de succès de 1,1 % de la valeur d'entreprise si celle-ci est supérieure à 40 000 000 euros, défini comme la valeur de 100 % des actions majorée de la dette, nette du cash.

Le communiqué de presse d'Ackermans & Van Haaren sur ses résultats semestriels au 30 juin 2019 établit que cette dernière a cédé 71,7 % de HPS, société mère de [7] pour un montant de 164 952 000 euros, soit pour 100 % des actions 229 994 000 euros. Figurait au bilan de [7] 103 949 000 euros de dette financière et 26 596 000 euros de trésorerie et équivalent. La valeur d'entreprise est de 307 347 000 euros. La commission de succès de 1,1 % est de 3 380 822 euros dont il convient de déduire 7 500 euros facturés et payés, soit une commission de succès de 3 373 322 euros.

Le jugement entrepris sera dès lors confirmé en ce qu'il a rejeté la demande d'injonction de communication de pièces et infirmé sur le montant de la commission et la société Kervita condamnée à payer à la société Potomac la somme de 3 373 322 euros à laquelle il convient d'ajouter la TVA, conformément à l'avenant du 14 avril 2018.

Sur la demande de dommages et intérêts de la société Potomac

La société Potomac Transactions soutient que sa demande de dommages et intérêts, à hauteur de 10 000 euros, en réparation du préjudice subi est fondée aux motifs qu'outre son préjudice moral qui résulte des termes péjoratifs employés dans la lettre servant de justificatif pour prouver ses manquements contractuels, son préjudice matériel résulte de la mauvaise foi du mandant dans l'exécution du mandat.

La société Kervita soutient que la demande de dommages et intérêts, à hauteur de 10 000 euros, en réparation du préjudice subi par la requérante est infondée au motif que celle-ci ne rapporte pas la preuve de l'existence d'une faute, d'un préjudice et d'un lien de causalité. Le préjudice moral et d'image n'est pas démontré et ne peut résulter du caractère vexatoire de la lettre de Monsieur [D].

Ceci étant exposé, la société Potomac ne justifie pas de l'existence d'un préjudice moral et d'une préjudice matériel autre que celui qui est réparé par la condamnation de Kervita à lui payer l'honoraire de succès.

Le jugement entrepris sera dès lors confirmé en ce qu'il a débouté la société Potomac de sa demande de dommages et intérêts.

La décision déférée sera également confirmée en ses dispositions relatives aux dépens et à l'article 700 du code de procédure civile.

La société Kervita partie perdante sera condamnée aux dépens d'appel et déboutée de sa demande d'indemnité de procédure. Elle sera condamnée à payer à la société Potomac, sur ce fondement, la somme de 7 500 euros.

PAR CES MOTIFS,

La cour,

CONFIRME le jugement entrepris en toutes ses dispositions à l'exclusion de celle relative au montant de la condamnation ;

Statuant à nouveau sur ce chef,

CONDAMNE la société Kervita à payer à la société Potomac Transactions la somme de 3 373 322 euros HT, outre la TVA ;

CONDAMNE la société Kervita aux dépens d'appel dont distraction au profit de Maître Audrey Hinoux en application de l'article 699 du code de procédure civile ;

DÉBOUTE la société Kervita de sa demande d'indemnité de procédure ;

CONDAMNE la société Kervita à payer à la société Potomac Transactions la somme de 7 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,

S.MOLLÉ E.LOOS


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 5 - chambre 10
Numéro d'arrêt : 21/14295
Date de la décision : 19/06/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-06-19;21.14295 ?
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